dimanche 4 juin 2023

"Mille mères" de Véronique Bitouzé

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L’histoire : Le département maternité d'une clinique, c'est un pêle-mêle de récits de vie. On y rencontre mille mères, des fières-comme-des-paons, des presque-mères, des désirantes, des abîmées, des je-fais-de-mon-mieux, des perdues, des éperdues. Dans une maternité, la gravité et la légèreté se côtoient et nous font mesurer le prix de l'existence.

La critique de Mr K : Nouvelle incursion dans le catalogue de la belle maison d’édition Quadrature aujourd’hui avec le recueil de courts textes Mille mères de Véronique Bitouzé, psychologue clinicienne spécialisée en périnatalité, qui livre ici un ouvrage touchant au possible sur une thématique qui nous est très chère au Capharnaüm éclairé depuis l’arrivée de Little K : la naissance d’un enfant avec son cortège d’émotions contradictoires qui l’accompagne.

Ce livre s’apparente donc à un bric à brac de situations mettant en scène patientes, familles et professionnels de santé dans une maternité lambda. Rendez-vous prénataux, irruption en urgence sous le coup des premières contractions, accouchement en lui-même, retour en chambre avec le nouveau né (ou pas), atermoiements de chacun et doutes qui peuvent nous assaillir à ce moment clef et même avant lors de la découverte de difficultés de conception ou encore un couple qui se divise sur la volonté d’avoir ou non un enfant. Tout ceci est au cœur de ces mini-nouvelles au réalisme crû et parfois rude.

L’écriture en elle-même n’a rien de phénoménal, on est plutôt dans le factuel, la constatation même. Simple, fluide et accessible, elle évoque pourtant de manière très juste et avec une économie de mots bienvenue une foule d’émotions diverses comme les regrets et les envies, l’amour et la déception, le désir, l’appréhension ou encore la perte et la mélancolie. C’est aussi une fenêtre sur le quotidien des soignants et assimilés, leurs fonctions et missions nombreuses et complexes entre soin, conseil et accompagnement. Tout ces portraits se complètent très bien et donnent un ensemble cohérent, parfois très touchant aussi.

Bonne lecture donc même si elle se révèle pas facile par moment par rapport à ce qu’elle aborde. Tout le monde je pense pourra s’y retrouver en bien ou en mal. À tenter si le cœur vous en dit.


dimanche 30 avril 2023

"L'Art et la manière" de Barbara Carlotti

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L’histoire : Dans la baise, il y a l’art et la manière, les bonnes manières et les mauvais coups. La relation sexuelle, dans ses gouffres charnels, est un langage secret qui dévoile le fond de nos êtres. Sans doute est-ce pour cela que j’aime tant baiser. J’ai en moi cette curiosité insatiable. Les mots, que je crois savoir manipuler un peu, me laissent souvent frustrée, ils ne me donnent pas tout à fait les clés de mon existence.

Des histoires sensuelles, troublantes et poétiques, sur ce qui se joue dans l’incarnation du désir. Des histoires racontées avec audace et effronterie par un chœur de femmes cherchant à comprendre leurs élans sexuels.

La critique de Mr K : Barbara Carlotti et moi, c’est une grande histoire d’amour... mais chuuuuut, n’allez pas le lui révéler, elle n’est pas au courant. J’aime cette femme, sa voix, ses textes, son style, son ex émission de radio déjantée (Cosmic fantaisie) et désormais ses textes courts dans ce recueil de nouvelles sorti il y a peu. Dans L’Art et la manière, l’auteure nous parle d’elle, des femmes, de leurs désirs, de sexe, de cul, de la vie quoi ! C’est beau, étrange, poétique et furieusement addictif. Un sacré recueil de nouvelles en tout cas.

13 histoires constituent cet ouvrage, 13 textes plus ou moins courts (on oscille entre 4 et une trentaine de pages), 13 fulgurances où chaque titre se voit accoler un prénom de femme sauf pour la dernière nouvelle et vous saurez pourquoi quand vous la lirez -sic- Delphine, Sylvie, Éléonore, Anne ou encore Juliette, autant de femmes qui se livrent parfois sans retenue dans ce qu’elles ont de plus intime.

On croise ainsi tour à tour une quadra attachée de presse revenue de tout qui s’engage dans une soirée bien déjantée, une femme nous invitant dans son petit coin de Paradis et son trip érotico-végétal, une gamine partie en virée seule et rencontrant des gars peu recommandables, une autre nous parlant de ses rapports toxiques avec les hommes et sa tendance à réitérer certains schémas relationnels, une histoire d’amour se déroulant dans le milieu de la musique avec ses pas de travers et ses hésitations, le cauchemar récurrent d’une femme qui a vécu un traumatisme qu’elle doit se révéler à elle-même, une lecture de Shakespeare très sensuelle, une femme perdue redécouvrant des possibilités qu’elle croyait perdues, une histoire d’amour absolue et dangereuse, un couple qui décide de tout jouer aux dés comme un auteur qu'ils affectionnent tous les deux... et d’autres récits à découvrir et qui couvrent beaucoup d’aspects du désir.

On navigue bien souvent dans le milieu artistique ou attenant, en milieu urbain, pour ne pas dire parisien. C’est un milieu que connaît très bien Barbara Carlotti et qu’elle décrit ici avec précision et poésie. L’ambiance bien décalée, décadente par moment, déconnectée, se révèle tour à tour saisissante voire dérangeante. On a vraiment l’impression qu’on ne vit pas dans le même monde. Au delà du côté sexe, drogue & rock and roll, règne sur certaines nouvelles un côté désincarné, suffisant où les femmes naviguent à vue ou sont cantonnées dans un statut de femme objet. Solitude moderne, quête de l’amour dans un monde de plus en plus superficiel, les frontières semblent bien floues et déroutantes.

Pour autant, pas de réelles victimes ici mais des femmes qui prennent les choses en main, rebondissent face à une situation et essaient bon gré mal gré parfois d’avancer, de s’épanouir notamment sexuellement. Transgression morale, souffrance liée à l’abandon, les troubles de l’adolescence, la question du consentement, la recherche du plaisir extrême, la connaissance de soi... autant de thématiques assez contemporaines avec un focus large sur les relations hétérosexuelles, la lâcheté de nombre d’hommes et des vies qui s’entrechoquent pour le meilleur ou pour le pire.

Au final, le recueil s’avère vraiment très plaisant avec ce don d’écriture assez unique, cette science des mots qui mêle poésie trash, passages érotiques au pouvoir évocateur puissant et sulfureux et propos philosophico-mystiques qui touchent au but bien souvent. C’est barré, gouleyant et jubilatoire à la fois. C’est du Barbara Carlotti, on aime ou on n’aime pas. Pour ma part, j’ai été une nouvelle fois conquis.

mardi 11 avril 2023

"Lendemains qui hantent" de Gabriel Berteaud

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Le contenu : Neuf nouvelles haletantes, grinçantes, animées d'un souffle libertaire et rebelle qu'aucun des cauchemars dystopiques qui nous guettent ne parvient à éteindre tout à fait...

La critique de Mr K : Quelle belle découverte que ce recueil de nouvelles SF ! Dans Lendemains qui hantent, Gabriel Berteaud que je découvrais par la même occasion, nous propose neuf voyages en terres dystopiques, neuf voyages dérangeants, flippants voire tout bonnement abominables. Ces visions du futur aussi fugaces qu’incisives resteront pour certaines longtemps gravées dans ma mémoire, il y en a même une qui fera office d’œuvre intégrale pour mes cours de l’année prochaine.

Neuf nouvelles pour neuf visions assez effroyables dans leur genre de ce qui nous attend dans les décennies ou siècles à venir. Apocalypse nucléaire, IA aliénante au cœur de nos vies, le virtuel comme seul échappatoire, le contrôle des masses dans des systèmes autoritaires, le black-out énergétique et ses conséquences inattendues (une des rares nouvelles où un espoir apparaît), la parcellisation de nos sociétés par classes et potentiel de pouvoir d’achat, l’automatisation des hommes par le système... Des postulats plus ou moins classiques qui proposent donc des dystopies bien souvent glaçantes et révoltantes.

L’humanité s’efface... du moins dans ce qu’elle a de plus beau. Peu ou pas de place pour la générosité, l’écoute, l’empathie, les mondes présentés ici sont froids et sans âmes. Bien souvent dominés, les hommes sont asservis par les outils technologiques, l’individualisme et la quête de richesse se dispute avec l’avilissement et le fatalisme. Ici ou là, il y a bien une tentative de résistance, de réaction ou d’évasion dans une illusion virtuelle ou chimique mais bien souvent la réalité, quand elle ressurgit, tombe comme le couperet de la guillotine.

Ces histoires très courtes, bien ficelées, emballantes comme jamais malgré leur aspect noir sont aussi un beau prétexte pour critiquer vertement l’orientation que prend notre monde dans l’enfer ultra-libéral qui lui semble promis. La charge n’a certes rien d’original mais franchement elle fait du bien et l’accessibilité stylistique des textes en font de belles bases pour lancer des chantiers de réflexions avec de jeunes lecteurs, des citoyens en devenir.

Franchement, une très bonne expérience que ce recueil de nouvelles SF sur lesquelles souffle un vent de révolte libertaire qui fait du bien en ces temps bien sombres. Ne passez pas à côté si vous êtes amateurs.

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vendredi 31 mars 2023

"La Ville de vapeur" de Carlos Ruiz Zafon

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L’histoire : Un architecte qui fuit Constantinople avec les plans d'une bibliothèque inexpugnable, un étrange cavalier qui arrive à convaincre un tout jeune écrivain (accessoirement nommé Miguel de Cervantes) d'écrire un roman inégalable... On retrouve dans ce recueil une atmosphère et des thématiques familières aux lecteurs de Zafón : des écrivains maudits, des bâtisseurs visionnaires, des identités usurpées, une Barcelone gothique et certains des personnages phares de la tétralogie du Cimetière des livres oubliés, tels Semperé, Andreas Corelli ou David Martin.

