dimanche 1 mai 2022

"Les Lumières de septembre" de Carlos Ruiz Zafon

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L’histoire : 1937, Normandie. Simone Sauvelle, embauchée par un riche et excentrique créateur de jouets, rejoint la côte normande avec ses enfants Irène et Dorian.

Toute la famille tombe sous le charme de la majestueuse demeure dans laquelle les accueille l’inventeur de génie : Cravenmoore. Mais à la nuit tombée, les automates qui peuplent la maison et le bois alentour semblent plus vivants que jamais. Et qu’en est-il des lumières au large qui se rallument à chaque fin d’été ? On dit que les âmes noyées cherchent toujours à regagner la rive... Irène, accompagnée du jeune marin qu’elle vient de rencontrer, va découvrir ce que la solitude fait aux hommes.

La critique de Mr K : Toutes les bonnes choses ont malheureusement une fin, avec Les Lumières de septembre, Carlos Ruiz Zafon termine avec panache sa trilogie de la brume, œuvre de jeunesse au charme envoûtant. Ce dernier volume a été dévoré comme les précédents avec un plaisir de tous les instants, une addiction terrible et au moment de refermer le volume un sentiment de joie et de satisfaction à nul autre pareil.

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Simone Sauvelle, une veuve ruinée change de vie et part s’installer en Normandie avec ses enfants. Elle a décroché une place chez un créateur de jouets au génie incroyable, à elle de gérer les affaires courantes d’un homme lui aussi esseulé, sa femme souffrant d’une mystérieuse maladie qui la cloître au lit depuis des décennies. Le premier contact est prometteur, l’entente est immédiate et beaucoup de points communs les relient. Les enfants de Simone quant à eux vont apprendre à découvrir les lieux et les environs avec son lot d’endroits atypiques et de légendes tenaces. Très vite l’enchantement va céder à la place au questionnement puis à l’effroi. Une ombre mystérieuse plane, des événements curieux se produisent et la mort finit par frapper. Tout finit par s’accélérer et mène à la résolution d’une malédiction mêlant chagrin et ressentiment.

C’est incroyable comme cet auteur était doué pour planter un décor, une histoire, des personnages charismatique. Ainsi on se prend immédiatement d’affection pour Simone et ses enfants que la vie n’a pas gâtés. La mort subite du mari les laisse sur la paille, à la merci de la pauvreté. La déchéance sociale est terrible, remarquablement décrite en une économie de mots efficace et très évocatrice. Le contraste est donc fort avec les premiers jours à Cravenmoore, un immense domaine s’apparentant à une demeure gothique, peuplée d’automates aussi étranges que fascinants. Je dois avouer qu’il ne m’aurait pas déplu d’y aller moi-même dans la vraie vie, aimant ce style de demeures marquées par le sceau du passé et des légendes (même si je me serai sauvé bien avant que se déchaînent les événements de fin de récit -sic-). Les descriptions sont de toute beauté, aériennes, jamais pesantes et ne ralentissent pas le récit. Bien au contraire, que ce soit le domaine, la forêt, le phare ou une grotte qui aura son importance plus tard, ces lieux sont quasiment des personnages à part entière avec leur apparence et leurs secrets.

Les personnages après un début de récit d’exposition naviguent à vue. La mère se rapproche peu à peu du maître des lieux et s’interroge sur les liens qui les unissent. L’évolution est décrite avec une grande sensibilité, ces deux âmes ont souffert, souffrent encore mais l’évidence ne va pas forcément de soi et des obstacles invisibles / psychiques font que cette relation s’avère bien plus complexe qu’elle n’y paraît de prime abord. Dorian, est émerveillé quant à lui face aux créations de l’inventeur, quasiment hypnotisé par ses êtres mécaniques qui semblent pourtant mus d’une vie propre. Il ne tardera pas à devoir faire face à ses plus grandes peurs. Irène vit sa vie de jeune fille, tombant amoureuse du jeune marin ombrageux Ismaël. Elle s’est révélée au final être mon personnage préféré avec Simone. Irène est l’aînée de la tribu, elle a des responsabilités qui jusque là semblaient l’étouffer quelque peu. Ismaël c’est un monde qui s’ouvre, un moment de respiration avec la découverte de la navigation, des légendes locales et du désir. Les pages la mettant en scène sont parmi les plus belles, les plus touchantes.

