samedi 11 juin 2016

"20 + 1 short stories" - Ouvrage collectif

20+1 short stories

L'histoire : Pour fêter les vingt ans de la collection "Terres d'Amérique", voici réunies 21 nouvelles de ses auteurs les plus emblématiques. 21 écrivains qui dessinent un portrait fort et sensible de la littérature nord-américaine d'aujourd'hui, de la sombre tendresse de Sherman Alexie au souffle narratif de Joseph Boyden, la grâce poétique de Charles d'Ambrosio ou la violence émotionnelle de Craig Davidson en passant par le réalisme magique de Louise Erdrich et l'exubérance de Karen Russell. 21 textes qui prouvent définitivement que la nouvelle est loin d'être un genre mineur. Et c'est pour cela qu'il faut la fêter, la célébrer. Qu'il faut encourager les lecteurs à lire des recueils et à découvrir de jeunes auteurs. Car défendre la nouvelle, c'est défendre la littérature.

La critique de Mr K : Ceux qui nous suivent régulièrement savent que nous sommes rarement déçus par la collection Terres d'Amérique de chez Albin Michel. Entre romans et nouvelles, c'est souvent l'occasion de découvrir une autre Amérique, plus humaine et moins caricaturale que ce que nous sert régulièrement le cinéma hollywoodien, la cohorte de séries qui inondent nos écrans et les écrivains bankable qui pour ma part ne m'ont séduit qu'un temps. Dans ce volume un peu particulier, Francis Geffard (le directeur de cette collection) nous convie à une fête de la littérature et surtout de la nouvelle qu'il défend âprement avec passion depuis maintenant 20 ans. Il convoque pour l'occasion les meilleurs auteurs de son catalogue pour un tour d'horizon aussi riche que passionnant d'une Amérique qui doute, se cherche et se penche sur ses racines. Cerise sur le gâteau, pour l'occasion un inédit se glisse dans ces 21 textes afin de découvrir un auteur prometteur.

Aux USA, la nouvelle n'est pas décriée comme en France, terre de littérature qui a tendance d'ailleurs à se prendre trop au sérieux. Outre-manche, les grands auteurs débutent souvent par des short-stories qu'ils font paraître dans des magazines et des revues universitaires, leur permettant ainsi de se faire un nom, d'obtenir des résidences universitaires et pour certains de percer dans le milieu de l'édition. Cela se traduit par une production de recueils de nouvelles plus importante et de sacrés succès en librairie avec la nécessité pour l'auteur à chaque micro-récit d'allier caractérisation rapide, récit accéléré et recherche de l'efficacité pour ne pas perdre en route un lecteur que l'on doit capter dès les premières pages. À la fin du présent volume, chaque auteur a le droit à sa petite biographie particulière ce qui éclaire le parcours de chacun et donne à voir leurs origines, leurs influences et après lecture de la nouvelle leur style et spécialité. Riche idée qui risque malheureusement de m'appauvrir au niveau du portefeuille tant j'ai rencontré de nouveaux auteurs à approfondir dans de futures lectures.

C'est donc un balayage hétéroclite de l'Amérique qui nous est proposé ici, des entrées multiples dans les mentalités US : les familles et leurs dysfonctionnements (c'est un des thèmes les plus abordés dans ce recueil), l'amitié et l'amour, la notion de foi (et de non-croyance aussi), le progrès et ses limites, la vie citadine et la vie rurale, le retour à la vie normale après un séjour en zone de guerre et toute une série de situations apparemment simples mais qui vont révéler toute la complexité de l'existence humaine. C'est un océan de sentiments, de relations ambiguës qui s'agitent dans ces pages et bouleversent les certitudes que le lecteur se fixe en début de récit. Rien n'est figé et chaque nouvelle apporte son lot de surprise, de retournement de situation et de final alambiqué tout en sachant que le genre reste dans le narratif contemporain, proche du quotidien que chacun de nous peut vivre ou avoir vécu. Décès accidentels et pertes d'êtres chers, paupérisation, rapports tendus au sein des familles, quête d'identité et de son passé, l'amour soumis à la réalité de la vie, instants de fraternisation et d'amitié… autant de moments qui font écho à notre propre vie et l'enrichissent. Belle expérience humaine avec des auteurs qui partagent bien plus que leur œuvre et offrent un beau panel de destins touchants et édifiants.

Je vous mentirai en vous disant que toutes les nouvelles se valent et la subjectivité est exacerbée dans ce genre si particulier. Trois seulement m'ont déçu profondément mais je pense que c'est dû au thème abordé qui ne me touchait pas particulièrement. La majeure partie des récits proposés m'a "chaviré", étonné, questionné et profondément captivé. Chacun je pense y trouvera son compte et passera des moments parfois inoubliables comme avec la nouvelle Les Enfants de Dieu où un homme se voit confier deux handicapés lourdement atteints et qui va devoir affronter les parents indignes qui les rejettent, Pièces détachées où un couple essaie de survivre à l'horrible drame arrivé à leur fille étudiante, l'ensorcelante nouvelle Le Plongeon du guerrier indien où l'on suit le destin d'un amérindien partagé entre deux femmes, ce récit est une valse de l'hésitation d'une grande sensibilité. J'ai aussi adoré la violence à fleur de peau qui habite la nouvelle Un Goût de rouille et d'os et son personnage principal charismatique à souhait (univers autour de la boxe, ça devrait plaire à Nelfe ça !) ou encore le naturalisme puissant de La Femme du chasseur, où quête des grands espaces et amour ne font pas bon ménage. Mais il y a tellement d'autres nouvelles très réussies dans ce recueil que cette chronique n'en finirait pas !

Au final, j'ai dévoré les plus de 600 pages de ce livre (qui ne coûte que 14 euros en broché, on peut souligner l'effort) en quelques jours et l'amoureux de littérature indépendante US que je suis en est sorti ravi. Univers divers, écritures riches et prometteuses, personnages marquants et histoires fascinantes peuplent un ouvrage cohérent et vraiment poignant par moment. Un recueil à lire absolument si vous êtes amateur de nouvelles et de voyages au coeur des USA.

Critiques d'autres ouvrages d'auteurs présents dans ce volume :
- Cataract city de Craig Davidson
- Toute la lumière que nous ne pouvons voir de Anthony Doerr
- Le Pique nique des orphelins de Louise Erdrich
- La Malédiction des colombes de Louise Erdrich
- Love medecine de Louise Erdrich
- Le Paradis des animaux de David James Poissant


dimanche 8 mai 2016

Pour quelques petits craquages de plus...

En mai, fais ce qu'il te plaît dit l'adage bien connu. Je l'ai pris au mot avec ces petites acquisitions pas piquées des vers et accumulées au fil de trouvailles faites au détour d'une promenade ou de chinages désintéressés (si si, je vous l'assure!). Le stock augmentant, il était temps pour moi de vous les présenter pour mieux les intégrer à ma PAL juste après. Au programme: des auteurs chéris qui se présentent de nouveau à moi, des livres à la réputation déjà bien fournie et des coups de poker qui je l'espère s'avéreront payants en terme de plaisir de lecture. Suivez le guide!

Acquisition mai 1
(Ooooooh, qu'ils sont beaux!)

Belle photo de famille, non? Il faut dire qu'on a un magnifique tapis qui va super bien dans la pièce et de surcroît très photogénique! J'imagine que vous avez déjà repéré des auteurs déjà croisés sur le blog et qui font écho à vos propres pulsions de lecteur? Hé hé, cherchez pas, ce sont mes nouveaux adoptés!

Acquisition mai 4
(Si c'est américain, c'est bien! Bruce Campbell alias Ash dans la série des Evil Dead de Sam Raimi)

- Sacrés Américains de Ted Stanger. J'avais été partagé par son précédent ouvrage sur la France et les français, le trouvant parfois pertinent, parfois très caricatural notamment sur les aspects culturels de notre beau pays. Je suis curieux de voir ce qu'il propose avec cet essai drolatique (c'est la marque de fabrique du bonhomme, ancien correspondant US à Paris) sur ses compatriotes. Vous serez les premiers informés dès que je l'aurai lu!

- Marionnettes humaines de Robert Heinlein. Difficile de résister à Heinlein qui fait partie du panthéon des auteurs cultes de la SF. Alors quand en plus l'histoire parle d'invasion extra-terrestres manipulateurs de l'esprit humain sans que personne ne se doute de quoique ce soit (sauf le héros bien sûr!), je ne peux que me précipiter sur ce pauvre livre égaré dont la quatrième de couverture est attractive au possible. Hâte d'y être!

Acquisition mai 3

(22 v'la les flics, les psychopathes et les meurtriers!)

- Le Bal des débris de Thierry Jonquet. Un auteur qui ne m'a jamais déçu et m'a souvent cloué sur place avec des personnages bien tordus et un jugement sans appel sur notre société actuelle en arrière-plan. Je ne connaissais pas ce court roman qui se déroule dans un hôpital qui sera le théâtre d'une course effrénée à la suite de diamants volés. À priori court et efficace selon des critiques de blogs-amis, je me lance bientôt!

- Les Morsures du passé de Lisa Gardner. Aaaah, Lisa Gardner! Quand on me parle d'elle, je m'enflamme de suite! Autant, elle a su me proposer des livres vraiment puissants et réussis, autant elle est tombée parfois dans le pathos et l'artificiel (voir mes chroniques). Ce titre est considéré par beaucoup comme son meilleur, un véritable cauchemar dont on ne sort pas indemne. Comme je ne suis pas rancunier, je me suis laissé tenter. Le verdict (quelqu'il soit) tombera bientôt.

- Touche pas à mes deux seins de Martin Winckler. Bon ben pas d'excuse là... C'est un Poulpe et en grand amateur des aventures de Gabriel Lecouvreur, je ne pouvais résister. Selon le résumé, on plonge pour une fois dans le passé du Poulpe, sur ses années de formation et ses premiers amours. Tout un programme que j'ai vraiment hâte de découvrir!

- Le Nuisible de Serge Brussolo. Encore un auteur que j'adore. Brussolo, en plus d'être prolifique et remarquable d'efficacité dans la gestion du suspens, surprend souvent à la fin de ses romans pour ne pas dire tétanise dans ses romans policier / polar. Il est ici question d'un mystérieux corbeau qui révèle des vérités à un auteur à succès. Ce dernier va alors entrevoir sa part d'ombre et s'en servir pour régler ses comptes. Cela promet beaucoup, une sorte de voyage à la confluence de la folie et des choix que l'on doit parfois faire. M'est avis qu'il sera vite lu celui-là!

Acquisition mai 5
(Un beau mix de tout plein de bonnes choses!)

- Chambre 2 de Julie Bonnie. Un authentique coup de poker que cette acquisition basée uniquement sur une couverture intrigante (voir fascinante) et une quatrième de couverture du même acabit. Une femme travaillant dans une maternité se raconte et témoigne de ce qu'elle vit et voit dans chaque chambre de l'établissement. Perçu comme un vibrant hommage au corps des femmes et un regard impitoyable sur ce qu'on peut lui imposer, je m'attends à un grand choc salutaire. Wait and see!

- À l'est d'Eden de John Steinbeck. Alors on touche à du classique en puissance par un auteur auquel je voue un culte sans borne. Steinbeck c'est l'art d'écrire à l'état pur, des personnages ciselés avec une économie de mots et une poésie peu commune. Je viens d'ailleurs de terminer Tendre jeudi la semaine dernière, la chronique est déjà écrite et sera publiée dans les semaines à venir. Bref, quel bonheur de tomber sur ce titre, célèbre par son adaptation avec l'éternellement jeune James Dean, récit d'une chronique familiale et d'une région où a grandi l'auteur. Cela sent le chef d'oeuvre! D'ailleurs ce roman a permis à Steinbeck de recevoir le prix Nobel de littérature, ce n'est pas rien tout de même! Aaaaarg! 

