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Le Capharnaüm Éclairé

9 septembre 2024

"City of darkness" de Pou Soi Cheang


L’histoire : Dans les années 80, le seul endroit de Hong Kong où la Loi Britannique ne s’appliquait pas était la redoutable Citadelle de Kowloon, une enclave livrée aux gangs et trafics en tous genres.

Fuyant le puissant boss des Triades Mr. Big, le migrant clandestin Chan Lok-kwun se réfugie à Kowloon où il est pris sous la protection de Cyclone, chef de la Citadelle. Avec les autres proscrits de son clan, ils devront faire face à l'invasion du gang de Mr. Big et protéger le refuge qu'est devenue pour eux la cité fortifiée.

 

La critique de Mr K : 4/6. Une session ciné bien déjantée au programme de la chronique du jour. Affrontements entre gangs, une cité anarchique, un héros au mystérieux passé pour un déluge d’action what the fuck et une réalisation au top. Certes c’est balisé et sans surprises mais c’est ultra efficace. Suivez le guide.
 


Années 80, Lok un clandestin tout fraîchement débarqué à Hong Kong, gagne de l’argent en participant à des combats clandestins organisés par Mr Big, le big boss de la triade la plus puissante de la cité. Ce dernier le remarque, il faut dire que Lok se bat extrêmement bien (le premier combat met dans le mille direct) et lui propose de lui fournir des faux papiers. Deux semaines passent, arnaqué et poursuivi, Lok trouve refuge dans la cité de Kowloon, lieu recueillant les déshérités de toutes sortes gouverné par le mystérieux Cyclone. Seule règle : ne pas foutre la merde et se faire petit.
 

 

La règle est simple et s’appuie sur la nécessaire collaboration et entraide entre habitants. Après des débuts rugueux, Lok commence à s’y sentir bien et multiplie les petits boulots (coursier, cuistot…). Il se fait des potes (aaah les scènes de Mahjong, j’adore ce jeu !), se rapproche de cyclone en qui il retrouve la figure paternelle qu’il n’a jamais eu (il est orphelin, le pauvre) et tout semble aller pour le mieux dans le meilleur du monde. Mais la révélation autour de l’identité de Lok va tout bouleverser et provoquer une guerre dont personne ne sortira indemne. Je peux vous dire que ça se déchaîne !

 

 

J’évacue de suite les points noirs du métrage à savoir son manque de profondeur en terme de scénario, on est dans du cousu main, de l’appuyé. En même temps c’est ce qui fait le charme des productions cinématographiques locales. Ralentis appuyés, postures de bourrin dans les scènes à forte émotion, le côté carré / caricatural des rapports humains. Si on décide de laisser ça de côté, ça passe crème. Perso, je suis dans ce camp là.

On est dans une ambiance à la western, le côté urbain renforce une tension palpable à chaque instant. Les décors sont tout bonnement bluffants. L’immersion est totale dans cette enclave isolée où chacun se débrouille et règle ses problèmes à sa manière. On côtoie au plus prêt la précarité, la souffrance mais aussi un esprit communautaire soudé et ouvert. Il y a clairement une dimension sociale à ce film qui certes ne fait pas dans la dentelle niveau message mais donne à voir une vision intéressante de la lutte des classes (à grand coup de poings lol).

 

 

Niveau baston, on se régale. Depuis The Raid 2 (au dessus tout de même), je n’ai pas pris une telle claque. Quelles virtuosité et inventivité ! Les combattants sont impressionnants et se servent de tous les éléments du décor à une vitesse dingue, remarquablement servis par un orfèvre de la caméra. On en prend plein les mirettes, ce n’est finalement pas si gore (à part quelques plans), on pouvait s’attendre à pire vu les coups de tatanes que les protagonistes s’envoient. Les acteurs assurent avec une mention spéciale pour l’acteur principal qui possède un charisme certain.

 

Il paraît qu’il s’agit d’une adaptation de manga, je ne le connais pas et je pense m’y intéresser car le métrage est une belle réussite. Si on aime ce genre de spectacle, on passe un excellent moment.

