lundi 5 décembre 2022

"L'Âme du chien" d'Antoine Ducharme

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L’histoire : Croire les prophéties.

Celui qui étreint l’âme du désert, qui chevauche et détruit les mondes, n’a que peu de pitié pour ses ennemis et son peuple.

Du haut de Salabanka, la ville dorée, il s’enorgueillit du Destin que l’oracle lui a confié. Alors, quand la sibylle lui ordonne de trouver un bras droit, il s’exécute. Il lui faut un guerrier à l’âme de chien prêt à tout pour accomplir l’avenir glorieux de son maître.

La critique de Mr K : Chronique d’un gros coup de cœur aujourd’hui avec L’Âme du chien d’Antoine Ducharme, un roman de fantasy métaphysique absolument dément. Conte, mythe, récit initiatique se conjuguent dans une langue poétique et évocatrice au possible. Top de chez top !

Alandros aka le cavalier aux poings de colère est venu du désert, il est venu, il a vu et il a vaincu ou presque... Guidé par un oracle qui lui a prédit le plus grand des destins, il a terrassé nombre d’ennemis mais il n’arrive pas à porter le coup de grâce à l’empire de l’ancien monde qui continue de lui résister. La sibylle lui dit qu’il va devoir trouver un guerrier, le meilleur d’entre tous, celui qui deviendra son bras armé et finira d’asseoir sa domination. C’est alors qu’apparaît Klane, guerrier mystérieux qui va survivre aux terribles épreuves imposées par Alandros pour devenir son soldat à l’âme de chien. Mais ce n’est que le début d’un récit qui conjugue dès lors fantasy épique et récit initiatique.

On est avec cette œuvre loin de la figure du roman ou de la saga de fantasy classique. La taille tout d’abord interpelle. Là où le genre se traduit souvent par de belles briques bien pesantes, on se retrouve ici face à un livre de 120 pages à peine, une sorte de novella en quelques sorte, format apprécié notamment dans la SF. Clairement, je trouve qu’ici ou là (promotion officielle, articles de blogs ou revues spécialisées), on appuie trop sur le mot fantasy pour décrire cette œuvre qui m’a fait plus penser à du Homère ou encore davantage à Laurent Gaudé et son superbe La Mort du roi Tsongor entre fracas des batailles, esprits torturés et aspect épique mis en avant par une langue inventive et évocatrice à souhait.

Au cœur du récit donc, deux hommes, deux figures tutélaires qui se ressemblent, s’opposent, se complètent, se rejettent au fil du temps, au gré des événements, mus tous les deux par quelque chose qui semble les dépasser, une flamme qui les habite, les meut. Figures guerrières, la mort et la destruction hantent ces pages d’une rare virtuosité lyrique pour évoquer la brutalité, les combats, le sang répandu pour un idéal commun inspiré par des paroles divinatoires et autres légendes que l'on se transmet à toutes les échelles de la société. Le pouvoir puis le doute, l’accablement, la résignation et une certaine forme de rédemption sont au menu de cette quête de sens qui apparaît en filigrane du récit et finit par nous éclabousser par sa pureté et sa beauté dans des dernières pages inspirées et inspirantes.

Alternant fureur, pensées et moments plus intimistes, L'Âme du chien ne nous laisse aucune échappatoire. Le souffle épique nous capte irrémédiablement, le récit devient initiatique, philosophique avec des réflexions sur le destin, la volonté mais aussi le sens de la vie, de l’accomplissement. Qu’est-ce qu’un héros finalement ? Le reste-t-on ? Est-ce même un sort enviable ? A travers la dualité Alandros et Klane, l’auteur évoque tout cela et rappelle le douloureux choix proposé à Thétis la mère d’Achille à qui on proposait à son fils une vie courte et glorieuse ou une vie longue mais insignifiante. La dimension mythologique de l'âme du chien est prégnante, les références nombreuses et a comblé l’amateur que je suis de récits antiques.

Il n’y a pas à tortiller, il faut lire l’ouvrage d’Antoine Ducharme qui porte très bien son nom - sic -. Lecture hypnotique, merveilleuse et sombre à la fois, c’est davantage qu’un livre de fantasy, c’est une fenêtre sur l’humanité et les histoires qui la fondent dans ses croyances et ses actes. C’est beau, profond, cryptique et clair à la fois, c’est un chef d’œuvre.

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jeudi 17 novembre 2022

"Feu et sang" intégrale de George R. R. Martin

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L’histoire : À son zénith, Valyria était la plus grande ville du monde connu, le centre de la civilisation. Au sein de ses remparts brillants, deux fois vingt maisons rivales se disputaient le pouvoir et la gloire, à la cour et au conseil, s'élevant et chutant dans une lutte sans fin, subtile et souvent féroce, pour la domination. Les Targaryen étaient loin d'être les plus puissants seigneurs dragons, et leurs rivaux virent dans leur fuite vers Peyredragon un acte de capitulation, de poltronnerie. Mais Daenys, la fille pucelle de lord Aenar, qu'on connaîtrait désormais à jamais sous le nom de Daenys la Rêveuse, avait prédit la destruction de Valyria par le feu. Et quand survint le Fléau, douze ans plus tard, les Targaryen furent les seuls seigneurs dragons qui survécurent.

La critique de Mr K : "Faute de grives, on mange des merles" est la maxime qui s’applique à cette lecture époustouflante qui ne doit cependant pas cacher que George R. R. Martin se fait furieusement attendre pour clôturer sa saga culte du Trône de fer, en espérant qu’il le fasse de fort belle manière et pas de façon convenue et bâclée comme ce fut le cas pour la version télévisée. Feu et sang qui raconte l’unification des sept royaumes de Westeros sous la bannière des Targaryens en est une sorte de préquelle, se déroulant plusieurs siècles avant les événements de Game of thrones. Sous la forme de chroniques à la mode médiévale (on pense forcément à Froissart, un auteur culte étudié à la fac en long, en large et en travers pour ma part) avec des dragons et un soupçon de magie en sus, on passe un extraordinaire moment (long de plus de 900 pages tout de même !) et on retrouve tout le talent du bonhomme avec le plaisir de découvrir l’origine de beaucoup d’éléments qui ont leur importance dans l’œuvre sus-citée.

Écrit donc à la manière d’une chronique historique, s’interrogeant souvent sur les sources disponibles, mêlant ressenti, hagiographie et écrits plus apocryphes voire tendancieux (les textes de Champignon, un nain bouffon de profession écrivain à ses heures perdues), tout débute par la fin de la mythique Valyria et l’exil sur l’île de Peyredragon des Targaryens, famille noble aux membres à la chevelure argentée et aux yeux mauves qui ont l'avantage certain de maîtriser des dragons. Oui oui, ça peut surprendre au départ! Cette île fait partie d’un continent, Westeros, où cohabitent sept royaumes qui se font la guerre depuis des générations et des générations. Rien ne semble pouvoir atténuer ces querelles et cesser les hostilités, et pourtant...

