"Le club des vieilles contre-attaque" de Margaret Atwood
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L’histoire : Trois retraitées, des gin tonics, un but commun : la vengeance.
Myrna, Leonie et Chrissy se réunissent tous les jeudis pour siroter des cocktails, déguster des fromages raffinés et, depuis peu, réfléchir à un meurtre.
Il y a plusieurs dizaines d'années, une vicieuse conjuration de poètes masculins s'est ingéniée - avec succès - à saper la carrière d'écrivaine, la confiance et la santé de leur cher ami Fern. Aujourd'hui, alors que l'état de Fern empire, les trois acolytes décident qu'il est enfin temps de riposter. En secret, bien sûr, car Fern est bien trop gentille pour approuver une vendetta. Tout ce dont elles ont besoin, c'est d'un plan.
La critique de Mr K : C’est par hasard que je suis tombé sur ce titre lors d’une sortie scolaire avec mes élèves dans une librairie indépendante du secteur. J’avais adoré ma lecture de La servante écarlate et c’était l’occasion pour moi de renouer avec Margaret Atwood, une auteure qui m’avait fasciné lors de ma lecture par sa maestria narrative et stylistique. On retrouve toutes ces qualités ici rassemblées dans un format court (une soixantaine de pages) donc incisif. Ce fut une lecture très rapide et globalement très satisfaisante.
Nous faisons connaissance avec une bande de vieilles copines qui se réunissent très régulièrement et s’occupent de Fern, celle dont la santé a le plus décliné et qui plus jeune s’est vu humiliée et ralentie considérablement dans sa carrière d’écrivain par une bande de jeunes poètes fats et frustrés. Bien que l’action se déroule bien avant l’émergence du tout internet et des réseaux sociaux, ils se sont employés à la démolir méthodiquement lors de la sortie d’une anthologie de poésie qu’elle dirigeait. Critiques saignantes et injustifiées, interview à charge, travail de sape et bouche à oreille médisant auprès du plus grand nombre font exploser en vol la trajectoire pourtant brillante d’une jeune poétesse à l’avenir radieux. L’heure de la vengeance a donc sonné et les trois amies Myrna, Léonie et Chrissy vont s’y employer. Mais comment s’y prendre ? Elles passent en revue un certain nombre de modus operandi et passer à l’acte, ou du moins essayer…
On se prend très vite d’affection pour ces vieilles canailles qui ont chacune eu une vie bien remplie. Toutes à la retraite, elles ne se sont jamais vraiment perdues de vue depuis l’université malgré les aléas de la vie, la construction de leurs familles respectives. Il se dégage de leurs réunions et discussions une franche amitié de celles où on se dit tout sans censure ni précautions multiples. Elles se connaissent par cœur et démarrent au quart de tour. C’est une vraie invitation à partager ces liens puissants qui nous est envoyée. Au gré des discussions, on aborde nombre de sujets dont certains sont chers à l’auteure notamment les femmes, leur condition d’existence, le patriarcat qui peut se révéler étouffant et destructeur. C’est fin, ça se déguste et le style d’écriture enveloppe le tout avec élégance.
Et puis, il y a l’élaboration de la vengeance en elle-même. Cela donne lieu à de sérieux débats sur la méthode, l’objectif en lui-même. On passe délicieusement du pratico-pratique aux questionnements moraux inhérents à ce genre de pulsions meurtrières. Les passages concernés sont une petite merveille de cynisme, de décalage. On sourit donc beaucoup, les petites vieilles ayant l’art de couper les cheveux en quatre et rien ne semble satisfaire leur envie d’en découdre avec les hommes incriminés. C’est d’ailleurs le seul bémol de cette lecture, la fin arrive bien vite et ne m’a pas satisfait à 100%. J’avoue qu’arrivé à la moitié de ma lecture, j’avais deviné le dénouement ce qui est toujours dommageable dans ce type d’ouvrage.
Pour autant, je garde un très bon souvenir de cette lecture aisée et très plaisante (ça se lit d’une traite), des personnages inoubliables et une charge bien sentie contre les virilistes de tout bord. A découvrir donc.