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Le Capharnaüm Éclairé
3 mai 2020

"Un Lieu sûr" de Barbara Gowdy

book_tale_2000_gowdy

L’histoire : Bourbe est une jeune éléphante qui vient d'atteindre l'âge adulte. Sa vie d'Elle-là (l'espèce éléphantine) dans sa famille d'adoption s'écoule dans la peur. La peur des Patt'arrière (humains) qui massacrent de plus en plus de familles. Qui plus est la plus dure sécheresse depuis des dizaines d'années commence à sévir. L'eau et la nourriture commencent à se faire rares. Mais il y a peut-être un espoir. Une rumeur se répand, celle du Lieu sûr, un paradis loin de la peur et des massacres...

La critique de Mr K : Ce livre était dans ma PAL depuis un sacré bout de temps et une chronique dithyrambique le concernant m’a persuadé de le repêcher et de tenter l’aventure. Un Lieu sûr de Barbara Gowdy est un roman bien particulier, comparé en quatrième de couverture à du Kipling ou du Tolkien car l’auteur a quasiment inventé un langage pour pouvoir faire parler et évoluer ces protagonistes qui sont ni plus ni moins que des animaux et en grande majorité des éléphants ! Le pari est osé et globalement rempli même si certains écueils ne lui permettent pas à mes yeux de se classer dans mes ouvrages coup de cœur.

Cette fable animalière se déroule donc en Afrique dans un grand domaine dont on retrouve une carte simplifiée en début d’ouvrage. Ça commence bien, j’adore les cartes et plans dans les livres ! On suit la destinée de multiples animaux dont plusieurs familles d’éléphants dans une quête quasi existentielle, celle du fameux lieu sûr qui donne son nom à l’ouvrage, un endroit où tous pourraient vivre en paix loin des catastrophes naturelles et surtout des humains, menace de plus en plus prégnante. On suit la vie du troupeau, leurs moeurs, leurs rapports parfois orageux, les rapports de dominés /dominants mais pour fois de l’intérieur comme si nous en faisions partie.

C’est plutôt bien rendu. C’est avec un luxe de détails que l’auteur s’attarde sur les différentes étapes de la journée, les habitudes, les fonctionnements internes et les pensées de chacun des protagonistes. La nature est représentée comme elle est : ordonnée, toujours juste malgré l’aspect sauvage et indomptée dont elle fait preuve parfois. La vie et la mort sont concomitants, la sélection naturelle fait le reste sans tenir compte des sentiments et liens créés entre individus. Les rapports de force existent mais aussi une forme de solidarité, d’entraide, notamment face à de super prédateurs comme les êtres humains.

C’est réaliste malgré l’étrangeté du projet, emprunt de poésie et avec de forts sous entendus qui permettent au livre comme toute fable de fournir moult parallèles qui font s'interroger le lecteur sur notre espèce. D’ailleurs dans cet ouvrage, il y a des scènes et des évocations insoutenables de nos exactions sur ces animaux nobles en voie de disparition. Cela serre le cœur et révolte tout à la fois. Au cœur d’un raisonnement, une aînée raconte même la création de l’homme dans un passage terrible que je vous le livre ici :

Il y a dix mille ans, pendant la première longue sécheresse, un mâle et une femelle (éléphants) affamés tuèrent et mangèrent une gazelle et ce faisant violèrent la première et la plus sacrée des lois : "Tu ne mangeras point de créatures, vivantes ou mortes". Avant même que les deux mécréants aient terminé leur repas, ils commencèrent à rapetisser. Tandis que leur corps devenait plus petit et plus fleut, leur trompe diminuait jusqu'à ne plus être qu'un moignon, leurs oreilles rétricissaient, et une fourrure poussait au sommet de leur tête. Ils se dressèrent sur leurs pattes arrière pour protester mais seul un faible hurlement sortit de leur gorge. Furieux et pleins de défi, ils se déclarèrent carnivores, libres de s'attaquer à n'importe quelle créature ne marchant pas debout (ainsi que, dans leur éternelle colère, ils le faisaient à présent).

Pour autant, je me suis parfois ennuyé dans cette lecture, la faute à l’aspect parfois trop documentaire animalier avec une matière trop dense, trop naturaliste qui m’a étouffé et s’étend trop en longueur. J’aurais voulu qu’il y ait plus d’effets narratifs, d’artifices scénaristiques pour donner vraiment vie à un univers pourtant bien vivant. Il m’a fallu en milieu de tome me battre contre l’envie de lire en crabe, mon esprit vagabondant hors des lignes sans que je puisse vraiment me raccrocher à quelque chose de solide. Heureusement le dernier tiers revient vraiment sur la quête principale et propose une fin logique et sombre à la fois.

L’écriture est très accessible même si les termes inventés pullulent et pourront rebuter certains (un lexique est néanmoins présent en début d’ouvrage). Un Lieu sûr se lit cependant facilement malgré quelques freins qu’il faut surmonter. C’est une lecture qui se mérite, au message écologique fort et original dans sa forme. À chacun de tenter l’aventure ou non.

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Commentaires
V
c'est drôle, j'ai l'impression de voir des éléphants partout en ce moment! le thème et la forme me tentent beaucoup malgré tes bémols.
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E
jamais entendu parler ce ce livre, pour m'être occupée d'éléphants en Thaïlande, ils sont très malins, et ont une excellente mémoire et ils aiment jouer et te foncer dessus si tu caches des bananes sur toi :-)
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G
Oh ça m'intéresse! En me rappelant tes quelques réserves, je ne devrais pas être déçue. Le principe me rappelle un peu Watership Down mais en plus dur, sans doute.
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