La critique de Mr K : Chronique d’un très beau cadeau d’anniversaire aujourd’hui avec un des derniers Carlos Ruiz Zafon qu’il me restait à découvrir, La Ville de vapeur, un recueil de nouvelles écrites au fil du temps et publiées l’année de sa mort prématurée. Ce fut une fois de plus un merveilleux voyage en compagnie de ce conteur hors pair qui se révèle très doué pour aborder ce genre exigeant et nous livre au passage quelques petites révélations sur des personnages clefs de sa tétralogie du Cimetière des livres oubliés.

11 nouvelles composent ce recueil allant de deux pages à plus de soixante, le format de chaque texte évolue donc beaucoup pour à chaque fois un vrai moment de bonheur de lecture. On voyage à travers le temps et l’espace même si bien sûr avec cet auteur, on navigue toujours autour de Barcelone baignant dans une atmosphère gothique et que l’on croise des personnages à fort charisme.

Tour à tour, un très jeune écrivain tombe sous le charme d’une jeune fille très riche tout les sépare sauf leurs sentiments, en pleine hiver une jeune fille enceinte trouve refuge dans une maison aristocratique pas des plus accueillantes, un photographe loue sa fille pour célébrer et faire renaître un enfant mort, on suit le destin tumultueux du créateur du labyrinthe des livres oubliés ou encore celui de Cervantès dans une version quelque peu remaniée – sic -, un richissime avocat défie à chaque Noël quiconque de le battre aux échecs en échange d’un pacte faustien, un jeune garçon passe une nuit peu commune auprès d’une jeune fille énigmatique, on suit un assassin en mission, un jeune homme loue une chambre sous les toits et fait la connaissance de la fille du proprio qui n’est pas forcément ce que l’on croit, on accompagne Gaudi à New York et on assiste même à l’apocalypse en deux minutes et deux pages !

Porté par l’imagination folle qu’on lui connaît, Zafon nous offre un sacré mélange des genres avec ces textes mêlant écrit picaresque, légende, histoire, récit d’apprentissage, thriller à l’occasion, fantastique, romance impossible... On plonge avec délice dans ces textes où nombre de rêves éveillés font écho à l’âme sombre des hommes, où la vengeance n’est pas un vain mot, mais où on s’aime aussi, où l’on partage le goût des livres, des histoires qui enrichissent et réchauffent les âmes.

C’est beau, très finement écrit, très profond malgré la brièveté parfois extrême de certains textes. Ce fut une lecture poétique et envoûtante bien souvent, une lecture qui nous touche en plein cœur et provoque l’évasion immédiate. Quel beau moment encore passé en compagnie du virtuose espagnol !

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
- Le Prince de la brume
- Le Palais de minuit
- Les Lumières de septembre

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mercredi 22 mars 2023

"Je vous dépose quelque part ?" de Cécile-Marie Hadrien

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L’histoire : Gabriel et Apolline sont-ils des anges de la route ? Les voix des deux narrateurs alternent et se croisent tandis qu'ils pratiquent le covoiturage. Aux passagers de quelques heures embarqués avec leurs problèmes, leurs humeurs et confidences parfois envahissantes, ils offrent davantage que leur conduite expérimentée et l'habitacle confortable de leurs voitures respectives. L'impromptu s'invite à bord et les protagonistes goûtent alors aux extras de l'ordinaire.

La critique de Mr K : Retour aux éditions Quadrature aujourd’hui avec la chronique d’un très chouette recueil de nouvelles qui a réussi à m’émouvoir parfois jusqu’aux larmes. Je vous dépose quelque part? de Cécile-Marie Hadrien allie à la fois puissance évocatrice, petits récits inventifs tout en restant toujours au niveau des personnages qu’elle met en scène, dans une réalité à hauteur humaine où chacun d’entre nous peut se retrouver.

Les quinze nouvelles qui composent l’ouvrage suivent le même principe d’écriture : Apolline et Gabriel, les deux narrateurs, alternent leurs souvenirs dans les nouvelles et nous racontent une expérience de covoiturage, une rencontre avec quelqu’un ou quelques-uns qu’ils ne connaissent pas du tout. Le hasard, le contexte extérieur, la météo, la prédisposition mentale des uns et des autres va provoquer un événement ou des échanges sur eux, la vie voire la nature de la condition humaine.

Cela donne lieu à de belles rencontres avec des échanges riches en émotion. C’est parfois surprenant mais il faut dire que l’habitacle d’une voiture force la proximité et à l’occasion peut délier les langues. On aborde nombre de sujets qui nous touchent en plein cœur à commencer par l’amour et le rapport à l’autre qu’il soit charnel, spirituel ou simplement empathique. On décortique les mécanismes de la famille avec des pages pleines de bons sens, des souffrances aussi parfois à vif... Chaque passager apporte avec lui ses soucis, un sourire, une histoire qui va faire écho avec celle du conducteur bien souvent. Un lien d’ailleurs se crée entre le lecteur et Apolline et Gabriel. La dernière nouvelle clôt l’ensemble de manière magistrale.

