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Le Capharnaüm Éclairé

12 juin 2025

"Angel, l'Indien blanc" de François Place

 

L’histoire : Corvadoro s’effaça brusquement devant moi en plongeant le buste. Je ne l'avais jamais vu faire ce drôle de geste. "Cela s'appelle une révérence, m'expliqua-t-il. Ne vous méprenez pas, Angel, ce n'est pas devant vous que je m'incline, c'est devant votre destin ! Lorsqu'on rencontre quelqu'un dont la chance sort autant de l'ordinaire, il ne faut pas se refuser le plaisir de la saluer au passage, vous ne croyez pas ?

 

La critique de Mr K : Place à l’aventure aujourd’hui avec cette lecture délectable à souhait qui m’a replongé dans mes premiers souvenirs de lecture, quand je découvrais Stevenson, Verne ou encore Wells dans mes premières grandes expériences de lecture. Angel, l’Indien blanc de François Place est un court roman prenant à souhait, qui ne laisse aucun répit au lecteur littéralement prisonnier de ces pages.

 

Angel est métis, fruit du viol de sa mère lorsque celle-ci a été enlevé par une tribu indienne venue piller la demeure d’un riche colon blanc exploitant leurs terres immémoriales. Vendu comme esclave, il est séparé d’elle très jeune et doit vivre sous le joug d’un maître cruel. L’occasion va se présenter pour qu’il s’enfuit et qu’il rejoigne comme passager clandestin, un navire parti à la découverte de nouvelles terres australes. Très vite repéré, le capitaine le garde à son service comme matelot. Le récit débute vraiment alors et fait la part belle à la vie à bord, un genre que j’affectionne tout particulièrement.

 

Arrivé à destination, un groupuscule doit explorer ces territoires vierges ou presque. Ils vont faire la connaissance d’une tribu primitive parmi laquelle vont devoir séjourner, suite à un concours de circonstances, Angel et Corvadoro, un scientifique féru de sociologie et de découvertes. Les autres membres d’équipage sont sensés venir les chercher mais la venue d’un hiver précoce et glacial va bloquer le navire dans la glace et obliger l’équipage à survivre dans des conditions extrêmes. On suit en parallèle ces deux arcs narratifs qui finiront, vous l’imaginez bien, par se rejoindre.

 

J’ai vraiment retrouvé les sensations de mon enfance lorsque je lisais des récits d’aventure en mer, d’exploration. Adapté à un lectorat jeune et sans trop d’expérience, cet ouvrage n’est pas pour autant simpliste et léger. L’auteur n’alourdit jamais son propos, va à l’essentiel mais pour autant l’immersion est totale. On se croirait vraiment à bord avec ses fortunes de mer, les rapports hiérarchiques, le quotidien rude mais aussi enthousiasmant pour Angel qui découvre la vie et qui il est vraiment.

 

Les personnages sont tous très bien croqués. Bien sûr, on est dans l’archétype classique de ce type de roman, on n’est jamais vraiment surpris par leur développement par exemple, mais ça fait le job et même rudement bien. C’est réaliste, souvent bien pensé et la rencontre avec les autochtones va révéler bien des choses à commencer par Angel et le chemin qu’il va choisir de suivre et non celui qu'on lui a imposé jusque là. Cet aspect initiatique sans être au cœur de la trame est bien troussé et agréable à lire.

 

Le background est quant à lui bien distillé, sans en faire trop mais suffisamment pour s’imaginer l’époque et les lieux. Les descriptions sont courtes mais suffisantes et efficaces. De la vie d’esclave à celui d‘homme d’équipage, les coutumes des populations australes, la vie des phoques et leur interaction avec les humains, les croyances et espérances de chacun… tout se mélange parfaitement et propose un voyage passionnant de bout en bout.

L’ouvrage se lit d’une traite avec un plaisir renouvelé, François Place s’y entend pour tenir ses lecteurs en haleine et proposer un récit vif et profond à la fois. Une belle expérience que je vous invite à entreprendre au plus vite.

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10 juin 2025

"Au loin, une montagne..." de Chongruie Nie

 

L’histoire : En 1966, contraint de travailler comme ouvrier dans une usine de construction à Pékin, Chongrie Nie doit mettre de côté son rêve de devenir dessinateur. Deux ans plus tard, en pleine révolution culturelle, il est envoyé dans une usine d’armement de la province de Shanxi à Guan Cen Shan. Saisi par la beauté qui l’entoure, Chongrie Nie choisit de vivre cette expérience comme une bénédiction plutôt qu’une épreuve. Au fil des pages de ses carnets, il dépeint la jeunesse chinoise sous la révolution culturelle, l’industrialisation à outrance et l’exploitation sauvages des ressources. Ses dessins se veulent également les témoins uniques des vestiges Ming détruit sous l’ère maoïste. Depuis, la montagne ne cesse de le rappeler à elle. Après quatorze ans, Chongri Nie effectue son deuxième voyage à Guan Cen Shan. Puis son troisième, encore quatorze ans plus tard. À chaque voyage, c’est la Chine qui se transforme sous son crayon.

 

 

La critique de Mr K : Attention chef-d’œuvre ! Aussi magnifique dans la forme que profond dans sa proposition, Au loin, une montagne de Chongruie Nie propose un voyage stupéfiant dans une région de Chine qui a irrémédiablement charmé l’auteur et ceci à différentes époques, depuis la Révolution Culturelle sous Mao au début du XXème siècle. Une sacrée expérience !

 

 

Les souvenirs liés à la montagne Guancen n’ont jamais quitté l’auteur et c’est à 70 ans environ qu’il décide de les mettre en images, lui qui était au plus bas de son existence quand il est allé là-bas pour la première fois. Orphelin de père, on lui refuse de poursuivre son chemin d’artiste et il devient apprenti mécanicien dans la 6ème compagnie de travaux de construction. Il quitte Beijing et sa famille pour la région de Ningwu située en altitude et où le climat est plus rude. Pour autant, c’est avec joie qu’ils pénètrent dans ces montagnes. Leur objectif  construire une usine d’armement spécialisée dans l’artillerie.

 

 

L’auteur nous raconte le quotidien au travail, la camaraderie et la dureté des tâches à effectuer. C’est aussi des rencontres enrichissantes notamment avec les familles paysannes du cru. Il se fera un bon ami (Zhan Juquan) qu’il recroisera à de nombreuses occasions et dont la famille sera toujours accueillante. L’auteur marche beaucoup, découvre des lieux parfois insolites, admire la nature sauvage que l’on fait reculer de plus en plus au nom du progrès et de la cause nationale, on détruit même de vieux temples que l’on reconstruit en mode bling bling après. La Garde Rouge sévit et tout ce qui ne rentre pas dans le moule maoïste est détruit, vandalisé. Quant aux opposants, leur sort est peu enviable. Les voyages suivants mettront en perspectives ses premières impressions et permettent d’observer le passage du temps, des hommes et des idéologies.

 

 

L’ouvrage se lit avec une facilité déconcertante. Il y a tout d’abord ces dessins crayonnés en noir et blanc qui saisissent littéralement le cœur. C’est splendide, très fin, croqué de manière juste et immersive. Talentueux portraitiste, le trait est rigoureux, généreux et très documenté. Quel talent ! Les textes ne sont pas en reste avec de belles évocations des mœurs, de la pression politique et de l’expérience personnelle vécue. Chongrui Nie dit que ce livre est avant tout un livre sur le Shanxi, sur cette région à laquelle il est attaché et sur son amitié avec le paysan Zhang Juquan. Pour autant transparaissent ici ou là les préoccupations qu’il a pu avoir et les observation brutes sur un pays en proie à la dictature maoïste. On navigue donc constamment entre contemplation et réflexion sur les non-dits et le contexte. Passionnant !

 

 

Vite lu, on y retourne cependant pour en reprendre plein les mirettes et revivre certains passages clefs. Œuvre réaliste chargée d’émotions parfois contradictoire, voila un ouvrage unique en son genre qui rentre immédiatement dans mon top ten des meilleurs romans graphiques que j’ai pu lire. Un incontournable !

