L’histoire : 1937, Normandie. Simone Sauvelle, embauchée par un riche et excentrique créateur de jouets, rejoint la côte normande avec ses enfants Irène et Dorian.
Toute la famille tombe sous le charme de la majestueuse demeure dans laquelle les accueille l’inventeur de génie : Cravenmoore. Mais à la nuit tombée, les automates qui peuplent la maison et le bois alentour semblent plus vivants que jamais. Et qu’en est-il des lumières au large qui se rallument à chaque fin d’été ? On dit que les âmes noyées cherchent toujours à regagner la rive... Irène, accompagnée du jeune marin qu’elle vient de rencontrer, va découvrir ce que la solitude fait aux hommes.
La critique de Mr K : Toutes les bonnes choses ont malheureusement une fin, avec Les Lumières de septembre, Carlos Ruiz Zafon termine avec panache sa trilogie de la brume, œuvre de jeunesse au charme envoûtant. Ce dernier volume a été dévoré comme les précédents avec un plaisir de tous les instants, une addiction terrible et au moment de refermer le volume un sentiment de joie et de satisfaction à nul autre pareil.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Simone Sauvelle, une veuve ruinée change de vie et part s’installer en Normandie avec ses enfants. Elle a décroché une place chez un créateur de jouets au génie incroyable, à elle de gérer les affaires courantes d’un homme lui aussi esseulé, sa femme souffrant d’une mystérieuse maladie qui la cloître au lit depuis des décennies. Le premier contact est prometteur, l’entente est immédiate et beaucoup de points communs les relient. Les enfants de Simone quant à eux vont apprendre à découvrir les lieux et les environs avec son lot d’endroits atypiques et de légendes tenaces. Très vite l’enchantement va céder à la place au questionnement puis à l’effroi. Une ombre mystérieuse plane, des événements curieux se produisent et la mort finit par frapper. Tout finit par s’accélérer et mène à la résolution d’une malédiction mêlant chagrin et ressentiment.
C’est incroyable comme cet auteur était doué pour planter un décor, une histoire, des personnages charismatique. Ainsi on se prend immédiatement d’affection pour Simone et ses enfants que la vie n’a pas gâtés. La mort subite du mari les laisse sur la paille, à la merci de la pauvreté. La déchéance sociale est terrible, remarquablement décrite en une économie de mots efficace et très évocatrice. Le contraste est donc fort avec les premiers jours à Cravenmoore, un immense domaine s’apparentant à une demeure gothique, peuplée d’automates aussi étranges que fascinants. Je dois avouer qu’il ne m’aurait pas déplu d’y aller moi-même dans la vraie vie, aimant ce style de demeures marquées par le sceau du passé et des légendes (même si je me serai sauvé bien avant que se déchaînent les événements de fin de récit -sic-). Les descriptions sont de toute beauté, aériennes, jamais pesantes et ne ralentissent pas le récit. Bien au contraire, que ce soit le domaine, la forêt, le phare ou une grotte qui aura son importance plus tard, ces lieux sont quasiment des personnages à part entière avec leur apparence et leurs secrets.
Les personnages après un début de récit d’exposition naviguent à vue. La mère se rapproche peu à peu du maître des lieux et s’interroge sur les liens qui les unissent. L’évolution est décrite avec une grande sensibilité, ces deux âmes ont souffert, souffrent encore mais l’évidence ne va pas forcément de soi et des obstacles invisibles / psychiques font que cette relation s’avère bien plus complexe qu’elle n’y paraît de prime abord. Dorian, est émerveillé quant à lui face aux créations de l’inventeur, quasiment hypnotisé par ses êtres mécaniques qui semblent pourtant mus d’une vie propre. Il ne tardera pas à devoir faire face à ses plus grandes peurs. Irène vit sa vie de jeune fille, tombant amoureuse du jeune marin ombrageux Ismaël. Elle s’est révélée au final être mon personnage préféré avec Simone. Irène est l’aînée de la tribu, elle a des responsabilités qui jusque là semblaient l’étouffer quelque peu. Ismaël c’est un monde qui s’ouvre, un moment de respiration avec la découverte de la navigation, des légendes locales et du désir. Les pages la mettant en scène sont parmi les plus belles, les plus touchantes.
Le récit gagne peu à peu en intensité, le suspens monte crescendo et l’addiction vous l’avez compris est totale. On oscille constamment pendant cette lecture entre fascination et inquiétude, les émotions nous submergent et les rouages de l’histoire sont implacables. Zafon par sa langue merveilleuse, ses talents de conteur et sa sensibilité offre ici une conclusion magistrale à sa trilogie de la brume. Je ne remercierai jamais assez ma chère Nelfe pour ce cadeau d’anniversaire enchanteur. À découvrir absolument si ce n’est déjà fait.
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
- Le Prince de la brume
- Le Palais de minuit