Construction et déconstruction de soi, de nos habitudes, de nos certitudes... au fil des rencontres, ce sont des vies humaines dans toute leur complexité qui nous sont exposées avec simplicité, sans artifices stylistiques inutiles. La langue est ici belle, accessible, sereine je dirais même. L’auteure nous enveloppe dans un cocon et nous invite à partager ses rencontres tantôt poignantes, tantôt drôles, toujours marquantes en tout cas et éclairantes.

Un bien beau recueil que je vous invite à découvrir au plus vite si vous êtes amateur de nouvelles contemporaines. Vous ne serez pas déçus.

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dimanche 12 mars 2023

"Nous aurions pu être des princes" d'Anthony Veasna So

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L’histoire : À Stockton, Californie, les temples bouddhistes et les épiceries cambodgiennes ont fleuri depuis l'arrivée massive de familles ayant fui leur pays et le régime génocidaire des Khmers rouges. Dans cette ville entre Asie et Amérique, on croise ainsi des bonzes, de vieilles tantes intrusives et des adolescents mortifiés par l'ennui, tout un monde d'histoires passées sous silence, de désirs naissants, de tiraillements identitaires et sexuels, où l'avenir tente de se construire sur les fondations d'un traumatisme profond et en dépit du poids des traditions.

La critique de Mr K : Escale en Terres d’Amérique aujourd’hui avec ce recueil de nouvelles doux-amer proposant un focus sur la diaspora cambodgienne de la côte ouest US. Neuf récits composent Nous aurions pu être des princes d’Anthony Veasna So, neuf récits qui font la part belle à cette communauté méconnue, réfugiée aux USA suite aux méfaits des khmers rouges et qui tente de se faire sa place au soleil en courant à son tour après le rêve américain. L’ouvrage se lit très bien, avec un plaisir renouvelé et ne nous épargne pas dans son évocation des affres de l’existence.

Les neuf récits nous font donc partagé le quotidien à priori banal de cambos (nom donné aux membres de la communauté par les narrateurs) : une femme et ses deux filles tiennent un bar à donuts et voient un mystérieux homme venir commander sans le manger un donut aux pommes, on fait la connaissance de l’entraîneur d’une équipe de badminton ancienne gloire reconvertie dans le commerce de détail de produits cambodgiens, deux cousins en pleine adolescence qui glandent et fument tout en refaisant le monde, un fils surdiplômé qui bosse au garage de son paternel, un jeune homme qui fait une retraite d’une semaine au wat du secteur en hommage à son père décédé, un after de mariage complètement débridé où les langues se lâchent, une relation intense entre deux hommes que tout semble opposer, la fin de vie douloureuse d’une vieille dame que son infirmière de petite nièce tente d’accompagner au mieux ou encore le témoignage d’une mère à son fils sur son arrivée sur le sol américain.

L’ouvrage met en lumière les relations intergénérationnelles avec en toile de fond, souvent évoqué, le génocide perpétré au pays par les khmers rouges. La plaie est encore béante, le chagrin immense et chacun baigne dedans entre les souvenirs des anciens, le devoir de mémoire, la transmission aux plus jeunes. C’est aussi durant ces pages de nombreuses références aux us et coutumes allant de la nourriture aux rites ancestraux que l’on continue à suivre, les croyances que l’on a transposées aux USA notamment en matière de vie après la mort avec la notion essentielle de réincarnation, le rôle central des moines, le devoir moral qui incombe aux vivants pour perpétuer le souvenir des défunts. Tout est abordé avec finesse, sans lourdeur par un auteur très moderne dans son approche de l’écriture de ses origines.

Gay et fêtard (il mourra d’ailleurs à 28 ans d’une overdose), Anthony Veasna So met beaucoup de lui dans ces nouvelles avec des personnages jeunes en roue libre. Ça jointe pas mal, ça glande, ça drague, ça couche beaucoup... mais aussi les protagonistes se questionnent sur leurs origines, la place que l’on doit se faire dans la famille, la société et le décalage parfois énorme entre les origines cambos et l’Amérique. L’homosexualité masculine est abordée frontalement avec des scènes explicites nombreuses, une quête des limites aussi dans son rapport à l’autre, à son corps, au bonheur… La mélancolie est prégnante globalement, on sent bien que la vie n’a pas été facile pour lui à travers ces pages. Je tablerais plus sur des difficultés à se définir, à s’engager plutôt que dans le fait de se faire accepter, il n’y a pas des traces d’homophobie dans ces textes, de rejet des proches. Il y a souvent un aspect initiatique dans ces nouvelles, des rites de passages plus ou moins forts qui vont amener le protagoniste principal à faire des choix, à s’engager d’une manière ou d’une autre sans que le résultat soit garanti.