6 juin 2025

"La Dissonance" de Shaun Hamill

 

L’histoire : Quand ils étaient adolescents, dans la petite ville de Clegg, au Texas, Athena, Erin et Peter ont appris à maîtriser la Dissonance, une magie qui exploite les émotions négatives – isolement, colère, mal-être, jalousie… Hal, leur ami, s’est quant à lui découvert capable de se projeter dans un lieu a priori inaccessible : le Temple de la Douleur. Puis un drame les a séparés et les trois survivants se sont dispersés à travers le pays. Sans doute pour oublier, passer à autre chose. Vingt ans plus tard, prisonniers de vies banales, les voilà invités à retourner à Clegg pour clore le chapitre le plus douloureux de leur existence. La Dissonance leur permettra-t-elle d’éviter une nouvelle tragédie ou, au contraire, accélérera-t-elle l’inévitable ?

 

La critique de Mr K : Superbe lecture que ce roman dense de plus de 600 pages addictif à souhait. Vous prenez le film Les Goonies, la série Stranger Things et la trilogie Ça de Stephen King, vous mélangez le tout avec le talent d’un bon écrivain et vous obtenez La Dissonance de Shaun Hamill, un petit bijou de roman initiatique et fantastique comme on en lit rarement.

 

L’ouvrage se déroule à différentes époques à Clegg, une petite ville lambda du Texas. Tout prend racine dans les années 90 autour de quatre jeunes amis qui vont se découvrir un lien avec La Dissonance, une magie très ancienne qui leur donne des pouvoirs extraordinaires. Seul l’un d’entre eux ne répond pas à cet appel mais possède un rôle mystérieux, il peut en effet rejoindre instantanément un étrange lieu connu sous le nom de temple de la douleur. A eux quatre, ils forment un coven dirigé et conseillé d’une main de fer mais bienveillante par le professeur Marsh, vieil érudit habitant une demeure ancienne qui devient le deuxième foyer des héros. Mais une sourde menace pèse sur eux et va bousculer leurs existences, les séparant de manière définitive ou presque… Des dizaines d’années plus tard, à l’occasion de la commémoration d’un anniversaire tragique, ils vont être confrontés à leur passé et devoir affronter leurs peurs les plus intimes.

 

Ce livre nous parle de manière remarquable de l’adolescence et l’aspect initiatique de cet âge où l’on se cherche et où l’on flirte avec les limites. Les premiers amours ou émois avec son lot de questionnements alambiqués, les hésitations et les fêlures qui sont le propre des relations humaines, la confusion entre amour et amitié, les premières impressions comme la chaleur d’un corps désiré, des esprits qui se mêlent ou s’opposent de manière franche… cela donne lieu à de belles pages de discussions entre rires, larmes, colères autour de thématiques fortes et forcément des passages marquants, aussi à l’occasion des flashback troublants sur notre propre expérience d’adolescent. Franchement top !

 

Chaque personnage porte son fardeau : Athéna est handicapée avec une jambe qui la fait constamment souffrir et elle souffre d’une blessure d’amour toujours pas cicatrisée ; Hal est devenu toxicomane et nourrit un sentiment de culpabilité dont il ne peut plus se défaire depuis le décès de sa mère (c’est lui qui n’a d'affinités avec la Dissonance) ; Erin a perdu l’amour de sa vie et n’a jamais réussi à s’en remettre ; le professeur Marsh est un paria dans la communauté de la Dissonance et défend des idées et des positions en marge… Les allers-retours constants entre les périodes soulignent tous ces points, les nourrissent et nous emportent dans une constellation de sentiments contradictoires ultra-réalistes malgré l’aspect fantastique du roman.

 

Au cœur du récit donc, on trouve la fameuse Dissonance, une magie antédiluvienne basée sur les éléments et un ésotérisme profond et qui, quand on la maîtrise, peut tout permettre ou presque. Il faut d’abord apprendre un langage, des signes particuliers avant de se lancer dans des rituels à double tranchant où la moindre erreur peut être fatale. Manipulation de l’espace, du temps, rencontre avec des êtres féeriques, des puissances occultes à l’œuvre et qui semblent manipuler les uns et les autres comme des pions sur des échiquiers, des espaces parallèles où se jouent le sort des personnages, des ponts construits avec la culture chrétienne avec notamment les notions d’Enfer et d’âmes… On est souvent transporté ailleurs dans tous les sens du terme avec au passage des images folles, inédites et l’impression d’entrer dans un univers à part, à la fois passionnant mais aussi flippant. Le background est donc très réussi, cohérent.