- La confrérie des chasseurs de livres de Raphaël Jerusalmy. Précédé d'une réputation flatteuse, ce livre semble avoir tout pour me plaire. Avec Villon comme personnage principal (il faut lire le remarquable ouvrage de Teulé sur ce poète-bandit hors du commun!), l'auteur nous invite à une plongée dans la Jérusalem d'en bas, les jeux d'alliances, les complots et contre-complots avec au centre de l'histoire les livres, l'humanisme et la lutte contre les dogmes politiques et religieux liberticides de l'époque. Ça ne donne pas envie?  

- Moon Palace de Paul Auster. On ne peut pas dire non à cet auteur: univers étrange, écriture unique et immersive. On est toujours surpris et une lecture de Paul Auster est toujours une promesse d'exploration de l'âme humaine. C'est donc sans même lire la quatrième de couverture que j'adoptais Moon Palace qui suit le destin d'un américain depuis son enfance, une vie riche où l'on retrouvera sans nul doute les thèmes chers au coeur de l'auteur dont la solitude et la chute. Belle pioche encore!

Acquisition mai 2
(Et pour finir en beauté, des Actes sud à prix modique! Yes yes yes!)

- Le jaune est sa couleur de Brigitte Smadja. Jonas va mourir et sa meilleure amie (la seule a être au courant) va l'accompagner. Évocation du passé, recherche d'un ami perdu et moments de complicité se complètent dans un roman sortant des sentiers battus de la littérature de deuil, proposant à priori des personnages denses et romanesques. Comme j'adore cet éditeur, je fonce les yeux fermés!

- La Souris céleste de Jean Cavé. Seul recueil de nouvelles de mon chinage du jour, le résumé annonce la couleur dès le départ avec des nouvelles complètement branques faisant la part belle à la jalousie, l'adultère, aux êtres en perdition dans le réel ou leurs fantasmes. J'aime être dérouté et les courts récits ont l'avantage d'aller à l'essentiel et de multiplier parfois les émotions. Qui lira, verra comme on dit!

Pas mal ma nouvelle portée, non? Certes cela n'arrange pas le sort de ma PAL mais les promesses sont riches et mon impatience est grande. Si seulement, je pouvais être payé pour lire, j'abandonnerai de suite mon travail (que j'adore pourtant!) pour me plonger avec délice dans ces récits variés et accrocheurs (en plus ma PAL baisserait plus rapidement!). Pour la suite, vous savez ce qu'il vous reste à faire: guetter les chroniques et peut-être vous laisser tenter à votre tour!

mercredi 20 avril 2016

"Hôpital nord" de Jean-Pierre Andrevon et Philippe Cousin

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L'histoire : Cette fois, ça y est ! Vous ne pouvez plus y échapper : il vous faut y aller. À L'HÔPITAL. L'hôpital ! Cet endroit lourd de terreurs secrètes et glacées, où l'on sait quand on entre, mais jamais quand on sort. Si on en sort. Que de bruits ne colporte-t-on pas, sur l'hôpital... Au sujet de Gabriel Chadenas, que l'on aurait opéré, et opéré encore, jusqu'à ce qu'il ne reste de lui que... Et de Mme Duprèze, la femme du patron de la morgue, qu'on n'aurait jamais revue. Et de la petite Frédérique, qui y aurait traversé un cauchemar de nuit et de brouillard. Et du mystérieux Debronkaert, malade introuvable qui serait bloqué dans un bloc opératoire entièrement automatisé... Sait-on vraiment ce qui se passe, à l'intérieur de l'énorme bloc cubique de L'HÔPITAL NORD ?

La critique de Mr K : C'est la couverture bien glauque et la quatrième de couverture nébuleuse qui m'ont de suite attiré. En effet, qui n'a pas passé un séjour horrible à l'hôpital? Étant quelque peu maso, j'achetai en seconde main le présent volume dans la double optique de retrouver un auteur apprécié (Andrevon qui s'entoure d'un comparse pour l'occasion) et l'envie d'être dérouté par un univers à priori complètement branque. Le moins que l'on puisse dire, c'est que je n'ai pas été déçu!

Hôpital nord s'apparente à un recueil de nouvelles indépendantes toutes reliées cependant par un fil rouge: un mystérieux hôpital où il s'en passe de belles! Des patients disparaissent, d'autres sont traités alors qu'ils sont en parfaite santé, des portes ouvrent sur d'autres monde, des robots peuvent faire office de garde chiourme, les bébés peuvent être livrés à domicile et ceci par erreur (!), autant de petites histoires (11 en tout) décalées et dérangeantes qui conduisent le lecteur vers des territoires insoupçonnés et neufs d'un lieu que nous connaissons tous: l'hôpital!

En effet, on navigue constamment dans l'étrange à la manière des personnages principaux qui sont ballottés comme des fétus de paille, leur destin semblant leur échapper totalement. Les deux auteurs se plaisent à explorer ce lieux hanté par un fantastique moderne lorgnant vers la SF la plus pure sur certains récits. Nos fantasmes inavoués sur ce lieu clos médical explosent en plein jour entre peur, appréhension et parfois nécessité absolue de guérison. Les frissons sont au RDV ainsi qu'un humour noir saignant à souhait et saisissant. Certaines nouvelles retournent vraiment le cœur tant un fatum funeste plane au dessus de la tête de personnages profondément humains et vulnérables.

Puis, peu à peu l'ensemble gagne en cohérence, les textes se répondant les uns aux autres avec notamment l'évocation d'un certain Debronkaert que tout le monde cherche, la solution étant donné dans l'ultime texte. L'effet est confondant et fait passer cet ouvrage dans une autre dimension, celle des textes totalement maîtrisés, remarquablement construits qui amènent à réfléchir sur nombre de thématiques passées, actuelles ou à venir, le tout dans une langue abordable mais néanmoins précise, faisant la part belle à l'introspection et à la sidération face à des événements parfois vraiment délirants.

Une sacré bonne lecture à la fois rafraîchissante et étonnante bien que pessimiste dans le fond. Avis à tous les amateurs!

