Cochon qui s'en dénie...
Dans "2001: l'odyssée de l'espace", Stanley Kubrick sert à ses astronautes du boeuf synthétiquement reconstitué. Et bien, figurez-vous qu'une joyeuse bande de scientifiques s'est mis en tête, pour cette nouvelle décennie, de nous faire avaler la même tambouille. Les chercheurs néerlandais de l'Université de technologie d'Eindhoven viennent de réussir à faire pousser de la viande in vitro. En fait, des cellules de muscles porcins ont été mises en culture dans un sérum nutritif concocté à partir de sang de foetus de cochon. Le plus appétissant, c'est qu'avant de réussir cet exploit culinaire, l'équipe s'était fait un nom dans la chirurgie reconstructrice, plus précisément dans la culture des vaisseaux sanguins humains. Jusqu'à ce qu'un marchand de saucisses s'entiche de leurs compétences. En l'occurence Stegeman, la filiale néerlandaise de l'américain Smithfield Foods, numéro 1 mondial de la transformation de viande de porc avec 28.5 millions de cochons utilisés chaque année et environ 8 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Ce mastodonte de la charcuterie, qui possède entre autres, chez nous, Justin Bridou, Cochonou, Aoste et Jean Gaby, a défrayé la chronique l'an dernier lorsque les premiers cas de grippe A sont apparus, pile-poil dans la région où sa filiale méxicaine possède 8 porcheries industrielles géantes... Certes, le morceau de viande obtenu en éprouvette serait apparemment gluant et sans goût. Mais peu importe, puisqu'il suffira d'épicer la saucisse. On attend avec impatience les montagnes de sauciflards fabriqués quasiment ex nihilo dans des usines dignes de "L'aile ou la cuisse". Et vendues avec l'estampille "Aucun animal n'a été tué" et "Bon pour la couche d'ozone". A moins que les consommateurs ne fassent leurs têtes de lard...
Article "Un tour de cochon" tiré du Canard enchaîné n°4654 du 06/01/10