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6 septembre 2024

"Le Déluge" de Stephen Markley


L’histoire : De la présidence d'Obama aux années 2040, cette dystopie réaliste suit le parcours d'une série de personnages dont les destins convergent à la fin des années 2020, lorsqu'une élue républicaine accède au pouvoir et promet des restrictions sur les émissions de carbone. Mais déjà, partout dans le monde, canicules, incendies et inondations sèment le chaos, poussant l'humanité au bord du gouffre.

 

La critique de Mr K : Dans une vie de lecteur, quelques livres jalonnent de manière unique nos expériences en matière de lecture, des ouvrages marquants, novateurs, addictifs… et encore plus rarement, on tombe sur des textes au caractère prophétique. Le Déluge de Stephen Markley fait partie de cette catégorie rare de livres, je peux vous dire que je ne vais pas m’en remettre et en parler partout autour de moi tant il touche fort et juste dans sa forme et son propos. Livre-monde par excellence, n’ayez pas peur des mille pages et quelques qui le composent, c’est du grand art et une œuvre à découvrir absolument.

 

C’est à travers le point de vue de pléthore de personnages que Stephen Markley, auteur surdoué d’Ohio (une lecture essentielle là encore), nous propose de suivre la marche du monde depuis la fin des années 2010. Malgré un centrage récurrent sur les événements ayant lieu aux États-Unis, la trame s’élève bien au-delà et offre une vision globale de l’évolution de l’humanité dans les 20 ans à venir avec un réalisme qui force le respect et provoque une immersion absolue. C’est à la fois très réjouissant car on vit littéralement les choses mais c’est aussi épouvantable car l’espoir n’a que peu de chance d’émerger tant l’être humain et ses turpitudes explosent au grand jour.

 

Tout débute par un rapport, puis un livre choc, de Tony Pietrus en 2013, un scientifique spécialiste du réchauffement climatique. Le constat est sans appel et ne plaît pas à tout le monde (l'auteur reçoit des menaces de mort). Il prêche dans le désert et personne dans les hautes sphères ne veut écouter son cri d’alarme. Car l’écouter, ce serait renoncer au vieux monde, à notre mode de consommation, à notre petit confort et les puissances d’argent ne voient pas cela d’un bon œil, sans parler des politiques qui marchent cul et chemise avec eux. À partir de là, Stephen Markley déroule et nous croisons la route de différents personnages qui n’ont au départ rien à voir les uns avec les autres.

 

Il y a Ashir, être esseulé et asocial, éminent analyste capable de prédire les événements grâce à sa science de l’observation et sa capacité de travail impressionnante, Kate, une militante écologiste au charisme unique qui est capable de lever des foules de sympathisants et mener des actions à dimension nationale. Shane est une terroriste du climat qui vit sur la route comme mère célibataire, elle appartient à une mystérieuse organisation qui ne transige sur aucun moyen pour faire avancer la cause. Jacquelyn est une publicitaire adepte du greenwashing dont la carrière est au zénith au début de l’ouvrage, ce qui compte ce sont les contrats et ce qu’ils vont rapporter, peu importe pour qui elle travaille. Il y a aussi Keeper, junky accro et capable de tout pour assouvir son besoin irrépressible de shoot, qui aura un rôle clef lui aussi. Puis, il y a cet ancien acteur devenu le Pasteur, une figure publique extrémiste de droite, qui prêche l’apocalypse et souhaite se faire élire à la plus haute fonction, menaçant l’équilibre mondial. Gravitent tout autour d’eux, d’autres personnages qui pour beaucoup auront leur importance, fluidifieront le récit et vont le faire s’envoler vers des horizons insoupçonnés.