Ces textes indépendants les uns des autres où l’on retrouve cependant certains personnages croisés ici ou là sont d’une sincérité à toute épreuve, cashs, sans concession. L’écriture très moderne, immersive à souhait nous offre une vision large d’une jeunesse qui se cherche entre traditions, identité et aspirations en devenir. Ce fut vraiment une très belle lecture que je conseille à tous les amateurs de nouvelles américaines magnifiées ici par un style vif et incisif.

vendredi 3 mars 2023

"Les dangers de fumer au lit" de Mariana Enriquez

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Le contenu : Peuplées d’adolescentes rebelles, d’étranges sorcières, de fantômes à la dérive et de femmes affamées, les douze histoires qui composent ce recueil manient avec brio les codes de l’horreur, tout en apportant au genre une voix radicalement moderne et poétique. Si elle fait preuve d’une grande tendresse envers ses personnages, souvent féminins, des êtres qui souffrent, qui ont peur, qui sont opprimés, Mariana Enriquez scrute les abîmes les plus profonds de l’âme humaine, explorant de son écriture à l’extraordinaire pouvoir évocateur les voies les plus souterraines de la sexualité, du fanatisme, des obsessions.

La critique de Mr K : Très très belle découverte que cette lecture d’un recueil servi très noir par Mariana Enriquez, une auteure argentine que je découvrais par la même occasion. Dans Les dangers de fumer au lit, elle nous offre dans un style fascinant, un panel étendu des vicissitudes humaines et le pire c’est qu’on en redemande ! Ces douze histoires se lisent quasiment d’une traite si l’occasion se présente. Perso, j’ai été aidé pour l’occasion par ma copine Gastro qui m’a cloué au lit durant une partie des vacances, j’étais donc dans un parfait état pour pouvoir me délecter de ses histoires horribles et édifiantes à la fois !

On peut dire qu’on en croise des personnalités interlopes dans ce recueil. Principalement féminins, les protagonistes principaux ont tous une fêlure, quelque chose qui déraille à plus ou moins grande échelle. Rajoutez une once de pression sociale, culturelle voire fantastique, et les éléments peuvent se déchaîner, nous amenant bien souvent vers des territoires malaisants, inconnus du commun des mortels. Chacune de ces histoires raconte un peu à sa manière la violence de nos sociétés capitalistes dominées par les hommes bien souvent au détriment des femmes, c’est aussi à l’occasion un petit focus sur la société argentine pas encore totalement remise de la dictature qui a ensanglanté le pays de 1976 à 1983.

Chaque histoire va donc explorer les aspects les plus sombres de l’âme humaine, parfois côtoyer la folie pure et le fantastique le plus frontal entre malédictions, sorcellerie, revenants, hystérie collective, rancunes tenaces et désirs qui nous consument. Ici on subit la violence mais on la donne aussi, quelque soit son âge avec bien souvent une fulgurance terrible liée à la brièveté de la plupart des textes et la langue inventive et incisive déployée.

Une fillette fantôme enterrée dans un jardin qui pleure quand il pleut, un groupe de copines jalouses mu par une tension sexuelle qui va leur faire commettre l’irréparable, un SDF chassé d’un quartier qui semble à l’origine d’une malédiction qui plonge les lieux dans la misère, une petite fille peureuse qui se rappelle d’une séance de guérison familiale chez une sorcière, une femme rend visite à une copine à Barcelone et va sentir la présence de fantômes d’enfants disparus tragiquement, une femme obsédée sexuellement par les battements de cœur, une star du rock récemment disparue qui exerce toujours autant d’attrait sur ses groupies hardcore, des enfants morts qui reviennent dans leurs familles et les rendent folles, un hôtel qui recèle un étrange mirador faisant le lien avec un passé profondément enterré, un homme réalise des vidéos interlopes sur la demande de ses clients, une femme mélancolique glande au lit en fumant ou encore une bande de jeunes qui s’adonnent au Ouija... autant de situations que l’on se plaît à suivre entre curiosité, dégoût, appréhension et, je l’avoue, parfois un certain sadisme.

L’expérience dans son genre est assez radicale, on rentre vraiment dans l’intimité des personnages, leur chair, leur esprit, leurs croyances et leurs errances. Les tabous volent, l’indicible explose et nous livre des histoires au souffle envoûtant, puissant, profondément dérangeant par moment. Il n’est pas rare de reprendre son souffle à la fin d’un texte qui n’apporte d’ailleurs pas forcément de réponse possible mais nous laisse pantelant après une apogée de révélations ou de violence. La langue concise, précise caractérise à merveille ces êtres humains livrés à leurs démons tout en ne sacrifiant jamais la poésie qui la caractérise, une poésie sombre, profondément romantique dans la définition originelle du terme. On explore ici les passions, elles dévorent, elles consument et il reste peu de place pour le reste...

Vous l’avez compris, on touche ici au sublime dans un genre macabre mais en même temps très révélateur de notre nature profonde. Une sacrée expérience que je vous invite à tenter à votre tour si vous êtes amateur. On fait difficilement mieux.