Sous l’impulsion d’Aegon Ier dit le conquérant, les Targaryens vont réussir à unifier tout ce petit monde à force de guerres, de tractations et de marchés. Le plus dur sera ensuite de faire fructifier cette réussite, développer Westeros et conserver cette unité autour de la figure du roi Targaryen et de ses successeurs. L’auteur déroule alors les événements sur trois / quatre générations qui vont devoir tout faire pour conserver l’héritage de leur illustre ancêtre. Ce ne sera pas une mince affaire et l’on peut compter sur l’imagination folle de George R. R. Martin pour leur donner du fil à retordre !

La saga Game of thrones avait donné le ton auparavant avec son lot de coups fourrés, de trahisons, d’atrocités commises au nom de la raison d’État ou d’intérêts familiaux et / ou personnels. On n’est pas en reste ici avec des personnages qu’on n’oubliera pas de sitôt à commencer par les Targaryens qui sont au centre de tout et qui compilent puissance terrifiante avec leurs dragons, une tendance à l’inceste fort poussé pour conserver la pureté de leur sang (à l’instar des anciens pharaons d’Égypte, frères et sœurs se marient entre eux) et une tendance à l’hybris et la folie que ne renieraient pas ceux que l’on croise plus tard dans la saga du Trône de fer. Ça défouraille sec, ça ne s’encombre pas de la morale élémentaire et l’on assiste à beaucoup de scènes rudes, éprouvantes même parfois. Personne n’est à l’abri dans ces pages, ne vous attachez pas trop aux personnages, certains disparaissent très vite ou même après des cinquantaine de page, fauchés par les circonstances ou un événement survenu de nulle part et qu’on n’a pas pu anticiper.

Et si il n’y avait qu’eux...Tous les protagonistes sont plus affreux et machiavéliques les uns que les autres. Les plus respectueux et gentils sont souvent leurs premières victimes. J’avoue que mon côté sadique a été pleinement satisfait. Les mœurs de l’époque sont dures aussi, on meurt jeune, les épidémies sont une réalité assez courante. Ce moyen-âge fantasmé est très réaliste si on enlève les dragons et les pointes de fantastique que l’on peut croiser ici ou là, j’ai adoré cette immersion et franchement on ne s’ennuie pas une seule seconde, les 900 pages se lisent très facilement et avec un plaisir renouvelé. Surtout qu’on en apprend beaucoup sur les origines de Westeros, sur certains lieux et leur toponymie, certaines lignées familiales, les brouilles en jeu, le développement du pays notamment les routes royales, l’urbanisme et la montée en puissance de Port-Réal notamment. Je me suis un peu retrouvé comme sur les bancs de la faculté sauf qu’on étudie là un monde imaginaire. Passionnant, dépaysant et furieusement addictif.

Je pourrais discourir des heures sur cette intégrale mais je vais arrêter là. C’est un pur bijou qu’il faut absolument lire si on est fan de Game of Thrones et de fantasy. Les historiens peuvent s’y coller aussi tant la démarche détone et impressionne. Un pur bonheur dans une version magnifique avec son lot de cartes (j’adore), un arbre généalogique et des illustrations régulières tout du long du récit. Une lecture ultime !

Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
Chanson pour Lya
Le trône de fer, intégrale 1
Le trône de fer, intégrale 2
Le trône de fer, intégrale 3
Le trône de fer, intégrale 4
Le trône de fer, Le bûcher d'un roi, volume 13
Le trône de fer, Les dragons de Meereen, volume 14
Le trône de fer, Une Danse avec les dragons, volume 15
- Dragon de glace

- L'Agonie de la lumière
- L'Oeuf de dragon

vendredi 30 septembre 2022

"Les Artefacts du pouvoir" de Maggie Furey

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L’histoire : À neuf ans, Aurian vit seule avec sa mère. L'arrivée inopinée de Forral, un vieil ami de son père, va bouleverser leur quotidien tranquille et déclencher une série d'événements qui conduiront la jeune fille à intégrer l'académie magique de Nexis, où elle devra apprendre à maîtriser les pouvoirs qu'elle ne possède encore qu'à l'état brut.

Quelques années plus tard, Aurian est devenue une Mage accomplie, mais son audace lui attire le courroux de l'Archimage Miathan. Pour lui échapper, elle doit redécouvrir l'histoire des Artefacts, ces quatre armes légendaires dont seuls quelques élus connaissaient jadis le secret. Débute alors pour Aurian un formidable périple, où elle ne pourra compter que sur elle-même et sur Forral, le protecteur de toujours...

La critique de Mr K : Un très bon cycle de fantasy aujourd'hui, une acquisition faite à notre cher Emmaüs il y a déjà quelques mois et que je m’étais réservé pour cet été, période propice par excellence pour la lecture de bons gros pavés emplis d’aventures ! La tétralogie des Artefacts du pouvoir de Maggie Furey est donc un très bon crû proposant une trame haletante, des personnages attachants, le tout dans un univers bien caractérisé, avec une once d’humour bienvenue et une plume aiguisée et maligne.

Les débuts sont classiques avec une jeune orpheline de père qui vit isolée dans la forêt avec sa mage de mère qui depuis la disparition de son aimé s’est repliée sur elle-même et se consacre entièrement à ses recherches magiques. La jeune Aurian au caractère bien trempé s’occupe comme elle peut et s’exerce à des rudiments de magie sans filet et clairement ne progresse pas (c’est le moins que l’on puisse dire). Un jour, un vieil ami de la famille, le combattant d’élite Forral débarque à l’improviste et de fil en aiguille va convaincre la mère d’Aurian de la placer à l’académie magique de Nexis pour qu’elle apprenne à maîtriser son potentiel qui semble très important.

Une ellipse temporelle plus tard, on la retrouve jeune adulte, mage en devenir et escrimeuse hors pair. Préférant la compagnie des mortels à celle des mages dont elle est pourtant issue, elle s’attire vite la désapprobation puis la disgrâce de certains membres éminents du conseil des sages. Tout va déraper un soir où un mystérieux artefact découvert par Miathan l’archimage va déchaîner les enfers sur Nexis et forcer Aurian à fuir avec certains compagnons qu’elle s’est faite entre temps. C’est le début d’une fuite éperdue, le commencement d’une quête de trois artefacts qui pourraient retourner la situation et empêcher Miathan d’arriver à ses fins que vous imaginez funestes à raison.

Avec plus de 2500 pages en tout, cette saga se pose là et pourtant on ne sent pas le temps passer et l’on ne compte pas les pages tant on est pris dans le flot narratif que nous livre une auteure douée pour planter des décors et avancer ses pions avec minutie. Comme souvent, on retrouve la figure de l’exilé qui va devoir faire ses preuves en traversant moult épreuves et voyageant énormément entre mers déchaînées, déserts arides, montagnes enneigées impénétrables et fausses campagnes riantes. C’est classique, presque balisé mais on joue le jeu avec un plaisir non dissimulé avec des scènes particulièrement bien écrites, des descriptions incroyables et des scènes d’action parfois épiques.