 

Tous sont traités à égalité et d’une profondeur incroyable. Chacun a ici ses zones de lumière et d’ombre, leur humanité est confondante y compris pour les plus détestables. Les ressorts de la psyché humaine n’ont aucun secret pour un Stephen Markley soucieux de nous proposer des protagonistes loin des archétypes simplistes dont les interactions nombreuses et changeantes rendent la lecture jubilatoire. On rentre dans l’intimité de chacun, dans leurs pensées, leurs motivations les plus secrètes. Aucun ne s’est révélé repoussoir pour moi, ils ont tous leur place, se complètent idéalement et l’on passe de conflits familiaux, parfois très douloureux, à la course au pouvoir ou à la poursuite de rêves fous, utopiques. C’est le grand huit en terme d’émotions et c’est bien souvent le ventre noué et l’œil humide que l’on tourne les pages de ce pavé terriblement prenant.

 

Au détour des chapitres et du temps qui s’égraine, la dystopie s’installe avec une efficacité terrible. L’auteur s’appuie sur des éléments scientifiques, économiques et sociaux connus et prédit l’évolution de nos sociétés. Les fractures sociales au sein des nations notamment aux USA (Trump est passé par là pour accentuer les différences et exacerber les tensions), les logiques économiques dans le système capitaliste libéral et leur caractère délétère (banques, assurances, traders, lobbys en tout genre), la bêtise des humains-moutons qui se regardent trop le nombril et la connerie des extrêmes de tout bord, des terroristes aveugles d'états rigides aux politiques répressives. Au cœur du récit, la base de tout est le réchauffement climatique et ses conséquences catastrophiques qui donnent lieu à des scènes saisissantes d’inondations, de cyclones et de sécheresse avec son lot de destructions, de déplacements de populations et de tensions à l’échelle mondiale et au niveau des démocraties avec l’arrivée au pouvoir de fantoches inactifs ou de démagogues extrémistes. Tout cela coule, tout paraît normal, plausible ce qui rend cette lecture inouïe et sombre à la fois.

 

C’est une fois de plus remarquablement écrit et malgré un volume plus que certain, le temps file sans qu’on s’en rende compte et cette lecture est un vrai plaisir, Stephen Markley multipliant les styles selon les personnages mis en lumière et proposant ici ou là des maximes et sentences remarquables et remarquées, lorgnant vers la poésie et les réflexions métaphysiques. C’est beau, c’est intelligent, c’est puissant, c’est une révélation. "Le Déluge" doit être lu et partagé par le plus grand nombre, foncez !

4 septembre 2024

"Courir" de Jean Echenoz

 

L’histoire : On a dû insister pour qu'Emile se mette à courir. Mais quand il commence, il ne s'arrête plus. Il ne cesse plus d'accélérer. Voici l'homme qui va courir le plus vite sur la Terre.

 

La critique de Mr K : Lecture estivale mais lecture travail que le livre que je vais vous présenter aujourd’hui. Le programme limitatif de français en Terminal BAC pro a changé pour la rentrée 2024 et le thème retenu après celui du jeu est celui du temps. Vaste sujet, n’est-ce pas ? Adjointes au programme, figurent huit œuvres parmi lesquelles il faut en choisir une pour l’étudier avec nos élèves. J’ai fait acheter toutes les œuvres par ma super professeure documentaliste et j’en ai retenu trois que j'ai lues durant cet été. J’ai donc commencé par Courir de Jean Echenoz, une biographie romancée du génie de l’athlétisme Émile Zatopek. Force est de constater que l’auteur magnifie son sujet et offre un roman qui se dévore tant il se révèle passionnant.

 

Émile Zatopek, un nom qui ravit tous les amateurs de sport et d’athlétisme en particulier. Une légende de la course de fond qui a accumulé les records sur diverses distances et inventé une façon de s’entraîner. J’avais de lui une image floue, des souvenirs de comparaisons faites lors de retransmissions de JO à la télé mais finalement, je ne connaissais pas grand-chose de lui. Cet ouvrage revient donc sur une grande partie de sa vie depuis son adolescence jusqu’à son déclin sportif et la déchéance qu’il a subi de la part des autorités de son pays.