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
Un horizon de cendres
Tout à la main
Le monde enfin
La Fée et le géomètre
Le Travail du furet
Cauchemar... cauchemars !
- Gandahar

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lundi 18 avril 2016

"Les Invisibles" de Hugh Sheehy

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L'histoire : Hantées par de mystérieuses disparitions, des traces de violence ou une odeur de sang encore fraîche, les nouvelles de Hugh Sheehy sont autant d’éclats de noirceur au sein d’une Amérique singulière et étrange. Tous les personnages pourraient être "invisibles" à nos yeux, sans les drames qui les percutent de plein fouet et viennent bouleverser le cours de leurs existences. Une institutrice est séquestrée par deux marginaux dans le sous-sol de son école, avec l’un de ses élèves. Une adolescente de dix-sept ans en vient à envier ses meilleurs amis, certainement victimes d’un tueur en série. Un jeune homme retourne dans sa ville natale pour apprendre que son amour de jeunesse a été sauvagement assassinée...

La critique de Mr K : Nouvelle incursion dans la collection Terres d'Amérique d'Albin Michel avec le premier recueil de nouvelles d'un auteur américain émergent: Hugh Sheehy. En le recevant, j'ai de suite pensé à deux ouvrages que j'avais adoré Le Paradis des animaux de David James Poissant et Les Lumières de Central Park de Tom Barbash, deux recueils de nouvelles de jeunes pousses américaines placées sous le sceau du réalisme et de la désespérance humaine. Le pari est moins réussi avec Les Invisibles qui malgré quelques fulgurances ne décolle jamais vraiment et a manqué d'intensité émotionnelle à mes yeux. Mais revenons plus en détail sur cette lecture.

11 nouvelles réparties sur 284 pages se proposent de nous présenter des parcours de vie brisés dans une économie de mots poussée à l'extrême. On dépasse ici rarement la vingtaine de pages lors de micro-récits qui n'épargnent rien à leurs personnages: un surveillant de plage va rencontrer le sosie de sa fiancée disparue et confondre rêve et réalité, deux gamins jouent à se faire peur lors d'un soirée entre voisins, un homme recherche son beau-fils handicapé accusé d'incendie volontaire répété, un adolescent en perdition suit les pas d'un copain bien barré, un amnésique tente de retrouver la mémoire, un homme se souvient de son enfance quand il apprend que sa voisine a été sauvagement assassinée, un couple attend la venue de leur enfant et essaie de trouver un prénom qui convienne aux deux partis, un homme tente de rentrer chez lui alors qu'il se trouve en plein blizzard, une jeune fille se rend compte que ses amis ont été les proies d'un serial killer et une institutrice se retrouve séquestrée avec un de ses jeunes élèves par deux marginaux. Autant de situations qui vont dévisser de manière irrémédiable et marquer dans leur chair et leur esprit des humains lambda, loin des images véhiculées dans les films et certaines séries US.

Chaque nouvelle est donc un instantané d'une existence marquée par le lieu de l'action, l'époque est quant à elle contemporaine sauf dans certains flashback. On voyage beaucoup à travers les États-Unis entre fermes isolées, forêt profonde, routes verglacées, appartement en haut d'un building, plage californienne inondée de soleil et battue par le vent... Nul doute, on est en Amérique, terre éprise de liberté (certains personnages en sont les dépositaires dans ces nouvelles) mais percluse de contradictions dont l'ultra-solitude que peuvent ressentir certaines personnes. C'est d'ailleurs le point commun à chacun des textes, la solitude qui peut envahir n'importe qui et le faire sombrer dans une profonde mélancolie. Il y a de très beaux passages qui rendent compte d'un spleen persistant et funeste, l'auteur excelle dans la description de l'état d'esprit des adolescents en perdition. On est pris à la gorge par ce mal-être qui nous saute au visage et amène une réflexion sur ces êtres de papier mais aussi un peu sur nous-même, quelques flashback m'ont assailli d'ailleurs pendant cette lecture. Le malaise est vraiment palpable par moment malheureusement cette impression ne dure pas et un certain nombre de textes tombent du coup un peu à plat.

C'est le principal défaut de cet ouvrage et il est de taille. La situation de départ est très souvent intrigante mais soit le récit tourne en eau de boudin ou alors le personnage prend une trajectoire étrange voir déplaisante, illogique et non justifiée selon moi. On n'échappe pas non plus parfois aux clichés et certaines histoires m'ont semblé bien légères pour mériter d'être publiée comme si elles n'avaient pas vraiment été achevées. La caractérisation n'est pas exempt de défaut (elle est parfois vraiment limitée au strict minimum et elle ne m'a pas suffi alors) et empêche parfois de s'accrocher au récit. D'ailleurs après trois nouvelles j'étais vraiment dubitatif et un peu déçu tant j'apprécie ce genre de recueil.

Heureusement, Hugh Sheehy a un style incisif qui incite à poursuivre la lecture de son oeuvre malgré tout et quelques nouvelles sont de véritables pépites de noirceur et d'humanité. Il a réussi à me raccrocher et finalement, au moment de se forger un avis définitif, je dirais que c'est un recueil plutôt réussi mais dont la qualité est globalement irrégulière avec des nouvelles vraiment dispensables et d'autres carrément poignantes. À chacun, je pense de se faire sa propre idée...

vendredi 15 avril 2016

"Chroniques de l'asphalte 1/5" de Samuel Benchetrit

chroniques de l'aslphalte 1L'histoire : A trente ans, Samuel Benchetrit décide d'écrire ses mémoires ! Ce premier tome raconte son enfance, avec humour et légèreté.

La chronique Nelfesque : J'ai eu un gros coup de coeur pour "Asphalte" de Samuel Benchetrit, sorti au cinéma à l'automne dernier. Au hasard d'une déambulation dans un magasin de seconde main, j'étais tombée quelques jours plus tard sur les 3 tomes édités à ce jour de ses "Chroniques de l'asphalte" et ce jour là, j'ai littérairement sauté de joie. Ayant attrapé la grippe il y a quelques semaines, j'en ai profité pour me plonger dans le premier volume. J'avais envie de lire quelque chose de léger que je pouvais facilement assimiler dans mon état second (ceux qui ont déjà essayé de lire avec de la fièvre, des courbatures et les yeux qui pleurent me comprendront...). Le moins que l'on puisse dire c'est que j'ai sorti là l'ouvrage qu'il me fallait et j'ai adoré cette lecture.

