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Le Capharnaüm Éclairé

28 novembre 2024

"Le café des au revoir" de Toshikazu Kawaguchi


L’histoire : "Je voulais que tu saches que mon bonheur, c’est à toi que je le dois." Ce sont les paroles de Monji, décidé à tout dire à sa femme plongée dans le coma. Comme lui, ceux qui fréquentent le café Funiculi Funicula espèrent y réparer le passé. Une tasse de café leur permettra de voyager dans le temps et d’adresser à l’absent le message d’amour qu’ils n’ont pas su formuler à l’époque.

 

Ainsi, Hikari qui se sent coupable de n’avoir pas répondu à la demande en mariage de son petit ami, disparu depuis ; Michiko, hantée par le souvenir de son père qu’elle a rejeté ; Sunao, qui pleure son chien adoré… Sauront-ils dire au revoir à leurs aimés et, ce faisant, se réconcilier avec eux-mêmes ? Car pour honorer la mémoire des absents, il faut d’abord trouver la paix en soi.

 

La critique de Mr K : En novembre de l’année dernière, j’avais lu et fortement apprécié Le café où vivent les souvenirs de Toshikazu Kawaguchi, un ouvrage solaire, léger et enivrant. L’auteur est de retour en 2024 avec Le café des au revoir, une nouvelle série de courts textes mettant en scène de nouveaux clients du fameux établissement où l’on peut revenir dans le passé simplement en s’offrant une tasse de café. La magie opère une fois de plus instantanément avec ce nouvel opus tout aussi séduisant que les précédents et qui se lit d’une traite.

 

Retour au café Dona Dona donc avec à nouveau une série de personnages que la vie n’a pas épargné, chacun à sa manière. Ils entrent tour à tour dans le café, plus ou moins convaincus par les rumeurs qui courent sur les lieux et finalement, ils vont franchir le pas une fois la dame en blanc partie aux toilettes et ayant libéré la fameuse table où le miracle peut avoir lieu. Ce fantôme veille jalousement sur cette place et elle a le caractère bien trempé. Une fois installé, le client peut se faire servir un bon café et l’on peut revoir les êtres aimés ou disparus si l’on respecte un certain nombre de règles.

 

Une jeune femme, culpabilisant d’avoir rejeté son père depuis décédé lors d’un tremblement de terre, souhaite ainsi le revoir pour pouvoir échanger avec lui, une autre ne se remet pas de la perte de son chien et voudrait le revoir une dernière fois, une jeune femme qui culpabilise d’avoir rejeté la demande en mariage de son petit ami de l’époque... ce sont autant de personnages un peu perdus et en quête de solution. Le café Dona Dona va leur permettre de passer un cap, de mener à leur manière un travail d’introspection, revenir à l’essentiel et à la vie.

 

On retrouve tous les ingrédients qui ont fait des précédents opus de vraies réussites. Une simplicité et une universalité qui explosent en bouche à chaque récit que l’on parcourt, des évidences de vie sans tomber pour autant dans le moralisateur ou le cucul. L’auteur a un don certain pour apporter de la sagesse dans chacune des situations qu’il décrit, dans un style simple, épuré mais d’une profondeur extrême. L’âme humaine ne semble avoir aucun secret pour lui et l’on se régale de ces voyages dans le passé qui révèlent beaucoup de choses sur ce que nous sommes comme êtres humains.

 

La lecture fut aisée, passionnante et divertissante et l’on se plaît à retrouver ce café pas comme les autres. Les amateurs de littérature nippone et de récits initiatiques ne s’y tromperont pas, on est face à une nouvelle œuvre de goût réjouissante au possible.

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25 novembre 2024

"Gladiator 2" de Ridley Scott


L'histoire :  Des années après avoir assisté à la mort du héros vénéré Maximus aux mains de son oncle, Lucius est forcé d'entrer dans le Colisée lorsque son pays est conquis par les empereurs tyranniques qui gouvernent désormais Rome d'une main de fer. La rage au cœur et l'avenir de l'Empire en jeu, Lucius doit se tourner vers son passé pour trouver la force et l'honneur de rendre la gloire de Rome à son peuple.

 

La critique de Mr K : 4/6. Un très bon spectacle qui vire parfois au ringard, voila ce que je pourrais dire pour présenter mon avis à venir. Ridley Scott est décidément un beau faiseur, il est toujours efficace mais ce métrage ne fera pas partie de mes préférés. En même temps, le réalisateur a déjà placé la barre très haute avec les indépassables Alien et Blade runner qui restent mes films préférés de lui.

