"La Dernière reine" de Rochette

L’histoire : Gueule cassée de 14, Édouard Roux trouve refuge dans l'atelier de la sculptrice animalière Jeanne Sauvage. Elle lui redonne un visage et l'introduit dans le milieu des artistes de Montmartre. En échange, Édouard lui fait découvrir la majesté du plateau du Vercors et l'histoire du dernier ours qu'il a vu tué quand il était enfant. Au coeur du Cirque d'Archiane, il lui dévoile la Dernière Reine et incite Jeanne a créer le chef d'oeuvre qui la fera reconnaître.

La critique de Mr K : Quelle claque mes amis, quelle claque ! C’est encore à l’ami Franck que je dois cette superbe découverte, cette BD lue cet été et qui m’a profondément marqué. De l’auteur, j’ai évidemment lu Le Transperceneige, une BD d’anticipation glaçante dans tous les sens du terme. Dans La Dernière reine, Rochette nous offre un récit qui est une véritable ode à la nature, l’amour et la vie.

Édouard survit à la Grande guerre mais à quel prix ! Il a la moitié du visage arraché, le voici gueule cassée comme 15000 français revenus du front défigurés. Lui l’enfant du Vercors ne veut plus revenir au pays, revoir sa mère, il se fait horreur et se considère comme un monstre. La rencontre avec Jeanne va changer sa vie. Sculptrice animalière, elle lui offre un nouveau visage et en même temps à nouveau de l’estime de soi. Reconnaissant, il lui offre l’évasion et la découverte, il l’emmène dans son pays natal à la découverte des montagnes, des animaux. Une douce passion naît entre ces deux écorchés de la vie.

Dans tout ce qu’il aborde dans cet ouvrage, Rochette ne se rate jamais et pourtant les sujets sont lourds. Passionné par la Grande guerre, j’ai trouvé son évocation parfaite notamment dans le traitement du retour d’Edouard à la réalité civile. Psychologiquement, ce récit est une merveille car il faut reconstruire l’âme et le corps, le processus est magnifiquement rendu à travers les cases souvent vides de texte, seuls les traits parlent, les échanges de regards aussi. L’émotion est palpable, Édouard tel le phœnix renaît et emporte avec lui Jeanne, une femme que l’époque veut cantonner dans les seconds rôles artistiques du fait de son sexe et qu’Édouard va à son tour accompagner dans son processus d’observation et de création.

Quoi de mieux que l’isolement, l’éloignement des communautés humaines pour faire le point, se ressourcer et peut-être s’inspirer soi-même ? La deuxième partie de la BD s’attache à nous montrer ses moments de pur bonheur, de communion avec la nature avec la recherche des plaisirs simples, universels et vitaux que l’homme a tendance à oublier au nom de ses désirs et de son mode de vie. C’est beau, envoûtant, pénétrant avec en sous-texte l’idée de la nécessaire préservation de la nature avec la fameuse dernière reine, cette ultime survivante de sa race, une ourse majestueuse et insaisissable. On a l’œil bien humide je l’avoue au fil de la lecture, une telle histoire ne peut finir bien et pour personne... la fatalité semble rattraper nos deux héros et l’on finit sur les genoux.

Peu bavard, volontiers contemplatif, prenant son temps pour installer personnages et ambiances, La Dernière reine est sublime, un ouvrage qui prend aux tripes et au cœur. C’est parfois tremblant que l’on tourne les pages, habité par une certaine mélancolie et une gravité qui ne se dément jamais. Le plaisir est total malgré tout tant on est emporté par le souffle de l’histoire et sa portée métaphysique. Une merveille parmi les merveilles. Vous savez ce qui vous reste à faire !

Comments

[ta d loi du cine]

Voilà une BD qui a tout à fait sa place pour le Challenge "De 14-18 à nous" chez Blandine...

Je l'ai lue, ai été un peu dérouté par l'histoire du "culte de l'ours" qui s'entremêle avec le destin de la "seule cassée"...

Je tâcherai de l'emprunter en bibli pour la faire découvrir à dasola, qui avait apprécié "Le loup"!

(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola