vendredi 27 novembre 2020

"Petit traité d'intolérance" de Charb

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Le contenu : Vous trouvez touchants les dessins d'enfants affichés au bureau ? Sexy, les filles qui boitent, torturées par leurs chaussures à talons ? Accueillants, les hôtes qui insistent pour vous offrir "quekchose" à boire quand vous arrivez chez eux, comme si vous veniez de traverser le désert de Gobi ? Alors, ce livre n'est pas fait pour vous ! Tous ces détails de la vie quotidienne qui enchantent Amélie Poulain donnent plutôt à Charb l'envie de distribuer des fatwas !

La critique de Mr K : Dans une époque qui se révèle de plus en plus effroyable, il me semble important de revenir parfois à l’essentiel : NOTRE liberté d’expression qu’il faut défendre envers et contre tous s’il le faut. À l’heure où des dirigeants étrangers pour le moins excités ameutent les foules pour qu’elles déversent leur haine et provoquent par ricochet des actes innommables, il me paraissait primordial de lire un ouvrage qui décape, rugueux et représentant à merveille l’espace de liberté que nous offre notre République. Alors certes, le Petit traité d’intolérance du très regretté Charb m’a paru inégal voire déplaisant parfois mais il a le mérite d’exister et pour cela il faut je pense y jeter un œil.

Sous la forme de cinquante petites chroniques acides et fulgurantes, il revient sur ce qu’il considère comme des travers et des choses exaspérantes du quotidien. Garanti 100% mauvaise foi, l'auteur passe en revue une multitude de personnes et de thèmes du plus cocasse au plus sérieux. Chaque chronique est écrite à la manière d’une fatwa en commençant dans son titre par Mort aux... : de la tong aux petits actionnaires, en passant par les moustaches de Bachar Al-Assad, aux festivals et mêmes aux couilles, tout le monde y passe ou presque !

Il n’y a pas de fil conducteur, de continuité entre les différents textes présentés. On passe donc du coq à l’âne avec un plaisir certain et parfois quelques réticences je l’avoue. Selon notre sensibilité, forcément il y a des choses dont on n’arrive pas à rire et c’est justement là que réside l’âme républicaine à la française. On n'est pas forcément d’accord et ce n’est pas pour autant qu’il faut censurer et interdire tant que l’on reste dans les limites fixées par la loi, limites que je trouve personnellement bien établies et justes (interdiction de diffamer, d'appeler à la haine ou au meurtre etc...). Le ton est volontiers acide ici, agressif parfois, on grince des dents parfois mais on rit énormément et l’on s’amuse de ces flèches assénées de manière vigoureuse qui révèlent bien souvent les défauts larvés de notre société comme l’égocentrisme érigé comme règle sociale, le consumérisme et l'apparence notamment.

J’ai lu ce Petit traité d'intolérance très vite mais par petites doses pour ne pas frôler l’indigestion. La structure / forme est la même pour chaque chronique et pour éviter une forme de lassitude (les textes sont très courts, une page et demi à chaque fois), il est bon de les intercaler avec d’autres lectures (comme le Canard enchaîné par exemple pour ma part). Entre ironie, cynisme et exagérations on passe un très bon moment et l’on se dit que malgré tous les défauts que l’on peut nous trouver (parfois à raison), c’est bon d’être citoyen français et de sentir libre. No pasaran !

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vendredi 13 décembre 2019

"Gare au garou !", anthologie présentée par Barbara Sadoul

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L’histoire : Dans la nuit, quelqu'un crie au loup. A-t-il rêvé ? Ou la pleine lune annonce-t-elle le retour d'une créature de légende ? La métamorphose d'un homme, intégrale ou non, consciente ou pas, provoque toujours un sentiment de fascination et d'horreur... Qui sera le garou : un être nouveau, un personnage funeste ou miraculeux ?

Huit auteurs (de Pétrone à Brad Strickland) nous présentent leur vision du mythe de l'homme-loup et nous font découvrir ses différentes facettes. Et si Claude Seignolle et Suzy McKee Charnas s'attachent à raconter les confessions de la créature, Robert E. Howard nous plonge dans un univers où transformation rime avec abomination.