Dans ce premier volume, Samuel Benchetrit revient sur son enfance en banlieue parisienne, dans une cité faite de barres et de tours. Nous le retrouvons ici avec sa famille, sa petite bande d'amis et ses voisins d'immeuble singuliers.

Je ne suis pas adepte de nouvelles d'ordinaire mais j'avoue qu'ici le charme a opéré dès la première page. Chaque nouvelle s'attarde sur un appartement et ses habitants. Le lecteur fait ainsi connaissance tour à tour avec l'occupant du "1er étage face ascenseur", du "2e étage droite sur le palier", du "6ème étage"... jusqu'au 12e. Une famille d'éboueurs laissant tout un quartier sous les ordures lors de la mort du père, un homme à qui tout réussit et qui finit par déménager, un voisin paraplégique après avoir trop pédalé sur son vélo d'appartement, les correspondants italiens au collège...

L'auteur relate avec beaucoup de tendresse un quotidien fait de béton, de rituels qui rythment chaque journée, de petites bêtises de gamins de banlieue, d'école buissonnière et de trafics en tout genre. C'est le temps de la pré-adolescence et de ses questionnements, des prémisses d'une vie sexuelle, des premiers deuils mais aussi l'époque où chaque gamin s'éveille à la vie, porte un regard critique sur son entourage et fait des choix qui conditionneront parfois toute sa vie.

Samuel est un petit gars comme les autres. A 14 ans, il porte sur son environnement un regard à la fois naïf et aiguisé, tendre et sans concession. Nous le quittons à la 187ème page alors qu'il s'apprête à partir pour Paris. A 15 ans, Samuel quitte l'école, sa famille et ses amis pour se lancer dans la vie professionnelle en tant qu'assistant photographe. Lui, déjà si attaché aux images, a une vision du monde distanciée par un appareil photo (plus tard, il se mettra derrière des caméras), une petite lorgnette qui lui fera voir ce et ceux qui l'entourent avec poésie et affection.

Dans ces "Chroniques de l'asphalte", le coté artistique de Samuel Benchetrit est bel et bien là. Tout gamin déjà, il pose sur les choses et les gens un regard unique. Chaque nouvelle est une petite pépite de tendresse et d'humour. Là où certains voient dans les banlieue un monde à part, froid et violent, Samuel apporte de l'humanité et de l'amour au détour d'une cage d'escalier. Les relations qui lient les voisins entre eux sont savoureuses et chaque personnage de ces chroniques serre le coeur et attendrit le lecteur.

Benchetrit n'en est pas pour autant aveuglé et ne fait pas ici une ode aux banlieues bisounours et édulcorée. La souffrance perle dans ses mots, dans ces anecdotes qu'il partage avec ses lecteurs. La souffrance mais aussi l'isolement, la solitude, le désoeuvrement parfois. En moins de 200 pages, il rend hommage à ceux qui ont peuplé son enfance, au décor des 15 premières années de sa vie, avec beaucoup de justesse et un ton doux-amer et tragi-comique qui envoûte le lecteur. Il n'occulte pas le racisme, l'antisémitisme, la "violence ordinaire" mais les drape d'un voile de sensibilité, un filtre d'amour qui pousse à la réflexion et à l'empathie (c'est un peu cucul dit comme cela mais l'amour est véritablement présent partout dans ce premier volume comme il l'est également dans son film "Asphalte").

Challenge sans nom - Neuf et vieuxIl a 33 ans lorsqu'il se lance dans cet ouvrage et avec le temps est venue une certaine distance. Le jeune homme a grandi et les "Chroniques de l'asphalte" est le plus bel hommage qu'un homme puisse faire à ses jeunes années. Je ne peux que vous conseiller de les lire et de voir son film. Ce sont de véritables bulles de tendresse qui font du bien dans un monde anxiogène et aseptisé. Merci Samuel !

Ce roman a été lu dans le cadre du "Challenge sans nom" avec ma copinaute faurelix.


samedi 2 janvier 2016

"Trajets et itinéraires de l'oubli" de Serge Brussolo

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L'histoire : Une fois par semaine, Georges s'aventure dans le musée, monstruosité architecturale et labyrinthe à la fois fascinant et cauchemardesque. Il passe de salle en salle, d'escalier en escalier, à la recherche de sa femme partie en faire l'inventaire trois ans plus tôt. Quels secrets lui a-t-elle cachés? Quels mensonges l'ont conduite à se perdre sans espoir de retour dans ce gigantesque piège?

La critique de Mr K : Retour à Brussolo aujourd'hui avec cette longue nouvelle bien étrange à la croisée du drame intimisme et de l'anticipation. J'aime beaucoup cet auteur pour son style incisif et ses pitchs de départ souvent singuliers et accrocheurs. On change de registre ici mais le résultat est le même: un plaisir de lecture qui ne s'interrompt jamais et une fin qui vient cueillir le lecteur sans qu'il s'en rende compte.

Le couple de Georges bat de l'aile. Petit à petit, le temps fait que lui et sa femme s'éloignent l'un de l'autre inexorablement. Ils se parlent de moins en moins, elle part effectuer un mystérieux stage dans le sud et en revient déboussolée (pour ne pas dire tendue) et du jour au lendemain elle disparaît dans le mystérieux musée de type cyclopéen, qui l'a engagée pour faire son inventaire. Le mari épleuré veut absolument renouer avec sa moitié et entreprend d'aller la chercher dans cette antre de la culture qui semble avaler ses visiteurs avec le risque pour ces derniers de ne jamais en ressortir…

Avouez qu'avec ce genre de quatrième de couverture, on ne peut résister. Je m'attendais à du nébuleux, du bizarre, je n'ai pas été déçu. Pourtant, on ne rentre pas tout de suite dans ce fameux mausolée de la culture. Georges nous parle de sa vie, de ses aspirations, de sa rencontre avec sa femme et de leurs premières années. On se rend compte que le ver est dans le fruit dès le début de leur relation mais que lui ne le voit pas. Il perd ses repères et ne sait plus se comporter correctement avec son épousée. À la moitié de la nouvelle, le point de vue change totalement car c'est elle qui parle d'eux, les révélations sont nombreuses et servent admirablement la partie drame humain de ce court texte. Concis mais efficace, c'est une belle chronique d'un mariage en déclin.

