vendredi 14 avril 2023

"Que celui qui n'a jamais tué me jette la première pierre" de Vincent Baguian

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L’histoire : Depuis son enfance, le docteur Victor Baunard s’est donné une mission : débarrasser l’humanité de "salopards" restés impunis. Car, à ses yeux, rien n’est trop radical pour préserver tout ce à quoi il tient. Alors, éliminer des promoteurs immobiliers véreux, un dealer, un pédophile... qui, d’après lui, pourrait trouver à y redire ?

Mais il a beau passer à l’action "sérieusement, méticuleusement", combien de temps peut-on assassiner sans attirer les soupçons ? Et jusqu’à quand peut-on dissimuler sa double vie ?

La critique de Mr K : Un roman noir du style déjanté au programme de la chronique du jour avec Que celui qui n’a jamais tué me jette la première pierre de Vincent Baguian que nous connaissons plus chez nous comme musicien et chanteur. En tant qu’écrivain, il dépote vraiment en nous livrant un protagoniste principal dont on se souvient longtemps tant il sème l’effroi et le rire dans son sillage.

Victor est médecin. En cela, il est sensé respecté le serment d’Hypocrate qui lui enjoint de ne jamais ôter la vie à un être humain... Mais qu’en est-il des parasites qui nous pourrissent la vie ou ruinent l’existence de pauvres innocents ? Victor a sa petite idée sur la question, se débarrasser d’un dealer, d’un pédophile ou d’un mari violent, c’est œuvrer pour la société et participer au bien commun. Contrairement à ce que laisse penser la quatrième de couverture, Victor ne chasse pas vraiment, c’est l’occasion qui fait le larron et il ne prend pas vraiment de plaisir à tuer. Simplement dans sa tête, il fait ce qui est juste selon les circonstances.

Volontiers délicat, à l’écoute, s’exprimant très bien, fruit d’une éducation classique, il tombe amoureux de la belle Framboise, la femme d’un capitaine des pompiers phallocrate et violent. Ce dernier va avoir un "accident" des plus regrettables et voila notre médecin bientôt fiancé puis marié et père de famille. Cependant, il croise sur sa route de sinistres individus qu'il va écarter de son chemin sans vergogne. La question étant qu’à force de dératiser les environs, des soupçons peuvent naître dans l’esprit des personnes qui l’aiment et vivent avec lui. Gare à la dégringolade !

L’histoire se lit avec délice. Le "je" narratif est immersif au possible et l’on prend un malin plaisir à suivre la moindre des pensées d’un Victor attachant à sa manière malgré une morale à géométrie plus que variable. C’est un passionné, notamment en amour, et nous suivons émus voire émoustillés (le roman a un caractère érotique fort développé par moment) son histoire avec Framboise, un amour absolu à la Gainsbourg, une rencontre unique dans une vie. C’est ce soleil qui illumine la vie de Victor, un amour pur et absolu, où la liberté est la règle.

Autour de ces deux protagonistes naviguent une série de personnages bien croqués, dérangeants pour les plus pervers, parfois délirants pour certaines rencontres impromptues. Les bons mots pleuvent, les situations ubuesques aussi et l’on s’amuse des stratagèmes usités par le tueur et les mensonges proférés pour se couvrir. À la manière de poupées russes, Victor mène une double vie voire parfois une triple vers la fin quand un troisième personnage vient s’immiscer dans sa vie bien réglée.

L’ouvrage est vraiment fun, le rythme ne se dément jamais et la langue est gouleyante à souhait. Que celui qui n'a jamais tué me jette la première pierre se lit d’une traite avec une jubilation de tous les instants. Je ne peux que vous le conseiller, on passe vraiment un très bon moment.

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dimanche 5 février 2023

"Mais qui a tué Harry ?" de Jack Trevor Story

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L’histoire : Alors qu’il vadrouille en forêt par un beau jour d’été, Abie, petit garçon de quatre ans, bute sur le corps d’un homme étendu au milieu des fougères et des rhododendrons, en ce charmant coin de campagne anglaise. Harry est mort, et son cadavre est bien encombrant pour les membres de la petite communauté qui peuple la lande de Sparrowswick. Plusieurs fois découvert, caché, enterré, exhumé au cours d’une même journée, le défunt déclenche une série de quiproquos, et sera le révélateur des turpitudes secrètes des villageois, qui tous ont de bonnes raisons de craindre d’être accusés de meurtre. Mais l’incident, cause de beaucoup d’angoisse, encouragera également le rapprochement de quelques êtres, les situations aiguës stimulant semble-t-il sentiments et passions...

La critique de Mr K: Petit emprunt bien sympathique que cet ouvrage pris une fois de plus au CDI de mon établissement et que j’ai lu au tout début du mois de janvier. Mais qui a tué Harry ? De Jack Trevor Story est un mystère criminel bien troussé, très drôle, très british. On passe vraiment un très bon moment entre jubilation et suspens très prenant.

Un jeune garçon découvre un cadavre lors d’une de ses expéditions dans la lande environnante. Il rapporte la nouvelle à sa mère mais pendant ce temps-là, d’autres personnes de la communauté de Sparrowswick tombent nez à nez avec le mort, le fameux Harry qui donne son nom au roman. C’est le début d’un récit mené tambour battant et qui accumule dialogues enlevés, quiproquos à gogos, scénettes délirantes et révélations croustillantes.

