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Le Capharnaüm Éclairé
23 mai 2015

"Brigade des crimes imaginaires et autres histoires fantastiques et déglinguées" de Daniel Nayeri

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L'histoire: Et si la réalité virtuelle détrônait la vie réelle, alimentant les moindres désirs des internautes au prix d’une destruction irrémédiable? Et si une singulière brigade de flics new-yorkais était capable d’empêcher les mauvais souhaits de se produire? Et si dans une ferme étrange où sont cultivés des jouets, de terrifiants homoncules cherchaient à voler le secret de la vie? Et si la Mort elle-même était le témoin de la rencontre fatale d’une belle au bois dormant et de son prince? Naviguant dans un monde fantastique aux références multiples — Matrix, Minority report, Inception ou encore Toy Story et The Watchmen - , mettant en scène une faune étrange, ce livre inclassable et jubilatoire pousse la fiction dans ses retranchements pour explorer un monde où tout est possible… même le pire.

La critique de Mr K: Nouveau coup de poker de lecteur avec ce recueil, Brigade des crimes imaginaires et autre histoires fantastiques et déglinguées, rassemblant quatre nouvelles transgenres d'environ 90 pages chacune qui invitent à l'évasion hors norme entre SF, fantastique et même conte de fée. C'est le premier ouvrage d'un auteur plutôt apprécié outre-manche, Daniel Nayeri réfugié d'origine iranienne a été tour à tour pâtissier puis bibliothécaire. Brigades des crimes imaginaires s’inscrit dans la mouvance young-adulte mais il va à mes yeux bien au-delà du simple divertissement et propose une originalité et une fraîcheur qui fait du bien dans la masse éditoriale parfois insipide.

On commence avec la nouvelle éponyme Brigade des crimes imaginaires à l'ambiance polar-fantasy-SF! Oui oui, vous avez bien lu! Une mystérieuse organisation constituée d'êtres fantastiques (djinn, fées, gnomes et autres) pourchasse des vœux qui prennent corps. Ainsi, un jeune garçon puni de dîner par ses parents souhaite la mort de ses derniers. Son double se met alors en quête de vengeance! Nos héros vont devoir mener l'enquête, dénouer une falsification d'identité et découvrir la vérité cachée de l'existence de l'un des leurs. C'est efficace et drôle, la langue est ici alerte et délurée (Même multipliée par sept, comme on le fait avec les années de vie des chiens, la température n'aurait toujours pas été en âge de passer son permis -page 89-). Un bon moment donc, du suspens, de l'humour et l'impression de lire quelque chose qu'on n'a jamais lu auparavant. Belle petite claque!

Dans Duel à Toy farm, on suit les pas de Sunny, un épouvantail chargé de garder l’œil sur la ferme à jouets d'un mystérieux fermier invisible. L'endroit est calme et la douceur de vivre incomparable. Des champs sortent des tracteurs et des trains électriques, les poules mécaniques coursent les vers de terre et Toutou (le chien mécanique) est un compagnon en or. Et puis, il y a Dot la fille du fermier au charme et au caractère bien trempé. Tout ce petit monde va se voir bousculer par l'arrivée d'un étrange vieil homme du nom de Sobrino qui souhaite se faire embaucher. La jalousie apparaît dans le cœur de Sunny mais il va devoir bientôt affronter bien pire que ce magicien en goguette. Une menace terrible pèse sur la ferme! Là encore, l'auteur crée un monde original qui fait irrémédiablement penser à un mix improbable du Magicien d'Oz et de Toy Story. La langue reste toujours aussi inventive et malgré une ligne de mire classique, on se prend d'affection pour les personnages et on ne peut que lire d'une traite cette nouvelle sympathique dont le seul défaut est une fin très abrupte.

Notre Dame des traîtres est la nouvelle la plus sombre de l'ensemble. Dans un futur peut-être pas si lointain que cela, un groupe de résistants combat une multinationale qui va recréer le monde dans une semaine en mêlant réel et virtuel grâce à une révolution technologique sans précédent. D'un chapitre à l'autre, on passe des uns aux autres, l'auteur en profitant au passage pour nous brosser le portrait d'un monde froid et impersonnel où les réseaux sociaux règnent en maître et où les geeks ne sont que de pauvres pantins manipulés par leurs désirs de jouissance immédiate. On retrouve ici une ambiance paranoïaque à la K. Dick et un monde foisonnant de non-dits à la Matrix. Pas moralisatrice pour un sou, cette histoire montre bien les limites de la course à la technologie et au plaisir permanent. De belles pages, moins délirantes mais d'une redoutable percussion. C'est un peu groggy et inquiet que l'on ressort de cette nouvelle. Une belle réussite en tout cas!

Coco et Cloclo change de registre. Il faut dire que le narrateur n'est pas n'importe qui, il s'agit ni plus ni moins que de la Mort elle-même. Elle nous raconte ici une histoire à la Roméo et Juliette ou l'amour impossible entre deux êtres ayant deux pères artisans d'art s'affrontant depuis des décennies. Amour, drame, conflit de famille tout cela s'accompagne de tranches de vie de la Mort elle-même qui s'avère gaga avec son lapin nain avec qui elle joue à cache-chou et à qui elle tricote des lainages! On nage en plein délire et on rit beaucoup. Vos zygomatiques ne résisteront pas et franchement, ça faisait un bail que je n'avais pas autant souri en lisant! On mélange donc tragédie romanesque et détournement allègre de contes de fée, un pur bonheur pour les amateurs de textes décalés et de pastiches! La Mort se livre sans détour et avec un sens de l'autodérision certain: C'était une erreur répandue, dans l'Europe de l'ancien temps, de croire qu'il suffisait d'un bisou pour sauter hors de la tombe, bref que j'étais une mauviette. Risible, je sais, et pourtant c'était ainsi -page 336-.

Au final, on passe un très bon moment entre originalité, détournement de figures et genres majeurs de la littérature et un plaisir de lecture intense. Un petit bonheur que je vous invite à découvrir vite… très vite!

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