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Le Capharnaüm Éclairé

29 avril 2025

"Une gourmandise" de Muriel Barbery

 

L’histoire : C'est le plus grand critique culinaire du monde, le Pape de la gastronomie, le Messie des agapes somptueuses. Demain, il va mourir. Il le sait et il n'en a cure : aux portes de la mort, il est en quête d'une saveur qui lui trotte dans le cœur, une saveur d'enfance ou d'adolescence, un mets original et merveilleux dont il pressent qu'il vaut bien plus que tous ses festins de gourmet accompli. Alors il se souvient. Silencieusement, parfois frénétiquement, il vogue au gré des méandres de sa mémoire gustative, il plonge dans les cocottes de son enfance, il en arpente les plages et les potagers, entre campagne et parfums, odeurs et saveurs, fragrances, fumets, gibiers, viandes, poissons et premiers alcools... Il se souvient - et il ne trouve pas. Pas encore.

 

La critique de Mr K : Depuis ma lecture enthousiaste de L’élégance du hérisson, je n’avais pas repratiqué l’écriture ensorcelante de Muriel Barbery, l’occasion ne s’étant pas présentée. C’est une fois de plus lors d’une séance de chinage fructueuse que je tombai inopinément sur Une Gourmandise. Format court pour une histoire à la portée universelle, cette lecture fut aussi rapide qu’intense.

 

Au cœur de l’intrigue, un homme qui va mourir… et pas n’importe qui. Il s’agit d’une sommité, d’un maître dans sa spécialité, sans doute le plus grand critique culinaire du monde. À l’heure de rejoindre Charon au bord du Styx, il recherche dans ses souvenirs une saveur unique qui l’obsède, une saveur sur laquelle il voudrait mettre un nom, une saveur qui s’apparente à la fameuse madeleine de Proust. Il cherche, il explore et retourne son passé mais n’arrive pas à mettre le doigt dessus jusqu’à ce que…

 

L’ouvrage est organisé autour de chapitres très courts n'excédant que rarement les cinq à six pages. Un sur deux voit le protagoniste principal convoquer un souvenir précis plus ou moins ancien toujours en rapport avec le goût, une première expérience ou des habitudes ancrées depuis longtemps. Nous assistons donc à des premières fois, à des rituels familiaux, parfois aussi à des surprises et des découvertes totalement impromptues. Viennent s’intercaler des fulgurances et autres souvenirs des gens qui l’entourent ou qu’il côtoie. Relations familiales ou de travail, on tourne cependant souvent autour de son métier et de sa personnalité.

 

Disons-le tout de go, l’homme est détestable au possible. Suffisant et rigide, il inspire des sentiments contrastés oscillant entre l’admiration parfois l’amour mais aussi le rejet voire la haine. À travers différentes scénettes qui nous sont données à lire, se profile un individu passionné, obnubilé par son travail et autocentré. Sa famille est la première à en faire les frais, à commencer par son épouse cantonnée au rôle de potiche d’ornement et des enfants dont il s’occupe peu. Il batifole à l’occasion, noue des relations de travail ambivalentes et voyage énormément. Son érudition est aussi impressionnante et louable que sa personnalité peut s’avérer prodigieusement agaçante ! C’est un étrange sentiment que l’on nourrit à son égard.

 

En effet, la fameuse quête qu’il mène nous fait forcément penser à notre propre recherche de nos impressions et souvenirs d’enfance, cette part de naïveté, de plaisir immédiat que l’on perd définitivement (ou presque) lors de notre passage à l’âge adulte. Au fil de ses pérégrinations mémorielles, le personnage arrive à nous toucher et on se retrouve même parfois avec les yeux humides, très émus. Quand arrive la conclusion, l’édifice global se révèle dans son entièreté, sa richesse et un ultime élément aussi surprenant qu’au final logique. Le dénouement est parfait.

 

Il faut, je l’avoue, un temps d’adaptation de deux à trois chapitres pour se mettre dans le bain, domestiquer l’écriture relevée et tortueuse. L’addiction m’a tout de même gagné très vite sans jamais plus retomber. On se délecte et on déguste ces pages aussi raffinées que délicates et parfois cruelles. Le plaisir de lire est ici poussé à son maximum et l’on referme l’ouvrage heureux d’avoir suivi cette quête existentielle au pouvoir d’évocation formidable. À lire absolument !