En lisant ce roman, on se retrouve un peu dans une ambiance à la Monty Python avec tout d’abord des personnages bien décalés avec un ancien capitaine qui part à la chasse et s’impute un peu trop vite la mort d’Harry, une vieille fille en goguette qui tombe sous son charme, une mère qui ne semble pas faire cas de la disparition de son mari, un artiste-peintre campagnard attaché à sa liberté, une épicière humaniste en admiration devant l’œuvre de l’artiste local et dont elle essaie de vendre les productions sans y parvenir, un couple illégitime qui batifole à l’air libre. En soi, rien ne laisse présager que tous à leur manière sont cintrés !

Au fil de leurs interactions, rencontres, échanges, on se dit qu’ils ne réagissent vraiment pas comme tout le monde. On baigne dans l’absurde total, du Alfred Jarry à la sauce anglaise qui provoque le rire face aux situations qui nous sont données à lire. On bouscule ici la bienséance, la morale élémentaire au détour de considérations qui dépassent l’entendement, la morale commune. Cette lecture est truffée de gags désopilants, de dialogues savoureux qui donnent à cet ouvrage un ton théâtral bienvenue et provoque une addiction absolue. Le cadavre quant à lui va être déplacé, enterré et déterré plus souvent que de coutume !

L’aspect policier à suspens est très bien rendu aussi. Il faut vraiment attendre la toute fin de l’ouvrage pour démêler le vrai du faux tant l’auteur s’amuse tout du long à nous diriger dans de multiples directions. On accumule les hypothèses, on doute, on se plante, on repart en sens inverse, on se triture la cervelle tout en se gondolant. Jubilatoire et très plaisant car servi dans une langage subtile, millimétrée et efficace en diable, ce livre se lit d’une traite.

Son seul défaut est sa brièveté, on aimerait en lire plus même si c’est justement de son format court que l’ouvrage tire toute sa puissance.Je n’ai pas vu l’adaptation qu’en a fait Hitchcock mais je pense que ça peut vraiment donner quelque chose de très bon, je vais me pencher sur la question dans les mois à venir...

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mercredi 25 janvier 2023

"La Bête" de Chabouté

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L’histoire : Dans un petit village perdu au fin fond des montagnes, des loups ont été réintroduits depuis peu. Or, un habitant vient d'être retrouvé, affreusement mutilé. Les villageois accusent bien évidemment les loups.

L'inspecteur Tarpon, dépêché sur place malgré la neige qui risque de bloquer le col, mène l'enquête avec désinvolture et s'apprête à vite classer l'affaire. Seulement, voilà... La neige n'est pas d'accord, et notre bonhomme se retrouve coincé, avec le choix de s'ennuyer ou d’enquêter. D'autant plus qu'un deuxième meurtre se produit.

Étrangement, la victime n'a pas été tuée par des dents, mais par des griffes. Des griffes de 20cm...

La critique de Mr K : Quel plaisir de retrouver Chabouté, un auteur de BD que j’aime tout particulièrement et qui cumule régulièrement les casquettes de scénariste et de dessinateur ! La Bête dont je vais vous parler aujourd’hui fait partie d’un lot de bandes dessinées que Nelfe avait raflé lors d’un désherbage de médiathèque proche de chez nous. Quelle trouvaille ! Bon, en même temps avec cet auteur on ne prend pas trop de risque... mais cette enquête dans un village perdu au milieu de la montagne est prenante de bout en bout et propose des planches de toute beauté.

Une nuit, un homme court seul dans la neige au milieu de la forêt. Il est suivi, il a peur. Il finira raide mort et son cadavre affreusement mutilé est retrouvé le lendemain. Quelques jours plus tard, débarque au village un homme taciturne qui se révèle être un inspecteur chargé de découvrir le coupable de cet homicide peu commun. Très vite un deuxième meurtre est commis et notre héros est confronté aux superstitions, aux non dits et aux frustrations des uns et des autres. Au fil de ses interrogatoires et rencontres, il va commencer à réveiller de vieux démons et faire ressurgir des événements que l’on pensait définitivement cachés.

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Cette BD qu’on peut qualifier de policière sans rougir est plutôt classique dans son contenu. Mise à part la révélation finale qui est finalement surprenante, on nage dans des eaux connues. On retrouve ainsi un flic cinquantenaire à qui on ne la fait plus et dont les illusions ont depuis longtemps disparues sur la nature humaine et sur le maintien de l’ordre. On s’attache à lui immédiatement cependant car on devine derrière ces fêlures, un homme intègre, blessé, en quête de soulagement. Très pro malgré son envie irrépressible de partir en classant l’affaire, il ne laisse rien passer et révélera tout son talent dans le dernier acte.

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L’immersion est totale dans cette petite communauté isolée où la population revêche ne donne pas envie de s’éterniser. Entre le poivrot du coin qui délire dès le matin derrière le zinc, le bûcheron au regard flippant, les habitués de l’auberge tous armés jusqu’aux dents, on se demande bien ce qu’on est venu faire dans cette galère ! Seule petite éclaircie, Sarah, une artiste peintre reconnue venue s’installer dans le secteur pour être tranquille. Très vite, au fil de l’accumulation de victimes, la peur se distille dans les esprits et les premiers boucs émissaires désignés sont les loups que les écolos ont réintroduits il y a peu dans le secteur. La paranoïa est de mise, l’ambiance hostile et lourde, on organise des battues mais les blessures ne correspondent pas à une attaque animale, les esprits continuent alors à battre la campagne.

