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Le Capharnaüm Éclairé
19 mars 2024

"Obsolète" de Sophie Loubière

 

L’Histoire : 2224. Depuis le Grand Effondrement de la civilisation fossile et les crises qui ont suivi, l'humanité s'est adaptée. Économiser les ressources, se protéger du soleil, modifier son habitat, ses besoins, et adhérer au tout-recyclage.

Y compris celui des femmes.

Afin d'enrayer le déclin de la population, toute femme de cinquante ans est retirée de son foyer pour laisser la place à une autre, plus jeune et encore fertile.

L'heure a sonné pour Rachel. Solide et sereine, elle est prête. Mais qu'en est-il de son mari et de ses enfants ? Car personne n'est jamais revenu du Grand Recyclage.

Et Rachel sent bien que le Domaine des Hautes-Plaines n'est pas ce lieu de rêve que promet la Gouvernance territoriale aux futures Retirées...

 

La critique de Mr K : Dans le genre pitch accrocheur pour amateur de dystopie, Obsolète de Sophie Loubière se pose là. C’est mon second voyage dans l’univers de l’auteure que j’avais découverte il y a déjà un petit temps avec son Poulpe, La petite fille aux oubliettes. On change littéralement de registre avec ce roman d’anticipation aux accents noirs lorgnant vers le thriller. J’ai passé un super moment avec un récit accrocheur dès les premières pages alternant présent et passé avec son lot de révélations et de réflexions sur notre monde. Certes, ce n’est pas des plus optimistes mais quel pied !

 

En 2224, la terre et l’organisation de l’humanité ont bien changé. Suite au Grand Effondrement, conséquence du capitalisme devenu fou, et d’un réchauffement global devenu réalité, les êtres humains ont du s’adapter, recréer de toute pièce une organisation sociétale permettant à chacun de vivre en sécurité et respectueusement envers la planète. C’est l’ère du tout recyclage, de l’apaisement aussi grâce à un bracelet spécial qui permet à chacun de réguler ses humeurs et de vivre sereinement. Le véganisme est de mise, les énergies fossiles ne sont plus que lettres mortes et une certaine quiétude, sérénité, englobe les survivants.

 

Seul hic et non des moindres, la fertilité est en chute libre et pour pallier cela, les femmes sont déclarées obsolètes à partir de 50 ans. Elles sont alors remplacées par des femmes plus jeunes, fertiles et l’ancienne épouse et maman se voit promise à se retirer vers un lieu au nom enchanteur : le Domaine des Hautes plaines. Personne n’en est jamais revenu et des rumeurs courent à son sujet entre Paradis ou Enfer. Toutes semblent pourtant accepter leur sort malgré le déchirement accompagnant cette séparation définitive avec leurs proches.

 

Le récit se concentre sur le personnage de Rachel, une femme qui s’approche de l’âge fatidique, mariée et heureuse en ménage avec ses deux enfants. Possédant un franc parler et une énergie communicative, elle est coiffeuse et s’occupe des autres. On apprend à la connaître et entre deux chapitres, on la retrouve plus jeune écoutant sa professeure expliquant à ses élèves les origines du Grand Effondrement et les mécanismes sociétaux mis en place par la suite. Les allers retours sont remarquablement gérés permettant de s’éveiller à une réalité effrayante à sa manière et suivre Rachel dans sa maturation d’enfant, d’adolescente et de femme. La rencontre avec son fougueux écossais de mari, son lien avec ses enfants et surtout avec ses amies qui vont partir en même temps qu’elle dans cet ailleurs indéfinissable mais dont vous saurez tout à la fin de l’ouvrage.

 

Parallèlement, se développe une intrigue plus policière avec la mort mystérieuse et inexpliquée de trois fillettes retrouvées mortes dans une grotte. Un crime dans cette société parfaite ? Cela semble impossible notamment à cause du fameux bracelet inhibiteur. Et pourtant… C’est le mari de Rachel et un de leur meilleurs amis qui tombent dessus. Ils commencent à mener leur enquête malgré un "classement sans suite" des autorités. Ils vont mettre le doigt sur des choses insoupçonnées. Avec cet axe, on découvre d’autres aspects de cette société, du point de vue des hommes notamment et cela propose un bon contrepoint à l’autre fil du récit.

 

À tous ces personnages attachants et passionnants dans leur traitement fin et juste, s’ajoute un background très bien tissé, complexe et creusé qui n’est pas si déconnecté de certaines pistes évoquées pour le futur qui nous attend. Je ne parle pas ici de l’obsolescence des femmes mais des choix civilisationnels pris autour de la nourriture, des transports, la camisole chimique aussi représentée par le bracelet, l’omniprésence de l'IA qui gère énormément d’éléments de votre existence : lumière, musique, choix personnels et conseils de toutes sortes. Au fil de notre avancée, le malaise s’installe, il est lourd, menaçant et l’ouverture sur un futur probable est à la fois saisissante et effrayante.

 

Très très belle lecture donc avec une langue vive, accessible et exigeante à la fois, des personnages remarquables et une trame générale qui ne tombe jamais dans la facilité avec une conclusion à la hauteur des attentes. Sans doute ma première claque de 2024, claque que je vous invite à prendre à votre tour.

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Commentaires
T
Je suis à moins d'une centaine de pages de la fin et le moins que l'on puisse dire c'est que je ne regrette pas d'avoir suivi tes conseils ! Un pur moment de lecture. Merci pour vos conseils toujours bien avisés à toi et Nelfe.
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E
Je vois ce livre sur mon fil de plus en plus avec à chaque fois de très bons retours. <br /> Je trouve ta chronique bien plus développée que ce que j'ai déjà pu lire surtout le côté masculin que tu abordes légèrement mais qui me donne encore plus envie de le découvrir.<br /> Je vais aller à la librairie ce we.
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M
Merci pour ces beaux compliments, ici on aime détailler nos avis sans concession ni clientélisme. Ce livre est grand bonheur de lecture et la fin est terrible à sa manière. J'espère qu'il te plaira tout autant qu'à moi. N'hésite pas à passer par ici pour me dire ton ressenti après lecture. ;)
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