 

L’action se déroule plus de dix ans après le premier opus. Anno (en fait Lucius mais il ne le sait pas encore) coule des jours heureux avec sa femme en Afrique du Nord dans une cité libre. Ils vivent d’amour et d’eau fraîche, entre culture et tours de garde. Mais la menace romaine approche, la ville va être prise et la dulcinée va périr laissant Anno seul avec sa vengeance. Fait prisonnier, il se retrouve gladiateur. La rage qui l’habite va lui faire grimper les échelons, le faire aimer du public, sous fond en parallèle de luttes d’influences dans un Empire sur le déclin, gouverné par deux empereurs jumeaux particulièrement retors. Il suffirait d’un rien pour que Rome tombe.

 

 

Très vite (dès le générique en fait) le lien se fait avec le premier film. On retrouve les mêmes arcs scénaristiques avec pour commencer un héros épris de vengeance et de justice. Ça tombe bien, il a rencontré Maximus dans le premier film, il était alors très jeune. Pas de réelles surprises durant tout le film donc avec une seule et unique quête habillée de trames annexes que l’on voit venir à dix kilomètres à la ronde. J’ai ressenti une sensation de guidance outrancière et je dois avouer que très vite je me suis lassé voire agacé. On pouvait aller plus loin dans la caractérisation des protagonistes.

 

 

Les méchants sont vraiment très méchants (les empereurs sont des caricatures, Denzel Washington en fait un max de son côté). La patte US est là, on tombe dans un manichéisme dégoulinant voire effarant. Ce côté too much fait retomber la pression et l’enthousiasme qui est bel et bien là pour de nombreuses autres raisons que je détaillerai plus tard. Les scènes intimistes sont attendues, surjouées souvent. On a l’impression d’assister à une pièce de théâtre où chacun avance ses pions. Le genre peplum est respecté en cela mais cela manque d’imagination, de folie. Celui qui sort son épine du jeu est le général romain plus nuancé, Pedro Pascal excelle comme d’habitude. Quelle présence et quel charisme ! Le jeune premier est pas mal et ne souffre pas de la comparaison avec Russel Crown, ce qui n’est pas rien. Les femmes quant à elles sont dans l’ombre, exposent une plastique parfaite, de belles plantes vertes alors que certaines auraient pu avoir un rôle bien plus étoffé...

 

 

Mais quand on va voir ce type de film, on attend aussi des scènes épiques. Et l’on peut dire que sur ce plan là, on est gâté. J’ai été littéralement scotché à mon siège plus d’une fois. L’attaque de la ville par voie marine met d’entrée de jeu dans le bain si je puis dire. Les scènes dans l’arène sont pour certaines vraiment stupéfiantes avec des scènes chorégraphiées, d’une violence extrême (le cavalier monté sur son rhinocéros restera dans toutes les mémoires), la reconstitution de scène de bataille navale dans le Colisée est puissante dans son genre (hormis les requins de trop, ridicule) et la tension est remarquablement retranscrite via les gladiateurs mais aussi le public déchaîné et qui a soif de sang. On en a clairement pour son argent à ce niveau là.

 

 

Malgré quelques erreurs anachroniques, la reconstitution historique est impressionnante. Une bonne partie de l’action se déroule à Rome et on est vraiment immergé dans cette cité, capitale d’un empire pluriséculaire au bord de l’implosion. Tout est extrêmement léché et tous les aspects sociétaux sont bien traités. L’image est belle, la BO aussi réussie que l’originelle et le rythme est ébouriffant par moments. On ne s'ennuie pas malgré les réserves que j'ai émies plus haut.

 

Ce fut un bon moment de cinéma, ce film est absolument à voir en salle obscure. Même si à mes yeux ce n'est pas un classique, je ne regrette pas un moment ma sortie cinoche. Avis aux amateurs !

23 novembre 2024

"Éloge de la lumière au temps des dinosaures" de Virginie Lou

 

L’histoire : A quarante ans passés, Solange s'emploie à maintenir en elle d'anciennes ferveurs humanistes comme pour protéger à son insu le sommeil où sa vie et son couple sont en train de sombrer.

Un soir, un jeune violeur de "la cité derrière" la réveille du songe où elle se tenait, la projetant dans le cauchemar de sa presque mort lors d'une nuit interminable, dont chacun, autour d'elle, va bientôt s'employer à occulter la barbarie.