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L’ambiance polar est à couper au couteau, les personnages bien décalés, sauvages même, l’isolement parachève l’ensemble et offre une immersion bien frappée et saisissante. Le tout est magnifié par le graphisme si particulier à Chabouté, un noir et blanc splendide, en adéquation totale avec le sujet traité. Le jeu des ombres et des lumières, les personnages, la dynamique du récit, les répliques qui tuent (on aligne les punchlines notamment avec le flic) nous offrent un plaisir de lire total et durable. Franchement un très bon crû que je vous invite à découvrir au plus vite !

Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Terre-neuvas
- Construire un feu
- Yellow cab

 

lundi 23 janvier 2023

"Au premier regard" de Lisa Gardner

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L’histoire : L'agent du FBI Kimberly Quincy, le commandant D. D. Warren et Flora Dane, les trois héroïnes de Lisa Gardner de nouveau réunies.

Macabre découverte dans un petite ville de Géorgie. Les restes d'un corps humain, puis bientôt un charnier, révélés au grand jour... Est-ce le testament de Jacob Ness, le tueur en série qui a défrayé la chronique pendant des années avant d'être abattu ? Ou l’œuvre d'un complice ?

Aux côtés de la courageuse Flora Dane, survivante de Jacob Ness devenue justicière, les enquêtrices vont unir leurs forces dans une affaire sans précédent, dont une jeune fille, témoin impuissante de l'horreur, détient la vérité. Mais comment la protéger ?

La critique de Mr K : Qui dit mois de janvier dit sortie d’un nouveau thriller de Lisa Gardner, une auteure que j’adore et qui ne me déçoit jamais dans le domaine du suspense bien dosé et du page-turner addictif. Au Premier regard ne déroge pas à cela, c’est un très bon cru avec les trois enquêtrices de choc de l’auteure qui pour l’occasion les réunit autour d’une enquête qui révélera les pires vicissitudes humaines.

Un couple de randonneurs tombe nez à nez avec des ossements humains dans un trou paumé, une localité touristique de Géorgie dans une vallée forestière. Très vite, on retrouve une partie du squelette et une enquête du FBI conduite par Kimberly Quincy est dépêchée sur place. Comme on y trouve certaines similitudes avec les meurtres commis par le terrible Jacob Ness (voir les volumes précédents), D.D. Warren est aussi de la partie ainsi que Flora ex-victime de Ness devenue chasseuse de prédateurs. L’enquête va très vite s’emballer avec la découverte d’autres corps datant de plusieurs décennies, des cadavres plus frais vont aussi venir s’accumuler avec un déchaînement de violence qui va réveiller les vieux démons de cette ville à priori sans histoire.

Une fois de plus, je me suis fait embarqué dès les premiers chapitres. Lisa Gardner a le don de décrire avec concision ses personnages et situations, de distiller un intérêt à chaque scène qu’elle écrit et de créer l’attente. Le roman débute sur un chapitre écrit en italique où une petite latino nous raconte le meurtre atroce de sa mère tuée par un mystérieux méchant comme elle l'appelle. Lors de l’exécution, la balle la touche à la tempe la rendant muette et infirme. Qui est-elle ? Quel rôle joue-t-elle dans la trame générale ? C’est le fil rouge de la première partie du roman qui, une fois coupé, va libérer le récit et le rendre encore plus débridé avec des événements qui vont se précipiter et laisser le lecteur KO.

S’entremêlent à cette ligne directrice des chapitres mettant en scène les trois autres grandes protagonistes citées plus haut et c’est un vrai plaisir de les retrouver. C’est comme une espèce de réunion de famille où l’on retrouve des personnes que l’on n’a pas vu depuis trop longtemps. On prend des nouvelles, on en apprend de belles sur l’évolution de chacune notamment leur vie familiale, les affres qui l’accompagne et pour Flora la toujours difficile reconstruction. Clairement, il y a quelques longueurs, des redites qui sont là essentiellement pour les lectrices et lecteurs qui prendraient le chemin en route mais rien de rédhibitoire pour le fan que je suis. Ces trois là sont vraiment charismatiques avec pour ma part une préférence pour D.D. au caractère tempétueux à souhait mais qui s’est assagie après sa maternité. L’aspect féministe est ici indéniable, sans en faire trop, des clins d’œil réguliers sont faits envers les souffrances et épreuves que peuvent endurer nombre de femmes. Certaines d’entre elles sont aussi d’ailleurs peu recommandables dans le roman, notamment une que je n’ai pas vu venir et qui s’avère être un véritable monstre.

L’enquête en elle-même est bien menée, Lisa Gardner aime nous amener sur des chemins inconnus. Les hypothèses varient beaucoup au fil de la lecture, certaines fausse pistes par contre n’ont pas fonctionné avec moi et j’ai deviné assez vite la nature réelle des terribles événements qui se déroulent là-bas. Cela n’enlève rien à l’accroche durable du roman, sa qualité de page-turner implacable, chaque chapitre conduisant à une dernière phrase qui provoque l’excitation (et il faut attendre deux / trois chapitres pour savoir ce qu’il en est). Le procédé est classique mais d’une efficacité redoutable. Bon, on a affaire à un Lisa Gardner et dans ce domaine, elle assure toujours. Le microcosme des lieux, la paranoïa ambiante qui s’installe, les personnage du crû tantôt rassurants tantôt inquiétants, les esprits qui s’échauffent, les morts inattendues, les punchlines de la mort qui tue... Franchement, on ne s’ennuie jamais, niveau thriller c’est du haut niveau et la machinerie est bien huilée.

Ce fut donc un grand plaisir de lecture une fois de plus, le genre de roman qu'on ne relâche qu'à sa toute fin, le sourire aux lèvres. C’est efficace, très plaisant à lire et on en redemande. Vivement janvier 2024 !

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
Disparue
Sauver sa peau
La maison d'à côté
Tu ne m'échapperas pas
Arrêtez-moi
- Les Morsures du passé
- Le saut de l'ange
- Derniers adieux
- À même la peau
- Retrouve-moi
- N'avoue jamais

mercredi 28 septembre 2022

"L'Homme bouc" de Corbeyran et Aurélien Morinière

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L’histoire : Lorsqu'on lui signale la disparition d'une adolescente au cœur de la forêt limousine, l'enquêtrice Gaëlle Demeter affronte une étrange réalité où se mêlent traditions et superstitions.

Face à l'inconnu, elle fait appel à son amie, Blanche.

Blanche est chamane. Elle connaît certains chemins qui mènent aux replis du monde...

La critique de Mr K : Chronique d’un ouvrage emprunté à la médiathèque du secteur aujourd’hui avec L’Homme bouc de Corbeyran et Aurélien Morinière. Je n’avais aucune idée préconçue sur ce titre, je l’ai juste sélectionné car la quatrième de couverture m’a diablement tenté -sic- et que je ne lis quasiment que des one shot, ne courant guère derrière les cycles interminables en bande-dessinée. Ce fut une lecture très agréable.

On entre de suite dans le vif du sujet dès les premières planches avec la visite de l’enquêtrice de gendarmerie Gaëlle Demeter auprès de la mère d’une jeune femme disparue en forêt limousine. Jeune fille sans reproches, interne en médecine, elle n’est jamais revenue de sa balade avec le chien de la maisonnée. Pas d’indices, une vague description d’un véhicule garé à proximité vu par le boucher du coin en tournée... l’enquête piétine et la gendarme fait appel à une amie chamane du cru (Blanche) suite à la découverte dans la chambre de la disparue d’une espèce de Dreamcatcher étrange.

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Les choses vont se précipiter avec la découverte du cadavre décapité et éviscéré du chien cloué sur la porte d’une grange et des visions de Blanche qui laissent penser qu’il y a quelques maléfices à l’œuvre, que cette disparition s'inscrit dans un cycle de disparitions qui pourrait être le fait du Malin. Les inspecteurs vont devoir pour autant garder la tête froide et s’en tenir aux faits, la jeune disparue peut sans doute encore être sauvée.

L’histoire se déroule donc comme un bon roman policier. On reste collé aux basques de Gaëlle, de son coéquipier et de Blanche. Les auteurs ne cherchent donc pas à faire dans le spectaculaire et le hardboiled. Enquête de proximité, discussions à bâtons rompus, recherches d’indices souvent infructueuses, interrogatoires, fausses pistes et hypothèses à géométrie variable s’enchaînent avec plaisir. Le rythme est lent, les choses sont posées petit à petit sans précipitation et la pression monte donc très crescendo. On se prend au jeu et l’on joue à essayer de deviner le pourquoi du comment.

Avec le personnage de Blanche, les auteurs rajoutent une touche rock and roll (son look, les groupes qu’elle écoute, son caractère) et de fantastique. Férue de superstitions, de croyances païennes et en connexion avec des forces qui dépassent le commun des mortels, elle va aider Gaëlle dans son enquête grâce à ses découvertes et visions qui vont éclairer quelque peu cette affaire nébuleuse qui semble échapper à tout le monde. Qui est ce mystérieux homme bouc qui rode dans les parages, que seule Blanche peut voir et qui semble mêler à la disparition ?

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Les personnages sont relativement bien croqués surtout d’ailleurs les personnages secondaires comme cette mère inconsolable qui a littéralement sombré, cette femme prostrée réapparue de nulle part qui ne communique que par le dessin. Les personnages principaux font le job même si on n’échappe pas à certains clichés et quelques artifices scénaristiques lus et relus. L’ensemble fonctionne quand-même très bien, l’alchimie est là, la lecture addictive.

De plus, l’œuvre est de toute beauté, les dessins en noir et blanc rajoutent à l’ambiance glauque et étrange qui se dégage de l’ensemble. Tantôt ultra-réaliste, parfois plus irréel comme les passages en forêt, l’esthétique sert très bien le propos et renforce l’accroche du lecteur. Le dénouement quoiqu’un peu abrupt tient ses promesses et l’on a nos réponses dont on avait deviné la teneur quelques temps auparavant cependant. Une bonne lecture donc, pas exceptionnelle mais très plaisante qui ravira les amateurs de récit policier et de fantastique léger.


jeudi 1 septembre 2022

"Corniche Kennedy" de Maylis de Kerangal

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L’histoire : Les petits cons de la corniche. La bande. On ne sait les nommer autrement. Leur corps est incisif, leur âge dilaté entre treize et dix-sept, et c'est un seul et même âge, celui de la conquête : on détourne la joue du baiser maternel, on crache dans la soupe, on déserte la maison.