 

L’auteur en profite pour lancer quelques petits piques bienvenue au passage sur les États-Unis actuels à l’occasion notamment de discriminations faites aux minorités. Ainsi, les parents d’Athéna lui disent à de nombreuses reprises de se méfier des policiers lors des contrôles d’identité et de ne pas se rebeller même si certains propos ou méthodes employés sont injustes. La Police fait clairement peur et l’on retrouve ici une réalité partagée depuis trop longtemps (cf affaire George Floyd notamment). D’autres passages font référence à cette Amérique fracturée, repliée sur elle-même et très éloignée au final des idéaux des pères fondateurs. On se distrait beaucoup avec cet ouvrage mais on réfléchit et on nourrit aussi sa pensée.

 

Les différentes périodes s’entrelaçant entre les aventures des adolescents et leur retour sur place quand ils approchent de la cinquantaine donnent une trame riche et tortueuse mais jamais hermétique, tout s’enclenche et se complète parfaitement. Le rythme segmenté est très bien construit, maintenant un suspens constant et entretenant à la perfection les attentes et les espoirs du lecteur. Le ton passe allégrement du léger au dramatique, limite épique à l’occasion. C’est parfois thrash avec du gore bien saisi mais jamais gratuit, des pertes irréparables voire massives (attendez de lire ce qui se passe au lycée -sic-) mais aussi tendre et intimiste entre certains protagonistes où tout se joue parfois dans les non-dits, un regard, un ressenti.

 

L’ensemble dégage une puissance évocatrice peu commune magnifiée par une écriture accessible et exigeante à la fois. Ce fut un pur bonheur de lecture, un ouvrage à lire absolument pour tous les amateurs du genre et même les autres.

3 juin 2025

Bonne pioche de poches !

 

Je vous présente aujourd'hui une partie de ma belle récolte de livres de poche des derniers mois. Pour cette fois-ci, ce sera 100% littérature de genre, 100% Mr K ! Certaines trouvailles sont l’œuvre de Nelfe que je soupçonne parfois de vouloir flinguer ma PAL (merci chérie !), d'autres sont le fruit de hasards heureux ou d'errance contrôlée dans des magasins de seconde main, lieux de perdition que j'aime fréquenter régulièrement. Regardez plutôt.

 

 

Oooooh ! Les belles prises ! De la SF et de la fantasy comme s'il en pleuvait pour des heures de futures lectures prometteuses. Une petite présentation s'impose !

 

 

- Le Soldat chaman (intégrale) de Robin Hobb. En exclusivité mondiale -sic-, voici ma lecture programmée pour cet été et ma première lecture de cette auteure dont on m'a beaucoup parlé et que je vais découvrir pour l'occasion. Intégrale de fantasy dégotée à prix d'or, on suit ici le destin de Jamère, un jeune homme promis à une grande carrière militaire mais qui va s'engager dans une autre voie mêlant le maniement des armes et la communication avec les esprits. Hâte de découvrir la plume de Robin Hobb, cette saga est en plus bien cotée bien que moins connue que celle de L'Assassin royal

 

 

- Retour au pays de Robin Hobb. Un bonheur ne venant jamais seul, j'ai aussi dégoté ce court ouvrage de Robin Hobb écrit sous forme de journal de bord, un livre qui constitue selon la quatrième de couverture un prélude aux cycles des Aventuriers de la mer et de L'Assassin royal. Une aubaine sur laquelle je me suis jeté immédiatement où l'on suit une famille frappée d'exil qui doit refaire sa vie dans un environnement hostile et mystérieux. Ça donne envie !

 

- La Main gauche de la nuit d'Ursula Le Guin. Une auteure que j'adore pour un pitch peu commun et attisant la curiosité. Sur une planète glacée lointaine, il n'y a ni hommes ni femmes, seulement des êtres humains qui adoptent selon les circonstances les caractères de l'un ou l'autre sexe. Un envoyé de la Terre pourrait bien bouleverser ces sociétés pacifiques. 

 

- Sorceleur : Le Baptême du feu d'Andrzej Sapkowski. Enfin, j'ai mis la main sur le tome 5 de cette série enthousiasmante entre toute que m'a fait découvrir une amie en m'offrant les quatre premiers volumes. J'ai bien hâte de retrouver Geralt et ses compagnons de fortune entre action, émotion et franche rigolade par moment avec Jaskier, barde émérite de son état. 