 

Émile est un gars gentil qui vit dans une petite ville tchécoslovaque. Membre d’une famille nombreuse, il suit un parcours lambda et est destiné à travailler dans une usine de chaussures. Il vient à la course à pieds un peu par hasard, son père tente de l’en dissuader mais le démon le possède déjà. Il va finir par rentrer dans une académie militaire suite à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est accueilli à bras ouverts car déjà il fait parler de lui à travers ses exploits sur quelques courses locales. Au fil du temps, le jeune homme devient un véritable phénomène, sa manière de courir est hors norme, il s’entraîne étrangement et il grimace énormément lors de ses courses. Et pourtant, il bat les records avec une facilité déconcertante et sa renommée traverse les frontières malgré le rideau de fer qui s’est étendu à travers l’Europe. C’est le début d’une ascension fulgurante sur le plan sportif mais aussi au niveau social dans le cadre de l’armée et de l’État Tchécoslovaque, pays satellite de l’URSS stalinienne puis khrouchtchevienne.

 

L’auteur nous rend Émile éminemment sympathique dès le départ et on se prend d’affection pour lui immédiatement. D’un caractère doux, parfois naïf, au fil de son ascension sportive, on va le découvrir bosseur, engagé, perfectionniste mais aussi angoissé. Cela donne de très belles pages sur ses exploits sportifs, sur la corrélation entre l’esprit et le corps sans pour autant tomber dans l’hagiographie car tout est souvent remis en cause par le contexte ou les rencontres faites. On rentre aussi dans son intimité avec la rencontre puis le mariage avec sa championne de femme Dana qui lance le javelot. La vie de Zatopek est dense, riche en honneurs. Mais comme bien souvent, le déclin signifiera aussi l’ostracisme notamment quand il va remettre en cause le bien fondé du pouvoir en place, Émile sera isolé puis envoyé à la mine où sa santé ne s’en remettra jamais. Et pourtant, là encore, il ne se plaint pas et assume comme toujours il le fera durant sa vie. Lui la bonté incarné, le défenseur des idéaux olympiques qui sera récompensé bien des années plus tard quand le mur de Berlin sera tombé.

 

 

En filigrane de ce destin exceptionnel donc, c’est la grande Histoire qui se déroule avec tout d’abord l’évocation de la Seconde Guerre mondiale, l’occupation allemande et la débâcle des nazis lors de l’adolescence d’Émile. Mais c’est surtout, La Guerre Froide qui est brillamment évoquée ensuite avec la main mise communiste sur l’État, la censure, la répression et l’obligation de chacun de se conformer aux désidératas du parti. Zatopek, membre de l’armée, en fera l’expérience et devra au final plier l’échine. Cet aspect est peut-être celui qui m’est apparu comme le moins percutant. En compulsant ensuite la fiche wiki et en croisant avec des articles sur Zatopek, on se rend compte que l’auteur n’a pas trop axé son roman sur l’aspect opposant ou du moins réfractaire au pouvoir d’Émile. Il est bon donc de compléter sa lecture avec quelques recherches perso pour avoir une idée complète du personnage.

 

"Courir" se lit d’une traite avec la langue si accessible et immersive d’un Jean Echenoz que l’on sent passionné par son sujet. Le plaisir de lire ne se dément jamais et clairement, on passe un excellent moment. Il y a de grandes chance que ce soit cet ouvrage que j’étudie cette année en classe avec mes Terminales BAC Pro.

2 septembre 2024

"Mammouth" d'Eva Baltasar

 

L’histoire : Jeune lesbienne sans attaches, la narratrice de Mammouth décide de tomber enceinte. Elle organise une fête clandestine de fécondation, prend les hommes au hasard, abandonne son travail universitaire et quitte Barcelone pour s'installer seule dans un mas décrépit sur des hauteurs isolées quelque part en Catalogne. Une nouvelle vie commence alors, une vie à l'état brut, ramenée à l'essentiel. Elle fait des ménages, biberonne des agneaux, gagnant tout juste de quoi se nourrir et constituer son garde-manger pour l'hiver. Pour tromper la solitude, il n'y a que le berger d'à côté et Toc-Toc, le chien crasseux qui s'est invité chez elle. Peu à peu, une transformation s'opère, vécue au plus près du corps, comme un devenir-animal.

