"La Moïra" trilogie de Henri Loevenbruck
L’histoire : Aléa, une jeune orpheline de treize ans, hérite sans le vouloir d'un don étrange et unique qui va la plonger au cœur des conflits politiques et religieux de l'île de Gaelia. Est-elle devenue le Samildanach, annoncé par la légende comme le sauveur des peuples de l'île ? Fuyant sa ville natale, Aléa va devoir grandir seule et assumer une vie nouvelle. Elle va découvrir l'amour comme la haine, et elle devra faire face à de nouveaux ennemis : les soldats de la flamme, fanatiques religieux pour qui elle est devenue un danger, le conseil des druides, qui lui envient son pouvoir et de bien plus sombres rivaux encore. Dans l'ombre, tel le reflet d'un miroir, une louve solitaire vit une aventure étrangement parallèle à celle de la jeune orpheline. Leur avenir est encore flou, mais une destinée unique attend la louve et l'enfant…
La critique de Mr K : Plongée en fantasy classique avec cette lecture de vacances sympathique et évocatrice. La trilogie de la Moïra d’Henri Loevenbruck fait le job et propose de la bonne aventure dans un univers soigné et dense, des personnages très charismatiques et des rebondissements à foison. Les trois volumes s’avalent à la suite sans souci et malgré quelques défauts, on passe vraiment un très bon moment.
Gaelia, île isolée du reste du continent, que les géographes auront vite fait reconnu comme l’Irlande, vit sous la double égide de l’ordre des Druides et du haut roi de Galatie. Les premiers s’appuient sur la tradition, leur lien indéfectible avec l’ordre naturel et les gens, et la magie liée au Saîman, une force globale qui nous entoure et que seuls les druides savent manipuler. Cinq comtés constituent le royaume et des tensions existent notamment avec Harcourt, le comté de l’ouest où la religion chrétienne s’est propagée et met à mal l’ordre druidique établi. Depuis une vingtaine d’années cependant la paix semble régner et devoir durer. Mais les événements vont se précipiter.
Le destin (La Moïra) va en effet s’emballer après la découverte par une jeune orpheline vivant dans les rues d’une bague sur un cadavre à demi enseveli dans la lande environnante. Ce bijou est la marque du Samildanach, un être mythique, messianique, qui selon une prophétie possède de grands pouvoirs. Or, lorsqu’Aléa enfile la bague, elle sent bien une étrange force l’habiter. Se pourrait-il qu’elle soit l’élu ? Il y a un hic, seuls les hommes peuvent devenir druides alors comment pourrait-elle être le prochain Samildanach ? Le Druide ultime, supérieur, sensé apaiser le monde.
À partir de là, l’auteur multiplie les points de vue. On va évidemment suivre le parcours semé d’embûche d’Aléa, rencontrer ses futurs compagnons dont un nain grincheux et aventureux , une barde belle et envoûtante, un jeune garde du corps de druide pas chétif (comprendre beauuuuu et pas trop con), un druide taciturne et paternel, et une multitude de rôles secondaires aussi fouillés que très bien incarnés par l’écriture de Loevenbruck. Très vite, c’est un classique en fantasy, on se retrouve face à une belle troupe qui alterne aventures parfois épiques, scènes de taverne (très très réussies et nombreuses), échanges nocturnes au coin du feu et échanges d’amabilités et sagesses. Même si on reste en terrain connu et que les développements personnels de chacun sont assez prévisibles, on se prend vite d’affection pour Aléa et sa troupe.
Les forces opposantes ne sont pas en reste avec des passages lorgnant vers Game of thrones avec les différents partis qui souhaitent sortir les marrons du feu à la faveur d’une déstabilisation sans précédent de Gaelia. Guerre de religion et d’influence politique, conflits de personnes avec son lot de coups pendables, de trahisons et de crimes infects en famille parfois -sic-, on ne s’ennuie pas une seconde avec une trame très riche avec en sous-texte une menace insidieuse, perverse, d’un druide renégat devenu chef des forces du Mal et obsédé par Aléa. On a vraiment affaire à une œuvre assez magistrale en terme de construction et même si la fin est un peu abrupte, j’aurais rajouté une cinquantaine de pages pour ne pas avoir ce sentiment diffus de bâclage sur le duel final, on a nos réponses et on referme l’ouvrage heureux.
Là où Loevenbruck excelle, c’est dans les scènes de batailles. On s’y croirait. Le livre est estampillé jeunesse mais ça défouraille sévère. Rien ne nous est épargné en terme de blessures, mutilations et souffrances. Cela renvoie vraiment l’image que la guerre est sale, avilissante et d’une violence inouïe. Je dois avouer que j’aime ce parti pris et même si les âmes sensibles pourraient être choquées, il est intéressant pour un jeune de se confronter à cela, le tout étant en adéquation avec la quête de paix et de sérénité d’Aléa non pour son confort personnel mais pour Gaelia. Les descriptions sont superbes aussi, on est littéralement immergé dans un monde ambivalent entre moyen-âge classique et incursions fantastiques, le tout teinté de culture gaélique. On s’émerveille dans les forêts profondes peuplées de Sylphe, on tremble avec nos héros dans les profondeurs de la terre qui regorge de secrets non avouables, on reste ébahi devant la beauté et la puissance de Saîmina la tour des druides, on traînasse dans les rues de villages et de villes pleins de vie, on espionne dans les salons et palais les tractations de chacun et l’on partage les atermoiements des différents protagonistes, leurs pensées et aspirations.
Seul bémol, le personnage d’Imala la louve qui doit partager le destin d’Aléa et qui est clairement sous-exploité voire se révèle quasi inutile à partir du tome deux. J’ai beau adorer les loups (comme l’auteur sans doute), j’ai trouvé cet arc narratif pas assez poussé, prétexte trop souvent du remplissage et ce n’est pas l’ultime révélation qui m’a convaincu… J’ai trouvé aussi certaines scènes de dialogues parfois ubuesques avec des personnages au comportement trop enfantin vu leur âge (je pense à la barde et au druide principal) ou au contraire trop adulte pour leur âge (clairement Aléa). Cependant cela n’enlève rien à leur charisme et dans le désir de suivre leurs aventures.
Au final, voici une très chouette saga de fantasy, accessible, dynamique et parfois sans concession. Typiquement le genre de lecture qui me procure évasion et plaisir de lire. À lire par tous les amateurs du genre.