La compagnie s’élargit au fil des volumes et l’on s’attache beaucoup à ces personnages en rupture de bans, venus d’horizons très divers mais qui vont apprendre à se connaître, à vivre ensemble et à assembler leurs forces dans un but commun. Attention cependant à ne pas tomber dans la routine, certains s’avéreront retors et certaines surprises font vraiment mal au cœur et m’ont diablement surpris. Un point en plus pour cette saga qui réserve donc de nombreux méandres scénaristiques ce qui est toujours une gageure de qualité dans un genre trop souvent codifié. À noter, la présence régulière d’humour, de réflexions décalées qui empêchent de se coltiner des personnages ampoulés et sans âmes. On partage vraiment le quotidien et ses tracasseries tout en menant une quête épique. Top !

Bastons endiablées, magie ésotérique en action, créatures étranges, des méchants absolument démoniaques, destins contrariés, romance cucul et massacres innommables, scènes d’auberge hautes en couleurs (un incontournable !), phases initiatiques tripantes, spiritualité et mythologie évocatrice... bref, le dépaysement est garanti et l’amateur de fantasy est vraiment servi. De plus, je découvrais cette auteure et je peux vous dire qu’elle n’a rien à envier à des écrivains majeurs du genre en terme de langue, de rythme et de cohérence. C’est foisonnant, dense et terriblement addictif avec en supplément d’âme la gente féminine mise à l’honneur et aux premières places en terme de protagonistes, ce qui est suffisamment rare pour être mentionné.

Vous l’avez compris voila un cycle de fantasy totalement réussi au charme envoûtant et au rythme qui ne se dément jamais. À lire absolument si on est amateur du genre !

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vendredi 16 septembre 2022

"Le Sang des Parangons" de Pierre Grimbert

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L’histoire : Le monde des hommes est en train de s’effondrer. Et toutes les prières, tous les sacrifices, semblent incapables d’y remédier. L’humanité assiste, impuissante, à son crépuscule. Une dernière chose doit cependant être tentée. Une folie, à la hauteur de cette situation désespérée.

Chaque nation, chaque territoire a ainsi désigné son champion. Certains sont des sages, des savants, ou des dévots. D’autres sont des mercenaires, des aventuriers ou des chevaliers. Il y a même des rois et des reines… Ils ne se connaissent pas, ils ont parfois des intérêts contraires, mais ils ont été réunis pour former le groupe des parangons. Une escouade d’exception dont la mission représente la dernière chance de survie de leurs peuples respectifs.

Ensemble, ils vont devoir pénétrer la montagne sacrée, siège du palais souterrain des dieux. Et s’ils parviennent jusqu’aux éternels, malgré les dangers légendaires que renferme cet endroit, ils devront les convaincre de sauver leur monde agonisant. En les suppliant… ou bien en les défiant, si nécessaire.

Mais combien de parangons verront leur sang versé sur le chemin, pour permettre aux autres de continuer ?

En restera-t-il un seul, qui pourra prouver que l’humanité mérite vraiment d’être sauvée ?

La critique de Mr K : Une escale en terre fantasy aujourd’hui avec Le Sang des Parangons, dernier ouvrage en date de Pierre Grimbert à qui l’on doit notamment Le Secret de Ji. Plus qu'un simple roman fantasy, cet ouvrage est une expérience de lecture totale, addictive et d'une profondeur abyssale. Une sacrée claque.

Le monde est en pleine déréliction, la fin des temps approche sans que les hommes semblent pouvoir y faire quoi que ce soit. Dans cette ambiance apocalyptique nul espoir n’est permis si ce n’est une tentative un peu folle de vouloir contacter les anciens Dieux au fin fond de la montagne sacrée dont personne n’est jamais revenu vivant. Les cadavres s’amoncellent autour de ce lieu qui provoque fascination et épouvante, seule une porte taillée dans la pierre indique que des êtres humains (ou des Dieux ?) y ont résidé il y a bien longtemps et qu’il y a donc une entrée...

Chaque peuplade, chaque nation a donc désigné une personne, un champion qui va les représenter dans une équipée à nulle autre pareille. On trouve de tout dans cette troupe disparate (les fameux Parangons qui donnent leur nom au livre) : guerriers, sages, voleurs, prêtres, mendiants, musiciens, princes et rois se mêlent, se jaugent, se jugent et parfois se rapprocheront. L’union n’a de sacrée que le nom car dès les préparatifs et l’entrée dans la montagne, les tensions sont palpables. Le voyage se prolongeant, les morts s’accumulant, les frictions vont se multiplier au gré de découvertes et d’expériences déconcertantes et surtout mortifères.

Chaque chapitre adopte le point de vue d’un Parangon différent. Ils sont plus de quarante et c’est de presque la moitié dont on partage les pensées, actes et atermoiements. Il faut se laisser porter au début car on a l’impression de sauter du coq à l’âne. Des liens et rapports finissent par apparaître donnant à découvrir des relations complexes et cohérentes. Le jeu devient jubilatoire et comme les personnages sont ciselés de manière fort à propos, on prend beaucoup de plaisir à suivre leur évolution malgré l’aspect dramatique que prend très rapidement l’expédition.

Comme dit précédemment, les morts s’accumulent jouant sur les nerfs des protagonistes et les plongeant peu à peu dans un désespoir grandissant. Les galeries et couloirs se ressemblent, regorgent de dangers tous plus étranges les uns que les autres, des créatures errent dans ces lieux et mêmes les lois physiques semblent modifiées. De quoi inquiéter ces aventuriers trop sûrs d’eux pour certains et mettant à jour les iniquités et les rivalités qui vont finir par ressurgir parfois au pire moment. Le jeu de massacre peut commencer avec en fil rouge cette question obsédante : les Dieux existent-ils ? Vont-ils accéder aux demandes formulées par les survivants ? Le monde va-t-il être sauvé ?

Solidement ancré dans un univers fantasy esquissé de manière discrète et délicate, le flou est très artistique ici, l’important réside ailleurs dans ce roman initiatique. À travers l’errance des Parangons, le ressenti de chacun des personnages que l’on croise, l’auteur propose un très beau diaporama des questions existentielles qui traversent une destinée humaine avec un questionnement constant sur le sens de l’existence. Il se dégage de l’ensemble une puissance évocatrice vraiment prenante voire bouleversante par moments et l’on se laisse littéralement emporter avec un plaisir sans borne.

