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Le Capharnaüm Éclairé
22 juin 2012

"La diva et le kriegspiel" de Pierre Christin et Annie Goetzinger

00149f70L'histoire: A la Libération de la France, une célèbre cantatrice est arrêtée interrogée par des maquisards. Elle refuse de parler, les résistants reconstituent à sa place son histoire, son parcours.

La critique de Mr K: Dans cet ouvrage, on suit la vie et la carrière de Camille Provost, grande chanteuse lyrique française, depuis sa naissance dans une famille modeste et sa déchéance lors de la libération. Derrière ce récit de vie se cache une réflexion plus générale sur la période de l'occupation et le rôle que chacun a pu y jouer du collaborationniste zélé au résistant le plus farouche.

Tout commence au début du 20ème siècle avec la jeunesse de Camille. Les fêlures familiales sont déjà là, son père chômeur longue durée va peu à peu glisser dans l'alcoolisme et se laisser séduire par les idées de l'extrême droite véhiculées par les ligues de patriotes (beau passage sur les émeutes du 6 février 34 qui ont vu s'affronter les deux extrêmes face au palais Bourbon) et sa mère qui fait vivre la maisonnée par de menus travaux de couture qu'elle réalise à droite et à gauche.. Camille va se découvrir un réel talent de chanteuse et ne vit que pour son art. Grâce à une rencontre providentielle, elle va pouvoir l'exercer et sublimer toutes les œuvres qu'elle interprète. Elle va au cours de ses tournées rencontrer un germanophile passionné qui va se révéler par la suite être un fervent amateur de l'État Français de Pétain qu'il jugera par la suite pas assez déterminé dans l'aide à apporter à l'Allemagne vis à vis du péril juif.

Jusqu'à cette période trouble, le personnage de Camille est attachant. Elle se contente de vivre l'instant présent sans se préoccuper de la montée des périls durant les années 30 et mène une vie mondaine et insouciante. Son père devenu collabo, son mari propagandiste vichyssois, elle détournera la tête sans pour autant agir durant l'occupation malgré ses relations privilégiée avec des personnes de confession juive. Étrange personnage animé par le désir de vivre pleinement son art (voir l'intro avec sa maison en carton de petite fille) qui va se faire emporter par ses démons: l'indifférence et l'égocentrisme.

Le récit se présente comme la prise d'une déposition. Tout commence dans une ferme, où Camille est interrogée par un duo de résistants qui doit trier le bon grain de l'ivraie. Nous sommes donc situé au moment de l'épuration et il ne plane pas un seul doute sur le verdict qui sera prononcé envers Camille: la mort. Pour autant, au fil du déroulement, on se rend compte que les choses ne sont pas si simples, que les apparences sont parfois trompeuses et la fin vient nous cueillir comme si de rien n'était. On retrouve ici tout le talent de scénariste de Pierre Christin qui reconstitue de manière impeccable cette période historique complexe et le destin de Camille embrasse crédiblement l'Histoire avec un grand H. Ce fut une très bonne lecture qui conjugue à la fois ton épique et drame intimiste. Une belle expérience que je vous invite à partager!

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(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Déjà lus, appréciés et chroniqués du même scénariste:
- La maison du temps qui passe
- La croisière des oubliés
- Partie de chasse

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Commentaires
M
@Pauline: Pour ma part, je vais m'intéresser de plus près à cette dessinatrice qui n'a pas son pareil pour retranscrire une époque et des sentiments. :)
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P
Eh bien j'ai découvert A. Goetzinger grâce à Marie-Antoinette, La reine fantôme que j'ai beaucoup aimé, je vais noter et tenter de dénicher ce titre! Merci pour la découverte!
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