Concomitant et complémentaire, l'aspect SF intervient quand George finit par suivre les traces de sa femme. On erre avec lui dans des kilomètres de couloirs, de salles sans logique de disposition où tout semble être fait pour perdre le malheureux visiteur. M'est avis que niveau muséologie, ils ont du travail à faire! Les méandres du musée ne sont que le reflet de l'état d'esprit du narrateur dont l'esprit galope à travers la campagne entre souvenirs fantasmés et espérances illusoires. Une tension lourde l'habite et le déroulé de l'histoire ne plaide pas en sa faveur et celle d'une fin heureuse. Surtout que là encore, le changement de point de vue évoqué auparavant va nous révéler nombre de secrets et notamment la vraie nature du musée. Je me suis totalement fait avoir et la révélation est assez incroyable. Je ne vous en dis pas plus, mais attendez-vous à une surprise de taille loin des chemins classiques de la narration.

L'écriture simple et accessible de Brussolo fait une fois de plus merveille, nous invitant à pénétrer de manière voyeuriste dans l'esprit de ces deux âmes égarées dans quelque chose qui les dépasse: l'existence humaine, le doute et la rédemption? Ce serait trop facile, il se cache derrière tout cela quelque chose de bien plus gros, de quasi métaphysique. Étrange sensation vraiment que cette déambulation littéraire qui vous apportera un sentiment de malaise grandissant, un décalage par rapport à la réalité intrigant et angoissant, et une vision plutôt pessimiste du destin des hommes. Une petite bombe!

Egalement lus et chroniqués au Capharnaüm éclairé du même auteur:
"Le Syndrome du scaphandrier"
"Bunker"
"Les Emmurés"

"Avis de tempête"
"La Main froide"
"Pélerin des ténèbres"
"La Fille de la nuit"
"La Mélancolie des sirènes par trente mètres de fond"
- "Le Livre du grand secret"

 

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samedi 19 décembre 2015

"Kuessipan" de Naomi Fontaine

kuessipanL'histoire : Kuessipan est le récit des femmes indiennes. Autant de femmes, autant de courages, de luttes, autant d’espoirs. Dans la réserve innue de Uashat, les femmes sont mères à quinze ans et veuves à trente. Des hommes, il ne reste que les nouveau-nés qu’elles portent et les vieux qui se réunissent pour évoquer le passé. Alors ce sont elles qui se battent pour bâtir l’avenir de leur peuple, pour forger jour après jour leur culture, leur identité propre, indienne.

La critique Nelfesque : "Kuessipan" est un roman étonnant. Des chapitres extrêmement courts, parfois composés de seulement 5 lignes, qui dépeignent autant de destinées de femmes indiennes. D'abord désarçonnée, j'ai décidé de me laisser porter et de lire ce roman comme un recueil de nouvelles.

Naomi Fontaine est innue, issue d'un peuple amérindien du Canada. Dans cette communauté, les racines sont très importantes chez ce peuple autochtone. Leurs terres leur appartient et n'ont jamais officiellement été cédées au Canada. Leur histoire est assez complexe et n'est pas décrite dans "Kuessipan". Si cela vous intéresse, il va falloir faire des recherches par vous-même car Naomi Fontaine s'attache uniquement ici à la façon de vivre des femmes indiennes, à leur quotidien, leur avenir, leurs espoirs...

Avec ce focus sur plusieurs familles innues, l'auteure nous donne plus à voir le ressenti des familles indiennes à notre époque. On s'attache moins dans cet ouvrage à leur quotidien matériel qu'à leurs croyances, leur respect de la nature, leurs principes... Le lecteur plonge dès les premières pages dans l'univers de cette peuplade, dans la sphère privée d'une famille, dans la tête d'une femme. On est ici dans l'infiniment intime et à mon sens la contextualisation manque au lecteur. A moins bien sûr d'être tout à fait au fait des évènements et des problématiques innues, il est difficile de comprendre les tenants et les aboutissants de chaque histoire. Cela aurait également pu être indiqué en note par le traducteur ou en annexe à la fin de l'ouvrage mais ce n'est pas le cas et c'est fort dommage.

Sans doute en passant à côté de tout un pan de l'intention de l'auteure, les destinées émouvantes défilent. Qui se soucie de l'avenir de ses enfants, qui pleure son mari ou un temps révolu, qui en appelle aux ancêtres pour tenter de comprendre un monde moderne si loin des valeurs indiennes... L'écriture est simple, les phrases sont courtes et les mots touchants. Les histoires s'égrainent comme autant de petits poèmes à la langue évocatrice et délicate.

Avec "Kuessipan", le lecteur n'est pas face à un ouvrage ordinaire. L'amour de l'auteure pour ses terres et son envie de partage transparaissent à chaque page. Un très bel hommage et une belle intention qui aurait résonné plus fortement avec une volonté d'instruire le lecteur sur les problématiques des innus au XXIème siècle.

lundi 16 novembre 2015

"L'Homme qui a perdu la mer" de Théodore Sturgeon

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L'histoire: Imagine que tu es un gosse, et que par une nuit noire tu cours avec un hélicoptère dans ta main, en disant broûm-broûm-broûm. Tu passes près du type malade et il veut que tu fiches le camp avec ton truc. Le type malade est enfoui dans le sable froid; seuls sa tête et son bras gauche émergent. Il est dans un costume à pressurisation et ressemble à un homme-de-Mars. Il repose là, sans bouger, sans essayer. Disons que tu es le gosse. Et aussi le type malade enfoui dans le sable. Tu as perdu la mer. Pourtant, tu as le mal des profondeurs…

La critique de Mr K: Au cours d'un chinage, je suis tombé sur ce recueil de nouvelles de Théodore Sturgeon écrites dans les années 1940 à 1960. J'aime beaucoup cet auteur qui tient une place à part dans mon panthéon de mes auteurs SF préférés. Il n'a pas son pareil pour percer l'esprit humain, décortiquer les liens qui nous unissent et nous les renvoyer en pleine figure à travers des romans marquants comme Les plus qu'humains et l'incontournable Cristal qui songe. Je ne connaissais pas sa facette de noveliste avant cette lecture, je n'ai pas été déçu.