Très très belle expérience de lecture donc, avec un auteur à la plume aussi vive que passionnante, un univers clos aussi angoissant que source d’interrogations et une fin que j’ai trouvé pour ma part tout à fait réussie. Un must dans son genre que je vous invite à découvrir au plus vite.

dimanche 22 mai 2022

Acquisitions printanières SF et fantasy

Au fil du printemps, Nelfe et moi avons récoltés quelques nouveaux livres prometteurs lors de passages à Emmaüs ou dans des boîtes à livres de la région. Tellement de titres nous ont tenté pendant cette période que je vais être obligé de rédiger deux postes différents les concernant. J'ai décidé de vous présenter aujourd'hui les ouvrages orientés SF et fantasy, des romans prometteurs et qui vont rejoindre ma PAL. Voyez plutôt.

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Ils ne sont pas beaux ? Certains répondent à des attentes que je nourrissais depuis déjà pas mal d'années, d'autres sont de pures découvertes. Je suis assez compulsif comme lecteur, je lis de tout mais je dois avouer que ces genres de l'imaginaire me procurent un plaisir bien particulier et certains titres vont frapper fort je pense. La revue en détail commence maintenant !

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- Les Artefacts du pouvoir de Maggie Furey. Cette tétralogie de fantasy sera une de mes lectures de l'été, période idéale pour se plonger dans un cycle de ce type. Je ne connaissais pas du tout l'auteure avant de tomber inopinément sur ce lot complet et les premiers avis que j'ai pu compulser sur le net m'ont convaincu de m'en porter acquéreur. Une jeune orpheline de père va voir sa vie bouleversée à l'annonce de pouvoirs qu'elle ne maîtrise pas encore. Elle va intégrer une académie de magie et devenir une puissante magicienne qui partira à la quête de quatre artefacts légendaires. Le pitch plutôt classique cache à priori un récit dense et enlevé. Tout ce que j'aime !

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- Le Nez de Cléopâtre de Robert Silverberg. Un auteur qu'on ne présente plus et auquel je ne peux jamais résister quand je croise un ouvrage de lui que je n'ai pas lu. Six nouvelles ici font la part belle au détournement de l'Histoire, des uchronies compilées dans ce volume avec des idées de base bien tripantes : l'Empire romain qui se maintient et s'élargit face aux invasions barbares, Socrate rencontrant Pizarre dans un monde parallèle, la Peste noire de 1348 qui emporte les 3/4 de l'Europe occidentale... Avec Robert Silverberg, je suis sûr de n'être jamais déçu, hâte de lire cet ouvrage !

- La Brigade de l’œil de Guillaume Guéraud. 2037, la Loi Bradbury interdit toutes les images depuis 20 ans sur le territoire américain car elles sont considérées comme nocives et peuvent rendre fou selon la propagande qui matraque la population. Une brigade spécialisée (donnant son nom au livre) traque les terroristes opposés à cette dictature. Un résumé qui fait froid dans le dos pour un roman plébiscité par beaucoup et que je vais pouvoir enfin lire après en avoir beaucoup entendu parlé, notamment lors de diverses conférences aux Utopiales.

- Chiens de guerre d'Adrian Tchaikovsky. Rex est un bon chien. C'est un biomorphe, un animal génétiquement modifié, lourdement armé et doté d'une voix synthétique créée pour distiller la peur. Rex obéit aux ordres du maître qui lui désigne les ennemis. Mais qui sont-ils réellement ? Se pourrait-il que le maître outrepasse ses droits ? Et si le maître n'était plus là ? Ça fleure bon le récit hardboiled révélateur des dérives du pouvoir et de la disparition de toute éthique dans les recherches en biotechnologie. Typiquement le genre d'ouvrage qui propose un récit prennant et source de réflexion. Miam miam !

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- L’holocauste de James Gunn. Dans une société imaginaire, les savants sont condamnés à mort car trop longtemps les peuples ont été soumis au pouvoir de la science. Ils exigent désormais leur liberté même au prix de la barbarie. Le héros était jadis un scientifique admiré, il est désormais un fugitif. Un road movie qui s'annonce sous les meilleurs hospices pour un auteur que je vais découvrir avec cet ouvrage lourd de promesses. Wait and read.

- Voici l'homme de Michael Moorcock. Là encore au auteur que j'adule et un ouvrage qui m'avait jusque là échappé. Un homme du XXème siècle remonte le temps jusqu'en l'an 28 pour chercher le Christ et assister à sa crucifixion. Il finit par rencontrer Jean-Baptiste qui semble entendre le nom de Jésus-Christ pour la première fois ! Le postulat est terrible et je pense qu'on peut compter sur Moorcock pour nous livrer un récit hors norme.

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- Tous les pièges de la terre de Clifford Simak. Encore un auteur que j'affectionne pour un recueil de nouvelles alternant SF, suspens policier et contes fantastiques que je vais découvrir. Des nounous qui élèvent leurs jeunes pousses en s'appropriant leur jeunesse comme salaire, l'alcool des extraterrestres qui révèle le malheur des autres et conduit à l'ivresse, un robot piégé par la sensibilité humaine, la publicité comme tranquillisant parfait d'une guerre inter-planétaire... autant de présentations qui m'ont fait craquer pour un livre qui lui aussi promet beaucoup. Simak va encore frapper je crois.

- Thin Air de Richard Morgan. Un one-shot de l'auteur de la trilogie littéraire Altered Carbon (dont j'ai lu le premier tome qui s'est révélé enthousiasmant). Véritable machine à tuer bourrée d'implants en tout genre, Hakan Veil est un agent de sécurité haut de gamme qui se voit confier une mission, à priori anodine, de protection. Tout va basculer avec des révélations mettant à jour un nid d'intrigues et de meurtres. Action, thriller et cyberpunk sont au menu d'un roman prometteur comme jamais, vu la patte de cet écrivain, je vais passer un bon moment.

De bien belles acquisitions qui vont alourdir encore un peu plus les rayonnages de ma PAL et qui vont faire mon bonheur dans les semaines et mois à venir. RDV ici même pour les futures chroniques qui les concerneront. Haut les cœurs lecteurs !


jeudi 23 décembre 2021

"La Trilogie des périls" de David Eddings

Trilogie des périlsL’histoire : Je le savais, j'étais rentré à Cimmura avec le sentiment du devoir accompli, heureux d'avoir sauvé la vie d'Ehlana et tout remis en place : le Bhelliom au fond de la plus profonde fosse de l'Océan, Dolmant à la tête de l'Eglise d'Elénie. Azash, Annais et même Otha, le roi-limace, étaient morts. Mais, foi d'Emouchet, j'avais un mauvais pressentiment. Les nouvelles que m'apportaient Ulath, Tynian et Bévier n'étaient pas bonnes. Il n'était question que de disettes, d'épidémies, de troubles. Mes pires craintes se confirment : dans tous les Etats du continent, des héros de l'antiquité soulèvent le peuple. De prétendus justiciers incitent les nobles à se révolter contre l'Empire de Tamoulie. Et il y a pire : les Trolls ont quitté leur foyer natal et envahi le nord de la Dalésie. Des guerriers reviennent d'entre les morts. Un nécromancien - homme ou Dieu - ramène des armées du plus lointain passé, fouille dans le folklore et donne vie à des monstres redoutables : des vampires, des goules, des hommes de l'aube et même ceux-qui-brillent. Je savais qu'il nous faudrait subir un interminable hiver jusqu'au retour des Dieux. Je n'avais pas prévu que nous devrions affronter un nouvel ennemi auprès de qui les Dieux des Trolls étaient de joyeux drilles.

