"Ceux qui rêvent" de Pierre Bordage

L’histoire : Clara est enlevée pour être mariée de force à un riche industriel de la Nouvelle-France, l'un des cinq royaumes d'Amérique du Nord. Jean se lance dans une folle recherche qui lui fera traverser l'Atlantique au fond de la cale du paquebot Henri-VII, puis effectuer un long et dangereux périple à travers une Amérique hostile. Arrivera-t-il à temps pour la délivrer ? De son côté, Elan Gris, un jeune Lakota, s'enfuit de sa réserve pour tenter de gagner le pays fabuleux de ses visions...

La critique de Mr K : Retour sur la lecture du deuxième volume du triptyque des aventures de Jean et Clara entamé il y a déjà quelques années avec Ceux qui sauront qui ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable. Ouvrage uchronique destiné à la jeunesse, je l’avais trouvé plutôt quelconque et cousu de fil blanc, une déception quand on connaît mon amour immodéré pour Pierre Bordage. À l’occasion d’un désherbage à la médiathèque de Lorient, Nelfe a mis la main sur les deux autres volumes de la trilogie. Vu l'occasion, il eut été dommage de passer à côté. Elle a bien fait car Ceux qui rêvent, dont je vais vous parler aujourd’hui, s’est révélé être très distrayant et prenant. Et même si on sent bien venir tous les événements, on ne s’ennuie pas une seconde.

Clara et Jean ont échappé aux terribles événements survenus dans le tome précédent, ils vivotent comme ils peuvent dans une cave de Paris entre dispense de cours clandestins aux plus pauvres et petites combines. Dans le Royaume de France en 2008, les pauvres n’ont pas accès à l’éducation, ils sont maintenus dans l’ignorance et la soumission par la noblesse qui n’a jamais quitté le pouvoir (la Révolution Française de 1789) a échoué. Clara la riche héritière a choisi de vivre avec Jean, un cou noir, un roturier, un ennemi de classe.

L’ouvrage débute par la disparition de la jeune femme. Jean rentrant d’un de ses cours clandestins ne la trouve pas chez eux, il est fou d’inquiétude et il apprend très vite qu’elle a été enlevée par des hommes à la solde de sa belle famille. Le père de Clara l’a littéralement vendue à un richissime homme d’affaire américain pour la marier de force et unir ainsi deux familles puissantes, étendre son influence lui qui est déjà dans le cabinet conseil du roi de France. Jean n’hésite pas longtemps et part vers les amériques pour retrouver sa dulcinée malgré les obstacles nombreux. En parallèle, on fait la connaissance d’Elan gris, un jeune amérindien qui suite à son rite de passage à l’âge adulte se voit révéler une vision qui lui indique de quitter la tribu des Lakota pour rejoindre une mystérieuse cité au bord de l’Océan.

On alterne les chapitres entre le jeune indien, Jean, mais aussi Clara en très fâcheuse posture. La construction est très classique, la narration aussi, à la manière d’un page turner chaque fin de chapitre amène la curiosité, un élément ou un événement qui pousse à poursuivre sa lecture. Le road trip est réjouissant avec son lot de péripéties et de menaces insidieuses qui pèsent sur Jean et ses compagnons d’infortune. Comme pour le premier tome, on est rarement surpris mais pour un ouvrage jeunesse, il fait le job, proposant des lignes de fuite intéressantes et un propos parfois profond.

On retrouve ainsi les marottes de l’auteur en matière d’humanisme et de spiritualité avec des personnages qui partagent des valeurs universelles d’ouverture et d’amour de son prochain confrontés à un monde terrifiant où les forces réactionnaires tiennent toutes les manettes du pouvoir. Jean, Clara et Elan gris représentent la solution, le futur de l’humanité si notre espèce doit être sauvée (j’avoue avoir des doutes sur le sujet). Cruauté des hommes, racisme, lutte des classes, annihilation de la résistance et de la culture sont au programme d’un background pas forcément finaud mais qui a le mérite de mettre en lumière des problématiques très contemporaines et des réalités pas si éloignées des nôtres : la répression policière et politique, le sort indigne réservé aux migrants, la ségrégation sociale et raciale, l’individualisme et la course à l’argent.

La lecture a été rapide, plaisante à défaut d’être originale. Je pense qu’un jeune lecteur adepte de science fiction light et évocatrice y trouvera son compte. Ce n’est sûrement pas le meilleur titre de l’auteur mais il propose un récit enlevé et de bons moments de réflexions. Pour ma part, j’ai enchaîné directement sur le volume suivant pour avoir le fin mot de l’histoire, je vous en parlerai un peu plus tard...

Autres ouvrages de Bordage chroniqués au Capharnaüm éclairé :
- Mission M'Other
- InKARMAtion
- Le Jour où la guerre s'arrêta
- Le Feu de Dieu
- Atlantis : les fils du rayon d'or
- Hier je vous donnerai de mes nouvelles
- Chroniques des ombres
- Les Dames blanches
- Graine d'immortels
- Nouvelle vie et autres récits
- Dernières nouvelles de la Terre
- Griots célestes
- L'Evangile du Serpent
- Porteurs d'âmes
- Ceux qui sauront
- Les derniers hommes
- Orcheron
- Abzalon
- Wang

Comments

[Delkinger]

Ceux qui sauront avait été un très mauvais souvenir de mes années lycées ! Je n'ai jamais lu la suite