 

La critique de Mr K : Les voix du hasard sont parfois incroyables. C’est lors d’une énième session craquage à notre Emmaüs que je tombais sur ce titre qui s’est par la même rappelé à mon attention. J’ai eu en effet le privilège de travailler avec Virginie Lou lors de mes classes de jeune prof dans le 93 à l'occasion d’un atelier d’écriture autour de l’amour, activité qui avait donné lieu à une lecture publique dans le théâtre de la cité des textes par leurs jeunes auteures (des terminales BEP secrétariat très talentueuses). Nous avions discuté elle et moi de littérature notamment et ma collègue documentaliste m’avait chaudement conseillé Éloge de la lumière au temps des dinosaures, un livre choc et rudement bien écrit selon elle. Le temps a passé, seules restent les pensées…

 

Et me voila donc à faire connaissance avec Solange, une quadra bien dans sa peau et son couple avec Serge. Elle possède un atelier où elle entasse tout un tas de choses sans lien apparent, elle en restaure quelques unes ce qui lui permet de vivoter sans pour autant vivre au crochet de son mari, voyageur de commerce. C’est sa dignité mais aussi un choix de vie et un épanouissement de tous les jours. Solange et Serge sont des progressistes que l’on peut classer à gauche, jamais en retard pour défendre leurs idées malgré un monde qui tourne à l’envers.

 

La bascule s’opère en une soirée de cauchemar. Un jeune homme venu de la cité voisine la séquestre durant toute la nuit, la menace et la viole… La moitié du livre s’arrête sur ces heures terribles où la tension est à son maximum où deux individus que tout sépare se font face et luttent chacun avec les moyens qu’ils ont. C’est redoutable d’efficacité avec une Virginie Lou qui alterne scènes chocs, introspections bancales et décalage entre ce que l’on peut lire, ce que l’on peut penser et ce que vivent les personnages. Le malaise s’installe et il restera présent jusqu’à la dernière page…

 

Solange survit à cette nuit et va s’en ouvrir à ses proches. Le deuxième choc s’amorce avec des réactions étranges, distanciées voire limite culpabilisantes. La banalité du mal semble l’emporter sur l‘empathie, le recueil de la parole et le travail de consolation. On tombe de haut comme Solange car l’entourage de l’héroïne semble sain et aimant de prime abord. Les apparences sont parfois trompeuses, face au crime et sa révélation, chacun voit ce qu’il veut voir, faisant naître suspicion et rancœur. Je peux vous dire que l’on tourne fébrilement les pages tant on se demande jusqu’où l’auteure va aller dans le développement des personnages.

 

C’est une profonde intelligence qui se dégage de ce livre, une exploration sans fard de l’esprit humain et de notre manière d’affronter l’indicible ou le traumatisme. C’est fin, non codifié, complètement en dehors des clous notamment dans notre époque si moralisatrice et autocentrée. Solange, je l’ai aimée pour ce qu’elle est, une femme libre et résiliente. Une victime ? Non, une survivante comme elle aime à le dire elle-même. Un sacré bout de femme mise en valeur par ses antagonistes / partenaires qui sont aussi très bien caractérisés.

 

L’œuvre est bouleversante et magnifique à la fois, l’écriture de Virginie Lou est unique. Mélange de poésie larvée, de passages bruts de décoffrage, elle ne s’interdit rien et cette imprévisibilité est toujours au service de l’histoire. Un très grand et beau moment de lecture. À découvrir absolument mais attention, ayez le cœur bien accroché !

19 novembre 2024

"Demain comme une traînée de poudre" de Bénédicte Heim

 

L’histoire : Dans une vaste demeure aristocratique vivent une femme altière et ses trois enfants presque adultes : Nanthilde, Marovée et Vénérande. Après la mort mystérieuse du père, un inconnu, Waldebert, se présente et se propose d’effectuer les travaux de jardinage. En un huis-clos chauffé à blanc, les liaisons dangereuses et les haines infusent, et les personnages se percutent jusqu’à l’irréparable.

 

la critique de Mr K : Superbe lecture que cet ouvrage que j’ai dévoré en deux soirées, la maison d’édition Quidam a encore frappé. Dans Demain comme une traînée de poudre, l’auteure Bénédicte Heim, que je découvrais à cette occasion, explore les mécanismes déviants d’une famille peu commune, pour ne pas dire dysfonctionnelle, à la faveur d’une langue absolument magnifique, inventive et source d’un émerveillement de chaque instant. C’est le genre d’ouvrage qui renouvelle la littérature et propose une expérience hors du commun.

