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Le Capharnaüm Éclairé
3 janvier 2018

"Fil de fer" de Martine Pouchain

9782081413207

L’histoire :
- On est bien, hein ?
- Oui, on est bien. Je contemplais les petits nuages paresseux suspendus dans l’azur. Plus rien d’autre n’existait, il n’y avait plus que l’herbe, nous et le ciel. L’éternité.

C’est la guerre. Gabrielle, surnommée Fil de fer, doit quitter son village pour fuir sur les routes de France avec sa famille. Au cours d’un exode dur et périlleux, Fil de fer rencontre un garçon mystérieux. C’est le coup de foudre. Qui est ce beau jeune homme qui n’a jamais faim ou soif ?

La critique de Mr K : Retour dans la planète jeunesse aujourd’hui avec ce roman tout juste sorti en librairie chez Flammarion jeunesse. Au programme, un amour adolescent décortiqué à travers le prisme de la seconde guerre mondiale. Une double thématique qui touche le cœur et les esprits à travers un ouvrage réussi grâce à sa finesse dramatique et son écriture immersive à souhait.

Fil de fer est le surnom que donne son père à Gabrielle, une jeune fille de 15 ans issue d’une famille de paysans du nord de la France. Avec ses trois sœurs et ses parents, elles vivent au rythme des saisons entre travaux des champs, école et vie communale (la messe du dimanche notamment mais aussi divers festivités, lieux de rencontre). Tout cet équilibre va se voir chamboulé par la déclaration de guerre du mois d’août 1939 et, l’année d’après, le nécessaire exode de beaucoup de nos compatriotes de l’époque qui ont dû tout laisser derrière eux (possessions, maisons...) pour fuir l’avancée fulgurante des troupes allemandes. Fil de fer et ses proches n’y coupent pas et durant ce voyage hors du commun entre espoirs, moments de terreur et d’abattement pur, Gabrielle va rencontrer Gaétan, un étrange et séduisant adolescent dont la famille a disparu lors d’un bombardement...

Écrit à la première personne du singulier, le récit est très vite immersif. Le lecteur s’attache d’emblée à Gabrielle qui nous raconte avec la verve de ses quinze ans la routine qui habite son existence : les rapports avec ses proches, la vie à la ferme, ses aspirations de jeune femme en devenir. La maturité commence à pointer le bout de son nez quand le conflit éclate. Ce dernier va la faire basculer vers l’âge adulte beaucoup plus vite qu’elle ne l’aurait crû de prime abord. La petite fille à son papa va devoir affronter des épreuves douloureuses au cours du dangereux périple que la famille entreprend et la rencontre avec Gaétan va lui ouvrir la porte des premiers émois. Étrange garçon que ce jeune homme taciturne, semblant traumatisé par ce qu’il a vécu. Il parle peu, dévoile difficilement ses sentiments et entretient un trouble chez Gabrielle qui tombe amoureuse de lui progressivement et durablement. L’époque étant ce qu’elle est, elle doit maintenir une distance physique entre eux et cet éloignement ne fait que renforcer l’attrait du garçon qui ne la touche pas, ne l’embrasse pas et semble détaché du réel...

On sent bien d’ailleurs qu’il y a quelque chose qui cloche, que Gaétan cache un lourd secret, que Gabrielle tout à sa fascination ne voit pas tout ce qu’il y a à voir. Le contexte n’aide pas et Martine Pouchain retranscrit parfaitement l’épisode historique si difficile que fut l’exode avec son cortège de déchirements, de larmes, de sacrifices et de morts inutiles au bord de la route sous le feu des stukas, l’aviation légère de l’Allemagne nazie. Les hordes de fuyards portant les quelques affaires qu’ils ont pu emporter sont livrés à eux-même dans le dénuement le plus total en pleine débâcle, où les repères et toutes les certitudes se sont envolés. C’est aussi l’occasion pour l’auteure de revenir au détour de l’histoire sur des actes peu glorieux et pourtant si nombreux comme le dépouillement des morts et le pillage / saccage des maisons abandonnées par les fuyards (toujours ça que les boches que n’auront pas). Depuis ma lecture des mémoires de George Charpak, je n’avais pas lu un récit aussi poignant et pointu sur cet épisode de la seconde guerre mondiale. Un très bon point.

D’une lecture aisée, fluide et totalement addictive (vive la focalisation interne !), ce roman est un moyen idéal de faire découvrir une époque complexe sans manichéisme primaire mais avec précision, finesse et humanisme. Rajoutez là dessus, une adolescence qui s’ouvre au monde et à soi sans pathos ni lourdeurs, et vous obtenez un ouvrage bien malin qui plaira à un grand nombre de jeunes lecteurs en devenir ou déjà confirmés. À faire découvrir au plus vite !

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Commentaires
B
Je ne connaissais pas du tout mais je dois dire que ça m'intéresse. Le fait que ça soit romancé sans pour autant oublier le contexte historique je trouve ça "sympa". Rien de Joyeux mais la romance doit apporter un côté doux à l'ambiance complètement terne. Je le lirai bien pour ça. Merci pour la découverte :)
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M
Je le lirai bien pour en parler à mes trolls...
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N
En voilà un qui va rejoindre notre CDI ! Merci pour la découverte
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