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vendredi 2 décembre 2022

"Passage à l'acte" d'Hélène Jousse

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L’histoire : Passer à l'acte se décide-t-il ? À trop longtemps attendre, osera-t-on encore ?

L'exigence et l'intransigeance des personnages de ces nouvelles font d'eux des héros. Se laisser vivre ne leur suffit pas. Ils cherchent dans leurs actes l'approbation de ce qu'ils sont. Ils attendent de leurs choix qu'ils les révèlent. Et plus ils doutent, plus ils espèrent que décider les libérera. Mais nos décisions sont-elles aussi capitales qu'on le croit au moment de franchir le pas ?

Ainsi, Marine, qui se prépare pour une soirée à laquelle son mari ne veut pas l'accompagner, ne se doute pas qu'elle vient de poser le pied sur un fil. Désormais funambule, elle oscille entre son désir de liberté et son engagement envers celui qu'elle a choisi d'aimer il y a longtemps déjà.

La critique de Mr K : Retour à la nouvelle avec ma chronique du jour, une sortie de chez Quadrature, une maison d’édition belge qui s’est spécialisée dans le texte court et qui me ravit à chaque lecture. Dans Passage à l’acte, Hélène Jousse, par ailleurs artiste plasticienne, nous propose un recueil de 15 courts textes mettant en scène des personnages qui vont prendre une décision qui va bouleverser leur existence d’une manière ou d’une autre. À part deux textes qui ne m’ont pas vraiment touché, je dois avouer que j’ai été conquis par nombre de ces destins contrariés qui nous sont livrés ici.

Les textes s’apparentent à des micro fictions tant leur longueur est limitée. Certains ne font que quatre pages à peine, la plus longue approche la vingtaine. Autant vous dire que c’est un sacré tour de force que de proposer un contenu aussi dense qu’explosif avec aussi peu de mots. Le pari est largement relevé grâce à une science précise de la caractérisation, rien n’est inutile ou futile, tout est au cordeau, pensé et réfléchi pour proposer une immersion totale dès le premier paragraphe. On se laisse prendre au jeu très vite, essayant de deviner le fameux tournant que va prendre le personnage au cours de son histoire. Je me suis bien fait avoir souvent pour mon plus grand plaisir, chaque texte proposant une expérience de lecture unique.

C’est donc des situations très différentes qui nous sont données à lire. Tour à tour une femme suit un suiveur qui suit une femme, un homme vient parler de sa mère récemment disparue à la narratrice sculptrice, une vendeuse en bijouterie de luxe nous raconte une anecdote, un gamine de deux ans s’approche dangereusement d’un bol de lait bouillant, une femme et un homme se rencontrent dans un train, une petite fille veut s’acheter un Carambar dans une boulangerie tenue par une femme plus que désagréable, deux lecteurs se trouvent littéralement dans une rame de métro dans un futur glaçant, une femme règle son compte de manière littéraire avec le père de ses enfants, une recherche de maison se transforme en une quête plus intime, une jeune fille laide va se dépasser pour décrocher un RDV avec le plus beau gosse de la classe (la chute est terrible), une histoire d’amour se noue à travers des échanges épistolaires faussés, un petit anglais introverti va vivre un séjour douloureux chez son correspondant français, une femme vient en aide à un sdf d’origine roumaine, une femme se rend à une soirée sans son mari et va tester sa fidélité...

Le seul lien consiste donc en une bascule, une décision, un acte ou encore une prise de conscience qui va aiguiller la vie du personnage dans une autre direction. Parfois c’est ténu, limite imperceptible, des fois ça prend vraiment des proportions terribles avec des conséquences lourdes (la nouvelle éponyme est une de mes préférées dans ce domaine). Dans tous les cas (sauf vraiment deux textes qui m’ont "échappé" dirons-nous), c’est très fin, la psychologie des personnages est croquée de manière fort juste puis s’enchaîne la situation qui va l’amener vers un ailleurs parfois insoupçonnable. L’auteure est capable de nous faire partager pléthore de sentiments divers éprouvés par des personnages de toutes conditions, de tout âge. La variété est enrichissante, l’empathie fonctionne très souvent à plein et l’ouvrage se lit vraiment à vitesse grand V.

Un bon recueil de nouvelles vraiment dont certaines seront lues à haute voix devant mes élèves pour des moments de partage de lecture qui ne manqueront pas de les interroger sur les trames parfois distendues de l’existence. Les amateurs peuvent y aller, ils ne seront pas déçus.

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vendredi 1 juillet 2022

"Une éclipse" de Raphaël Haroche

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L’histoire : Après Retourner à la mer, Goncourt de la nouvelle en 2017, Raphaël Haroche publie un recueil de douze textes tout aussi éclatants de maîtrise. Avec une grande finesse et un sens de l'absurde comme du tragique, il a l'art d'explorer l'âme humaine dans ses minuscules défauts. Qu'il s'agisse d'un couple qui se défait, d'un enfant à qui on a volé l'insouciance, d'un joueur de tennis ayant abdiqué ses ambitions de jeunesse ou d'une femme invisible aux yeux de la société, tous ses personnages semblent impuissants face aux dégâts du quotidien et du temps qui va.