 

- Chroniques du chevalier errant de George R. R. Martin. J'adore cet auteur bien que ne croyant plus à son écriture de la fin du cycle du Trône de fer, sa lenteur se pose là. Reste des livres que je n'ai pas encore lus dont celui-ci situé 90 ans en amont, composé de trois récits qui lèvent le voile sur certains aspects du passé des sept couronnes. À défaut de grive, on mange du merle et celui-ci devrait être savoureux.

 

- Les Rois des sables de George R. R. Martin. Même auteur mais genre différent avec ce recueil de nouvelles entre SF et fantasy. J'avais lu Chanson pour Lya, œuvre de jeunesse où l'auteur alternait textes marquants et dispensables. Gageons que cet ouvrage sera meilleur, je veux tenter le coup car George R. R. Martin est un incontournable chez moi.

 

 

- La Caverne de la glace noire de J. V. Jones. Premier volume du cycle L'épée des ombres, ce pavé de plus de 800 pages nous plonge dans les Maleterres, un lieu hostile figé dans un hiver éternel. Au nord des clans guerriers en conflit et au sud des seigneurs avides qui veulent s'accaparer les terres des clans. Ça promet de friter sévère ! J'ai beaucoup entendu de bien de cette auteure dont ce sera ma première lecture, j'espère que je vais apprécier le voyage que l'on promet radical à sa manière.

 

- Mytale d'Ayerdhal. Dans un monde dépourvu totalement de technologie et dirigé par une poignée de dictateurs immortels, une rescapée d'une expédition ayant viré au fiasco va devoir apprendre à survivre en proscrite sur une planète pour le moins étrange où le maître mot est "mutation". Quatrième de couverture fascinante et un auteur à l'aura toujours brillante ont eu la peau de mes bonnes résolutions de rester raisonnable dans mes acquisitions. Je pense que je ne devrais pas le regretter une fois encore.

 

 

- Rut aux étoiles de Philippe Curval. Roman d'aventures spatio-temporelles à l'ancienne, il suit les pérégrinations d'un pilote spatial radié par ses autorités pour des raisons fumeuses. Il pensait se la couler douce grâce aux profits qu'il vient de tirer de la vente de vin aphrodisiaque mais il va bien vite se rendre compte qu'il n'est qu'un pion dans un enjeu futur essentiel. J'aime bien à l'occasion lire de la SF bien vintage, on est en plein dedans ici !

 

- De peur que les ténèbres de L. Sprague de Camp. Voyage dans le temps au programme de cet ouvrage datant de 1972 pour sa traduction française. Un homme se retrouve projeté 1400 ans avant sa naissance, ça flirte bon avec l'effet papillon cette affaire. 

 

- La Planète folie de John Brunner. Les hommes partent coloniser la planète Asgard que les sondes spatiales avaient repéré comme sans danger, possédant un sol fertile et une flore étrange. Mais la folie guette les colons dès les premiers mois d'installation, la planète semble se défendre contre ces intrus venus de nulle part. Les hommes sauront-ils découvrir la vérité d'Asgard, l'écouter, la respecter ? C'est très prometteur une fois de plus.

 

- Une chasse dangereuse de Clifford D. Simak. 7 nouvelles SF d'un maître du genre constitue ce recueil que je n'avais pas en ma possession. J'aime beaucoup Simak qui occupe une place à part dans la galaxie SF des années 60 / 70, je pense que je vais me régaler avec ces histoires d'extra-terrestres bricoleurs, de maisons volantes, de proies devenant prédateurs et d'intelligence augmentée. Wait and read !

 

- La Génération finale de Clifford D. Simak et Retour de Robert Silverberg. Deux auteurs culte en un volume avec ce "double future SF" venu du siècle dernier, deux récits autour de l'Homme, sa Nature et peut-être son but ultime. Là encore, je ne prends pas trop de risque, je vais aimer cette lecture. 

 

Je pense que j'ai de quoi m'occuper... Et dire que ce n'est qu'une partie des acquisitions qu'il me reste à vous présenter dans les semaines à venir. Addiction, addiction...

29 mai 2025

"Nouveau monde" de David Jesus Vignolli

 

L’histoire : Nouveau Monde entrelace les histoires de trois personnages : une indienne en quête de vengeance contre ceux qui ont envahi son pays, un musicien africain qui se bat pour la liberté contre ceux qui l’ont asservi et un marin portugais en quête de rédemption. Ces trois héros improbables, liés par le destin, œuvreront ensemble pour libérer le Nouveau Monde de l’obscurité de l’ancien.

