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Le Capharnaüm Éclairé
15 juillet 2021

"Insectes" de Minhye Zang

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L’histoire : Qui jette ses reflets émeraude sous le soleil quand l’inspecteur le sort intact du conduit auditif de la petite fille. La petite fille dont le cadavre desséché vient d’être retrouvé dans la broussaille d’un jardin peu entretenu au milieu des immeubles.

Trois ans que la police la recherchait.

Un suspect est vite appréhendé, Da-in, un adolescent, livreur de journaux qui élève des milliers d’insectes dans le taudis où il vivote avec un copain, lui aussi enfant des rues, abandonné. Da-in serait un récidiviste, il aurait tué sa mère et sa sœur et aurait déjà utilisé les corps pour y élever ses petits compagnons nécrophages.

Alors, ce scarabée, est-ce la signature macabre d’un gamin psychopathe ? Si tous semblent le penser, une personne ne peut y croire : la mère de la petite fille assassinée. Qui va suivre le chemin des insectes vers la vérité.

La critique de Mr K : Je vais vous parler aujourd’hui d’une lecture coup de poing, de celles qui marquent de leur empreinte l’esprit du lecteur et ceci même si vous pensez avoir fait le tour d’un genre, ici le thriller. Les éditions Matins calme avec Insectes de Minhye Zang proposent un ouvrage qui touche fort et juste au plus profond de nous avec cette histoire de meurtre qui va révéler une réalité affreuse au cœur de laquelle nous retrouvons des gamins des rues livrés à eux-mêmes dans une société qui finalement n’en a pas grand-chose à faire. Suspens haletant et constat terrible se conjuguent dans cet ouvrage pour livrer une œuvre inoubliable à la lecture addictive.

Tout débute par la découverte du cadavre desséché d’une très jeune fille près de logements populaires. Hyeon-Ji, la maman, était sans nouvelles depuis trois ans et cette annonce est bien évidemment un choc pour elle. L’enquête est menée tambour battant par des flics pressés de trouver le responsable de ce crime épouvantable et le jeune Da-In, un garçon des rues mutique et étrange, semble correspondre au profil recherché. Le procureur l’accable malgré des preuves incomplètes. Cependant quelques détails semblent prouver que ce coupable idéal est innocent et Hyeon-Ji va continuer ses recherches en parallèle d’un jeune policier surdoué qui se doute bien que l’enquête a été bâclée. Par le biais de différents points de vue, on pénètre dans une autre dimension de la Corée du sud, une Corée interlope et malsaine que je n’avais pas encore vraiment lue ou vue.

Par sa construction erratique, multipliant les voix, l’auteure construit savamment et avec une science de la narration millimétrée une intrigue tortueuse et malsaine qui met en lumière les vicissitudes de la nature humaine. Plus on avance, plus on a l’impression de s’enfoncer en Enfer. Les révélations se succédant, on prend la mesure des atrocités et manipulations en jeu car derrière le "simple" meurtre d’une jeune fille lambda se cache un "système", une organisation souterraine terrifiante. Ce thriller met en avant de jeunes laissés pour compte qui sont approchés par un certain Jo, un homme charismatique manipulateur qui poursuit des objectifs bien sombres...

Le pire, c’est qu’on se rend compte que la société et ses différents acteurs couvrent indirectement ses agissements parce que ces mômes ne comptent plus. Disparus, fugueurs, loosers, en marge du système, ils sont totalement déboussolés et représentent des cibles idéales. La perversion des hommes étant sans limite, le sort qui leur est réservé ici est ignoble et le lecteur a l’œil bien humide à de nombreuses reprises, assaillis que nous sommes par des considérations et des pratiques que la morale réprouve. Face au drame, les autorités semblent donc passives, plus intéressées par la rentabilité et les chiffres de résolution d’enquête. Heureusement, il reste certains policiers consciencieux, habités par leur mission qui vont continuer à enquêter malgré les certitudes établies. Au passage, l’auteure nous livre aussi des scènes sidérantes où la foule fanatisée, la vindicte populaire, s’exprime à partir de on-dit et de pseudos certitudes, réactions intransigeantes qui m’ont fortement ébranlé.

Au milieu de cette rage, de ces injustices et de cette tristesse émerge la figure de la mère éplorée qui va poursuivre son chemin de croix et tout faire pour faire surgir la vérité. Symbole de la tolérance, de la résilience et de la compréhension, Hyeon-Ji incarne avec le jeune flic idéaliste ce qu’il y a de plus beau et noble chez l’homme. Face au machisme ambiant (l’auteure n’y va pas avec le dos de la cuillère là aussi), malgré son chagrin et sa peine, elle va contribuer à lever le voile sur des secrets bien enfouis. Bien marquant également se révèle être aussi le parcours de Da-In, figure exutoire de l’opinion publique populaire, victime qui inspire une commisération sans bornes et envoie en pleine face du lecteur toute la misère et l’injustice du monde. Il faut du temps pour s’en remettre.

Insectes est une perle. Personnages fouillés, trame complexe à la construction labyrinthique, engagement social fort se mêlent avec une langue frontale et nuancée à la fois qui ne ménage pas le lecteur et l’immerge dans un milieu désaxé. Dérangeant, troublant et révoltant à la fois, cet ouvrage est d’une rare puissance évocatrice et se révèle être aussi un thriller très efficace qui provoque une addiction immédiate. À mes yeux, ce titre est un des meilleurs du catalogue des éditions Matins calme et les amateurs du genre seraient bien inspirés de se le procurer au plus vite. À bon entendeur...

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