La critique de Mr K : Deuxième ouvrage de l’auteur et deuxième claque, Raphaël Haroche en plus de sa carrière musicale confirme son grand talent de novéliste avec Une éclipse, recueil que Nelfe m’a offert pour la Saint Valentin. On y retrouve la plume sensible de l’auteur du sublime Retourner à la mer et toutes ses qualités pour nous proposer des histoires simples et universelles à la fois. C’est beau, intemporel et extrêmement plaisant à lire.

Ce recueil se compose donc de douze récits pour douze personnages en crise, confrontés aux errances de l’existence et à la difficulté de la condition humaine. Un couple qui se désagrège et une rupture en approche, un jeune adolescent qui va connaître le loup lors d’un voyage en Égypte, deux hommes isolés dans une maison et un étrange rassemblement à leur porte, un voyage en voiture avec chauffeur pour un jeune enfant, les souvenirs d’un jeune espoir du tennis déchu après la mort de son coach, une immersion en dictature où tout se paie, un couple qui subit les lenteurs d’un chantier dans leur salle de bain à cause d’un ami "légèrement" hypocondriaque, une première rencontre entre deux personnes (dont une pour le moins diminuée) suite à des discussions sur un site spécialisé, un couple séparé qui se retrouve un bref moment pour faire piquer leur chien, une femme âgée aux portes de la mort qui revient sur des sensations et expériences de sa vie, un homme qui se souvient de son frère disparu sur un bateau ou encore, l’auteur lui-même qui va à la rencontre de ses lecteurs dans un hôpital et qui doit faire face à des questions plus ou moins débridées.

Qui dit crise ou moment clef, dit souvent souffrance et épreuve. C’est le cas ici avec des thématiques parfois très rudes comme le deuil ou l’absence. Des pertes irréparables, des questionnements profonds qui ébranlent, un avenir bouché ou compromis, c’est à cela que bien souvent Raphaël Haroche nous convie. On a le cœur au bord des lèvres, la gorge nouée face à ces individus lambda que la vie secoue, éprouve et parfois même repousse dans leurs retranchements. La réalité bascule pour beaucoup dans un cauchemar inextricable ou du moins dans une autre dimension avec à la clef une métamorphose intime, un changement de cap ou même une fin prématurée.

Mais cet ouvrage est loin d’être pessimiste et plombant. Au contraire, ces tranches de vie sont une fenêtre ouverte sur la vie, sa fragilité certes mais aussi et surtout sa valeur, le bonheur qu’elle procure et l’importance d’en ressentir le sens. C’est une ode à la tendresse, l’empathie, à la résilience mais aussi à la résistance et à l’estime de soi, du chemin parcouru dans une vie. Cette galerie de personnages est croquée avec grand talent, en parfois en très peu de mots, on capte le protagoniste, son identité, ses espoirs, son vécu. Tous ne sont pas des plus attachants (forcément, on préfère certains à d’autres) mais tous ont en commun une épaisseur intéressante et une densité incroyable dans leur traitement. Différents âges, situations, types de réactions font de ce recueil un beau panel de notre humanité dans ce qui la caractérise le mieux : une incertitude quasi constante et une peur trouble envers un monde incertain.

Vous l’avez compris, dans le genre de la nouvelle contemporaine, l’auteur fait mouche une nouvelle fois grâce à sa plume légère et profonde à la fois. Chaque page tournée est un vrai bonheur de lecture, on s’imprègne des mots, des portraits livrés et l’on ressort très souvent ému et touché. Un ouvrage magnifique que je vous invite à découvrir au plus vite. Merci ma chère Nelfe pour ce très beau cadeau.

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lundi 27 juin 2022

"Le Styx coule à l'envers" de Dan Simmons

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L’histoire : Une virée dans un Vietnam reconstitué, vaste parc d'attractions où de riches touristes jouent et rejouent à la guerre.

L'Enfer tel que l'a imaginé Dante débarque sur Terre, mais uniquement pour les télévangélistes et leurs ouailles.

Grâce aux Résurrectionnistes, la Mort est enfin vaincue : leur technologie de pointe ramène à la vie vos chers disparus... jusqu'à un certain point.

Le cancer vous fait peur ? Attendez de savoir à qui profitent les métastases pour avoir vraiment peur...

La critique de Mr K : Ça faisait un bail que je n’avais pas lu Dan Simmons (décembre 2017, la honte !), un auteur que j’apprécie tout particulièrement. C’est à l’occasion du défi Instagram Mai en nouvelles que j’exhumai le présent volume de ma PAL gargantuesque. Avec Le Styx coule à l’envers, j’explorai une nouvelle facette du maître : l’art de la nouvelle, un genre que j’aime beaucoup. Quand on connaît la propension de Dan Simmons à livrer de gros pavés, je me demandais bien ce que ça allait donner. Loin d’être une déception, ce recueil s’est révélé très plaisant.

Douze nouvelles, douze voyages bien barrés qui oscillent entre fantastique et science-fiction, douze pièces précédées d’une courte introduction de Dan Simmons pour présenter la genèse du texte, raconter une anecdote ou livrer une pensée ou un coup de gueule. J’ai aimé ce principe qui permet de recontextualiser l’histoire à venir et livre des éléments intéressants sur le procédé d’écriture et parfois sur la personnalité de cet écrivain décidément hors norme.

Les sujets traités sont très variés. Une société où l’on peut faire revenir les morts (la nouvelle éponyme) avec une mère de famille qui revient mais qui n’est pas tout à fait la même. On suit ce retour via la voix de son jeune fils partagé entre joie, incompréhension et peur sur fond de dilemme moral et de questionnement éthique sur la recherche scientifique. La nouvelle est assez effroyable et m’a cueilli d’entrée. Dans Vanni Fucci est bien vivant et il vit en Enfer, un esprit revient des enfers mettre le souk sur le plateau d’une télévision évangélique. C’est dark et jouissif à la fois, on sent bien que Simmons a ces moralisateurs dans le nez. On enchaîne ensuite avec Passeport pour Vietnamland où des touristes peuvent s’immerger et même participer à la guerre du Vietnam. Très vite les frontières entre virtuel et réel se brouillent. Cette nouvelle dérangeante et âpre fait partie des meilleures du lot avec une tension de plus en plus palpable et un lecteur totalement conquis.

Deux minutes et quarante cinq secondes voit des hommes discuter dans un train des montagnes russes d’un projet top secret. Pour le coup, il s'agit à mes yeux de la nouvelle la plus faible de cet opuscule, j’ai été très vite perdu et je n’ai pas saisi la portée du texte. Heureusement, suit la terrible nouvelle Métastases où un fils nous raconte l’agonie et la mort de sa mère des suites d’un cancer. Il commence à avoir des visions d’étranges créatures qui rodent autour des malades. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? On nage ici en plein fantastique mâtiné d’une réflexion très profonde sur le deuil et la manière de le surmonter. Un grand crû ! Dans Douce nuit, sainte nuit, l’auteur nous sert un récit de noël post-apocalyptique bien saisissant avec la venue d’un prédicateur dans une communauté éloignée de tout. Le monstre n’est pas forcément celui auquel on pense, la fin est renversante, j’ai adoré.

Dans Mémoires privées de la pandémie des stigmates de Hoffer, Dan Simmons nous fait lire la lettre d’un père à son fils alors qu’une terrible épidémie a défiguré l’humanité selon les pêchés de chacun. L’amateur de David Cronenberg que je suis a été comblé avec un luxe de détails peu ragoûtants et une réflexion intéressante sur le Bien et le Mal. Là encore la fin renverse tout et laisse le lecteur pantois. Les fosses d’Iverson m’a beaucoup moins plu, ce voyage dans des souvenirs de la guerre de sécession m’est apparu brouillon dans sa construction et sans réel intérêt en terme de trame. Un coup dans l’eau pour le coup. Le conseiller lorgne lui dans le thriller hardboiled où un conseiller d’éducation se révèle être un ange exterminateur qui règle les problèmes familiaux de ses élèves avec la manière forte. Jouissif et un pur shoot d’adrénaline, Simmons excelle dans l'exercice. Dans La photo de classe, une professeur passionnée par son métier continue à faire classe malgré un apocalypse zombie. Dur dur d’enseigner à des créatures non mortes mais elle a de la suite dans les idées. Ma nouvelle préférée et un texte d’intro où je me suis pleinement retrouvé dans la définition que donne Simmons du métier, l’auteur lui-même rappelons-le a été enseignant dans sa jeunesse. Le récit alterne moments branques et pensées intimistes très touchantes, on passe par toutes les émotions.

Dans Mes copsa mica, un homme part sur les trace des Dracula dans les pays de l’est et c’est le prétexte pour livrer des réflexions sur la mort, la pollution, l’humanité et la planète. Un récit précurseur dans son genre bien que peu digeste. Pas complètement réussi mais pas complètement raté non plus... Enfin, À la recherche de Kelly Dahl clôture le recueil avec une histoire de quête très poétique et remplie d’émotion. Différente des autres textes, elle offre un récit touchant et enivrant à la fois.

Malgré deux faux pas, on passe donc un très agréable moment en compagnie de Dan Simmons qui maîtrise parfaitement le genre et offre des textes surprenants et prenants à la fois. L’écriture est toujours aussi subtile et se fait ici maligne avec des chutes que bien souvent on ne voit pas venir. Personnages ciselés, contextes et background parfois incroyables, on se laisse porter avec plaisir et l’on ressort heureux de cette lecture pas tout à fait comme les autres. Avis aux amateurs !

Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
Ilium
Olympos
Terreur
L'Homme nu
Les Chiens de l'hiver
- L'épée de Darwin
- Revanche

Posté par Mr K à 14:33 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
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