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27 avril 2025

"Aden ou la transparence de l'air" de Olmo

 

L’histoire : Quand Amalia, excédée par ses absences et ses fréquentations, quitte Aden, jeune peintre fauché, celui-ci s’enlise dans de menus trafics. Errant aux marges de la ville, il croise un personnage énigmatique et hors du commun, le Caló, chaman mexicain androgyne qui l’initie aux mystères du duende, un démon intérieur qui "tourne autour des plaies", s’immisce dans les failles de l’être et va transformer son regard sur les choses et sa perception du réel.

 

La critique de Mr K : Un ouvrage noir et urbain au programme de la chronique du jour avec Aden ou la transparence de l’air de Olmo paru très récemment aux éditions Le Nouvel Attila. Récit d’une rupture et de ce qui s’en suit mais aussi récit d’une âme en peine et en déshérence, cet ouvrage se lit d’une traite avec un plaisir non dissimulé.

 

Aden se fait larguer par Amalia. Il tombe des nues. Eux deux étaient à la colle depuis un certain temps, ils se disputaient puis se réconciliaient régulièrement, c’était leur mode de fonctionnement. Ils vivotaient d’amour et d’eau fraîche à défaut de gagner correctement leur vie, notamment Aden qui n’a jamais percé dans le milieu de la peinture. Amalia partie, Aden se retrouve face à ses regrets et à lui-même.

 

Pour sortir la tête de l’eau (du moins au niveau financier), il se rapproche d’un petit trafiquant du secteur (Flock) et commence à baigner dans divers trafics. Il va côtoyer un monde interlope régit par les circuits parallèles, l’offre et la demande en mode clandestinité et va finir par croiser la route d’un jeune chaman mexicain (le Calo) qui l’initie à ses croyances dont le duende, sorte de démon qui possède son hôte et se raccroche à ses blessures, fêlures intérieures. Aden est mûr pour une introspection et le voyage sera intense et psychédélique.

 

Ce petit ouvrage d’environ 200 pages se lit d’une traite tant on est happé par l’histoire et séduit par le personnage principal. On a beaucoup écrit sur la rupture amoureuse mais je peux vous dire que cet ouvrage fera date sur le sujet. Il est question d’un amour absolu, total, inconditionnel au départ. La séparation va forcément faire grand effet sur Aden qui s’effondre totalement dans un premier temps. Écrit à la première personne, le récit est immersif au possible et rien ne nous est épargné des atermoiements d’Aden et du chemin qu’il décide de parcourir.

 

La caractérisation des personnages est un modèle du genre. C’est très fin, bien amené et au fil de la lecture les différents éléments collectés se complètent idéalement. On souffre avec Aden. Qui que ce soit qui a vécu une rupture très douloureuse s’y retrouvera. L’impression d’un grand vide, d’être au milieu du désert (depuis trop longtemps ?), la nécessaire reconstruction de soi, le renouvellement d’un lien avec le monde, se recentrer et se relancer. Vaste programme pour Aden qui est vraiment paumé à sa manière et va expérimenter nombre de choses. On vire donc parfois dans le planant, le délirant, surtout lorsque l’on croise le fameux Calo qui l’initie à des pratiques très éloignées des modèles spirituels occidentaux. On pense à Castaneda dans ces moments-là, à ces expériences de seconde vue et de transport par la pensée. Tout ici reste intelligible, entendable et éclaire le personnage d’Aden de manière surprenante.

 

Les autres personnages sont traités avec la même justesse. On revient ainsi au personnage d’Amalia via des flash-back bien disséminés aux bons endroits et l’on saisit mieux la situation, la nécessité pour elle de cette séparation. Les rapports d’Aden avec Flock sont aussi très intéressants à suivre, ils mêlent amitié et travail, on ne sait pas forcément sur quel pied danser avec cette relation. Cela donne quelques pages croustillantes, déstabilisantes à l’occasion aussi. Le background urbain rajoute un climax pesant entre lumières de la ville et détours profonds dans des lieux où l’on va rarement. Les descriptions ciselées sont une merveille à lire et provoquent une plongée totale au cœur de l’esprit humain et de Paris, ville d’ombre et de lumière.

