"Olympe de Gouges" de Catel et Bocquet

L’histoire : De Montauban en 1748 à l’échafaud parisien en 1793, quarante-cinq ans d’une vie féminine hors normes, et l’invention d’une idée neuve en Europe : la lutte pour les droits des femmes.

Née dans une famille bourgeoise de province, sans doute fille adultérine d’un dramaturge à particule, Marie Gouze dit Olympe de Gouges a traversé la seconde moitié du XVIIIe siècle comme peu de femmes l’ont fait. Femme de lettres et polémiste engagée, elle se distingue par son indépendance d’esprit et l’originalité parfois radicale de ses vues, s’engageant pour l’abolition de l’esclavage et surtout pour les droits civils et politiques des femmes. Opposée aux Robespierristes et aux ultras de la Révolution, elle est guillotinée pendant la Terreur.

La critique de Mr K : Superbe découverte BD que ce Olympe de Gouges de Catel et Bocquet emprunté à la médiathèque du secteur et que j’ai dévoré en deux jours malgré son épaisseur. Il faut dire que la vie de l’héroïne a été riche en rebondissement et que son rôle dans l’Histoire est très important. Femme libre malgré une société patriarcale, révolutionnaire dans l’âme tout en gardant un sens aigu de la valeur de n’importe quelle vie humaine, son destin est digne d’éloge et sa fin tragique au possible. Chronique d’une lecture passionnante et émouvante.

Symbole féministe incontournable, j’avais croisé Olympe de Gouges lors de mes études d’Histoire lorsque j’étais étudiant à la fac (quel temps béni !). Le professeur chargé de nous enseigner la période révolutionnaire était longuement revenu sur sa fameuse déclaration des droits de la femme et son caractère essentiel dans la lutte des droits pour le beau sexe comme on disait à l’époque. Il en est bien sûr question dans cet ouvrage mais les auteurs avec leur rigueur historique sans faille reviennent aussi sur sa vie d’enfant, de jeune-fille et de femme, éléments essentiels à la formation de toute personnalité historique marquante.

Ses origines bourgeoises à la paternité douteuse (son père serait un auteur de théâtre d’origine noble) lui permettent cependant de pouvoir s’élever de sa condition de femme. Elle sait lire et écrire, chose rare à l’époque. Elle n’échappe pas pour autant à un mariage arrangé avec un homme qu’elle méprise profondément et qui ne lui léguera qu’une belle chose : son fils. La voila veuve et surtout libre et à l’abri du besoin. Elle ne s’interdit plus rien et rentre en écriture. L’occasion pour elle de montrer l’étendue de son talent et de diffuser ses idées pré-révolutionnaires notamment sur ses positions anti-esclavagistes et la nécessaire libération de la femme. La Révolution Française bouleverse la donne et laisserait à penser que l’époque est de son côté. Il n’en est rien, les factions rivales se disputent le pouvoir et Olympe se verra condamner à l’échafaud lors du grand équarrissage de la Terreur robespierriste.

La BD mêle habilement la vie intime de cette femme d’exception et les grands événements historiques qu’elle traverse et accompagne. C’est l’occasion ainsi de faire un focus sur la condition des femmes sous l’Ancien Régime, panorama accablant qui démontre le machisme sociétal auxquelles elles sont exposées. Elles sont quasiment la propriété de leur père ou de leur mari, sont presque toutes analphabètes, réduites au rôle de poules pondeuses et de maîtresse du logis et peu accèdent à de grandes responsabilités ou places (sauf pour celles qui en ont les moyens pécuniaires). Olympe en fait partie par les caprices du sort mais pour autant cela ne l’empêche pas de méconnaître ses consœurs, au contraire, elle porte en elle les germes de la révolution féministe et de l’instauration d’une liberté égale à tous et toutes, y compris celles et ceux qu’on considère encore à l’époque comme des sous-hommes voire des animaux. Elle sait ce que c’est que d’être sous le joug d’un maître, de devoir obéir contre son gré, de devoir ronger son frein à cause de sa condition de femme.

On ne voit pas défiler les quelques 300 planches qui composent cet ouvrage aussi enthousiasmant que passionnant. Le rythme est bien mené, les dessins accrocheurs et l’Histoire parfaitement respectée. J’ai littéralement dévoré cet ouvrage et je vous invite à le découvrir si ce n’est déjà fait tant cette femme avait des idéaux en avance sur son temps qui ont contribué à forger quelques unes de nos valeurs clés. Brillant !