Le temps d'un été, quelques adolescents désœuvrés défient les lois de la gravitation en plongeant le long de la corniche Kennedy. Derrière ses jumelles, un commissaire, chargé de la surveillance de cette zone du littoral, les observe. Entre tolérance zéro et goût de l'interdit, les choses vont s'envenimer...

La critique de Mr K : Découverte de Maylis de Kerangal aujourd’hui avec ma chronique de Corniche Kennedy, lu cet été dans le cadre de mes préparations de cours pour mes Terminales BAC pro qui doivent étudier une œuvre intégrale en rapport avec le jeu. Effectivement l’ouvrage vaut le coup par son style d’écriture (trop difficile pour mes élèves par contre) et son évocation de l’adolescence. Cependant un traitement du dénouement un peu facile et trop léger à mon goût a gâché un peu ma lecture...

La corniche qui donne son nom à l'ouvrage est un spot prisé par les adolescents pour se retrouver. On y cause, fume, drague, s’embrouille et surtout, on y trouve trois promontoires qui permettent de plonger dans la Méditerranée à des degrés divers de dangerosité et d’adrénaline. On fait donc la connaissance d’Eddy, Mario et les autres qui vivent pleinement leur adolescence entre provocations, grande camaraderie et flirt avec les limites notamment judiciaires, la police étant sur les dents pour empêcher les jeunes de se livrer à leurs jeux dangereux. Un jour la bande voit s’incruster une jeune fille, Suzanne. Suite à un premier contact plutôt rugueux (un vol de portable et un saut imposé pour régler la dette), elle fait son trou et son arrivée va bouleverser quelque peu les forces en présence.

En parallèle, on suit le quotidien de Sylvestre, le chef de la brigade littorale qui alterne enquêtes sur les milieux mafieux opérant sur Marseille entre prostitution et trafic de drogue et ses observations à la jumelle des jeunes qui déconnent sur la corniche. Bientôt, il va devoir sévir, les petits cons abusent or nul n’est sensé ignorer la loi et sa hiérarchie lui met une grosse pression. Il faut du chiffre. On le sent entre-deux dans cette affaire, l’ordre des priorités lui échappe mais bon, c’est son boulot et il doit appliquer les ordres. Les deux lignes narratives vont forcément se croiser et ça va faire des étincelles.

La grande force du roman dans son contenu est l’évocation de l’adolescence. C’est très réaliste, crû mais complètement fidèle à ce que je peux en percevoir au quotidien au taf. Tantôt attachants, souvent agaçants (et encore je ne les ai pas à la maison), cet âge est très bien décrit avec subtilité, nuance et une affection certaine. Combats de coqs avec son lot d’insultes, de chambrage et d’affrontements divers, l’amitié dans son exclusivité et son jusqu’auboutisme, les tentations multiples et les expérimentations, le refus de l’ordre établi, le besoin d’intégration dans le groupe quitte à faire de belles conneries, les hormones et le désir sexuel... autant de thématiques essentielles à cet âge que l’auteure aborde vraiment avec intelligence.

J’ai bien aimé aussi les parties mettant en scène le flic un peu sur le retour qui se révèle assez borderline avec sa consommation prononcée d’alcool, les clopes qu’il enchaîne constamment et son rapport ambigu avec une prévenue qui fragilise sa position. Faussement monolithique et froid, j’ai aimé ce personnage pour sa fragilité cachée, sa sensibilité émoussée par le travail, l’expérience et les rapports de force qu’induisent son métier. Le métier de policier est lui aussi bien retranscrit avec des passages bien hard quand on aborde la mafia et ses pratiques, notamment le parcours d’une jeune femme devenue prostituée et prisonnière de son mac. C’est édifiant, écœurant et bouleversant.

L’écriture est sublime quant à elle. Très poétique, déstructurée avec des phrases très longues ou les différentes propositions se répondent et s’entrechoquent, le voyage littéraire est grisant. Peut-être trop complexe pour des lecteurs novices comme mes élèves d’enseignement professionnel, ils risqueraient de s’y perdre et de perdre patience face à l’érudition de certains termes. Par contre, à voix haute, la lecture est terrible et je n’ai pu m’empêcher d’ailleurs d’en lire des passages à ma Nelfe adorée. Un bémol de taille quand même, la fin elliptique que j’ai trouvé facile, comme si l’auteure en avait assez d’écrire ce roman ou n’avait plus d’idée... J’aime les fins ouvertes quand elles se justifient, ici j’ai trouvé cela abrupt et manquant de construction. Vraiment dommage, je suis ressorti de la lecture un peu frustré.

Reste cependant que Corniche Kennedy est un ouvrage addictif, très très bien écrit avec des personnages qui ont du corps et du cœur.

