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Le Capharnaüm Éclairé
5 septembre 2023

"Paradise, Nevada" de Dario Diofebi

paradisenevadadariodiofebi

L’histoire : Tel est le premier paradoxe de Las Vegas : l'hôtel-casino de luxe Positano était le coeur battant de l'euphorie du vendredi soir, et c'était notre aussi notre chez-nous. Érigé en plein centre du Strip, la ville s'enroulait tout autour en une spirale concentrique où se côtoyaient la magie et la banalité, boîtes de strip-tease et résidences d'étudiants, stands de tir et magasins Walmart, pistes d'atterrissage pour jets privés et arrêts de bus menant à de lointaines banlieues plongées dans le silence et le désespoir. Impossible pour nous d'expliquer ce qui s'est passé le soir de l'incendie sans poser d'abord ce fait établi, à savoir qu'une ville peut être à la fois fiction et réalité, paradis et vrai lieu de vie. Nous tous ici devons en prendre la mesure, tôt ou tard.

La critique de Mr K : On retourne en Amérique aujourd'hui avec, à l’occasion de la rentrée littéraire 2023, la sortie de l’ouvrage Paradise, Nevada de Dario Diofebi. J’attendais beaucoup de ce premier roman présenté outre-manche comme un petit bijou marquant l’émergence d’un auteur majeur. Même si je ne peux que m’incliner devant le style et la profondeur des caractérisations des personnages, je dois avouer que j’ai trouvé cette lecture rugueuse par moments et surtout très (trop) délayée.

L’action se concentre autour de la figure d’un hôtel-casino de luxe à Las Vegas, le Positano, ouvrage architectural délirant conçu pour le bon vouloir d’un milliardaire excentrique d’origine italienne qui par ce projet propose une réplique d’un village côtier cher à son cœur avec bord de mer inclus ! On sait que le 1er mai 2015, une bombe va y exploser et faire plusieurs victimes. L’auteur revient sur les lieux six mois avant cet attentat via la convergence de quatre jeunes gens un peu perdus tentant leur chance dans la légendaire cité du vice.

Il y a d’abord Ray, promis à de brillantes études mais passionné de poker en ligne où il excelle. Il décide de franchir le Rubicon et de devenir joueur professionnel à Vegas. Tom, un touriste italien désormais sans visa veut lui aussi tenter sa chance au poker, il a une chance insensée depuis toujours mais ça pourrait mal tourner. Mary-Ann vient de New York où elle a tenté de percer dans le mannequinat sans succès, la voila devenu serveuse dans l’hôtel le plus prestigieux de Vegas, luttant contre une dépression qui la ronge de l’intérieure. Enfin, plus tardivement, on fait connaissance avec Lindsay, une journaliste travaillant dans un journal de seconde zone, adepte des buzz intempestifs et putassiers. Elle caresse le rêve de devenir écrivaine. Ces quatre là n’ont donc rien à voir sur le papier, la destinée va en décider autrement et ils vont être amené à se croiser plus d’une fois...

Quatre protagonistes principaux donc que l’auteur dissèque littéralement, revenant sur leurs passés respectifs souvent tumultueux, leurs états d’âme changeants avec la même lueur d’espoir qui semble les animer autour du Positano. L’hôtel en lui-même est un véritable personnage et ses rouages sont aussi détaillés que les hommes et les femmes qui en parcourent  les couloirs, chambres et salons. Les détails sont nombreux peut-être trop d’ailleurs ce qui aurait du m’alerter. L’auteur, sous couvert de nous offrir de sacrés portraits, délaie beaucoup et jusqu’à la moitié de l'ouvrage (pour ne pas dire plus), il ne se passe pas grand-chose. On doit digérer des chapitres entiers sur les techniques de bluff et de jeu au poker (perso, c’est pas ma tasse de thé, surtout si ça prend de telles proportions). En revanche, le background est excellemment planté avec un portrait plus vrai que nature de Las Vegas, ville d’espoirs et de désillusions avec des focus très intrusifs et saisissants sur les arrières cours, le quotidien des employés, des gens de l’ombre ainsi que les tractations et machinations en cours. Cette ville m’a toujours fasciné et je nourrissais même le désir d’y aller peut-être un jour, juste pour m’y balader (je ne joue jamais avec de l’argent) mais je vais finalement passer mon tour tant ce roman m’a vacciné.

Étrange sentiment donc que cette lecture qui n'est pas à la hauteur de ce que j'attendais, la faute sans doute à des personnages pour qui je n’ai guère éprouvé d’empathie (sauf Mary Ann), j’ai eu du mal à me raccrocher à eux, à vouloir suivre leurs parcours respectifs. Et pourtant, comme dit précédemment c’est fouillé, Dario Diofebi possède une plume vraiment magnifique, il a une vraie science des mots et propose des passages assez bluffants. L’ensemble pourtant m’est apparu peu digeste, âpre à appréhender et j’ai fini avec une certaine déception dans la bouche.

Mon avis détone un peu sur la blogosphère, cet ouvrage a plu, plaît et plaira à beaucoup. Il n’était sans doute pas fait pour moi malgré ses indéniables qualités littéraires. Comme je le dis parfois, à chacun de tenter l’aventure ou non !

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Commentaires
D
Je suis assez d'accord avec vous, Dario Diofebi a une plume très talentueuse pour bâtir à la force du poignet un tel roman-fleuve aux personnages extrêmement fouillés, mais hélas gavés de pensées parasites, comme vous dites, qui délayent le cours du livre. De plus, et là ça m'a gêné, c'est le côté propre sur lui du récit, pas un dérapage, pas une transgression, c'est d'un lisse. En fait on sent le poids d'une "relecture sensitive" telle que c'est la norme aux USA. Dommage
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