 

La critique de Mr K : Nouvelle découverte de médiathèque avec cet ouvrage emprunté à l’aveuglette, seulement guidé par mon instinct et la lecture de la quatrième de couverture. Nouveau monde de David Jesus Vignolli, un auteur que je découvrais pour l’occasion, est une lecture recommandable, au message universel mais non exempt de défauts. Vous l’avez compris, j’ai été moyennement conquis.

 

La découverte de l’Amérique par les européens a changé la face du monde, découverte de nouvelles terres, de nouveaux produits et début d’une exploitation féroce qui met à mal la culture et l’existence même des natives. Via trois voix différentes, nous posons à notre tour les pieds sur ce nouveau monde où se joue un combat terrible pour la préservation de liens ancestraux et de la liberté.

 

 

On suit ainsi Iracema, une jeune guerrière indienne qui refuse le dictat des européens et défend ses terres âprement. Libre et sauvage, elle part régulièrement en forêt pour la chasse et espionner les Blancs. Elle va tomber sur une scène qui la révulse : un esclave noir est rattrapé alors qu’il tentait de fuir. Le concept même de servitude est totalement absent dans les croyances et mœurs des indiens, animistes dans l’âme qui vivent par et pour la forêt. Cet homme c’est Amakaï et par un concours de circonstance (et une intervention divine), il se retrouve à fuir les colons et à embarquer sur le bateau de Bartholomeu, un navigateur portugais en quête de rédemption.

 

 

Je m’arrête volontairement là pour ne pas en dire trop mais l’histoire se poursuit au fil de rebondissements nombreux, de passages quasi oniriques parfois qui étoffent les attendus du lecteur et nourrissent son imagination. Il y a volontiers un côté planant dans ces planches notamment quand on rencontre certaines divinités indiennes et lors de l’évocation du passé douloureux de l’invasion des européens. Pour autant, c’est plutôt cousu de fil blanc, je n’ai jamais été vraiment surpris et on est dans une narration classique et une trame attendue, c’est dommage.

 

 

Pour autant les messages sont porteurs et beaux. Le droit des peuples à disposer d’eux-même essentiellement avec une belle évocation des traditions indiennes, de la transmission de la culture et la lutte (inégale mais lutte quand même) contre les démons venus s’emparer des terres ancestrales. Bonne mention de l’esclavage et sa réalité avec des planches cruelles mais aussi porteuses d’espoir avec Amakaï, le musicien courageux qui va se voir pousser des ailes suite à sa rencontre avec la jeune indienne.

 

 

Reste un obstacle de taille qui m’a quelque peu gâché la lecture : le parti pris esthétique. Je n’ai pas adhéré au dessin en lui-même. Je n’ai rien contre le style épuré mais ici je trouve que cela sonnait un peu froid et ne rendait pas vraiment grâce à la vitalité et la sève de vie que contiennent ces pages. Manque de dynamisme, traits simplistes des personnages gâtent donc l’émotion que l’on s’attendait à recevoir. On referme l’ouvrage un peu déçu. L’histoire est belle mais la mise en image manque de percussion.

 

Une bande-dessinée qui me laisse donc mitigé et que chacun pourra découvrir si l’envie lui en prend.

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24 mai 2025

"La Forme et la couleur des sons" de Ben Shattuck

 

L’histoire : Été 1919. Deux jeunes hommes, liés par un amour placé sous le signe de la musique, partent recueillir des chansons traditionnelles dans les campagnes du Maine, avant que l’un d’eux ne disparaisse brusquement. Des années plus tard, dans la maison où elle vient d’emménager, une femme retrouve les cylindres de cire enregistrés lors de ce fameux été… La première nouvelle de Ben Shattuck donne le ton de ce magnifique recueil qui explore le lien entre l’amour et la perte, et la manière dont celui-ci se métamorphose au gré du temps. Empruntant la forme musicale et poétique du « hook-and-chain », popularisée au XVIIIe siècle en Nouvelle-Angleterre, l’auteur relie chacune des nouvelles, tramant un récit où la mémoire d’un chaînon du passé resurgit fortuitement.