 

Une époque indéterminée, un lieu vague, une contextualisation floue englobent de suite le lecteur dans une ambiance malaisante. Le cadre resserré d’une demeure bourgeoise plante le décor immédiatement. Le père de famille vient de décéder dans des circonstances troubles et la mère altière règne désormais sur son royaume avec ses trois enfants presque adultes, deux filles et un garçon aux patronymes des plus étranges : Nanthilde, Vénérande et Marovée.

 

Ces êtres errent sans réels buts, ils se croisent, s’opposent, s’aiment, se cherchent et se perdent. Leurs relations sont ambiguës, on ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Quelques chapitres plus tard, un inconnu se présente au domaine, un certain Waldebert qui se propose pour les travaux de jardinage. Il va vite être embauché comme l’homme à tout faire et son arrivée va forcément bouleverser les rapports de force familiaux. Il va être le révélateur des désirs profonds de chacun, les natures vont se libérer, la tension monter crescendo vers un final qui ne peut qu’être terrible.

 

En soi, il ne se passe pas grand-chose dans ce roman (et encore...), c’est avant tout une œuvre atmosphérique. L’idée est de coller au plus près du personnage avec une certaine obsession pour le corps, ce qu’il dégage, ce qu’il traduit. Cela donne un point de vue décalé, novateur et totalement désarçonnant. Pour autant, l’auteure ne nous perd pas grâce à des personnages au charisme fou malgré leur ambivalence et même leur fourberie pour certains. La mère distante qui domine la maisonnée et cherche un renouveau de flamme, une frère et une sœur troublants par leur comportement et leurs échanges cachant de la noirceur derrière un écrin de toute beauté, la petite dernière (Nanthilde ma préférée) esprit rebelle et passionné et Waldeberg l’homme taiseux dont la simple présence réchauffe les corps et échauffe les esprits. Je peux vous dire que ce huis clos dépote et passionne en même temps tant il est rondement mené.

 

L’écriture poétique par excellence est un ravissement de chaque mot, phrase et paragraphe. Elle ne ressemble à nulle autre, proposant un voyage langagier singulier et détonant. Derrière la préciosité apparente, les figures de style alambiquées et évocatrices à souhait, on explore comme jamais l’esprit humain dans toute sa complexité, sa vanité et ses espérances. Le rapport au corps, le désir, les sensations qui nous parcourent, la confrontation avec l’autre et le partage, l’amour fraternel, les rapports de force dans la famille, la quête de son identité, la fuite en avant éperdue ou encore le raccrochage à un fol espoir sont autant de thématiques abordées avec maestria et goût. On va loin, très loin même et malgré sa brièveté (136 pages) ce roman marque durablement les esprits.

 

D'une force et d'une beauté rare, ce roman est donc un bijou d’une extrême rareté. Plus qu’une lecture, c’est une expérience véritablement renversante, un ouvrage unique. À lire absolument !

17 novembre 2024

"Le goût de la tomate" de Christophe Léon


L’histoire : Dans ce monde-là, les jardins ont disparu, il est interdit de planter, de cueillir, de récolter.


Marius et son fils Clovis cultivent en grand secret un plant de tomates, pour qu'une fois, au moins, Clovis connaisse le goût de la liberté.

 

La critique de Mr K : C'est une lecture ultra-courte mais de haute qualité que je vais vous présenter aujourd’hui au Capharnaüm éclairé. Le goût de la tomate de Christophe Léon ne compte que 48 pages mais la trame se révèle riche en sous-texte et on ressort émerveillé de cette expérience et l’on n'a qu’une envie : la partager et en discuter.

 

Dans une civilisation terrienne que l’on ne peut pas situer dans le temps, les jardins ont été interdits et s’en occuper est devenu un délit. Il est devenu prohibé de produire ses propres légumes et tout s’achète via les magasins homologués par l’État. Marius n’en a cure et malgré l’arrestation de sa femme pour des raisons liées à cet interdit, il décide de faire pousser des plants de tomate pour que son fils Clovis connaisse le goût des bonnes choses et surtout qu’il goûte à la Liberté au sens propre.

 

L‘écrit, bien que minimaliste, possède un souffle assez unique. Universaliste dans son propos et dans sa forme, il s’adresse à la base pour un lectorat en difficulté face à l’exercice de la lecture, cette collection de très courts textes parus chez Thierry Magnier compte déjà de beaux bijoux littéraires et régulièrement ils font mouche auprès de mes élèves de 3PM.