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jeudi 21 juillet 2022

"Riches, cruels et fardés" d'Hervé Claude

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L’histoire : Luxe, sable et volupté... A la limite de la jungle australienne, face à la Barrière de corail et à des centaines de kilomètres de la première ville, se trouve un hôtel quatre étoiles... Un lieu pour touristes fortunés triés sur le volet, qui savent ce qu'ils viennent chercher et qui veulent la paix. L'isolement pourtant, privilège ultime des riches, peut devenir l'enfer. Un ouragan se déchaîne et les voilà coupés du monde. Les comportements changent. Des crocodiles sortent de l'eau devenue boue. La pluie tombe comme les arbres et un premier cadavre est découvert. Il n'en faut pas plus pour que les solidarités se lézardent. Personne, finalement, ne connaît son voisin... Personne ne sait s'il pourra s'en sortir ni qui sera la prochaine victime...

La critique de Mr K : J’ai dégoté cet ouvrage lors d’un chinage, la quatrième de couverture m’a bien plu et le nom de l’auteur me disait quelque chose sans que je puisse vraiment remettre une tête, une situation sur le patronyme Claude Hervé. C’est plus tard, en le googlisant que l’évidence se fit. Hervé Claude est un ancien journaliste de France Télévision puis d'Arte qui a notamment présenté le journal télévisé. Quelle reconversion ! Dans Riches, cruels et fardés, il nous offre un thriller se déroulant à l’autre bout du monde, dans un resort reculé où se retrouvent des membres éminents de la communauté gay et où va se dérouler un véritable jeu de massacre sous les auspices d’une terrible tempête qui sévit...

Au fil de la lecture, on suit le point de vue de différents protagonistes qui participent de près ou de loin aux événements. Il y a tout d’abord Ashe, un inspecteur flegmatique bossant pour des assurances et que l’on retrouve à plusieurs reprises. D’autres chapitres montrent l’action à travers les yeux de touristes venus se détendre et/ou connaître le grand frisson dans un resort au bord de la mer en Australie, près de la grande barrière de corail. L’ambiance est plutôt paisible, on est loin des grands rassemblements festifs propres à cette communauté parfois haute en couleur. Il y a beaucoup de couples plus ou moins en bon état, les dîners sont calmes. Cependant des tensions apparaissent notamment entre le patron et certains employés. Rien pourtant qui préfigure ce qui va suivre...

L’ouvrage démarre donc lentement, l’auteur se plaisant à s’attarder sur chacun pour bien caractériser leur situation, leur caractère. Je dois avouer qu’il faut être patient, rien de phénoménal ne se déroule sur les cent premières pages. Certes les personnages intriguent mais on se demande bien où cela va nous conduire. Puis c’est une disparition et un premier cadavre retrouvé sur la plage et les éléments qui commencent à se déchaîner. Les tensions entraperçues vont alors prendre de l’ampleur, des liens se font entre chacun, des rapports ambigus, cachés, qui accélèrent les choses mais en même temps brouillent les pistes. Le rythme s’accélérant, on n’est pas au bout de nos surprises avec des révélations parfois fracassantes et une noirceur de plus en plus palpable au Paradis.

L’ambiance change alors du tout au tout, on vire dans le noir le plus pur, voire le glauque. La nature humaine se révèle souvent dans des situations extrêmes où nos certitudes sont mises à l’épreuve. C’est le cas ici avec des limites de plus en plus poreuses entre bien et mal, la fin en la matière se garde bien de tout manichéisme et m’a pour le peu surpris et plutôt enchanté. Le croisement des regards permet de lever peu à peu les zones d’ombre et donne à voir une complexité dans l’architecture de la trame que l’on ne soupçonnait pas au débat. On reste cependant dans du classique et sans doute les plus armés d’entre vous devineront la fin avant qu’elle soit écrite. Pour ma part, je me suis laissé porter.

Sur le plan formel et stylistique, nous n’avons pas affaire à un ouvrage qui révolutionne le genre. On était ici dans le graduel et l’efficace, la langue est souple et les pages se tournent toutes seules. Au final, on ressort de cette lecture content mais pas transporté, peut-être manquait-il un tout petit supplément d’âme pour que cette lecture soit vraiment marquante. Reste un bon plaisir de lecture qui conviendra aux amateurs du genre.

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mardi 19 juillet 2022

"Un Homme de goût" de Cha et Eldiablo

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L’histoire : Jamie Colgate, ex-flic en retraite anticipée, a une obsession : remettre la main sur le salopard qui l'a un jour laissée à moitié morte et tué son chien adoré. Mais le dangereux criminel qu'elle traque depuis plus de vingt ans est loin d'être un homme ordinaire. Il assassine depuis si longtemps et avec une telle efficacité que les pires tueurs en série ne peuvent lui être comparés. Quelle justice humaine appliquer à celui qui semble être un monstre sorti d'un placard plutôt qu'un homme ?

La critique de Mr K : Bonne pioche encore à mettre au profit de l’ami Franck avec ce prêt éclairé et propice au plaisir de lecture. Je retrouve le duo Cha et Eldiablo après mon expérience très positive de Pizza roadtrip. Un Homme de goût est moins débridé dans le rythme et les personnages mais tout aussi réussi et diablement prenant avec en plus une dimension créative et des choix stylistiques surprenants et réussis.

Jamie Colgate après plus de vingt ans de chasse a enfin réussi à mettre la main sur Nekros, un serial killer qui sévit depuis trop longtemps et qui l’a laissée pour morte des années auparavant. La situation semble être à son avantage mais c’est mal connaître ce monstre à la nature étrange. Résistant, doté d’un réseau et d’une fortune imposants, semblant immortel, il retourne la situation à son avantage et se livre alors au jeu des révélations.