Le récit gagne peu à peu en intensité, le suspens monte crescendo et l’addiction vous l’avez compris est totale. On oscille constamment pendant cette lecture entre fascination et inquiétude, les émotions nous submergent et les rouages de l’histoire sont implacables. Zafon par sa langue merveilleuse, ses talents de conteur et sa sensibilité offre ici une conclusion magistrale à sa trilogie de la brume. Je ne remercierai jamais assez ma chère Nelfe pour ce cadeau d’anniversaire enchanteur. À découvrir absolument si ce n’est déjà fait.

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
- Le Prince de la brume
- Le Palais de minuit

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dimanche 20 mars 2022

"Le Palais de minuit" de Carlos Ruiz Zafon

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L’histoire : Calcutta, 1932.

Ben et sa soeur jumelle Sheere, séparés depuis leur naissance seize ans plus tôt, se retrouvent enfin. Mais à peine réunis, les voilà traqués par un mystérieux assassin. Aidé par la Chowbar Society, un club secret créé avec six copains de l'orphelinat, Ben devra faire face à Jawahal, un démon maléfique, une âme damnée qui doit tuer l'un de ses enfants pour trouver le salut... Commence alors une course-poursuite, entre palais abandonnés et trains fantômes.

L'odyssée indienne de deux enfants qui vont tout faire pour échapper au spectre de la terreur et mettre un terme à la malédiction...

La critique de Mr K : Aujourd’hui, chronique du deuxième tome de la Trilogie du Cycle de la brume de Carlos Ruiz Zafon, triptyque jeunesse de l’auteur que Nelfe m’a offert pour mon anniversaire. Le Prince de la brume m’avait beaucoup séduit et je dois avouer que Le Palais de minuit m’a enchanté lui-aussi, peut-être même un peu plus que le précédent. Aventure, mystère, magie et focus sensible sur l’enfance et l’isolement sont au rendez-vous d’un court roman qui se lit tout seul et provoque une addiction immédiate.

Tout débute sur un fleuve au milieu de la brume, un homme pourchassé cherche à cacher ses deux jumeaux qui viennent de naître et dont la mère est morte. Avant d’être rattrapé par les assassins lâchés à ses trousses, il confie les bambins à sa belle-mère qui devra se séparer de Ben (le garçon) qui va se retrouver placé dans un orphelinat tandis que sa sœur Sheere restera avec sa grand-mère car la menace est bel et bien là. Elle ne lâchera jamais ces deux enfants. À peine nés, déjà séparés, vous parlez d’un destin...

16 ans plus tard, Ben et ses six compagnons qui ont formé un club très sélect (la Chowbar Society) constituant la famille des sept orphelins vont être confrontés au passé de Ben. Les événements se précipitent la veille du départ de chacun de l’orphelinat (à 16 ans révolus, les enfants sont relâchés dans le monde et doivent apprendre à vivre seuls), les jumeaux se retrouvent, un homme mystérieux vient réclamer son dû auprès du directeur qui paie cash sa discrétion, les esprits se déchaînent, une malédiction semble à l’œuvre et les révélations vont pleuvoir mettant à mal les enfants mais aussi le lecteur qui ne sait plus vraiment à quel saint se vouer tant la trame se révèle bien plus complexe qu’elle n’y paraît de prime abord.

Comme dit un peu plus haut, ce roman se lit tout seul. La langue de Zafon fait une fois de plus merveille. Délicate, ciselée et très poétique par moments, elle excelle à nous faire découvrir les affres de l’enfance abîmée. Volontiers sombre et mélancolique dans le ton, l’ouvrage met en lumière la solitude et la peine qui habitent des orphelins privés de leurs géniteurs et qui ensemble vont se révéler plus forts, plus résistants face au destin. Chacun a ses qualités et ses défauts, les interactions sont souvent décalées, drôles mais aussi parfois plus intimes et tristes. L’univers de l’enfance est donc très bien rendu, se mêlant très bien avec le contenu fantastique qui rajoute une dimension supplémentaire à l’ouvrage.

Il s’en passe des vertes et des pas mûres par la suite. Il va falloir que les jeunes explorent le passé de la ville, des parents de Ben et Sheere et explorer les ruines de la gare de Jheeter, lieu d’un drame ancien qui pourrait expliquer la présence de cette ombre maléfique que rien ne semble pourvoir arrêter. On se plaît donc à enquêter avec ces jeunes gens qui n’ont pas froid aux yeux et qui se révèlent débrouillards et fidèles à leur serment d’amitié. Longue sera leur quête et le dénouement n’épargnera personne, Zafon n’est pas réputé pour faire dans le consensuel et le happy-end . Comme dans l’opus précédent, on ressort heureux avec un arrière goût amer en bouche de cette lecture.