La critique de Mr K : Très bon voyage en fantasy avec cette lecture fleuve qui m’a transporté bien loin des réalités terrestres lors des dernières vacances de la Toussaint. J’adore David Eddings. Même s’il se situe un cran en dessous à mes yeux que des auteurs classiques du genre comme Tolkien, Martin ou encore Howard et Moorcock, il apporte une fraîcheur et un vent de folie dans un genre parfois un peu ampoulé. Après la très réussie Trilogie des joyaux, c’est avec une joie non feinte que je retrouvais Emouchet et ses joyeux compagnons pour cette Trilogie des périls qui promettait beaucoup après avoir lu la quatrième de couverture du premier volume. Plus de 1500 pages en prévision et même pas peur ! Au final, ce fut un grand bonheur de lecture, une addiction de tous les moments et un voyage vraiment mouvementé !

Émouchet pensait avoir fait le plus dur en se débarrassant du Bhelliom et en sauvant la vie d’Ehlanna, on pouvait d’ailleurs décemment penser qu’ils pourraient tranquillement couler des jours heureux et profiter pleinement de leur vie maritale. Six ans ont passé depuis les derniers événements, une petite fille est née de leur union. Mais voila, une certaine agitation secoue l’Éosie et le continent voisin, des héros et personnalités du passé semblent ressurgir d’on ne sait où et fomenter une révolte contre l’ordre central. Rajoutez à cela de mystérieuses troupes semant le chaos qui semblent venir d’époques elles aussi révolues et la menace devient clairement inquiétante. La trilogie débute avec la nécessaire enquête de notre héros et de sa cohorte d’amis hauts en couleur sur ses mystérieux agissements qui mettent à mal l’unité des royaumes.

Comme souvent dans les sagas de David Eddings, le récit fait la part belle au voyage. Il s’amuse gaiement à fait traverser les cartes présentes dans les livres par ses héros du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est. Dépaysement garanti avec de longues traversées de déserts, de montagnes, de forêts impénétrables, de flots impétueux et autres lieux propices à l’aventure. De palais en tavernes, en passant par des souterrains ténébreux, on en voit des vertes et des pas mûres. On retrouve aussi le goût de l’auteur pour l’intrigue politique avec des complots ourdis de longues dates, des actes lourds de sens et des lignes de forces qui s’étiolent et se renforcent au gré des alliances et des révélations. Question scénario on en a pour son argent, c’est dense et l’on ne s’ennuie pas une seconde.

Les personnages sont toujours aussi savoureux avec cet humour omniprésent caractéristique de l’auteur de La Belgariade et de La Mallorée. Les dialogues sont parfois à se pisser dessus, on lorgne clairement vers Kaamelott avec des personnages de hautes extractions qui n’hésitent pas à se dire leurs quatre vérités et qui possèdent un sens de la répartie parfois cinglant. C’est frais, c’est fun et ça dépoussière la fantasy tout en gardant parfois un ton épique de bon aloi. Car ici les dieux agissent, parlent et suivent leur propres intérêts. Ils n’ont pas la langue dans leur poche eux non plus, ce qui donne un ton léger avec tout de même son lot de scènes dantesques et de la magie en veux-tu en voila.

On peut reprocher à l’ensemble de manquer d’originalité dans le développement de l’intrigue principale (je n’ai jamais vraiment été surpris) et certains passages sont redondants car tel personnage répète ce qu’il a appris au chapitre précédent à un autre personnage. Rien de bien méchant pour autant avec ces trois ouvrages qui se lisent d’une traite et avec grand plaisir quand on veut s’échapper et plonger dans un monde de fantasy. Avis aux amateurs !

Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- La Belgariade
- La Mallorée
- La Trilogie des joyaux

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mercredi 2 juin 2021

"La Graine de folie - Intégrale" de Civiello avec la participation de Mosdi

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L’histoire : Dans un Moyen Age où le christianisme annihile toute autre croyance, le monde de Faërie meurt sous l’impulsion de forces démoniaques. Pour le sauver de la destruction, Elbéreth, la Reine des fées, confie à Igguk Plitchwook, "la mémoire des Elfes", la mission de rechercher le Cœur de Cristal. Pour cet alchimiste elfique, il s’agit là du début d’extraordinaires péripéties féériques et terrifiantes.

La critique de Mr K : Nouvelle claque avec cette lecture d’une bande dessinée de l’ami Franck qui décidément est un homme de goût ! Dans cette intégrale de La Graine de folie de Civiello, on rentre de plein pied dans une fantasy flamboyante aux dessins tout bonnement sublimes et au scénario alambiqué. Il faut donc s’accrocher pour suivre la narration mais finalement, Dieu que c’est bon !

En progressant dans la domination des âmes, la chrétienté efface peu à peu les vieilles croyances traditionnelles et il est bien connu que les divinités disparaissent quand les humains ne croient plus en elles. Le royaume de Faërie disparaît donc peu à peu sous les coups de forces démoniaques qui s’en prennent même en début de première partie à la Reine de Faërie elle-même. Un alchimiste du nom d’Igguk se voit confier une dangereuse mission pour essayer de restaurer ce qui peut encore l’être, lui qui se désigne comme la mémoire des Elfes va en compagnie de compagnons pour le moins étranges et parfois truculents entamer un voyage périlleux et initiatique. Très vite, l’on sait que le dénouement n’épargnera personne quand la vérité éclatera et révélera toute son ampleur.

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Cette intégrale est parmi les plus belles œuvres du genre que j’ai pu compulser. Les dessins sont absolument magnifiques et dire que l’auteur (scénariste et dessinateur dans l’affaire !) n’avait que 23 ans quand il l'a commencé. Il y en a qui sont doués ! Double pages dantesques, cases qui se chevauchent, s’entremêlent parfois et des couleurs qui claquent les yeux. Dur dur de s’en remettre tant on est époustouflé par la maestria déployé. D’ailleurs cela a un léger inconvénient, l’ensemble peut parfois paraître confus, il faut suivre les différents protagonistes, les apports extérieurs... il n’est pas rare de devoir faire des allers retour entre les pages et même de relire certaines cases. Mais ce n’est qu’une légère gêne face au talent exprimé ici.

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Le scénario dans sa base est plutôt classique. Sous couvert de lutte entre le Bien et le Mal, on suit une joyeuse bande de pieds nickelés à la langue bien pendue. J’ai adoré les dialogues entre sérieux et drôlerie. L’alchimie fonctionne parfaitement entre la mémoire des elfes, une sorcière déjantée, un troll farceur et, à partir de la deuxième partie, un skalven, un être mi-homme mi-rat. Bien que drôlatique, l’aventure est on ne peut plus sérieuse avec des enjeux énormes et des rencontres parfois terrifiantes. Semi-divinités (mention spéciale à la prêtresse des corbeaux), êtres immondes surgis des abysses, gobelins enragés vont se mettre sur leur chemin entre deux épreuves divinatoires et autres énigmes qui vont peu à peu les mettre sur la voie. Celtisante dans certaines références, l’aventure prend une dimension mystique vers la fin avec un dernier tome particulièrement retors, une fin logique mais glaçante et une métaphore filée du pouvoir et de la domination fort bien vues. On gagne en portée et en puissance.

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Je n’en dirai pas plus pour ne pas dévoiler les fils de la trame de cette BD mais sachez que l’ensemble est dense, imposant par ses choix narratifs et par son aspect esthétique. La Graine de folie est une pièce de choix dans la bande dessinée de genre et les amateurs ne doivent surtout pas passer à côté.

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samedi 15 août 2020

"La Trilogie des magiciens" de Katherine Kurtz

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L’histoire : Tout commence lors d'une partie de chasse, quand Brion Haldane, le roi de Gwynedd, meurt d'une crise cardiaque, provoquée par une puissante magicienne derynie. Kelson, encore adolescent, succède à son père. Alaric Morgan, l'un des rares Derynis de Gwynedd qui ose afficher ses origines et ses pouvoirs, sait comment transmettre à Kelson les pouvoirs magiques inhérents à la charge royale dans la dynastie des Haldanes. Kelson en aura grand besoin : révoltes localisées, complots de certains nobles, emprise croissante de la hiérarchie religieuse... Mais au Conseil de Régence, Jehana, la veuve de Brion veut faire condamner Morgan comme traître et hérétique, afin que son fils ne perde pas son âme en étant corrompu par la magie derynie... Situé dans un Moyen Age alternatif, le monde est l'enjeu d'une lutte entre les humains et les Derynis race d'apparence humaine aux pouvoirs psi innés.

La critique de Mr K : Chronique mitigée aujourd’hui pour La Trilogie des magiciens de Katherine Kurtz, première intégrale d’une série de quatre du cycle des Derynis, nom d’une caste de magiciens aux pouvoirs étendus. Cet ouvrage était dans ma wishlist depuis bien longtemps, plus précisément depuis une conférence très intéressante sur les univers de la fantasy qui m’avait enthousiasmé lors de nos premières Utopiales. Malgré une lecture très rapide (4 jours pour 1054 pages), mon bilan est mi-figue mi-raisin avec un ouvrage vraiment prenant, un background bien fouillé mais finalement bien classique et même parfois ringard...

Tout commence comme dans la saga du Trône de Fer de George R. R. Martin avec un accident de chasse pas si fortuit que cela et un royaume qui se retrouve fragilisé. Le jeune prince Kelson va devoir asseoir son autorité avec l’aide de quelques compagnons de confiance, lutter contre des intrigants retors, le fanatisme religieux et la bêtise humaine. Ces trois volumes réunis en un font donc la part belle aux complots de toutes sortes avec en fond thématique l’éternelle quête du pouvoir qu’il soit temporel (le trône du royaume de Gwynedd) ou spirituel avec une lutte d’influence entre une église chrétienne expansionniste (si si !) et les Derynis pourchassés à cause de leur nature propre considérée comme déviante et dangereuse. Les rebondissements sont nombreux, chaque chapitre se dévore facilement et se termine toujours par une punchline ou une situation inextricable (ou du moins qui semble l’être) qui titille la curiosité du lecteur l’incitant fortement à poursuivre sa lecture.

Le récit se déroule dans un moyen âge parallèle. On retrouve les mêmes caractéristiques sociétales : la religion chrétienne et son clergé ; la noblesse, sa hiérarchie complexe et ses obligations morales et militaires. Le bon peuple lui ne semble être qu’un ramassis de moutons auxquels d’ailleurs l’auteure ne prête pas vraiment attention sauf pour souligner leur crédulité voire leur intransigeance envers les Derynis, fanatisés qu’ils sont par la religion dominante et les rites qui règlent leur existence. Les Derynis sont l’élément de fantasy central de cette trilogie. Ressemblant à s’y méprendre à des humains, ils possèdent des pouvoirs qui dépassent l’imagination à condition de savoir les utiliser (contrôle et exploration de l’esprit, guérisons, sorts d’attaques, convocation d’esprits et de créatures...). Ces capacités font peur, attisent la jalousie et a provoqué quelques décennies avant ce récit une véritable chasse aux sorcières marquée par de nombreux massacres et actes immondes commis par des humains se sentant menacés et totalement manipulés par les détenteurs de la sainte morale. Depuis, les Derynis vivent en fugitifs, soit cachés soit ignorants de leur condition, de leur don. La question de leur coexistence avec les humains, la notion de respect et de reconnaissance de l’autre rajoutent une dimension sympathique à l’ensemble même si on reste avant tout dans un ouvrage purement récréatif.

Durant la lecture, on constate qu’il y a peu de descriptions des grands espaces traversés par les personnages (il y a par contre une carte des lieux en début d’ouvrage, yes !). Ici, on évolue plutôt dans les palais, les villes et les forteresses où se jouent alliances et complots. Cela m’a désarçonné et un peu déçu, l’univers entraperçu est foisonnant et j’aurai apprécié avoir plus de détails sur la nature environnante, un aspect plus naturaliste qui aurait complété à merveille le reste. J’ai déploré aussi le fait qu’il n'y ait qu’une seule scène de taverne sur plus de mille pages ! Une vraie hérésie à mes yeux pour un ouvrage de fantasy ! Bon, l’ensemble est tout de même pas mal réussi à commencer par les personnages qui sont plutôt attachants et l’on tremble bien souvent pour eux (faut dire qu’ils cumulent les ennuis tout de même!). Morgan et Duncan sont mes préférés, ces deux êtres entre deux mondes sont des victimes de choix pour tous les fanatiques, les épreuves seront bien nombreuses. Ça bastonne aussi sévère par moment (à la mode Moorcock ou Howard) et la magie a toute sa place avec effets sons et lumières garantis et des invocations rimées du plus bel effet. Franchement, on passe plutôt un bon moment.