 

Une très belle lecture qui se révélera à vous si vous savez vous laisser porter par le flot d’écriture et votre imagination. On touche ici au sublime, à l’art avec un grand A. Avis aux amateurs !

23 avril 2025

"Mémoires de la forêt T4 : La saison des adieux" de Mickaël Brun-Arnaud

 

L’histoire : Autour de la famille Renard, on s'active aux préparatifs de l'anniversaire des quatre-vingts ans de la librairie de Bellécorce quand soudain, une branche craque. C'est le premier signe d'une terrible maladie : le croquebois. Pour en venir à bout, une seule solution : couper l'arbre. Mais, ça, Ernest Renard ne peut s'y résoudre. Le vieux chêne abrite les souvenirs et les œuvres de sa mère, Anouchka. S'il disparaît, c'est aussi elle qui s'en ira encore un peu plus. À moins que l'arbre des souhaits, un pommier magique dont Anouchka lui avait parlé quand il était petit, n'accomplisse un miracle. Sa quête à travers la forêt lui réservera bien des pépins, et la vie à croquer.

 

La critique de Mr K : Offert à la fille de notre meilleur pote, ce volume a fini par revenir par chez nous pour que nous puissions à notre tour lire l’ultime volet de la série jeunesse des Mémoires de la forêt qui a fait mouche à chaque tome. La saison des adieux de Mickaël Brun-Arnaud sonne donc la fin des aventures des habitants de Bellécorce, petite bourgade animalière où il fait bon vivre malgré les épreuves que la vie réserve. Ce fut une fois de plus une belle lecture et la conclusion est à la hauteur de ce qui a pu précéder.

 

Nous faisons un petit bond dans le temps et nous retrouvons à Bellécorce pour fêter les 80 ans de la librairie de la famille Renard. Archibald a passé la main à Bartholomé pour se consacrer à l’écriture et ce dernier se débrouille comme un chef pour gérer la boutique. Papa de deux garçons (Ernest et Lothaire), il vit cependant seul depuis la mort prématurée de sa femme Anouchka. La fête va pouvoir battre son plein au cœur du chêne accueillant la librairie quand des craquements lugubres se font entendre, l’arbre est en souffrance et le diagnostic est sans équivoque : le croquebois. L’arbre est condamné à plus ou moins brève échéance. Cela remue tout de monde, tout particulièrement Ernest qui va voir tous ses souvenirs et notamment les œuvres de sa mère (artiste peintre au grand talent) disparaître. Il décide de partir à la recherche d’un mystérieux arbre à vœu qui pourrait bien résoudre le problème. Ce sera de nouveau un voyage initiatique qui va lui apprendre beaucoup de choses.

 

C’est un véritable enchantement de retourner dans cette communauté isolée. L’ambiance douce, la bonne camaraderie, les petites douceurs que l’on offre pour goûter… tout y est pour passer un bon moment. Le temps a passé et il est bon de prendre des nouvelles des uns et des autres. Il y a bien sûr de la mélancolie et parfois même de la tristesse face à l’évolution de la maladie de certains ou la disparition pure et simple d’autres personnages de la saga. Certains tiroirs se referment, d’autres s’entrouvrent laissant planer des mystères sur certains personnages que l’on pensait connaître parfaitement. On retrouve d’ailleurs en fin d’ouvrage des arbres généalogiques forts jolis (toujours les sublimes illustrations de Sanoe, toujours fidèle au poste), outils intéressants et assez jubilatoires pour remettre en perspective les quatre volumes lus.

