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Le Capharnaüm Éclairé
13 avril 2022

"August" de Callan Wink

L’histoire : Comme beaucoup d’adolescents, August aime les chiens et la nature. Comme beaucoup d’entre eux aussi, il vit mal la séparation de ses parents. Dans leur ferme du Michigan, il y a désormais une maison pour sa mère, une autre pour son père et sa petite amie. Le garçon se partage entre les deux, jusqu’au jour où il doit déménager avec sa mère dans le Montana.

 

August y tombe amoureux des paysages de l’Ouest américain, découvre le rodéo et la pêche à la mouche mais peine à se faire des amis. Après un épisode d’une rare violence, il finit par se faire embaucher dans un ranch isolé de la région. Livré à lui-même, dans un pays sonné par les attentats du 11-Septembre, il n’aura d’autre choix que de faire face aux contradictions de l’adulte qu’il est en passe de devenir.

 

La critique de Mr K : J’avais adoré la première parution française de Callan Wink lors de sa sortie, un recueil de nouvelles formidable (Courir au clair de lune avec un chien volé) dont je me rappelle toujours très bien alors que je l’ai lu en 2017, c’est dire le talent de l’auteur qui m’avait bluffé par sa compassion pour ses personnages et son style limpide. Il remet le couvert avec l’arrivée de son premier roman sorti en France le mois dernier : August. Roman initiatique d’un jeune homme un peu perdu, portrait de l’Amérique du début du XXème siècle, témoignage naturaliste des campagnes américaines, cet ouvrage est tout ça à la fois et bien plus encore.

 

August est un adolescent comme beaucoup d’autres, rien ne semble vraiment le démarquer. Il vit à la campagne entre son père et sa mère logeant dans deux maisons séparées mais sur le même terrain. Le paternel est fermier, il a un cheptel de vaches laitières. Le garçon a donc grandi dans l’ambiance ranch, aidant régulièrement son père dans les tâches quotidiennes. Il aime ça et son géniteur voudrait bien qu’il reprenne la ferme. La maman volontiers mystique ne lui met pas la pression, il fera bien ce qu’il voudra et ce trio improbable a trouvé un semblant d’équilibre.

 

Tout va changer, lorsque la mère d’August va dégoter un poste de bibliothécaire dans le Montana et déménage avec son fils. C’est le temps de la séparation avec le père mais aussi celui de la découverte des grands espaces préservés du Nord-Ouest des États-Unis, l’émergence de problématiques liées purement à l’adolescence, la puberté et la naissance du désir, les relations amicales, la consolidation de soi et la quête de son avenir et enfin la débrouille et le difficile envol du nid familial.

 

L’ouvrage est assez contemplatif, on est dans la pure tradition du roman initiatique. Le jeune homme doit devenir un homme et la route est longue. C’est environ quatre / cinq ans de la vie d’August qui nous sont contés ici avec luxe de détails et une finesse de tous les instants. Je dois avouer qu’en lui-même August n’est pas un personnage particulièrement attachant de prime abord. Très apathique, distant avec les autres, rien ne semble vraiment le toucher, tout glisse sur lui. Il traverse la vie sans vraiment se raccrocher à un rêve ou à une personne précise. Quasiment désincarné par moment, on se demande bien où il va. Tout cela n’est évidemment qu’une façade, les ressorts de cette psyché particulière seront révélés dans l’ouvrage, leur assimilation par August lui permettra d’enfin avancer et d’entrevoir un avenir possible.

 

En attendant, il bouge avec sa mère, termine le lycée sans poursuivre les études. Il bosse dans des fermes, réparant des clôtures et faisant la joie de ses employeurs qui reconnaissent son côté bosseur et engagé dans ce qu’il fait. Il fera ainsi des rencontres importantes entre substituts paternels, professions de foi dans l’existence, grands copains de déconne pour se tester et faire des premières expériences dont certaines traumatiques comme cette nuit de bacchanales autour d’un grand feu de joie. Et puis, il y a le sexe, l’amour, l’attirance pour quelqu’un d’autre que soi, un domaine où August est loin de tout maîtriser et qui va le marquer durablement dans sa chair et son esprit. Le personnage principal au-delà de sa simplicité apparente donne à voir une belle peinture des affres de la condition humain, de la vertu du hasard et d’un cycle infini qui se perpétue. C’est beau et simple à la fois, universel.

 

L’ouvrage est aussi un beau portrait de l’Amérique profonde, une Amérique choquée par les attentats du World Trade Center. Repli sur soi, complotisme mais aussi maintien des vertus américaine sont abordés avec là encore une grande justesse, une humilité et une humanité profonde. On côtoie ici les gens de rien, les anonymes, ces gens du peuple dont on cause peu, parfois méprisés mais profondément humains, miroir d’une certaine Amérique qui se situe loin des clichés trumpistes ou des modèles de réussites glorifiantes. J’ai aimé cette balade douce-amère parmi eux, une promenade souvent saisissante et poétique avec en prime une évocation régulière de la nature qui prend des accents poétiques à l’occasion. La rivière qui coule doucement et où les pêcheurs attendent LA prise de la journée, le vent dans les arbres et les coteaux, les troupeaux que l’on traie ou que l’on mène au champ, les paysages préservés du Montana et pléthore de détails immergent littéralement le lecteur, l'emportent loin dans un voyage marquant en terres transatlantiques.

 

Vous l’avez compris, August est un pur bonheur de lecture, un plaisir d’humanité, d’intelligence à l’écriture aussi plaisante qu’évocatrice. Les pages se tournent toutes seules et l’on ressort de cette lecture heureux. À lire !

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