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Le Capharnaüm Éclairé
20 juin 2014

"La Madone au manteau de fourrure" de Sabahattin Ali

couv madonne

L'histoire: À la fin de la Première Guerre mondiale, le père de Raif Efendi, producteur de savon, l'envoie à Berlin pour y apprendre le métier.
Le jeune Turc s'éprend de l'image d'une femme, celle d'une certaine Maria Puder dont il admire l'autoportrait au cours d'une exposition, un tableau intitulé La Madone au manteau de fourrure en raison de la ressemblance avec la Madonna d'Andreas del Sarto.
Fasciné par sa beauté et son port de reine, il tombe fou amoureux de Maria sans jamais l'avoir vue.
Quelques jours avant sa mort, il apprend la vérité sur le sort de sa "madone"...

La critique de Mr K: Voici le compte-rendu de ma première lecture tirée du superbe lot de livres déniché à prix plus que modique lors d'une razzia récente (du moins au moment où j'écris cette chronique). C'est la quatrième de couverture de "La Madone au manteau de fourrure" qui m'a attiré l'œil présentant une histoire d'amour qui paraissait fortement teintée de romantisme. Je ne connaissais pas du tout l'auteur avant de lire cet ouvrage, ce fut une très belle découverte comme vous allez pouvoir le lire.

Le narrateur après une expérience malheureuse dans un poste de banquier trouve un nouveau travail grâce à une ancienne relation. Il va se retrouver dans une autre entreprise commerciale où il va partager son bureau avec un certain Raif Efendi. Mais peu à peu, ce dernier ne vient plus au bureau de façon régulière, bientôt il se fait même rare. Un lien d'amitié ténu s'est tissé entre eux et le narrateur va souvent au chevet de son ami qui semble souffrir d'une étrange maladie et ceci dans l'indifférence totale de sa famille. Un jour, il met la main sur un carnet intime relatant la jeunesse de Raif Efendi, ce dernier lui permet de le lire à la condition de le brûler immédiatement le lendemain.

Commence alors pour le narrateur et le lecteur une plongée immersive à souhait dans le Berlin des années 30. Peu ou pas de références directes au régime hitlérien, on suit simplement la vie au quotidien d'un jeune déraciné turc qui est sensé se former au métier de savonnier. En fait, le jeune homme a soif d'expériences nouvelles et s'émerveille devant cette Europe à la fois proche géographiquement de son pays d'origine et lointaine de part ses mœurs. Le grand choc de sa vie va intervenir un matin par hasard quand il se promène dans une exposition picturale sur les nouveaux maîtres de la peinture. Il tombe nez à nez avec un autoportrait saisissant qui provoque chez lui un choc émotionnel à nul autre pareil: il tombe raide dingue amoureux de cette Maria Punder. Il va finir par la rencontrer et ils vont entamer une relation particulière entre compromis, amitié, amour platonique et élans amoureux irrépressibles. Il plane au dessus d'eux une sorte de fatum insidieux qui va finir par frapper dans les ultimes pages du roman.

Ce roman de 200 pages est une petite merveille de concision et de justesse. Sa grande force réside dans le caractère et l'interaction qu'il existe entre les deux personnages principaux. Ciselés à souhait, on s'attache à eux presque immédiatement et même si parfois, certaines de leurs réactions peuvent agacer ou surprendre, c'est toutes les nuances des relations amoureuses qui sont abordées ici. D'un côté, vous avez un jeune turc un peu déphasé par rapport au lieu où il se trouve, timide et d'une grande sensibilité qui est profondément épris d'une femme qui le fascine et qu'il désire ardemment. De l'autre, vous avez Maria, une femme artiste qui ne fait plus confiance aux hommes et semble apprécier pour la première fois la compagnie d'un des leurs, le trouvant non intéressé et compréhensif comme aucun autre, cependant elle semble elle aussi taraudée par le désir ou du moins à quelque chose qui lui ressemble fortement. Entre ces deux là, un lien incroyable semble prêt à éclore au fil de leurs rendez-vous, repas au restaurants et autres promenades. La valse des sentiments s'engage très vite mais nul ne peut deviner à l'avance où elle va les conduire. Le lecteur ressent ce trouble, les doutes qui l'accompagnent et l'indécision qui règne en maître entre ces deux êtres esseulés. La catharsis fonctionne à plein régime et on est ballotté à merveille par un auteur diablement efficace.

En effet, ce roman est d'une rare beauté littéraire. L'écriture de Sabahattin Ali est d'un raffinement et d'une élégance rare, cela se ressent dans sa syntaxe et dans le vocabulaire employé. Le dépaysement est total dans la forme et renforce le caractère unique de cet ouvrage. N'allez pas croire que le lecture est exigeante et difficile. Bien au contraire, tout semble naturel et aller de soi, l'écriture sert à merveille le souffle romantique de cette histoire et l'on ne peut que se laisser porter par les vents de l'espoir qui soufflent dans ces pages. On en vient donc bien à bout et lorsque l'on referme cet ouvrage, on prend conscience d'avoir lu un petit bijou oriental.

Laissez-vous tenter, vous ne le regretterez pas!

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