"Vomito Negro" de Jean-Gérard Imbar
L'histoire : Un homme politique d'extrême droite qui détourne à son profit l'héritage d'un fils de famille débile, c'est déjà rare. Mais un chauffeur-garde du corps nègre qui survit à l'affaire suffisamment longtemps pour la raconter, ça c'est carrément de la pure fiction.
La critique de Mr K : Voyage en terres sombres à plus d'un titre aujourd'hui avec un opus de la très bonne collection Série noire de Gallimard. Vomito Negro est une plongée sans concession, et parfois vertigineuse, dans les cercles de pouvoir et les groupuscules nationalistes, doublé d'un très bon roman noir mâtiné d'action à tous les étages. Attendez-vous à du brut de décoffrage !
Yann Kergall est breton et noir. Fils d'un capitaine au long cours, veuf à la naissance de son rejeton, il l'a éduqué à la française et ce dernier a formé pendant 10 ans les commandos marine dans la base de Lorient (c'est un local, yes !). Aujourd'hui, il est employé dans une boîte de sécurité fort prisée par les huiles du tout Paris. Le hasard d'une mission le voit se faire confier la sécurité d'un fils à papa milliardaire, un être dégénéré et proche des mouvances d'extrême droite radicale. La vie n'est pas de tout repos pour notre métisse, confronté à la folie galopante de son client et ses rapports particuliers avec sa mère, à une domestique oppressante car trop pressante à son endroit, à des compromissions d'État, à des commandos extrémistes qui vont de plus en plus loin dans leurs actions et à une course au magot plus complexe qu'elle ne semblait au départ.
On ne perd pas de temps dans cette lecture très rapide (un après-midi à la plage pour moi, doucement bercé par un soleil rasant) et plaisante au possible même si elle ne révolutionne pas le genre. Le décor est planté dès le premier chapitre par une scène haute en pression où le héros doit intervenir pour éviter que son client ne fasse une grosse bêtise (en l’occurrence tuer sa mère, ce qui vous l'avouerez n'est pas rien...). D'emblée, on sait que l'auteur ne va pas perdre de temps à caractériser personnages et situations, les éléments éclairants sont dispatchés au fil des scènes d'action et d'introspection d'un héros brinquebalé par les événements malgré une propension à la préparation et à la prudence de sa part.
Yann est un monolithe que rien ne semble pouvoir atteindre. Malgré l'antipathie qu'il éprouve pour ses employeurs, il aime le travail bien fait et si sur son chemin se présente une belle occasion (femme ou fric), il ne se gène pas pour se servir au passage surtout qu'il sent très vite le vent tourner quand à la suite d'une soirée, il se trouve mêlé aux activités délictueuses de son client. Ce dernier entretenant depuis des années des rapports quasi incestueux avec une mère castratrice au possible ne contrôle rien ou pas grand chose, se fait manipuler par sa génitrice mais aussi la mouvance d'extrême droite qui lorgne sur sa fortune... Les événements vont se précipiter et bien malin celui qui peut deviner le dénouement tant les péripéties sont nombreuses.
Il flotte aux dessus de ces pages l'odeur du souffre, du pouvoir, du sexe et de l'argent. On navigue en eaux troubles et on en redemande. Les rouages sont connus mais on se plaît à les redécouvrir par le biais d'un personnage central charismatique. On est rarement surpris mais l'écriture simple et frontale de l'auteur fait merveille, accroche l'amateur de roman noir que je suis et on ne peut s'empêcher de poursuivre la lecture tant on souhaite connaître le fin mot de l'histoire. On trouve de très bons passages hard-boiled, "à l'américaine", notamment dans les passages de séduction / répulsion où intérêt et attirance se teintent de noirceur. Rien de révolutionnaire comme énoncé auparavant mais des recettes qui fonctionnent pour un plaisir de lecture renouvelé de page en page.
Une bonne lecture au final, idéale un après-midi d'été et qui fournit suspens et images fortes à un rythme trépidant et addictif à souhait. Avis aux amateurs !