Malheureusement, l’ouvrage a des défauts qui l’empêchent de côtoyer les cieux littéraires où résident les meilleurs auteurs du genre comme Tolkien, Martin, Moorcock, Howard ou encore Sapowski. D’abord, l’auteure se complaît à décrire la moindre tenue portée par tous ses personnages, ce n’est pas inintéressant en soi mais quand ça devient systématique, cela n’apporte pas grand-chose à l’ensemble et relève plus du remplissage roboratif. Plus grave, par moment l’auteur verse dans le mélo type Harlequin (genre littéraire que je ne goutte guère) avec des personnages secondaires ampoulés et niaiseux qui ridiculisent quelque peu le récit, ainsi la sœur de Morgan est un bel exemple de personnage plus qu’agaçant qu’on a envie de dessouder au plus vite. Et puis surtout l’ensemble est très classique, sans réelle surprise et les fins abruptes laissent un sentiment d‘inachevé légèrement frustrant.

Reste cependant un bon moment de lecture-détente, La Trilogie des magiciens n’est pas un classique ou alors elle est à réserver à de jeunes lecteurs qui désirent commencer à découvrir ce genre. Ce n’est pas prise de tête, ça se lit vite et on prend tout de même plaisir à explorer ce monde pas si éloigné du nôtre dans les thématiques qu’il développe. Je reste réservé quant à mon envie de poursuivre avec les trois autres volumes du cycle... Dans le genre, il me reste nombre de classiques que je n’ai pas encore lu et qu’ils n’attendent que moi. Wait and see !

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dimanche 21 juin 2020

Acquisitions post-confinement

Le confinement a été l'occasion pour beaucoup d'entre nous de réaliser des travaux, des choses qu'en temps normal on remet toujours aux calendes grecques. Le bricolage très peu pour moi, je me suis donc concentré sur Little K, le jardinage et sur ma PAL notamment la partie encartonnée qui se trouve dans le grenier. À cette occasion, je me suis rendu compte que certains titres ne correspondaient plus à mes attentes de lecteur ou que d'autres faisaient partie de séries incomplètes. Il était temps de mettre de l'ordre, d'écarter les livres dont je veux me séparer pour ensuite pouvoir les mettre à disposition dans les boîtes à livre du secteur quand elles seront de nouveaux accessibles. 

L'excuse était toute trouvée pour passer commandes d'ouvrages que je souhaitais lire depuis un petit moment. Étant adepte des livres de seconde main, je suis passé par une boutique de livres d'occasion (référence parisienne ultime dans son domaine), qui pratique de surcroît la vente à distance. Je suis resté plutôt raisonnable comme vous allez le voir et j'ai pu regarnir ma PAL dans des genres qui commençaient à être sous-représentés. Suivez le guide !

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- L'Inclinaison de Christopher Priest. Je vous ai parlé récemment de ma découverte d'un volume du cycle de l'Archipel du rêve avec le très bon ouvrage La Fontaine pétrifiante. Je n'ai donc pas pu résister à l'envie de m'y replonger avec encore une fois ici une histoire de double et de temporalité modifiée entre deux mondes parallèles et dissemblables à la fois. Histoire d'une descente aux enfers d'un compositeur de musique à bout de souffle, je ne doute pas un moment du plaisir de lire que je vais pouvoir ressentir, Christopher Priest ne m'a jamais déçu tant par son écriture unique que les thématiques qu'il peut aborder. Chouette, chouette, chouette !

- Vongozero de Yana Vagner. Il s'agit d'un survival russe sur fond d'épidémie galopante où l'on suit un groupe de personnes éclectiques qui part vers le lac qui donne son nom à l'ouvrage pour y trouver refuge. Cet ouvrage m'avait échappé lors de sa sortie en broché aux éditions Miroboles. Le tort est désormais réparé avec un roman très prometteur où l'on sauve sa peau au prix de son humanité et où la psychologie des personnages est poussée à son paroxysme. Vu mon goût prononcé pour la littérature russe de genre, je pense que je vais passer un bon moment.

- La Trilogie des magiciens de Katherine Kurtz. Il était plus que temps que j'étoffe ma réserve de romans de fantasy, un genre que j'aime beaucoup et qui permet bien souvent une évasion immédiate. Ce premier recueil d'une oeuvre plus que conséquente (quatre trilogies qui se suivent dans le cycle de Derynis) me faisait de l'oeil depuis longtemps, plus précisément depuis nos premières Utopiales où l'oeuvre de Katherine Kurtz avait été cité lors d'une conférence mémorable sur les mondes imaginaires de la fantasy. J'ai franchi le pas, ce sera ma lecture de notre séjour estival dans le Périgord chez ma belle-famille. Hâte d'y être !

- Les Résidents de Maurice G. Dantec. C'était l'un des derniers ouvrages qui me restait à lire de cet auteur que j'adore, ce n'est pas pour rien que je l'avais intégré à mon "onze de rêve" en terme de littérature. Il revient ici avec un roman bien noir qualifié d'oeuvre totale dont la quatrième de couverture bien tordue m'attire comme un éphémère sur une ampoule brûlante. Trois déglingos de la vie progressent tous vers un centre secret d'expérimentation où pourrait bien se joindre l'avenir de l'espèce humaine. Écriture unique, obsessions de l'auteur seront je n'en doute pas au RDV pour mon plus grand plaisir. Wait and read.

Voici donc les quatre beaux ouvrages qui intègrent ma PAL qui bien que délestée, comme dit précédemment, reste assez conséquente. Espérons qu'avec l'âge et la paternité (en ce jour si particulier), je réussisse à me garder de mes errements passés et à juguler mes crises de manque en terme d'acquisitions littéraires compulsives. L'espoir fait vivre, paraît-il.....

dimanche 11 août 2019

"La Trilogie des joyaux" de David Eddings

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L’histoire : Emouchet, le chevalier pandion, est de retour d'exil, prêt à reprendre sa place de Champion de la reine. Mais sa maîtresse est frappée d'un mal mystérieux et Séphrenia, la vieille sorcière, n'a pu que retarder l'échéance : assise sur son trône, enchâssée dans un bloc de cristal, la jeune reine est mourante ; il faut vite trouver un remède.

Cette histoire se passe dans une terre de royaumes combattants, d'intrigues de cour, de magie noire et de haute aventure. La maladie de la reine est une aubaine pour les ambitieux. Alors, Emouchet part chercher les remèdes en compagnie de Séphrenia et de la petite Flûte aux étranges pouvoirs. Après bien des franches galopades et des téméraires traversées, il ne saurait manquer d'atteindre enfin cet objectif qui se dérobe sans cesse...

Mais les Zemochs, pour la première fois depuis cinq cents ans, sont aux portes de l'Elénie. On murmure qu'Azash, leur dieu aîné, convoite le Bhelliom, la pierre sacrée perdue, qui ferait de lui le maître du monde. Contre une telle menace, que peuvent les coups d'épée ? Allons, les ténèbres rôdent, la reine agonisante est peut-être - à l'insu de tous - l'ultime espoir de la lumière. Et le valeureux Emouchet n'est pas au bout de ses peines.