 

Mais les épreuves sont là, le voyage d’Ernest est l’occasion pour lui de s’interroger sur qui il est, sur sa famille et la perte irréparable de sa maman. Courageux mais encore jeune, on frémit en le suivant, lui le petit renardeau qui ne veut pas oublier. D’ailleurs un fardeau supplémentaire va le rejoindre et c’est finalement à deux que la quête va se poursuivre. De rencontres en rencontres, de révélations en révélations, le chemin va le mener vers des leçons de sagesse toujours justes et à propos. En parallèle, l’auteur intercale d’étranges récits journalistiques autour de l’arbre à vœux et des flashback autour de personnages clefs des premiers ouvrages. La construction est donc plus labyrinthique qu’à l’habitude mais très bien pensée, amenant le lecteur à élever son imagination et à faire des ponts entre les différents volumes. C’est très malin et réjouissant à souhait.

 

L’ouvrage se lit une fois de plus d’une traite avec un plaisir non feint, la langue se déguste mot après mot, phrase après phrase, page après page avec délice et gourmandise. On referme l’ouvrage un peu triste de se dire que c’était la dernière fois qu’on mettait les pieds à Bellécorce mais ce fut bon et il me tarde de partager cela avec Little K quand elle saura lire et aura l’âge requis.

 

Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- Mémoires de la forêt tome 1 : Les souvenirs de Ferdinand Taupe
- Mémoires de la forêt tome 2 : Les carnets de Cornélius Renard

- Mémoires de la forêt tome 3 : L'esprit de l'hiver

21 avril 2025

"L'Arabe du futur" tomes 3, 4, 5 et 6 de Riad Sattouf

 

L’histoire : Après avoir suivi son mari en Libye puis en Syrie, la mère de Riad ne supporte plus la vie au village de Ter Maaleh. Elle veut rentrer en France. L'enfant voit son père déchiré entre les aspirations de sa femme et le poids des traditions familiales...

 

La critique de Mr K : Honte à moi d’avoir laissé autant de temps s’écouler entre ma lecture des deux premiers tomes et les quatre derniers. C’est à la faveur d’un renouvellement d’abonnement à la médiathèque de notre secteur que j’empruntai d’un coup les quatre derniers tomes de L’Arabe du futur de Riad Sattouf. Je les ai lus les uns après les autres en quelques jours tant j’ai été happé par ce récit aussi tendre que touchant mais aussi finalement très éprouvant à la lecture des événements plus tardifs dans la vie de l'auteur qui voit la figure du père en prendre un coup. Un pur bonheur de lecture !

 

Au gré des affectations du paternel, la famille du jeune Riad bouge beaucoup. Au début du tome 3, ils sont toujours en Syrie dans un petit village perdu au milieu de nulle part. La tension monte dans la cellule familiale, la maman de Riad ne veut plus de cette vie là et voudrait habiter dans une plus grande ville pour pouvoir vivre enfin. Elle sombre de plus en plus dans une forme de dépression qui va n’aller qu’en s’accentuant devant les évolutions à venir. Riad lui voit ça de sa fenêtre, il est l’aîné, tout lui réussit ou presque (il excelle notamment à l’école), il est rude avec ses petits frères et voue un culte à son père même s’il se rend bien compte que quelque chose cloche.

 

 

On retrouve ce regard si particulier qui faisait déjà le charme des deux premiers opus, ces allers-retours entre le Moyen-orient et la Bretagne des grands-parents, la vie traditionnelle en terres arabes et le modèle de civilisation à l’occidentale. C’est bien souvent le grand écart, Riad est à la croisée de ces deux cultures mais bientôt il passera tout son temps en France lorsque son père va accepter un poste d’enseignant dans le supérieur en Arabie Saoudite et que sa mère décide de rapatrier tout le monde en France. C’est cet événement qui fait tout basculer, va éloigner progressivement et définitivement les deux parents, le père devenant de plus en plus "religieux" (alors qu’il est sensé être cet arabe du futur qui donne son nom à la série) et qui va devenir de plus en plus soupçonneux, inquisiteur et commettra un acte terrible qui va plonger encore plus la maman dans la peine et la souffrance.