 

La critique de Mr K : J’avais beaucoup aimé, en 2020, Permafrost d’Eva Baltasar. Son écriture percutante et le portrait de femme proposé m’avaient séduit au plus haut point. L’auteure revient en 2024 avec Mammouth qui marche sur les traces de son prédécesseur en variant quelque peu les thématiques abordées. La lecture fut rapide et plus que plaisante.

 

La narratrice veut un enfant et est prête à tout pour en avoir un. Lesbienne sans relation stable, elle a son caractère et ses exigences, elle n’a pas l’habitude de faire les choses à moitié, elle finit par organiser une soirée pour essayer de se faire féconder. C’est un ratage total, elle décide alors d’aller s’isoler au milieu de nulle part dans une cabane au plus proche de la nature laissant tout derrière elle dont un bon travail à la fac. La métamorphose peut commencer…

 

On s’attache assez vite au personnage principal, écorchée vive, non conformiste et mue par des pulsions irréversibles. Avec elle c’est tout ou rien, quand une décision est prise, elle s’y tient. Elle passe par toutes les étapes durant ce court roman de 120 pages où elle va peu à peu se libérer de ses tensions et rentrer en contact avec la nature. Vie simple et rude, voisinage d’un berger un peu brut de décoffrage, rencontres de passage, le froid, la faim, la désorientation… autant d’épreuves qui renforce la jeune femme et lui révèle sa vraie personnalité. Le traitement du personnage est âpre mais tout en finesse et Eva Baltasar, une fois de plus, excelle dans ce domaine.

 

Ce "retour à la terre" est de toute beauté avec une mise en situation immersive, une attente prégnante chez le lecteur qui ne peut que tourner inlassablement les pages pour connaître la suite. Ce roman est terriblement addictif, il y a une certaine "urgence" dans cet écrit, une quête de soi qui dépasse le cadre de l’héroïne à proprement parlé, quelque chose qui résonne en chacun d’entre nous sur le sens de la vie, notre rapport aux autres et à la société.

 

Rajoutez là-dessus une langue vive, franche et honnête tout en y mêlant une pointe de naturalisme bienvenue et vous obtenez un roman coup de poing et sensible qui emporte tout sur son passage. Vous savez ce qu’il vous reste à faire !

31 août 2024

"Alien Romulus" de Fede Alvarez

 

L'histoire : Alors qu’il entreprend des fouilles dans une station spatiale abandonnée, un groupe de jeunes voyageurs se retrouve confronté à la forme de vie la plus terrifiante de l'univers…

 

La critique de Mr K : 4/6, visionnage fort plaisant en salle obscure pour cette fin d’été, une bonne série B efficace à laquelle il manque cependant un supplément d’âme pour rejoindre les meilleurs films de la saga. En même temps, je savais où je mettais les pieds avec la bande annonce et je savais que j’allais en prendre plein les yeux avec Fede Alvarez aux manettes, réalisateur du remake d’Evil dead, film dont je n’attendais rien et qui finalement m’avait diablement séduit. Pour Alien Romulus, je n’ai pas vu les deux heures passer et même si l’on peut lui reprocher quelques petites choses, on passe tout de même un sacré bon moment.

 

L’action se déroule en 2180, entre le premier et le deuxième film de la franchise sur la colonie minière de Weyland-Yutani, planète où le soleil ne se lève jamais et monde plongé éternellement dans la nuit. Rain a pour rêve de rejoindre un monde meilleur, loin de la compagnie qui les exploite sans vergogne. Mais alors qu’elle pense enfin avoir le droit de partir, ça lui est injustement refusé. Contacté par un groupe d’amis avec son frère synthétique Andy, les voila embarqués dans un plan qui sur le papier a tout pour réussir. C’était sans compter un grain de sable assez imposant : les xénomorphes les plus célèbres de la galaxie cinématographique !