La critique de Mr K : J’aime tout particulièrement profiter des congés de l’été pour me lire un bon cycle de fantasy. J’ai plus de temps à consacrer à la lecture et quand on dépasse les 1000 pages à suivre, il est bon d’être moins interrompu par les aléas de la vie. La Trilogie des joyaux de David Eddings m’a été envoyé par la copinaute Walpurgis suite à mes avis enjoués sur La Belgariade et La Mallorée, deux cycles qui m’ont hautement séduit lors de ma découverte de cet auteur par la maîtrise des trames proposées, l’écriture accessible et un certain décalage dans un genre trop souvent sclérosé dans un trop plein de sérieux. C’est pour toutes ces raisons qu’il me tardait d’entamer cette lecture qui au final s’est révélée très réjouissante et fortement addictive une fois de plus.

Trois romans composent ce cycle qui ne laisse pas un instant de répit à son lecteur : Le Trône de diamant, Le Chevalier de rubis et La Rose de saphir. Trois beaux volumes qui font la part belle à l’aventure, la magie, les complots, créatures et dieux païens et surtout, des passages récurrents à l’auberge du coin tout au long d’un périple des plus périlleux ! Malgré un nombre de pages impressionnant (quoique inférieur à mes lectures précédentes de cet auteur), l’intérêt ne baisse jamais et franchement, on ne voit pas le temps passer en compagnie Émouchet et de ses compagnons !

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À la manière d’un conte de fée, on trouve au départ de l’histoire une princesse en grand danger. Ehlana, héritière du royaume d’Érenie se retrouve emprisonnée dans une chrysalide de cristal à la suite d’un empoisonnement dont elle a été victime et qui pourrait bien lui être fatal. En fait, ce sortilège la protège momentanément d’une mort certaine mais le temps est compté et c’est à son gardien, Émouchet, de trouver une solution pour sauver la jeune femme. Heureusement, il peut compter sur l’aide de ses proches et amis, de l’ordre des chevaliers Pandion et le soutien plus étrange d’une petite fille aux pouvoirs mystérieux. Il faut dire que les forces contraires qui se dressent devant lui sont importantes : des usurpateurs au trône, un ancien coéquipier devenu renégat, une menace insidieuse venue de l’est et l’arrivée prochaine d’Azash, Dieu ancien très rancunier et colérique pour qui le moindre vice est une vertu. Sacré programme pour nos héros qui vont connaître nombre de mésaventures et obstacles pour le plus grand plaisir du lecteur évidemment !

Au cœur du récit, on trouve la figure tutélaire d’Émouchet qui n’est pas sans rappeler Conan par son caractère bien trempé même s’il fait quand même davantage preuve de finesse (dans une certaine mesure). Champion de la reine, il m’a irrésistiblement fait penser au personnage d’Hawkmoon de Michael Moorcock qui m’avait tant plu lors de ma lecture de l’intégrale qui lui a été consacrée aux éditions Omnibus. Assez froid et investi totalement par sa mission, il m’a fallu du temps pour domestiquer la bête et surtout apprécier ce personnage qui s’avère bien plus nuancé que ce qu’il laisse paraître au départ. Quasiment parfait, des faiblesses sont tout de même bien présentes entre sa colère qu’il maîtrise mal, ses soucis de raisonnements aussi parfois... Cela laisse donc de la place à toute la petite troupe qui l’accompagne dans laquelle on retrouve une magicienne sans âge qui n’a pas sa langue dans sa poche, le meilleur ami bien bourrin mais sympa, l’écuyer fidèle qui a formé aux armes le jeune Émouchet, une série de chevaliers pas piqués des vers et bien d’autres personnages secondaires qui se comptent par dizaines et qu’on aime croiser et recroiser au fil des pérégrinations du groupe principal. En soi, il n’y a rien de vraiment original dans leurs caractérisations, les habitués découvriront bien assez tôt certaines relations cachées ou vérités secrètes. Mais que voulez-vous quand les recettes sont bonnes, il serait dommage de ne pas les refaire surtout que le background est d’une grande richesse.

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Ne se déroulant pas dans le même monde que les cycles de La Belgariade et de La Mallorée, le Cycle des joyaux nous invite à découvrir le continent d’Eosie où plusieurs royaumes se partagent des territoires aussi vastes que variés. Moi qui adore les cartes en début de roman, j’ai été gâté et comme toujours avec Eddings, vous pouvez être sûr que nos héros vont parcourir toutes les terres connues en long, en large et en travers ! On voyage donc beaucoup entre forêts, déserts, montagnes, marais, citadelles hantées (j’adore ce passage !) et autres décors faramineux qui nourrissent l’imagination. C’est bien simple, j’ai lu d’une traite les trois volumes tant j’étais happé par cet univers entier, complexe et cohérent. Comme souvent avec cet auteur, la part réservée aux croyances est importante et plus précisément ici l’opposition entre une Église traditionnelle et des croyances pluri-séculaires qui réactualisent à la mode SF le combat entre religions monothéistes et rites païens des origines. Rien n’échappe au lecteur concernant Eosie car à travers les multiples aventures vécues, nous explorons aussi les sociétés en présence, la sociologie des habitants et leur manières de vivre totalement antagonistes parfois. Vraie réussite à ce niveau là, ce triptyque propose vraiment une immersion totale.

Le rythme du récit est haletant, la tension ne se relâche jamais vraiment sur les personnages principaux et donc sur le lecteur. On a notre part de morceaux de bravoure, de passages à la taverne (yes !) mais aussi de moments plus intimistes très touchants. À plusieurs reprises, on se retrouve tout de même scotché par certains déroulés qui mettent à mal nos certitudes. Et puis, il y a la patte Eddings qui n’hésite pas à saupoudrer l’ensemble d’un humour léger qui décrispe le genre. Comique de situation, dialogues bien barrés et bêtise humaine sont au centre de passages drolatiques qui allègent l’ensemble et lui donnent un supplément d’âme. Loin d‘être des personnages hiératiques qui vivent à la mode péplum des années 60, ceux ci vivent vraiment, ont peur, ont faim, souffrent de la chaleur ou encore des efforts qu’ils fournissent... Cela rajoute une couche de réalisme qui n’est pas pour me déplaire même si ici on croise le fer et la magie et l’on peut rencontrer des trolls et autres monstruosités peu commodes. Pas le temps de s’ennuyer en tout cas !

Très facile à lire sans pour autant tomber dans l’indigence, le style Eddings fait toujours son effet avec des pages qui se tournent toutes seules tant l’addiction est quasi immédiate. Les amateurs de fantasy se doivent de se pencher sur cet auteur atypique dans le genre (bien aidé par sa femme dans la conception de certains personnages notamment) et il mérite vraiment qu’on lui donne sa chance. Pour ma part, je n’en ai pas fini avec lui, Émouchet revient dans une nouvelle trilogie, il va falloir que je me la dégote pour l’été prochain!

Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- La Belgariade
- La Mallorée

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