Mais une question centrale demeure : du bipède ou de l'animal, qui s'avérera le plus enclin à se laisser emporter par ses instincts primitifs ? Car, au final, n'est-il pas plus difficile d'être un homme qu'un loup, comme le suggère Bruce Elliott ?

La critique de Mr K : Avis aux amateurs de grandes créatures poilues amatrices de chair fraîche aujourd’hui avec cette anthologie de Barbara Sadoul Gare au garou !. J’avais déjà lu et apprécié trois volumes de nouvelles fantastiques recueillies par ses soins et j’avais apprécié le mix improbable des époques et des styles. On reprend ici la même recette avec nos amis lycanthropes au cœur de tous les textes. De vieux classiques à des visions plus contemporaines, on balaie ici un vaste panorama de focus différents sur cette créature mythique à la fois repoussoir et fascinante. Après une introduction fort instructive sur l’évolution du mythe et la symbolique qu’on peut y déceler, on rentre vite dans le vif du sujet.

On commence fort avec un extrait du Satyricon de Petrone où il nous raconte la mésaventure d’un jeune homme accompagnant par mégarde un être hybride. Deux pages seulement composent ce texte qui garde une fraîcheur étonnante vu son âge. Qui a dit que les œuvres du premier siècle avant J.-C. étaient poussiéreuses ? On enchaîne d’ailleurs avec un texte moyenâgeux de Marie de France tiré de ses fameux lais. Dans Bisclavret, elle nous livre un récit chevaleresque typique de l’époque où un homme lycanthrope se fait voler son amour par une traîtresse. Mais la bougresse ne perd rien pour attendre ! Cette nouvelle est terrible, efficace, diablement bien écrite et le final vaut son pesant d’or.

Sur l’autre rive d’Eric Steinbeck est déjà plus récent (mi XIXème siècle) et propose le texte le plus poétique du recueil. Un village se trouve près d’un cours d’eau qui semble séparer le monde en deux. Gare à celui ou celle qui serait tenter de le traverser, attirer par de mystérieuses fleurs au charme vénéneux ! Très beau texte entre onirisme et fantastique pur, on aime se laisser balader par un auteur à la langue gracieuse et au charme intemporel. Un beau coup de cœur ! S’ensuit Le Chien de la mort de Robert E. Howard. L’auteur de Conan de barbare se surpasse en proposant un court texte aussi flippant qu’immersif. Un homme poursuit un fugitif dans une forêt sombre mais le danger ne viendra pas forcément d’où il pense. Ambiance crépusculaire, faux-semblants et coups de théâtre qu’on ne voit pas venir son au RDV. J’ai adoré !

Bruce Elliott prend la suite avec Hors de la tanière, un texte terriblement malin où il inverse le phénomène : un loup se réveille dans la peau d‘un humain dans une cage ! Le procédé avait déjà été effectué par Ursula Le Guin par le passé mais ça marche encore. Le texte est très intimiste, on vit littéralement l’expérience à travers les sentiments et perceptions de ce loup totalement désappointé. Le récit bien mené va jusqu’au bout de son concept et l’on ressort vraiment épaté par ce court texte. Le Gâloup de Claude Seignolle n’est pas de la même trempe, j’aime beaucoup l’auteur mais cette chasse au loup-garou m’a semblé pesante et la vingtaine de pages m’a paru bien longue. Je suis un peu déçu étant amateur du monsieur. Mais bon... personne n’est parfait !

Malgré un titre des plus rigolos, Nibard de Suzy Mckee Charnas est sans doute la nouvelle la plus réussie du recueil avec cette histoire de jeune fille harcelée pour cause de poitrine prononcée qui va prendre sa revanche car depuis l’apparition de ses règles, elle change d’apparence à chaque pleine lune ! Un récit frais, une héroïne très attachante et des branleurs qu’on aimerait bien punir sévèrement composent un texte âpre, sec et qui claque ne ménageant personne et explorant en profondeur son protagoniste principal. Pour terminer, Brad Strickland avec Et la Lune brille pleine et lumineuse propose un récit SF bien tenu où il nous présente le dernier loup garou dans un monde où la Nature en net recul a laissé la place à l’artificialisation de la Terre par un Homme qui décidément n’a rien compris. Étonnant et déstabilisant, j’ai aimé cette variation peu commune du mythe.