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On se prend immédiatement au jeu de cette chasse à l’homme qui se transforme rapidement en un récit fantastique de haute volée mêlant flashback et rebondissements actuels. Cela donne lieu a des choix différents de coloris, de style selon l’époque où se déroule le récit, un choix artistique réussi et qui explose bien souvent les rétines. Cha est décidément une grand dessinatrice et je trouve qu’elle franchit encore un pas avec cette œuvre où elle explore différentes techniques. Elle m’a plus d’une fois surpris et émerveillé. Bravo à elle !

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Pour revenir au récit, il y a donc plusieurs histoires dans la même histoire en quelque sorte pour un personnage intrigant puis très vite inquiétant de par son cynisme. On explore les époques avec délice en alternant les tons. On est parfois dans l’épique, dans le conte, le polar, le factuel pur et l’on plonge dans les temps anciens ou même les ghettos des seventies aux USA. C’est varié mais pour autant tout cela forme un tout cohérent à la portée renversante. L’histoire se déroule bien, multiplie les embardées et la fin (bien qu’un peu attendue) est un bel aboutissement.. du moins pour nous lecteur, Jamie elle n’a pas fini d’en baver...

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Cet ouvrage se lit donc d’une traite avec grand plaisir. Ce mélange d’enquête policière et de fantastique est une vraie et grande réussite que l’on ne peut que recommander. Alors ? Qu’est-ce que vous attendez ?

lundi 25 avril 2022

"Château de cartes" de Miguel Szymanski

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L’histoire : Au Portugal, tout est négociable. Même une agression.

Marcelo Silva, ayant quitté le journalisme et l'Allemagne où il était correspondant, est de retour au Portugal.

Pour lutter contre la corruption de l'élite financière et politique qui a mené son pays au bord de la ruine, il a choisi "le glaive à la lame affûtée plutôt que la plume rouillée". Nommé à la tête d'une brigade spécialisée, le voilà aussitôt confronté à la disparition d'un millionnaire lié à un énorme scandale sur le point d'éclater. Pendant dix jours, il va parcourir Lisbonne inondée de touristes à la recherche du banquier déchu.

Naviguant entre filles de bonne famille et politiciens corrompus, hommes de main et réseaux de prostitution, Marcelo nous emmène dans un voyage au-delà des apparences et révèle ce qui se cache derrière la vitrine de la "ville aux mœurs douces".

La critique de Mr K: Balade littéraire portugaise aujourd’hui avec ce roman policier servi bien noir de chez Agullo. Dans Château de cartes de Miguel Szymanski, nous explorons les arcanes de la lutte contre la corruption et les crimes des cols blancs aux côté d’un enquêteur pas tout à fait comme les autres qui emporte l’adhésion dès ses premiers pas. Ce fut une belle lecture aussi plaisante que passionnante.

Journaliste d’investigation exilé professionnellement en Allemagne, Marcelo Silva revient au Portugal chargé d’une mission très importante. En effet, de par son passé, il est devenu un spécialiste des questions concernant la corruption des élites financières et politiques, le voila bombardé chef d’un nouveau service qui se concentrera sur le sujet. Dans le domaine, son pays est très concerné, l’appauvrissement préoccupant du Portugal étant pour une bonne partie lié aux malversations, mauvaises habitudes et trains de vie dispendieux du pouvoir sur les deniers publics. Le roman démarre le week-end avant sa prise de fonction.

Marcelo n’a pas le temps de prendre ses marques qu’un événement va précipiter les choses : l’enlèvement de Cardoma, un banquier au centre des affaires politiques. Il doit le retrouver avant les autres chiens lâchés après lui car le disparu connaît du monde, possède des fonds quasi inépuisables et peut surtout compromettre des gens très puissants qui voient d’un très mauvais œil la menace planée au dessus de leurs têtes. Passé les cinquante premières pages qui permettent de se familiariser avec chacun, les lieux emblématiques de l’histoire, l’action démarre vite et fort avec un enquêteur qui va tomber de Charybde en Scylla.

Tout bon roman policier se doit d’avoir un protagoniste principal charismatique et c’est le cas ici avec un Marcelo séduisant et complexe. Pas forcément très athlétique, il possède un sang froid à toute épreuve, un sens de l’humour caustique (avec une bonne dose d’autodérision). De bars en restaurants en passant par des lieux plus interlopes, il mène son enquête (non officielle) à son rythme et fait preuve d’une sagacité parfois confondante. Nouvelles rencontres, pressions de toutes sortes, vieux amis qui refont surface permettent de mettre en lumière un homme décidé, d’un certain standing (je pense à ses tenues, son rythme de vie de manière générale, ses poches remplies de biffetons), on aime traîner avec lui et sa désinvolture apparente. À noter aussi son charme certain sur la gente féminine, ni macho ni romantique, un style bien à lui, naturel, coulant avec des scènes d’approche et de tentation bien ficelées (oserais-je dire, bien troussées ?).

