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Le Capharnaüm Éclairé
8 mai 2024

"La Bombe" d'Alcante, Bollée et Rodier


L’histoire : L’incroyable histoire vraie de l’arme la plus effroyable jamais créée.

Le 6 août 1945, une bombe atomique ravage Hiroshima. Des dizaines de milliers de personnes sont instantanément pulvérisées. Et le monde entier découvre, horrifié, l’existence de la bombe atomique, première arme de destruction massive. Mais dans quel contexte, comment et par qui cet instrument de mort a-t-il pu être développé ?

Véritable saga de 450 pages, ce roman graphique raconte les coulisses et les personnages-clés de cet événement historique qui, en 2020, commémore son 75e anniversaire. Des mines d’uranium du Katanga jusqu’au Japon, en passant par l’Allemagne, la Norvège, l’URSS et le Nouveau-Mexique, c’est une succession de faits incroyables mais vrais qui se sont ainsi déroulés.

 

La critique de Mr K : Encore une belle pioche avec cet ouvrage emprunté à notre médiathèque. Il me faisait de l’œil sur les réseaux depuis quelques temps et un collègue de travail m’en avait parlé. L’occasion fait le larron, je l’ai emprunté et La Bombe d’Alcante, Bollée et Rodier est une grande et franche réussite. Aussi beau que dense et rigoureux dans son contenu, après sa lecture on reste littéralement médusé devant tous les enjeux et aspects abordés par des auteurs doués et soucieux avant tout de vérité. Un must-read dans le genre.
 


Ce récit est donc l’histoire de la bombe, de la course à l’arme atomique en pleine guerre mondiale dont l’issue ne semble pas encore certaine. Des scientifiques du monde entier œuvrent donc en secret pour fournir une nouvelle arme qui pourrait faire la décision et mettre fin au conflit. L’ouvrage fait beaucoup le focus sur les États-Unis mais quelques passages font l’état des lieux chez les Allemands et chez les Russes montrant qu’on était vraiment dans une logique partagée par de nombreuses puissances.

 


La parole est donnée à l’uranium, narrateur de cette terrible épopée qui se finira tragiquement par la mort de centaines de milliers d’êtres humains. Biographie d’une arme meurtrière, il fallait oser et cela donne une puissance évocatrice assez déstabilisante à l’œuvre. Les auteurs nous proposent donc de tout savoir à son propos depuis sa découverte, son étude par différents savants, son exploitation commerciale et les luttes internationales autour de ses mines, sa manipulation et transformation notamment en plutonium, la main mise des militaires sur lui et les politiques qui vont s’en servir pour leurs propres desseins, le financement en millions de dollars, la course à la recherche et l’armement mais aussi la prise de conscience progressive de certains acteurs qui vont tout faire pour empêcher son utilisation sans succès malheureusement. Vaste programme traité avec finesse, exactitude et un sens de la narration hors pair pour éviter le trop plein et l’indigestion.
 


On croise énormément de personnes qui ont écrit l’Histoire, Truman et Oppenheimer évidemment dont tout le monde connaît au moins le nom mais aussi les différents savants de différentes nationalités qui ont participé de près ou de loin à cette aventure scientifique hors du commun (de nombreux prix Nobel et affiliés notamment), le général Groves qui supervise l’opération depuis le début et espionne les savants à son service par peur de la taupe et de la transmission de données à haute valeur stratégique, l’équipage de l’Enola Gay, des civils japonais dont le destin tragique d’une famille que la guerre bouleverse dans ses fondements, les cobayes humains américains sacrifiés au nom de la cause… autant de points de vue différents qui se complètent et donnent un tableau général saisissant.
 


L’ambiance générale est glaçante, tirant vers la paranoïa la plus extrême. C’est très bien rendu entre espionnage, luttes d’influences diverses entre forcenés de la bombe et ceux qui y voient une micro-apocalypse après laquelle plus rien ne sera pareil… Une certaines ambivalence met vraiment le malaise au cœur de l’esprit du lecteur, certains acteurs clefs jouant sur plusieurs tableaux où raison et affect s’entrechoquent et vont avoir des conséquences essentielles pour la suite. L’uranium, la fission atomique fascinent et aimantent les esprits scientifiques de l’époque et laissent de côté certains aspects moraux qui pourtant nous paraissent essentiels. De quoi faire froid dans le dos…

 


L’œuvre est en noir et blanc. Vives, puissantes, intimistes parfois, souvent bouleversantes, les planches magnifient le propos, l’auteur joue sur les ombres à l’image de celle fixée par un être humain sur les marches de la banque Sumimoto, le 6 août 1945 à 8h15 du matin. Cette image a marqué Alcante qui a décidé alors de raconter la Bombe et cela a donné cette BD. Rappelons juste que cette catastrophe a fait, le jour de l’explosion, 70 000 morts à Hiroshima et 40 000 morts à Nagasaki, un bilan qui s’aggravera dans les mois et années à suivre… On referme l’ouvrage le cœur au bord des lèvres sur ces mots : "Cette ombre est ma signature peut être mon âme… certainement mon pouvoir. Puisse-t-elle vous hanter à jamais". Une lecture essentielle.

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