"La végandelle" de Laurent Bayer

Le contenu : Evelyne se perd dans les caves du palais de justice. Bernard et Valérie décident de se rencontrer, mais aucun n’a mis sa vraie photo sur son profil. Et Arnaud a un mal fou à concocter une fricadelle végane...

Deux fils rouges traversent ce recueil : l’ironie et Bruxelles, ville natale de l’auteur.

La critique de Mr K : Petite balade fort plaisante en terres belges avec ce nouveau recueil de nouvelles paru récemment aux éditions Quadrature. Dans La végandelle, l’auteur Laurent Bayer nous propose dix textes à chute dont la plupart font mouche et nous régalent.

L’auteur, politologue de formation, a un passe-temps de prédilection : le "people-watching", l’observation socio-anthropologique dans sa traduction française. Je l’imagine prenant des notes dans divers endroits clefs de Bruxelles, noircissant des carnets et passant ensuite à la phase d’écriture, imaginant les destins des hommes et femmes qu’il a pu croiser ! Pour éviter de sombrer dans le désespoir (car l’époque est ce qu’elle est), il réserve à chacun un traitement unique et des surprises de taille dans des situations finales pas piquées des vers, certaines restant gravées longtemps dans la mémoire du lecteur.

On côtoie beaucoup de personnages différents, rien ne les rapprochent vraiment que ce soit en terme d’âge ou d’origine sociale. Chacun est un peu tourmenté à sa manière, à son niveau et cherche une solution au problème ou à une nouvelle situation personnelle : une employée de bureau travaillant pour la Justice se retrouve coincée dans le sous-sol du Palais de justice dans les archives, deux personnes "matchent" sur un site de rencontre sans montrer leur vrai visage, une baronne qui donne des dîners très huppés ou le savoir-vivre n’est pas une rigolade, un vieux monsieur rentre dans un magasin pour se faire habiller de pied en cape pour une triste occasion, un homme veut profiter d’une randonnée pour reconquérir son ex, un couple ayant touché le jackpot lors d’un héritage ne sait pas quoi faire de tout son argent et commence à réfléchir à la trace qu’ils veulent laisser, une néo-convertie à l’Islam s’inquiète d’une potentielle rupture de jeûne, un gars timide veut aller voir une péripatéticienne et va s’entretenir finalement avec une vieille dame toujours à regarder par sa fenêtre, un homme veut renouveler le milieu du music hall et enfin un homme en pleine reconversion veut "véganiser" un plat de viandard !

À part deux textes qui m’ont semblé plus faiblards, on se laisse porter par ces très courts récits qui font la part belle à la caractérisation précise et enveloppante de ses personnages. En une ou deux pages, on a déjà l’impression de bien connaître les protagonistes principaux et l’on attend qu’une chose, que l’auteur déploie la suite de l’intrigue pour savoir le sort qu’il leur réserve ! Très banales, ces existences s’orientent chacune vers une direction insoupçonnée, souvent logique et au final jubilatoire. La vie peut s’avérer facétieuse et ces histoires en sont le miroir. J’ai beaucoup rit (au dépens des personnages, je l’avoue), parfois aussi j’ai été ému par la détresse qui émane de certains personnages. Les sentiments se mêlent au fil de la lecture qui s’avère légère, agréable et source de plaisir intense parfois.

Précis, économe en mots, Laurent Bayer a le sens du rythme, équilibre parfaitement sa prose. Volontiers précieuse par moment, travaillée et évocatrice à souhait, l’écriture est une pure merveille, gouleyante à souhait et toujours au service de son propos. Un bien beau recueil que je vous invite à découvrir à votre tour.