 

 

Vous imaginez bien qu’en quatre tomes il se passe énormément de choses. Riad grandit, se confronte au monde, en fait à deux mondes. On passe de l’un à l’autre avec une certaine jubilation, on apprend beaucoup, on rit, on s’étonne, on s’inquiète. On passe vraiment par tous les états. Récit initiatique par excellence, dans L’Arabe du futur le jeune Riad se construit comme il peut et il devra d’ailleurs plus tard se faire aider tant les événements familiaux traumatiques vont le marquer sans forcément qu’il s’en rende compte de prime abord. C’est très finement amené, d’une rare intelligence et l’on sort profondément ému de cette lecture.

 

 

Sattouf balaie pléthore de thématiques avec une sensibilité et un humour qui ne se dément jamais. Il croque la jeunesse et l’adolescence avec justesse, le rapport aux parents, à l’école, les doutes et les espoirs. Il revient aussi sur des éléments clefs de contexte international qui éclairent le changement des mentalités notamment chez son père qu’il finira par ne plus voir. Le personnage de la mère est aussi très touchant et bien souvent, on a le cœur au bord des lèvres.

 

 

Le style Sattouf est toujours aussi fun et sensible à la fois, les cases s’enchaînent souvent très chargées en discours et toujours lisibles, efficaces et finement illustrées. On ne s’ennuie pas une seconde et lorsque l’on referme l’ultime tome, on a vraiment la sensation d’avoir lu une œuvre à part, qui dépasse la simple autobiographie et nous interroge profondément. Un pur bonheur de lecture.

17 avril 2025

"Rares ceux qui échappèrent à la guerre" de Frédéric Paulin

 

L’histoire : Beyrouth, 23 octobre 1983. Un attentat visant le poste Drakkar fait près de soixante victimes françaises, parmi lesquelles pourrait se trouver le fils du diplomate Philippe Kellermann. La France, directement visée, est désormais en guerre et le commandant Dixneuf se retrouve en première ligne.

Entre Beyrouth et Téhéran, après plusieurs nouvelles tentatives déjouées, Abdul Rasool al-Amine et les chefs du Hezbollah décident de changer de tactique, inaugurant une crise des otages qui occupera le paysage médiatique français pendant tout le reste des années 1980.

Mais alors que le pays n'en finit pas d'être endeuillé et que le monde politique se déchire quant à la conduite à tenir, les attentats signés Action directe se multiplient à Paris et en province.

 

La critique de Mr K : On peut dire que je l’attendais ce deuxième tome de la trilogie libanaise de Frédéric Paulin, initiée lors de la rentrée littéraire de septembre dernier par un excellent Nul ennemi comme un frère. On reprend l’histoire où on l’avait laissée lors du terrible attentat du Drakkar qui coûta la vie à de nombreuses personnes dont des soldats français. On retrouve tout le talent de l’auteur dans ce Rares ceux qui échappèrent à la guerre qui propose une immersion totale dans une époque trouble au cœur du Moyen-Orient mais aussi de la Mitterrandie récemment arrivée au pouvoir. C’est édifiant, effrayant mais aussi passionnant.

 

On retrouve donc avec un plaisir non feint les principaux protagonistes du tome précédent : Philippe Kellermann, conseiller d’ambassade qui désormais évolue au cœur du pouvoir ; Dixneuf, le barbouze qui enchaîne les théâtres des opérations mais se retrouve en délicatesse avec sa hiérarchie ; Michel, député franco-libanais du sud-est de la France qui grimpe les échelons du parti de Chirac ; Amine, qui inaugure avec son groupuscule intégriste la crise des otages qui va occuper le paysage médiatique français durant toutes les eighties. Je vous rappelle le principe narratif, ces personnages sont des inventions mais ils se mêlent parfaitement avec la réalité historique au cœur des événements qui émaillent un récit vif et tortueux comme les rapports de force et les changements de paradigmes de l’époque et des lieux. On couvre ici le début des années Mitterrand et croyez-moi, elles sont chargées au Liban et en France.

 

On navigue donc dans des sphères secrètes où la realpolitik règne en maître. Derrière les journaux d’informations, la vérité est parfois bien différente et des forces sous-jacentes travaillent. On s’immerge dans la politique étrangère de la France de l’époque par exemple avec les rapports complexes, pour ne pas dire compliqués, entre le Président, son ministre des affaires étrangères et les remontées qui leur sont faites par les agents sur place. Et il y a le positionnement de la France qui est scruté partout dans le monde, c’est encore une voix qui compte à l’époque. Alors, comme on dit, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs et certains dégâts collatéraux laissent le lecteur bouche bée.

 

On suit aussi la lente montée des extrêmes à commencer au Moyen-orient par le Hezbollah et sa stratégie des otages pour faire pression sur la France afin d'initier un début de dialogue avec l’Iran (la France fournit l’Irak de Saddam Hussein en armement dans le conflit irako-iranien). Folie galopante, intolérance religieuse et frustrations diverses sont au cœur des agissements d’individus en roue libre mais totalement organisés, en témoigne l’entrée en matière sanglante de l’ouvrage sur les événements du 23 octobre 1983. Dans tout cela, le Liban continue de souffrir, subit l’occupation israélienne au sud, ne compte plus les divisions entre territoires, populations et religions. C’est un véritable panier de crabes et l’on se demande comment l’ensemble de l’édifice tient en dehors du soutien de certaines grandes puissances qui au passage raflent la mise.

 

Les différents personnages évoluent beaucoup sur les quelques années qui nous sont données à lire. Leurs idéaux s’effritent, les tensions s’accumulent. La vie de famille est parfois touchée de plein fouet, on doit se réinventer malgré un contexte lourd et presque paranoïaque. J’ai trouvé la caractérisation de l’ensemble des protagonistes très bien gérée, à la fois précise, évocatrice et légère malgré des sujets graves et douloureux. On y croit, on s’immerge totalement dans l’époque et l’ensemble se mêle parfaitement avec les incursions d’événements historiques et d’échanges de personnages politiques de l’époque qui donnent à l’ensemble un aspect étude historique bluffant.

 

L’ensemble est remarquablement écrit mais ce n’est pas une surprise tant Frédéric Paulin maîtrise parfaitement l’écriture et la montée du suspens. Roman noir réaliste et sans concession, Rares ceux qui échappèrent à la guerre est la parfaite suite à Nul ennemi comme un frère , c’est jubilatoire, impressionnant et terriblement addictif. Il ne reste plus qu’à attendre août prochain pour avoir le fin mot de l’histoire avec la sortie programmée de l'ultime volume de la trilogie.

 

Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- La Guerre est une ruse
- Prémices de la chute
- La Fabrique de la terreur
- La Nuit tombée sur nos âmes
- Nul ennemi comme un frère

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13 avril 2025

Pêche aux brochés !

 

Premier post d'acquisitions de ce printemps avec cette jolie collecte de livres grands formats effectués par Nelfe et moi-même au cours de quelques arrêts impromptus en divers lieux où l'on peut parfois dégoter de belles occasions. Regardez plutôt !

 

 

C'est très éclectique comme d'habitude et à l'image de nos goûts de lecture. On va traverser à nouveau les époques, se frotter à divers genres entre découverte de nouveaux auteurs et confirmation de good reading pour d'autres. On débute tout de suite avec ma sélection.

 

 

- Chronique d'un soupir de Mathieu Gaborit. De la fantasy débridée comme première pioche avec ce Mathieu Gaborit qui nous plonge dans un monde dominé par les fées, les nains, les elfes et les sirènes. L'héroïne naine part en retraite et se retrouve bien embarrassée quand son fils revient à la maison avec une compagnie qui semble attirer l'attention. L'auteur a alterné le froid et le chaud avec moi, cette troisième lecture tranchera le débat interne qui m'habite -sic-.

 

- L'âge des lumières de Ian R. Macleod. On vire dans le steampunk avec cet ouvrage qui n'a pas été écrit par Christophe Lambert sous un pseudo -sic-. L'âge des ténèbres s'est abattu sur l'Europe à l'ère industrielle, l'éther une substance magique qui permet aux machines de fonctionner règne à la place des rois et des reines. Mais un petit grain de sable pourrait bien mettre à mal les certitudes du pouvoir en place. La révolution est en marche ! L'ouvrage était dans ma wishlist depuis un certain temps, auréolé de son statut de chef d’œuvre. Hâte de voir ça !

