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Le Capharnaüm Éclairé
19 juillet 2016

"Le Chaos final" de Norman Spinrad

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L'histoire : Beurk ! Voici Sangre la planète rouge : tortures - terreur – cannibalisme. Ouais ! Voilà Bart Fraden le libérateur : embuscades – rapines – victoire. La révolution est en marche. C'est ça le Chaos Final !

La critique de Mr K : Troisième roman dans l'ordre chronologique d'écriture de Norman Spinrad, ce Chaos final s'apparente beaucoup à Rêve de fer, un ouvrage qui m'avait fait forte impression à la confluence de la fascination et du dégoût. Je vous préviens de suite (mais je crois que la couverture de cette édition parle pour elle-même...), si vous entamez cette lecture c'est la promesse de massacres, tueries, étripailles, tortures, bains de sang par m3, hurlements, MEURS MEURS MEURS, stratégies, traîtrises, hyper-défonces, retours-sur-soi, amour, mort, carnages, pillages, cannibalisme, fanatisme, égocentrisme, cynisme... Un sacré programme donc entre SF, récit de guerre et théorisation de la Révolution.

Chassé du système solaire par une révolte globalisée, Bart Fraden, accompagné de ses deux fidèles compagnons, est à la recherche d'une nouvelle planète à conquérir. Le plan est simple : trouver une planète habitable, mener une révolution pour renverser le pouvoir en place et se dorer la pilule. Programme séduisant s'il en est et en plus la planète Sangre paraît parfaitement convenir : une société féodale basée sur la loi du plus fort qui écrase sans vergogne ses administrés qui acceptent une loi naturelle qui implique torture, séquestration et cannibalisme ! Tablant sur la volonté des plus humbles de se réveiller et de prendre le pouvoir, Bart va s'immiscer dans les arcanes du pouvoir pour tenter de comprendre la logique régnant sur Sangre et la faire basculer. Il n'est pas au bout de ses peines et il ne ressortira pas indemne de cette aventure.

En effet, la caste dirigeante de la planète, la Confrérie de la Souffrance, est composée d'un ramassis de sadiques ayant à leur botte une armée de bêtes à massacre (on se croirait dans Mad Max avec des tueurs aux dents limées et obsédés par le meurtre) et dont l'unique raison d'être est infliger un maximum de souffrance pour en retirer un maximum de plaisir. Leur régime alimentaire est basé exclusivement sur l'anthropophagie ! Des fermes élèvent les hommanimaux qui constituent les cheptels des puissants et la population ne vit que sous le fouet des seigneurs et la soumission totale au sacro-saint ordre mis en place. Cela donne lieu, vous l'imaginez, à des scènes d'une extrême cruauté, gore à souhait (j'avoue je suis amateur) mais aussi à de belles pages plus théoriques sur les notions d'asservissement et d’avilissement consenti. Franchement fascinant et effrayant.

341 pages compose cette édition et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on les sent passer ! Un peu à la manière d'Orange Mécanique, l'auteur fait appel à tout ce que l'homme peut faire et penser d'abject pour dénoncer nos travers. C'est d'ailleurs ce qui transforme ce qui ressemble au premier abord à une série B littéraire en expérience terrifiante entre spectacle dantesque (au sens propre cette fois-ci) et raisonnement sur les mécanismes du pouvoir. Il est question notamment de raison d'État, de propagation de rumeurs et l'utilisation de la propagande pour manipuler les esprits (y compris via des drogues puissantes et addictives), les amener à penser comme le héros pour mieux les utiliser par la suite. En cela, le héros est fort intéressant car clairement ambivalent. Il a un petit côté gentil vaurien à la Han Solo dans la première trilogie Star Wars qui m'a séduit avec un langage argotique fleuri et délirant. Et puis, il y a le côté sombre, calculateur et cynique de Bart Warden qui ressurgit à l’occasion lors des grandes prises de décision et notamment le passage terrifiant de son initiation en tant que membre à part entière de la confrérie de la souffrance. Il est le symbole à lui tout seul de notre égocentrisme et de notre propension à vouloir plus sans questionnement moral. Il ressort du livre totalement éprouvé, ébranlé sur ses bases et changé à jamais.

Pas grand chose en terme d'espoir à se mettre sous la dent, l'écriture virevoltante de Spinrad n'en laisse que quelques miettes au détour de passages plus intimes notamment entre Bart et Sophia, ersatz de Sonia La Rousse qui va lui faire connaître des joies insoupçonnées mais qui ne suffiront pas à lui faire fuir la réalité. A vouloir changer la planète Sangre, c'est peut-être elle qui l'a changé... La lecture bien qu'éprouvante est diablement prenante et propose un savant mélange entre aventure dans un monde apocalyptique et exploration des mécanismes régissant un régime totalitaire. Clairement, je ne lirais pas un ouvrage comme celui-ci tous les jours, mais c'est le genre de lecture que l'on peut qualifier à la fois de déviante et de constructive. Une pure expérience que les plus courageux d'entre vous tenteront peut-être...

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