On navigue dans des milieux peu ragoûtants. Le crime organisé et la prostitution certes mais surtout les coulisses du pouvoir et de l’argent. Là où la vie humaine s’achète ou se vend sans aucun scrupule et où l’intérêt public n’est que des mots, une façade cachant des manigances et des manipulations à grande échelle. Les révélations finissent par pleuvoir et je peux vous dire que c’est loin d’être réjouissant surtout quand on sait que l’auteur lui-même est journaliste et bien renseigné sur certains faits réels. Loin de l’image d’Epinal d’un Portugal ensoleillé, à l’art de vivre et à la tranquillité souvent évoqués, on passe de l’autre côté du miroir et ce n’est pas joli joli. Le portrait est saisissant, inquiétant même. Pour autant, l’auteur ne livre pas que cela, il revient par des scénettes habilement disséminées ici ou là sur des choses du quotidien, des fraternités, des relations uniques, sur la beauté et l’âme noble authentique de son pays.

L’écriture elle aussi est accrocheuse. Exigeante et accessible à la fois, elle évoque à merveille lieux et personnages tout en maintenant un rythme soutenu au suspens incroyable. Les cinquante dernières pages sont un modèle du genre et la conclusion sans appel. Il semblerait que cet ouvrage soit le premier d’une série avec le même personnage principal, ça promet pour la suite !

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mercredi 9 février 2022

"N'avoue jamais" de Lisa Gardner

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L’histoire : Un homme est abattu de trois coups de feu à son domicile. Lorsque la police arrive sur place, elle trouve sa femme, Evie, enceinte de cinq mois, l'arme à la main.

Celle-ci n'est pas une inconnue pour l'enquêtrice D.D. Warren. Accusée d'avoir tué son propre père d'un coup de fusil alors qu'elle était âgée de seize ans, elle a finalement été innocentée, la justice ayant conclu à un accident.

Simple coïncidence ? Evie est-elle coupable ou victime de son passé ?

La critique de Mr K : C’est toujours avec grand plaisir que je retrouve Lisa Gardner pour un nouvelle lecture entre policier et thriller. La dame est douée et me fait penser à Mary Higgins Clark que j’ai adoré lire dans mes jeunes années. N’avoue jamais est donc le dernier né de cette auteure diabolique qui une fois de plus fait montre d’un grand talent pour nous mener par le bout du nez et provoquer chez nous une addiction durable et délectable.

Comme vous avez pu le lire dans le résumé au dessus, Evie a tout de la coupable idéale. Un passé douloureux, l’arme du crime à la main, tout indique qu’elle a supprimé son mari alors qu’elle est enceinte de cinq bons mois ! L’action démarre de suite et il n’y aura aucun temps mort jusqu’à l’ultime chapitre, dans un récit haletant fournissant comme d’habitude avec l’auteure son lot de fausses pistes, de révélations et de contre-vérités dont un certain nombre qu’on ne voit pas du tout venir.

Au cœur de l’intrigue trois femmes dont on suit le regard au fil des chapitres qui s’égrainent. Il y a Evie tout d’abord, coupable désignée mais aussi victime d’un passé qui ne cesse de la hanter entre culpabilité, incompréhension et une mère pour le moins envahissante. Professeur de math engagée dans le public, la chance qui semblait lui sourire s’écroule du jour au lendemain. Par le jeu des flashback, des rencontres et échanges qu’elle peut avoir, on va lever le voile sur sa nature profonde mais aussi sur certaines vérités bien dérangeantes.

On retrouve aussi D.D. Warren, une enquêtrice grande gueule, très perspicace et aux punchlines qui détonent. Récemment maman, cette folle de boulot a un rôle légèrement plus en recul dans cet ouvrage même si ses investigations vont se révéler très importantes pour résoudre le mystère. C’est surtout Flora qui prend beaucoup d’importance, ce personnage d’indicateur de D.D., ex victime d’un violeur en série, qui mène sa vie comme elle peut. Nous l’avions déjà croisé à deux occasions dans les ouvrages précédents, ici on plonge encore davantage dans sa psyché torturée. Des choses restent à régler sur la personnalité de son ravisseur, la reconstruction de la jeune femme et peut-être la quête de la rédemption. Flora est plus qu’attachante, c’est un porte étendard, une figure de la femme blessée, bafouée qui tente de s’en sortir malgré les obstacles. Fin et juste, son personnage hante ces pages et clairement porte le roman à lui tout seul.

Les seconds couteaux ne sont pas mal non plus entre les collègues policiers qu’on aime recroiser, la mère d’Evie qu’on adore détester mais qui dévoilera pas mal de nuances, l’avocat de la famille très paternel, un amateur de fait divers charmant et mystérieux... On se plaît très vite à échafauder toutes sortes d’hypothèses, on est dans un vrai Who’s done it qui se révèle bien tortueux et les orientations prises par notre esprit sont très souvent fausses. Et pourtant ! Je pratique Lisa Gardner depuis un certain temps mais elle est décidément une spécialiste du suspens et de la surprise.

L’ouvrage se lit donc très vite et très bien avec un intérêt constant, le récit et les révélations sont dosés avec finesse, les personnages sont charismatiques et notre curiosité est piquée du début à la fin avec une trame complexe qui se tient de bout en bout. Un bon crû une fois de plus, les amateurs ne doivent pas passer à côté.

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Disparue
Sauver sa peau
La maison d'à côté
Tu ne m'échapperas pas
Arrêtez-moi
- Les Morsures du passé
- Le saut de l'ange
- Derniers adieux
- À même la peau
- Retrouve-moi