"Dragon rouge" de Thomas Harris
L'histoire : Une série de meurtres terrifiants secoue les Etats-Unis. Tous suivent le même rituel d'horreur, tous sont signés d'un mystérieux dragon rouge.
Un homme est sur une piste. Il s'appelle Will Graham. Il a déjà démontré par le passé sa curieuse aptitude à se mettre dans la peau des psychopathes, à adopter leur point de vue, à deviner leurs pulsions les plus secrètes.
Dans cette sinistre traque, il doit rencontrer dans sa prison un autre monstre : le diabolique Hannibal Lecter. Pour Graham, commence une lente descente aux enfers, dans les recoins les plus sombres du psychisme de ces meurtriers en série, au risque de s'y perdre lui-même...
La critique Nelfesque : J'avais lu "Le silence des agneaux" étant plus jeune et cette lecture m'avait fait froid dans le dos. J'avais aussi vu le film où Anthony Hopkins excelle dans le rôle d'Hannibal Lecter, dangereux psychopathe esthète et méticuleux. J'ai ensuite vu le film "Dragon rouge" quelques années plus tard mais ce n'est qu'il y a quelques semaines que j'ai décidé de lire l'oeuvre originelle.
Le roman commence avec une enquête somme toute assez classique. Des meurtres ont été commis, une équipe est mise en place pour traquer le meurtrier et on suit l'évolution de l'enquête. Graham a déjà l'expérience des tueurs en série, il en a traqué un célèbre quelques années auparavant, il a d'ailleurs failli y passer et il reprend du service pour démasquer le "Dragon rouge". Nous avançons petit à petit dans le raisonnement de Graham et menons les investigations quasiment en même temps que lui.
Si cet ouvrage avait été seulement ceci, nous aurions un polar commun sans grand intérêt. Mais voilà, la seconde partie du roman revient sur l'enfance du Dragon et l'on se surprend à ressentir de l'empathie pour ce tueur sanguinaire qui massacre des familles entières et place des bouts de miroirs brisés dans les orifices naturels de ses victimes. Aussi surprenant que cela puisse paraître, on le comprend... Comment une enfance bafouée peut façonner la vie d'un homme, le plier à des délires paranoïaques et schizophrènes et mettre en péril des vies futures. Les pages décrivant l'enfance du tueur sont émouvantes et révoltantes à la fois. On se laisse porter par la justification de l'injustifiable et on est ému. Thomas Harris frappe là un grand coup! Toute la seconde partie donne un visage humain au tueur. On découvre son enfance mais on découvre aussi en même temps que lui ses sentiments amoureux. Il va faire la connaissance d'une jeune aveugle qui accorde plus d'importance au coeur des gens qu'à leur physique. Le Dragon, aussi horrible qu'il puisse être, est avant tout un homme et face à l'amour il va essayer de changer et combattre le mal qui le ronge. Nous sommes là bien loin du manichéïme qui ferait du rôle du "méchant" seulement un être répugnant.
Je trouve que cette partie est bien trop absente du film que j'ai revu après ma lecture. Certes le réalisateur Brett Ratner fait la part belle aux sentiments amoureux du Dragon mais il ne développe pas du tout l'enfance du tueur, partie que j'ai préféré dans le roman. Il existe une autre version cinématographique de "Dragon rouge": "Manhunter" ("Le Sixième sens" en français). Je ne l'ai pas encore vu mais projette de le visionner. Peut être sera-t-il plus fidèle au livre de ce point de vue. Tant que nous sommes dans le film "Dragon rouge", j'ai également remarqué que le personnage d'Hannibal Lecter y était bien plus présent que dans le roman où il n'intervient qu'à deux reprises lors d'entrevues avec Graham. Ne lisez donc pas "Dragon rouge" en ayant uniquement Hannibal dans la tête, vous risqueriez d'être déçu. Cependant, les interventions du docteur sont toujours aussi dérangeantes et le malaise de Graham est palpable.
"Dragon rouge" est au final un polar saisissant de par sa dimension psychologique. Bien moins fascinant que "Le silence des agneaux", il n'en demeure pas moins une lecture perturbante et interrogative.