 

- Sandman slim de Richard Kadrey. Retour en fantasy (mais version dark) avec ce magicien projeté en enfer suite à la trahison de son meilleur ami. Devenu gladiateur puis tueur à gage, l'occasion se présente de revenir sur Terre pour régler ses comptes... Ça promet ! Ce sera pour moi l'occasion de découvrir l'auteur et le premier tome de la saga mettant en scène le héros.

 

- Swamplandia de Karen Russell. Swamplandia a longtemps été un parc d'attraction célèbre de Floride mais à la mort de sa tenancière, l'entreprise sombre dans le chaos et une menace insidieuse s'approche. Décrit comme un ouvrage hors-norme où écriture inventive se conjugue avec un univers luxuriant et magique, ce livre semble avoir été écrit pour moi.

 

- Les Bourgeois d'Alice Ferney. On change radicalement de genre avec cet ouvrage d'Alice Ferney que je n'avais pas encore en ma possession. Je l'ai adopté sans même regarder la quatrième de couverture tant j'adore cette auteure. Elle se fait ici historienne et romancière en suivant les destinées des enfants d'une famille catholique, patriote et conservatrice. Ils partagent des valeurs, le sens du devoir, ont fait carrière dans l'armée ou dans la marine, se sont voués aux affaires, à la médecine, au barreau... Par ce biais, Alice Ferney revisite les grandes ou déshonorantes heures de notre passé. Ça donne plus qu'envie !

 

Voici la sélection de Nelfe.

 

 

- Le Chardonneret de Donna Tartt. Nous avions adoré avec Nelfe la lecture du Maître des illusions de la même auteure, et Le Petit copain fait partie de ses romans préférés. Ici, on fait la rencontre de Théo, un homme mystérieux cloîtré dans sa chambre d’hôtel à Amsterdam. Que s'est-il passé quatorze ans plus tôt à New York quand il était encore une jeune garçon de treize ans épris de culture et collégien ordinaire ? On nous annonce de l'initiation à la Dickens mêlé à du thriller moderne. Je sens la bonne pioche là encore et je le piquerai à ma douce quand elle l'aura lu.

 

- Les Blessures invisibles de Nicholas Evans. Un garçon rejeté par ses parents et placé en orphelinat qui rêve de cowboys et d'indiens, son départ plein d'espoir vers Hollywood avec sa sœur aînée qui commence à percer dans le milieu et le bonheur qui est souvent de courte durée sont au programme d'un ouvrage lui aussi prometteur et écrit par l'auteur de L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux. Wait and read !

 

- Spooner de Pete Dexter. Le héros éponyme est un enfant agité, adolescent rebelle, élevé par un beau-père ex-officier de Marine viré de l'institution. Ce dernier va tout faire pour l'empêcher de semer le chaos et la désolation. Présenté comme à mi chemin entre le drame et la comédie, ce roman dresse un portrait d'une Amérique qui aujourd'hui n'existe plus ou du moins a oublié ses valeurs. Bien tentant celui-ci aussi. Et puis elle a déjà lu et chroniqué Un amour fraternel du même auteur.

 

- Un hiver long et rude de Mary Lawson. Chronique d'une famille dysfonctionnelle via le point de vue de trois personnages principaux, l'ouvrage se déroule entre le Canada et les swinging London des années 60. Les retours qu'on a pu lire parlent d'un ouvrage mélancolique et marquant, mettant en avant la charge mentale féminine, vaste sujet. Je pense qu'il devrait beaucoup plaire à Nelfe. 

 

- Le Dimanche des mères de Graham Swift. Un récit contemplatif selon beaucoup autour des dernières étreintes entre une servante et son amant d'aristocrate qui doit la quitter pour se marier. Dans le descriptif, les univers abordés et le style, je trouve qu'on penche fortement vers Downton Abbey et c'est sûr, Nelfe va adorer et juste après je le lui piquerai !

 

Le tour est fait, il ne reste plus qu'à trouver le temps de les choisir et de les déguster mais c'est pas toujours facile surtout avec une Little K qui demande toute notre attention. Comme d'habitude, nous posterons ici même nos chroniques au fil de nos lectures dans les semaines, mois, voire années à venir. 

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