 

 

Un des points forts du film, c’est la tension qui distille. On revient aux origines de la saga avec un pur film d’horreur. J’avoue ne pas avoir été une seule fois surpris, je n’ai pas sursauté, mais le film est bien mad et les créatures une fois de plus très réussies. Bon, ça met un peu de temps à commencer mais une fois lâchés, les aliens se déchaînent pour notre plus grand plaisir. On vire dans un huis clos irrespirable sur un vaisseau épave en orbite autour du système d’où vient notre groupe de jeunes et très vite le temps est compté avant qu’il ne se crashe sur la ceinture d’astéroïde. De quoi rajouter une pression supplémentaire avec la voix de l’IA qui décompte le temps qu’il reste.

 

L’histoire est balisée, c’est du classique. Efficace mais classique, donc sans surprise, cela empêche le film de décoller dans des sphères insoupçonnées et je suis resté un peu sur ma faim avec quelques invraisemblances gênantes comme le fait que le fameux vaisseau épave regorgeant de secrets scientifiques ultra-secrets ne soit pas recherché par les autorités et que les gamins puissent y rentrer tranquillou bilou. Par contre, il y a quelques éléments intéressants comme le fameux focus sur la mystérieuse huile noire entraperçue dans Promotheus ou le retour sur le devant de la scène de l’officier Ash avec un Ian Holm ressuscité par la magie des effets spéciaux (plutôt crédible dans le rendu malgré un procédé qui me met toujours mal à l’aise).

 

Le gros point noir c’est surtout les personnages que j’ai trouvé plus ou moins risibles et dont le sort ne m’importait pas du tout, souhaitant même pour certains que les aliens nous en débarrassent au plus vite. L’aspect jeuniste est assez pénible avec des dialogues simplistes, des psychologies limitées à leur maximum, aucun vieux de la vieille badass ou ayant vécu pour contrebalancer une certaine forme de niaiserie ambiante. Heureusement que Rain et Andy sont mieux traités, l’actrice tenant le rôle de l’héroïne dégageant un magnétisme certain (faute de Sigourney Weaver, on a affaire là à une future grande actrice je pense).

 

 

Malgré ces scories, le film fonctionne à plein tube grâce à une réalisation au top. C’est speed, très très beau, fluide et mené à tombeau ouvert à partir des trente premières minutes de métrage. Certaines scènes vont rester ancrées dans ma mémoire avec un certain émerveillement devant des choix de plans, une musique oppressante à souhait et un climax des plus tripant. Alors certes, certains diront que beaucoup d’éléments sont inspirés des films originaux de Ridley Scott, je trouve tout de même que Fede Alvarez a rajouté sa petite touche personnelle avec notamment une belle métaphore de l’exploitation de l’homme par l’homme, la propension aussi de notre espèce à courir vers sa perte en suivant ses bas instincts d’enrichissement et de quête d’immortalité.

 

Au final, voila un film à découvrir absolument au cinéma pour les amateurs de la saga et/ou du genre. On passe vraiment un excellent moment même si l’on n’égale pas les classiques. Perso, je prends !

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28 août 2024

"Capital rose" de Tom Connan


L’histoire : "Il n'y a aucune barrière entre mon corps et l'argent que je tire de son exploitation. On rémunère mon inutilité, n'est-ce pas le meilleur pied de nez que l'on puisse faire à ce système dégénéré ?"

Paul, vingt-quatre ans, est un garçon aux aspirations raisonnables : s'acheter un appartement et mener une vie paisible. Injustement licencié, il se retrouve sans ressources, contraint de devenir travailleur du sexe sur les conseils d'un ami.

C'est timidement d'abord qu'il entreprend cette nouvelle carrière, avant de se prendre au jeu. Il voit alors ses revenus augmenter de manière exponentielle.


À faire ainsi fructifier son "capital rose", Paul satisfera-t-il ses ambitions ? À moins que libéralisme sexuel et voracité capitaliste n'engendrent un monstre...