 

La critique de Mr K : Superbe lecture que ce recueil de nouvelles que je vais vous présenter aujourd’hui. Dernier né du genre dans la collection Terres d’Amérique de chez Albin Michel, La Forme et la couleur du son de Ben Shattuck propose de très belles pièces écrites autour de la thématique de la perte, à travers une série de textes qui touchent fort et juste par leur profondeur et une forme stylistique parfaite.

 

Douze textes donc pour douze pépites. C’est suffisamment rare pour être souligné, toutes les nouvelles se valent et vont même au-delà car il arrive qu’elles se complètent chronologiquement, thématiquement et même se renvoient les unes aux autres grâce à des rappels très bien placés. Amour, perte, résilience, renaissance… chaque trame va explorer la psyché humaine au plus profond tout en s’ancrant dans un espace précis, la Nouvelle-Angleterre, fil rouge délectable et ô combien séduisant. L’époque elle, varie beaucoup selon les textes allant de la naissance des États-Unis à la toute fin du XVIIIème siècle jusqu'à notre époque.

 

On croise de nombreux personnages divers et variés qui ont en commun de vivre un moment clef de leur vie, un moment déterminant qui pourrait faire basculer leur existence dans un sens ou un autre. Il y a ce jeune homme qui doit retaper la maison de sa grand-mère et qui va tomber sur un objet pour le moins surprenant ; deux jeunes hommes qui partent récolter des chansons traditionnelles aux quatre coins du Maine ; cette femme blessée par la vie qui abandonne son tout jeune enfant ; ce trafiquant d’arbres qui franchit le Rubicon pour payer les dettes de son toxicomane de fils ; un poète en résidence dans un chalet isolé en pleine forêt pour qui est venu le temps de l’introspection et peut-être des révélations ; on lit le journal d’un bûcheron du début du XXème siècle parti trois mois loin de chez lui pour partir en coupe et dont le groupe montre de préoccupants soucis de cohésion face à l’adversité (la Nature se déchaîne) ; il est question dans deux nouvelles de grands pingouins et leur influence indirecte sur la vie d’humains ; on suit une communauté religieuse rigoriste qui part en quête de terres dans l’Ouest ; une jeune fille doit quitter son foyer car elle est enceinte… autant de destins mis à mal par l’existence et qui vont devoir réagir ou du moins réfléchir à la situation.

 

L’auteur est un orfèvre en matière de caractérisation des personnages. On ne le dira jamais assez mais il faut avoir un sacré talent pour réussir à planter un décor et des personnages en simplement quelques pages. Le défi est royalement relevé ici avec des personnages plus vrais que nature pour qui l’empathie fonctionne à plein régime. Certes, ils ne sont pas tous recommandables mais ils sont très complexes, nuancés et l’on s’attache immédiatement à eux. Ultra-réalistes, crédibles mais aussi parfois métaphysiques dans leur manière d’aborder les questionnements d’une vie, on se laisse porter par ses voix disparates mais tellement vraies. Il n’est pas rare qu’en fin de lecture nouvelle, on se rende compte que tel ou tel aspect du récit renvoie à sa propre expérience personnelle et fasse même remonter des souvenirs. L’effet est saisissant et la technique maîtrisée.

 

Ce recueil est aussi une vraie déclaration d’amour à la Nature avec un grand N. Ben Shattuck nous parle de la Nouvelle-Angleterre avec un amour qui perle de toutes les pages. On s’immerge dans les froids rigoureux et sauvages où l’homme n’est plus grand chose face aux éléments, on contemple un lever ou un coucher de soleil qui enflamme le ciel et les esprits, on contemple le doux murmure des cours d’eau poissonneux, on traverse des paysages vallonnés voire montagneux où solitude rime avec sérénité et béatitude. Pour reprendre le poète, "Tout est calme, luxe et volupté". Ce n’est pas un ouvrage pour les nerveux et autres excités du bulbe, ici on prend son temps, on goûte, on savoure, on ressent. Les mots défilent, se glissent et nourrissent l’imaginaire captif du lecteur imprégné volontaire et heureux.

 

C’est beau, puissant, humaniste et profondément addictif, le plaisir de lecture ne se dément jamais et l’on se dit qu’on aurait encore bien lu quatre ou cinq nouvelles de plus. Un bijou dans son genre, les amateurs de nouvelles ne doivent pas passer à côté.

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