Huit nouvelles composent cet ouvrage et offre un panel varié de grands thèmes de la SF. La conquête spatiale, la guerre atomique et ses retombées (sic), le savant fou qui veut façonner le monde à son image, la fin du monde, des extra-terrestres belliqueux ou victimes de l'incurie humaine, la figure du monstre ou encore les évolutions futures de l'humanité. Le point commun réside dans l'écriture si remarquable de Sturgeon qui s'intéresse avant tout aux relations entre personnes et / ou entités. Bien que les background soient nourris d'éléments purement science-fictionnels, c'est avant tout les oppositions et rapprochements de personnages qui retiennent l'attention et font basculer ce recueil dans le miroir à humanité et à inhumanité. Une fois de plus, Sturgeon plonge dans la matrice humaine à travers des univers décalés et instables.

On s'attache donc beaucoup aux personnages qu'ils soient humains ou non. Chacun voit sa psyché développée, rien n'est gratuit dans les courtes descriptions ou dans les actes relatés. À travers des trajectoires héroïques, tragiques voir drolatiques (l'excellente nouvelle sur l'évasion d'un bébé alien qui se retrouve à observer une classe de primaire humaine) éclaire le lecteur sur des horizons possibles pour les êtres humains, sur les fautes que les hommes ont tendance à réitérer dans l'histoire et sur la solitude de manière générale qui suinte d'une majorité des courts textes proposés ici. On navigue constamment entre mélancolie, interrogations profondes et désappointement face au sort que réserve l'auteur à ses personnages. C'est assez désarçonnant et du coup excitant d'être bousculé dans ses certitudes et d'être surpris, denrée suffisamment rare pour les gros lecteurs pour qu'elle soit ici notée!

L'écriture de Sturgeon reste un plaisir qui se renouvelle de page en page avec un sommet du genre et l'ambitieuse nouvelle qui donne son nom au volume et qui vous déroutera sans doute. Personnellement, j'ai adoré être baladé au gré de l'écriture étrange qui nous y est servie et qui au final sert complètement l'objectif suivi par Sturgeon: parler de l'humain à travers la SF. Deux / trois nouvelles sont un peu en deça mais l'ensemble est de belle valeur et comblera les afficionados du genre ou de l'auteur. À découvrir!

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jeudi 22 octobre 2015

"Dragon de glace" de George R. R. Martin

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L'histoire: "D'un blanc cristallin, ce blanc dur et froid, presque bleu, le dragon de glace était couvert de givre ; quand il se déplaçait, sa peau se craquelait telle la croûte de neige sous les bottes d'un marcheur et des paillettes de glace en tombaient. Il avait des yeux clairs, profonds, glacés. Il avait des glaçons pour dents, trois rangées de lances inégales, blanches dans la caverne bleue de sa bouche. S'il battait des ailes, la bise se levait, la neige voltigeait, tourbillonnait, le monde se recroquevillait, frissonnait. S'il ouvrait sa vaste gueule pour souffler, il n'en jaillissait pas le feu à la puanteur sulfureuse des dragons inférieurs. Le dragon de glace soufflait du froid."

La critique de Mr K: J'avais un drôle d'état d'esprit avant de débuter cette lecture. Je suis un fan inconditionnel de George R. R. Martin depuis ma lecture de Game of thrones et comme beaucoup de monde, j'attends avec une impatience non feinte la suite de l’œuvre écrite (parce que la série est très bonne mais la saga littéraire bien plus profonde! Là, c'est dit!). Malheureusement sieur Martin se fait désirer et franchement commence à m'agacer. Là dessus, se présente l'occasion de lire cette petite nouvelle, Dragon de glace, écrite en 1980 dans le cadre d'une anthologie, texte court réimprimé et présenté dans un très beau broché, accompagné par des illustrations magnifiques de Luis Royo. Il ne m'a pas fallu bien longtemps pour rompre les digues de mon ressentiment et plonger le temps de 45 minutes (c'est vraiment très court!) dans ce petit conte pas comme les autres où le maître une fois de plus impose tout son talent.

Adara a sept ans, elle n'a connu que le grand hiver rigoureux qui s'est abattu depuis bien longtemps sur le monde. Elle vit dans une région reculée avec toute sa famille et depuis toute jeune, elle a fait la rencontre d'un dragon de glace qui tolère sa présence. Peu à peu se tisse un lien particulier entre la gamine et cette créature terrifiante qui sème le chaos là où elle passe, via son puissant souffle glacé. Le temps est à l'orage car une menace s'approche du nord, les dragonniers du roi sont à l'affût mais l'ennemi progresse inlassablement. Quel rôle va bien pouvoir jouer Adara et son dragon dans cet affrontement imminent?

Difficile d'en dire plus sans éventer quelques détails ou ressorts de l'intrigue, il faudra donc vous contenter de cela! Le texte ne fait que 116 pages, le lettrage est gros et les illustrations omniprésentes ce qui réduit considérablement le corpus de l'ouvrage, ce serait sacrilège d'en dire trop! Reste une histoire poignante et entraînante au possible que l'on pourrait situer dans le Nord de Westeros (partie Stark, du moins au début!).

En quelques lignes, Martin plante le décor avec son efficacité habituelle et un souci du détail économe qui l'honore dans l'objectif de livrer un récit court. Pas de grandes descriptions mais une caractérisation rapide et sans ambages pour aller à l'essentiel: la rencontre avec la créature et la construction d’une relation rare. On se plaît à suivre cette petite fille bien loin des préoccupations des adultes et qui vit des expériences inédites pour une enfant de cet âge (sauf chez les Targaryens je vous l'accorde). Simple, pleine d'énergie malgré une vie difficile, elle dégage un charme, un magnétisme assez incroyable pour un personnage de cet âge. Le récit vire ensuite au parcours initiatique quand les problèmes arrivent vraiment et qu'Adara va devoir les affronter, métaphore du passage à l'âge de pré-adulte et des responsabilités qui en découlent.