 

La critique de Mr K : C'est dans le cadre de la rentrée littéraire 2024 que Tom Connan sort son nouvel ouvrage. Je l’ai découvert avec son précédent roman, Pollution, que j’avais vraiment apprécié, aimant particulièrement sa vision désenchantée de notre monde et sa plume aussi acérée qu’efficace. On change d’univers avec Capital rose qui nous engage dans le milieu malaisant des travailleurs du sexe en nous proposant de suivre le parcours de Paul. La lecture fut addictive, brute de décoffrage et profondément dérangeante. Dans le genre, c’est très réussi.

 

Paul est une jeune homme qui bosse dans un Franprix de Paris et vivote dans son petit appartement de location. Tout bascule lorsqu'il se fait licencier pour faute grave alors qu’il n’a rien fait. Le voila plongé dans une extrême précarité et il lui devient impossible de joindre les deux bouts. Il mange moins, rogne sur tous les aspects de son budget, commence à perdre du poids. Il n’arrive plus à émerger. Lors d’une soirée, un ami lui parle de ses activités d’escort qui lui permettent de financer ses études de droit.

 

Paul réfléchit et décide de franchir le Rubicon. Étant de nature raisonnable, il se prépare un plan de carrière, se fixe des limites et a pour objectif premier de s’acheter un appartement. Il commence doucement, enchaîne les passes avec des hommes de tout âge et toute condition. Il ravale sa fierté, fait des compromis et ça fonctionne. Les rentrées d’argent augmentent très vite, il diversifie alors ses activités en vendant des images et vidéos grâce aux réseaux et au paiement d’abonnements pour les amateurs. Mais voila, à force de réussite, l’hybris pointe le bout de son nez, Paul va s’égarer et aller très très loin dans la déchéance.

 

Je peux vous dire qu’il faut avoir le cœur bien accroché pour plonger dans l’univers interlope qui nous est proposé. À travers Paul, c’est tout un monde qui s’ouvrait à moi et je dois avouer que j’ai été constamment sur la corde raide avec cette lecture. Tout le talent de Tom Connan réside dans le fait de parler de choses repoussoirs avec une langue qui fait mouche. Des premiers pas d’un jeune prostitué pas sûr de lui avec les humiliations qui vont avec, au businessman sans scrupules qui base tout sur le fric, rien ne nous est épargné dans ces chapitres courts et incisifs comme autant de traits que l’on prend en plein cœur.

 

C’est crû et violent, profondément humain dans ce qu’il décrit. Il est question d’exploitation de son corps, le fameux capital rose qui donne son titre à l’ouvrage, de connaître ses limites, d’amitié aussi avec Clément, l’ami qui deviendra amant. C’est aussi une histoire moderne, post COVID, avec ces êtres esseulés qui vivent sur les réseaux, réseaux de mise en connexion mais aussi parfois de mise au ban avec son lot de cruauté en ligne, de harcèlement et de destruction. Le fric, la réussite, la jalousie, les pulsions d’amour et de mort, tout se mêle dans une sarabande mortifère où le héros perd pied et un peu de son âme. Paul devient un être hybride, un personnage auquel on ne s’attache pas forcément mais qui fascine et finit par dérailler totalement. Le dernier acte du roman est une vraie folie, dommage d’ailleurs que la fin soit si abrupte. Mon côté maso aurait bien voulu le suivre encore un peu plus mais bon, on s’imagine très bien la suite.

 

La langue est toujours belle, verte, virevoltante, thrash et poétique à la fois. L’histoire est comme toujours avec cet auteur l’occasion d’une critique sans fard de notre société, de l’exploitation de l’homme par l’homme, de la logique individualiste au mépris du collectif. C’est encore plus fin que dans l’ouvrage précédent et le propos se mêle parfaitement au parcours de Paul. C’est sombre et réaliste à la fois, ça ne respire pas la joie de vivre mais le combat est terrible et le constat tout autant. Un ouvrage à lire si vous vous laissez tenter et si vous aimez être secoués. Dans le genre, on fait difficilement mieux.

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