 

On suit donc les différentes étapes de la pousse des plants de tomate depuis la prise de décision jusqu’à la récolte, en passant par l’aménagement d’un espace à l’abri des regards, la récupération à haut risque de compost et les notions de jardinage inculquées au fil du temps. C’est l’occasion de rentrer dans la relation unique entre Marius et son fils déjà éprouvés par le sort. Les échanges sont limpides, emplis de sagesse et d’amour sans pour autant tomber dans le cliché ou le pompeux. C’est simple et juste, cela donne à réfléchir et les notions abordées sont essentielles, notamment la différence entre légalité et légitimité.

 

Belle expérience donc pour un titre que je ne connaissais pas et qui aura une place de choix dans ma sélection de lectures à voix haute en classe. À découvrir absolument.

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14 novembre 2024

"Le Fantôme de maître Guillemin" d'Evelyne Brisou-Pellen


L’histoire : Pour Martin, l'année 1481 va être une année terrible. Il n'a que douze ans et vient d'arriver à l'université de Nantes. Au collège Saint-Jean, où il est hébergé, règne une atmosphère étrange. On raconte que le fantôme de maître Guillemin hante les lieux. Un soir, Martin est jeté dans l'escalier par deux étudiants plus âgés et jaloux. Mais, le lendemain, l'un d'eux est retrouvé assassiné...

 

La critique de Mr K : Evelyne Brisou-Pellen fait partie de mes madeleines de Proust en matière de lecture. C’est une des premières auteures que j’ai fréquentées régulièrement dans mes lectures et je lui dois de belles évasions qui ont forcé les verrous de mon imagination. C’est à l’occasion d’un passage chez Emmaüs que je suis tombé sur Le Fantôme de maître Guillemin, un ouvrage historique et policier à la fois qui se lit d’une traite avec un plaisir qui ne s’érode jamais.

 

Nantes, 1481, fin du Moyen-âge. Martin n’a que 12 ans mais il rentre déjà à l’université ! Enfant trouvé, entouré d’attention par une nonne et un précepteur, il est déjà polyglotte, maîtrise les écrits bibliques et souhaite apprendre encore et encore. Le voila mêlé à des estudiants bien plus âgés que lui dans le réputé collège de Saint Jean. L’intégration est forcément difficile du fait de son jeune âge et de son isolement. Les débuts sont difficiles, il se fait harceler régulièrement et même malmener un soir où des aînés jaloux de son talent le précipitent dans les escaliers. Le lendemain, l’un de ses persécuteurs est retrouvé mort… et ce n’est que le début !

 

Ce livre réussit sur les deux tableaux, à commencer par une enquête policière rondement menée qui tient en haleine le lecteur du début à la fin. L’ambiance est étrange dans ce vieux bâtiment qui recèle bien des secrets. Il y plane une menace sourde, insidieuse, même les plus assurés / sûrs d’eux doutent ou font preuve d’inquiétude lorsque l’on aborde certains sujets. Quand les événements se précipitent, que les coups du sort s’accumulent, les soupçons sont dans toutes les bouches et Martin va devoir se protéger car tous les morts sont liés à lui de près ou de loin… Peu à peu, au fil des indices semés ici ou là, on se rend compte que cette affaire le dépasse et que l’assassin nourrit de bien sombres desseins au nom du Tout Puissant.

 

La reconstitution du Nantes de l’époque est saisissante de réalisme. Du petit peuple aux escoliers, en passant par les plus aisés, à l’occasion des pérégrinations de Martin, Brisou-Pellen nous offre un panorama dynamique et profond, qui ne tombe pas dans le cliché ou le lissage malvenu. C’est brut, on marche à travers la ville de Nantes de l’époque (haut lieu commercial et politique, la Bretagne est encore indépendante à l’époque), on respire les odeurs, on partage le quotidien de chacun par de petites touches savamment distillées au fil du texte en matière de nourriture, d’us et coutumes, des règles de vie dans un internat de l’époque. Cet ouvrage est relativement court, il va à l’essentiel mais pour autant il se révèle vraiment dense dans son contenu et son apport culturel.

 

Comme à chaque fois avec cette auteure, la lecture se fait toute seule, les pages se tournent avec plaisir et attente. On passe donc un très bon moment avec ce titre qui ravira les jeunes amateurs d’Histoire et d’enquête policière.

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