Martin soigne comme à son habitude la psychologie de ses personnages, le réalisme est de mise dans un univers de fantasy pure. On retrouve ce charme si particulier qui m'a tellement envoûté dans mes lectures précédentes de ce même auteur. Malgré le format court, la puissance d'évocation, le charisme des personnages sont intacts. Ce conte emballe le lecteur du début à la fin même si la surprise n'est pas vraiment au RDV. Les ressorts narratifs bien huilées restent classiques et là où un plus jeune sera subjugué, je n'ai été que satisfait. Une bonne satisfaction certes, mais attendue. Mention spéciale aux illustrations de Luis Royo, très belles et accompagnant à la perfection le récit contribuant à densifier les descriptions écourtées par un trait impeccable  et une bichromie de bon aloi.

Dragon de glace reste une très bonne lecture qui comblera les plus jeunes mais aussi les amateurs du maître. Il est des auteurs comme cela qui tissent de l'or avec leurs mots et leurs phrases. Il faudrait maintenant que George R. R. Martin s’attelle vraiment à l'édification finale de sa grand œuvre tant les attentes sont importantes!

Lus et chroniqués du même auteur:
Chanson pour Lya
Le trône de fer, intégrale 1
Le trône de fer, intégrale 2
Le trône de fer, intégrale 3
Le trône de fer, intégrale 4
Le trône de fer, Le bûcher d'un roi, volume 13
Le trône de fer, Les dragons de Meereen, volume 14
Le trône de fer, Une Danse avec les dragons, volume 15

samedi 10 octobre 2015

Acquisitions automnales Nelfesques

Il y a 2 semaines, Mr K vous parlait de son craquage d'automne. Vous vous imaginez bien que moi non plus je n'ai pas su résister. J'ai été plus sage que lui mais je rajoute tout de même + 14 à ma PAL... Ben oui, c'est ça quand on tombe sur des romans forts intéressants à tout petit prix et que l'on a très envie de lire. Perso, j'ai du mal à résister ! Voyez plutôt :

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- "Une Place à prendre" de J. K. Rowling qui a fait beaucoup parlé de lui à sa sortie. Après Harry Potter, J. K. Rowling laisse de côté l'univers jeunesse et propose une comédie de moeurs teintée d'humour noir. J'ai eu envie d'essayer ! Espérons que j'accroche à ce roman de presque 700 pages...

- "Frankenstein" de Mary Shelley parce que c'est un classique que je n'ai pas encore lu.

- "Empereurs des ténèbres" de Ignacio Del Valle où il est question de seconde guerre mondiale à la mode thriller sur le front russe.

- "Complètement cramé" de Gilles Legardiner pour une lecture fun après un premier opus, "Demain j'arrête", que j'avais trouvé détente neurones.

- "Urkas !" de Nicolaï Lilin, le coup de poker du jour. Je ne connais ni l'ouvrage, ni l'auteur, mais la quatrième de couverture m'a fait frétiller les antennes ! Une plongée dans l'univers ultra-violent de la mafia sibérienne de Transnistrie, un récit de vie en forme de puzzle, un roman noir.

- "Bonjour chez vous !" de Nadine Monfils parce que "Les Vacances d'un serial killer" avait su me charmer.

- "Pike" de Benjamin Witmer, un roman noir comme je les aime et qui devrait bien me plaire. A suivre...

- "Fantasia chez les ploucs" de Charles Williams, un roman policier qui m'a l'air bien déjanté. Rien que le titre et la couv' posent l'ambiance !

- "Prenez soin du chien" de J. M. Erre qui était depuis longtemps dans ma wishlist. J'ai bien envie de faire rapidement connaissance avec ce microcosme ! "Entre l'érotomane scato du dessus, l'évaporé zoophile d'à côté et l'exhibitionniste d'en face, je commençais à me faire du soucis." Pas moi ! J'ai hâte !

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Petit tour dans le bac à partitions et je repars avec la Sonate n°27 de Beethoven et l'Intermezzi Opus 117 de Brahms. Pour ceux qui l'ignorent, je fais du piano depuis l'âge de 8 ans. J'ai toujours un oeil sur les partitions quand on va chez Emmaüs. Malheureusement, ils n'en ont pas souvent et après mon passage, les pianistes qui me suivent n'ont généralement plus rien à se mettre sous la dent.

Petit bonus du jour : Nous sommes allés faire innocemment un petit tour dans un magasin de seconde main et je suis revenue avec ENCORE des bouquins... Je suis incorrigible, je sais.

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- "Chroniques de l'asphalte" de Samuel Benchetrit, volumes 1, 2 et 3 : J'ai littéralement sauté au plafond en les trouvant ! Nous sommes allés voir hier soir au cinéma "Asphalte" de Benchetrit, librement adapté de deux nouvelles présentes dans ces chroniques. On a A-DO-RE ! On vous en reparle dans les prochains jours. De mon côté, je suis RAVIE de les avoir trouvées à 2.50€ pièce en broché (et Mr K est jaloux de ne pas les avoir trouvées avant moi mais faut pas le dire (la jalousie c'est mal... je ne sais pas si je vais les lui prêter...))

- "Spirales" et "Moka" de Tatiana de Rosnay, deux courts romans d'une auteure que j'aime beaucoup et qui a beaucoup de classe (oui je sais ça ça se voit pas dans ses pages mais dieu que c'est une belle femme !)

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Tesfa a l'air de bien apprécier Benchetrit elle aussi (elle a décidément fort bon goût) et donne sa bénédiction à l'entrée de ces petits nouveaux dans ma PAL. Me voilà rassurée !

N'hésitez pas à me donner votre avis sur tel ou tel titre dans les commentaires si vous les avez lu. Pour l'heure, j'ai envie de tous les lire en même temps mais comme ça me parait difficile, cela me permettra de choisir par lequel commencer !