Un roman à découvrir donc, à lire, à déguster comme un conte noir redoutable et distrayant à la fois. Un bonheur de lecture en plus au tableau de Zafon. Quel regret qu’il nous ait quitté si tôt !

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
- Le Prince de la brume

lundi 24 janvier 2022

"Le Prince de la brume" de Carlos Ruiz Zafon

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L’histoire : 1943, Angleterre. Pour fuir la guerre, la famille Carver s'installe dans un village perdu sur la côte. Mais, à peine franchie la porte de la maison, des événements étranges se produisent...

Avec leur nouvel ami Roland, Alicia et Max Carver vont peu à peu percer les secrets de la vieille demeure et apprendre l'existence d'un certain Caïn, surnommé le Prince de la Brume. Un personnage diabolique revenu s'acquitter d'une dette très ancienne...

Voilà les trois enfants lancés à la découverte d'épaves mystérieuses, de statuettes enchantées, de gamins ensorcelés... Une aventure extraordinaire qui changera leur vie à jamais.

La critique de Mr K : Chronique d’un beau cadeau d’anniversaire offert par ma douce aujourd’hui avec le premier tome de la trilogie jeunesse écrite par Carlos Ruiz Zafon, un de mes auteurs favoris. Le Prince de la brume est un beau conte noir qui oscille entre policier, fantastique et récit initiatique. Il ne m’a fallu guère plus qu’une journée pour le dévorer et l’apprécier.

L’action se déroule durant la seconde Guerre mondiale. La famille Carver, sous l’impulsion du père, déménage de la ville pour s’installer dans une cité de bord de mer pour échapper au conflit, les villes étant des cibles privilégiées. Du jour au lendemain, les voila partis. Ils emménagent dans une vieille maison donnant sur la mer, le père a déjà des pistes pour poursuivre son activité d’horloger. Les enfants découvrent les lieux. Très vite, un mystère semble planer sur cette maison dont l’Histoire a été marquée par un drame : la mort tragique par noyade du fils unique de la famille qui habitait précédemment là.

Max découvre ainsi à proximité un étrange jardin funéraire peuplé de statues de pierres qui changent de position au fil du temps qui passe. Un chat énigmatique s’attache dès leur arrivée à sa jeune sœur Alicia et Irina (l’aînée) traverse ce qui ressemble à une crise d’adolescence larvée. Ils font vite la connaissance de Roland, le petit-fils du gardien de phare de la localité qui cache un lourd secret qui serait lié à l’épave reposant dans la baie et qu’ils vont explorer lors de plongées dans les premiers après-midi qui suivent leur installation. Les choses vont s’accélérer suite à un accident plongeant Alicia dans le coma. Les parents restent à son chevet et les événements vont se précipiter.

Ce roman jeunesse s’attarde beaucoup sur les enfants et leur ressenti. On suit plus particulièrement Max, plutôt effacé et rêveur, il aime lire et observer. On s’attache très vite à lui et à sa petite famille. Il y a de la bienveillance et de la douceur dans ce foyer qui ne sera par épargné par les épreuves. Tous vont être confrontés à quelque chose qui les dépasse, quelque chose de terrifiant lié à une malédiction que le temps n’a pas fait disparaître. La tension monte vite, les esprits s’échauffent parfois, doivent se confronter à l’inconnu. Les liens vont se raffermir et l’enquête nécessaire va prendre de l’ampleur. Les révélations vont bientôt pleuvoir et mettre en lumière un pacte délétère dont les conséquences se font encore sentir.

La finesse psychologique donne lieu à une métaphore filée sur l’enfance, l’adolescence, la parentalité. La famille est au cœur d’un récit qui nous procure des émotions fortes, on est bien souvent touché en plein cœur et le roman remue bien les tripes. Zafon connaît son métier et une fois de plus distille une ambiance bien particulière, diffuse entre poésie et ambiance gothique qui marque le lecteur en profondeur. Les descriptions de la brume, des tempêtes successives qui s’abattent sur le village créent un climat idéal pour l’apparition du fantastique.

Cet aspect est très bien emmené d’ailleurs, plutôt diffus au départ, il explose à partir de la deuxième partie de l’histoire qui prend une toute autre dimension. Une fois le danger identifié, il se déchaîne et ne laissera personne indemne. Remarquablement écrit comme d’habitude avec cet auteur, l’histoire regorge de références, de zones d’ombres et favorise l’imagination du lecteur prisonnier de ces pages. On ressort heureux et comblé avec l’envie irrépressible de lire les deux tomes suivants dont je vous parlerai un peu plus tard... car Nelfe a bien fait les choses et les deux autres volumes faisaient aussi partie du cadeau !

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé:
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel