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Le Capharnaüm Éclairé
17 juin 2015

"Mort aux cons" de Carl Aderhold

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L'histoire: "Contrairement à l'idée répandue, les cons ne sont pas réformables ; les campagnes de prévention ou les actions pédagogiques n'ont pas de prise sur eux. Une seule chose peut les amener non pas à changer, mais du moins à se tenir tranquille : la peur. Je veux qu'ils sachent que je les surveille et que le temps de l'impunité est révolu. Je compte à mon actif cent quarante meurtres de cons. Afin qu'ils ne soient pas morts pour rien, je vous enjoins de lire ce manifeste. Il explique le sens véritable de mon combat." Qui n'a jamais rêvé de tuer son voisin le dimanche matin quand il vous réveille à coups de perceuse? Ou d'envoyer dans le décor l'automobiliste qui vous serre de trop près? Le héros de cette histoire, lui, a décidé un jour de passer à l'action.

La critique de Mr K: Lors d'une énième déambulation de chineur, je tombai sur le présent ouvrage dont la quatrième de couverture m'a de suite interloqué et séduit. Le concept est assez énorme en soi et en feuilletant quelques pages, je me rendis compte de la teneur très "littéraire" de l'écriture et son aspect cynique. Je craquai immédiatement, l'adoptai contre quelques menue monnaie sonnante et trébuchante et entamai la lecture quelques mois après. Je peux vous le dire aujourd'hui: j'ai adoré!

Le héros de Mort aux cons (si on peut l'appeler ainsi) est au départ un homme sans histoire. Il travaille et est marié à une femme qu'il aime. Sans enfants, ils aiment lire et suivre l'actualité. Il se dégage un petit parfum de bobotitude de son quotidien. Pourtant certaines choses l'agacent notamment l'isolement des gens les uns par rapport aux autres et l'indifférence qui peuple nos existences vaines (oui, il a des idées sur tout et tout le monde et ne se gène pas pour nous les livrer). Un jour de canicule sous l'effet de l'agacement il jette la chatte de la voisine par la fenêtre! Dans les jours qui suivent, il se rend compte que la solidarité humaine joue à fond auprès de la jeune femme anéantie par le chagrin. Il devient alors un serial killer d'animaux de compagnie! Mais très vite, les limites de son action apparaissent, les humains restent des humains, il va devoir se confronter à un combat beaucoup plus noble, d'une importance capitale, la lutte contre les cons dont voici le passage livrant la révélation à notre héros: Convaincu mais confus, contrit et content à la fois, confit un peu aussi, contrarié surtout… Encore aujourd'hui le contrecoup, le contre-choc, devrais-je dire, de cette considérable constatation me consterne. Comment n'y avais-je pas songé plus tôt? Les cons! Que de conjectures incongrues, que de contretemps contre-productifs et autres contrevérités malheureuses pour en arriver là! Confondant! Inconcevable! Confronté à ce constat si évident j'aurais volontiers congratulé Larivière, pour son concours concluant, et fêté de concert avec elle la consécration de mon combat. Je me consolais en pensant qu'on se confronte toujours au concret avant de comprendre le concept. Enfin, je tenais le fil par lequel j'allais dérouler la pelote. Tout devenait clair. Mieux, mes actions passées prenaient enfin leur sens véritable, comme des pièces d'un immense puzzle. Un horizon sans limites s'offrait à moi. Un continent à conquérir.

Commence alors l'abattage de cons à la chaîne qui n'épargne personne ni aucune classe sociale. A travers ses meurtres, le narrateur cherche à trouver la définition de la connerie à l'état pure, la définition ultime. Bien évidemment, il y a des tâtonnements et même parfois quelques erreurs! Les victimes s’amoncellent et très vite, on se rend compte que ce petit homme banal va devenir le plus grand meurtrier de l'histoire. La police patine tant les disparitions et meurtres ne peuvent être reliés entre eux, pensez-donc, le mobile est introuvable! Les voisins pénibles, les agents des impôts ou de l'ANPE désagréables, les chefs tyranniques, les intégristes de tout poil, les suffisants, ceux qui s'écoutent parler, les policiers adeptes de la bavure, les jeunes délinquants… j'arrête ma liste là car ce serait bien trop long d'aborder la question dans son ensemble car oui, la connerie est ce qu'il y a de mieux partagé au monde… D'ailleurs ne dit-on pas que nous sommes toujours le con de quelqu'un?

Ce livre est jubilatoire. L'auteur, Carl Aderhold, manipule comme personne l'humour noir et le cynisme. Grand malade en puissance, le narrateur s'adonne à une quête de vérité totalement délirante et improbable. En fait, il se livre à ce que chacun de nous à au moins pensé une fois: Qu'est-ce que je donnerai pas pour liquider cet(te) abruti(e)? Au fil des crimes, l'auteur nous livre ses remarques sur son cheminement de pensée, sur la société en général. Derrière la série d'actes criminels se cache en fait un miroir peu ragoutant de notre société et de nos mœurs, à travers cette histoire ubuesque l'auteur se plaît à analyser au chalumeau notre société de consommation en perpétuel changement et pas forcément pour le mieux. J'ai particulièrement aimé le passage sur une émission de télévision où un animateur - Robin des bois cherche à lever la vérité sur la disparition du caniche d'une vieille dame ou encore l'expérience du héros en tant que scénariste dans une production porno et qui fait lire à l'actrice principale un ouvrage de Platon sur l'Amour ce qui va retarder considérablement le tournage à cause d'interrogations métaphysiques autour du désir et de l'amour. Totalement branque et décalé, ce livre est vraiment une source de réflexion et de drôlerie à chaque page.

L'écriture est d'une grand beauté. Elle est exigeant car pointue et dense mais il ne fallait pas moins pour crédibiliser le propos et les actes ahurissants du narrateur. La lecture se fait aisée une fois le pli pris et c'est encore très rapidement que je venais à bout des 410 pages que compte ce livre. On rit beaucoup, on tombe des nues aussi face au déroulé de l'histoire et la fin vient nous cueillir dans un dénouement surprenant mais logique quand on y repense plus tard. Ce livre m'a donc beaucoup plu et j'invite chacun à tenter l'expérience tant elle se révèle truculente et enrichissante. Un petit bijou en plus dans mes rayonnages!

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Commentaires
M
J'aime bien le concept, j'irai le lire si je le trouve.
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