On passe donc d’excellents moments avec ces différents textes qui ont tous leur particularité et apportent chacun leur pierre à l’édifice. Le mythe du loup-garou a toujours nourri l’imagination et au-delà de la description d’une créature monstrueuse, aux appétits voraces, on peut y voir de temps à autre un miroir, une introspection sur notre nature profonde et sur la difficulté à être humain tout simplement. Le recueil vaut donc le détour pour tous les amateurs de fantastique et à l’occasion de petits frissons bien sentis. L’hiver se prête bien au jeu je pense, laissez-vous tenter !

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mercredi 14 août 2019

"Le Bal des débris" de Thierry Jonquet

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L’histoire : Coucou, c'est nous qu'on est les vieux !
On croupit dans la cour de l'hospice, avec nos cannes et nos bérets, et nos copines les vieilles ! Les infirmiers sont adorables : ils nous font des niches ! Et pour Noël, comme on a été sages, on aura droit à un bal masqué !
Tout ça c'est bien joli, mais faudrait quand même voir à quitter cet enfer...

La critique de Mr K : Un petit tour auprès de Thierry Jonquet aujourd’hui avec le très court roman Le Bal des débris sorti en 1998. Il traînait dans ma PAL depuis un bout de temps ce qui en soit est un exploit quand on connaît mon amour immodéré pour cet auteur à la langue virtuose, maligne et aux scénarios sans pitié et engagés. Ergothérapeute un temps en hôpital avant de devenir écrivain à plein temps, Jonquet nous convie à lire un polar servi bien noir qui dépote ! Suivez le guide.

Frédo pousse des chariots dans un hôpital spécialisé dans la gériatrie. Payé au lance-pierre, pas des plus motivés par son activité, il traîne son ennui du haut de ses 24 ans. Il vit avec sa compagne, une pasionaria de la CGT dans un petit appartement sans prétention. Le quotidien morose des tâches rébarbatives va changer du tout au tout avec l’hospitalisation d’Alphonse, un monte-en-l’air reconverti en plombier zingueur. Ensemble, ils décident de monter le coup d’une vie. En effet à l’hôpital une vieille dame internée depuis peu fait appel à des agents de sécurité privés pour garder sa chambre H24. Il n’y a pas de fumée sans feu et très vite les deux compères découvrent que la riche veuve possède une parure de diamants fort alléchante... Bien évidemment, rien ne va se passer comme prévu, ce serait trop facile... Et l’on peut compter sur Jonquet pour nous livrer une histoire bien retorse.

En 126 pages, l’auteur réussit le tour de force de nous tenir en haleine sans discontinuer. Après deux brefs chapitres introductifs qui permettent de se familiariser avec les principaux protagonistes, la machine se met en route et rien ne l’arrête jusqu’au dénouement. On est dans un cas d’école avec la trame classique d’une opération qui permettrait aux complices de changer de vie. Découverte de la cible, la rencontre entre les deux hommes qui se rapprochent, l’élaboration du plan, le déroulé qui déraille et finalement un acte final aussi étonnant que déroutant avec sa fin ironique qui m’a personnellement fait jubiler. On ne s’ennuie pas une seconde et l’on retrouve toute la science de Jonquet pour bien mener sa barque, faire interagir les différentes informations distillées au compte-goutte.

La patte littéraire est une fois de plus cruelle et sans concession. Il faut voir la description qu’il fait de l’assistance publique, des conditions de travail éprouvantes des personnels, le manque de considération de certains personnels envers leurs patients, la course au profit au détriment de la solidarité nationale... Le ton est cinglant et personne n’en sort réellement indemne. Bien engagé à gauche, on sent le vécu derrière la plume avec quelques descriptions fort réalistes du milieu hospitalier et son fonctionnement interne. Et puis, il y a les personnages principaux, êtres en déshérence qui souhaitent changer de vie et remettre les pendules à l’heure. Cela donne des portrait touchants qui donnent à voir des destinées parfois brisées ou en stand by. J’ai bien aimé aussi le portrait des pensionnaires de l’hospice qui oscillent entre folie, sénilité et parfois puérilité, avec des vieux de la vieille prêts à faire des conneries pour égayer leur existence. Loin d‘être irrévérencieux envers nos anciens, ce roman offre un regard distancié et ironique qui m’a parlé entre sourire et larme.

Se lisant d’une traite, Le Bal des débris fascine, hypnotise et relâche sa proie après quelques heures de plaisir intense. Très bien écrit car franc et direct dans son style, ne cherchant pas à épater la galerie mais plutôt à embarquer le lecteur dans une histoire à tiroirs, voila un bon polar qui ravira les fans et permettra à ceux qui ne connaissent pas encore Jonquet d’y faire leurs premiers pas avant d’attaquer le sérieux avec Moloch, Mygale ou encore Les Orpailleurs.

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Les Orpailleurs
- Le Pauvre nouveau est arrivé !
Moloch
Mémoire en cage
La bête et la belle
La vie de ma mère !
Mygale

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vendredi 8 février 2019

"La Fille du capitaine" d'Alexandre Pouchkine

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L'histoire : Nous sommes en 1773 : en route pour un fortin perdu au milieu de la steppe, où il doit faire ses premières armes d'officier, Piotr Griniov voit surgir de la tempête de neige un vagabond dans lequel il reconnaîtra bientôt l'usurpateur Pougatchov. Les aventures alors s'enchaînent.

La critique de Mr K : Pourtant grand fan de littérature russe, Alexandre Pouchkine m'avait évité jusque là. C'est au hasard d'une déambulation à notre Emmaüs chéri que je tombai sur le présent ouvrage qui me tendait ses petites pages implorantes. Considéré comme un des premiers grands classiques russes, La Fille du capitaine fait la part belle à l'Histoire, l'aventure et le romanesque. Autant de points qui ne pouvaient que me séduire. Je suis ressorti enchanté de cette lecture.

Âgé de 17 ans, Piotr Andréievitch Griniov est envoyé par son père rejoindre l'armée de l'impératrice russe loin de sa ville natale dans les confins de l'empire au sud de l'Oural. Il est accompagné pour cela par son fidèle serviteur et ensemble ils débutent un voyage difficile. Après quelques péripéties et une rencontre impromptue, les voilà arrivés au fort de Biélogorsk dans la province d'Orenbourg, lieu de son affectation. Il y fera la connaissance de Maria, la fameuse fille du capitaine et très vite de doux sentiments naissent entre les deux jeunes âmes. Mais le destin est capricieux et va continuellement leur jouer des tours sous fond de révolte cosaque ne laissant aucun répit au lecteur durant les 129 pages qui composent ce livre.

Ce qui m'a étonné et aussi plu au final dans cet ouvrage, c'est sa simplicité. Gros lecteur de Tolstoï et Dostoïevski, je m'attendais à quelque chose de très dense, à des descriptions dithyrambiques, caractéristiques langagières que j'affectionne tout particulièrement chez les grands auteurs russes. On est aux antipodes de cela ici avec un texte plutôt léger, avec très peu de caractérisation des personnages et une priorité donnée à l'action et aux péripéties. Il y a presque un aspect "conte" dans ce récit mouvementé, qui enchaîne les rebondissements. Pas le temps de s'ennuyer, l'auteur allant à l'essentiel et prenant un malin plaisir à jouer avec ses personnages comme Nana (notre chat) avec les souris du jardin. Il n'y a donc pas de détours ou de digressions, l'histoire se concentrant sur les aventures hautes en couleur, palpitantes et touchantes de Piotr, jeune homme fougueux un peu niais et emprunté qui va au fil du récit découvrir beaucoup sur lui-même.

Un charme désuet se dégage de cette lecture où l'on a l'impression de voyager dans le temps avec des personnages bien marqués par leur époque. On ne plaisante pas avec l'honneur par exemple et chacun semble mû par des convictions fortes quelque soit le côté de la barrière où l'on se trouve. Tout le monde est aussi perfectible et Pouchkine s'amuse à croquer ses errances fugitives qui ne manquent pas de rajouter du piment à l'ensemble. Bien que caricaturaux pour la plupart (le jeune héros a toute les qualités, le serviteur est vraiment d'une dévotion extrême pour un serf), les personnages restent attachants et donnent un grand intérêt à ce récit enlevé. J'ai tout particulièrement apprécié Pougatchov qui pour le coup est plus nuancé car capable à la fois de grande cruauté mais aussi de clémence. Son évolution est intéressante surtout qu'il s'agit d'un personnage qui a vraiment existé.

Se lisant extrêmement bien avec un plaisir renouvelé, j'ai aimé cette première incursion chez Pouchkine qui à travers une histoire classique dresse en filigrane un portrait de la société russe de l'époque et procure une addiction immédiate. Un bel essai pour un premier contact qui appelle d'autres lectures. Qui sait... Peut-être d'autres ouvrages m'attendent au détour d'un futur chinage ?

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jeudi 13 décembre 2018

"La Ligne verte" de Stephen King

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L'histoire : Octobre 1932, pénitencier d'État, Cold Mountain, Louisiane. Le bloc E, celui des condamnés à mort, reçoit un nouveau pensionnaire : John Caffey rejoint ceux qui attendent de franchir la ligne verte pour rencontrer la chaise électrique, Miss Cent Mille Volts. Mais Caffey n'est pas comme les autres. D'accord, on l'a retrouvé auprès des cadavres ensanglantés de deux petites filles, mais il est étrangement absent. Jusqu'au jour où Paul, le gardien-chef, tombe malade et alors une terrible vérité semble s'esquisser. Qui est ce prétendu meurtrier aux pouvoirs étranges ? Qui dresse Mister Jingles, l'étrange souris, bien trop intelligente ? Quand Paul commence à répondre à ces questions, il sent que personne dans le bloc E ne sortira indemne de la rencontre avec John Caffey.

La critique de Mr K : Voici un titre qui m'échappait depuis un certain temps. Je l'avoue, j'ai eu beaucoup plus jeune une grosse période Stephen King, un auteur qui me faisait frissonner comme personne et qui m'avait bluffé à plusieurs reprises avec notamment des titres comme Shining, Simetière ou encore le fabuleux recueil de nouvelles Danse macabre. C'est pendant un chinage que je tombai sur l'édition originale de La Ligne verte (magnifiques couvertures !), un récit écrit à la manière des feuilletonistes d’antan et dont j'ai déjà vu plusieurs fois l'adaptation en film. Il ne m'a pas fallu plus de cinq secondes pour me porter acquéreur des six volumes pour enfin pouvoir me faire ma propre idée sur cette histoire dans sa version littéraire.

Le narrateur Paul écrit depuis sa maison de retraite où il attend sa fin. À travers des feuillets qu'il écrit régulièrement, il revient sur des événements marquants de sa vie lorsqu'il était gardien chef du quartier des condamnés à mort d'une prison d'État de Louisiane dans les années 30 durant la Grande Dépression. Homme de principe, il vit alors pour son travail et sa famille dans une routine qu'il a fait sienne et qui lui convient malgré l'omniprésence de la mort. L'arrivée d'un colosse noir accusé d'un crime atroce va chambouler les existences bien réglées de l'équipe qu'il dirige, révéler la nature de chacun et même explorer les mystères de la foi et du surnaturel.

Il faut bien l'avouer, Stephen King est un redoutable conteur et une fois le premier volume entamé, il ne m'a pas fallu longtemps pour tomber dans le piège, devenir addict et enchaîner les heures de lecture. Style simple et direct, personnages charismatiques (bien que caricaturaux) et récit enlevé sont les principales force de cette histoire toujours aussi séduisante. Certes, il n'y a aucune réelle surprise comme j'avais vu l'adaptation cinématographique auparavant (très fidèle soit dit en passant) mais on se laisse porter par l'ensemble entre plaisir, révolte et grande tristesse. Ah, il s'y connaît le King pour faire monter la sauce, exacerber les tensions et nous faire bondir dans notre fauteuil ! D'ailleurs, je dois bien avouer que certains passages sont vraiment too much, notamment le personnage-repoussoir de Percy qui à mes yeux n'est vraiment pas crédible car véritable incarnation du Diable. Bon, on connaît l'aspect manichéen qui habite les œuvres du maître de l'horreur mais là c'était trop. Ce qui passe en film est souvent moins digeste en littérature...

Heureusement, il y a les autres personnages qui rattrapent l'ensemble avec leurs contradictions et leur simplicité somme toute humaine (notamment l'équipe de surveillance). Gardiens comme prisonniers sont décrits, mis en action avec finesse, tendresse et beaucoup d'efficacité. Peu de temps mort à déplorer, les flash-back, descriptions et autres sources d'information se mêlent à l'histoire qui avance à un rythme soutenu. Pêle-mêle, j'ai adoré le personnage de Paul (notamment ses rapports avec sa femme), mais aussi Dean le jeune père de famille un peu en retrait, Brutal le gros ours au cœur tendre, Mr Jingles la souris apprivoisée par Delacroix un prisonnier attendrissant malgré le crime qu'il a commis. Et puis, évidemment, il y a John Caffey, le mystérieux détenu qui semble posséder des pouvoirs divins, victimes expiatoires de la cruauté des hommes et qui semble accomplir miracles sur miracles. Là encore, on tombe dans la caricature outrancière à grosses ficelles mais sa naïveté naturelle, son absence totale de cupidité et d'ambition ne peut que faire fondre le lecteur et il est bon parfois de revenir aux fondamentaux. On finit la lecture sur les genoux, les yeux baignés de larmes et même si c'est téléphoné, c’est efficace. Une sorte de terrorisme psychologique comme disait Björk à propos de l'histoire de Dancer in the Dark de Von Trier, un de mes films cultes.

Au final, je suis donc partagé entre un plaisir de lire évident pour une histoire qui marque les esprits et un sous-texte tout de même simpliste et réducteur à 10 000 lieues de ce que révèle être la nature humaine, subtile mélange contradictoire qui n’apparaît pas trop ici (les gardiens principaux et les détenus sont vraiment tous très sympas, c’est magique !). Je dirai qu'on a ici face à nous une œuvre purement récréative, un super brûlot anti peine de mort (ça tombe bien, j'ai toujours été contre) mais pour la nuance on repassera. Dommage dommage car c'est justement ce qui nous manque dans le monde d'aujourd'hui : de la pondération ! Je garde tout de même un avis positif sur ce livre car il a le mérite vraiment de faire passer un bon moment, notamment pour les plus jeunes qui y trouveront des trésors d'humanité qu'ils pourront à leur tour cultiver.

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jeudi 9 août 2018

"La Dimension fantastique" volume 3, Anthologie présentée par Barbara Sadoul

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Le contenu : Pauvre diable ! Le voici qui tombe sur un os ! Le simple mortel à qui il est venu proposer son odieux marché n'a pas d'âme... Comment donc pourrait-il s'en emparer ? D'ailleurs, le sac d'âmes qu'il tente d'emporter est si lourd qu'il lui faut trouver l'aide d'un saint homme pour le soulever.
Le diable n'est pas seul à souffrir... Et les dix nouvelles ici réunies proposent bien d'autres sortilèges. Messages d'outre-tombe, statues animées, génies farceurs, masques grimaçants, voyageurs temporels ou manifestations inquiétantes des éléments déchaînés... Bienvenue dans la dimension fantastique !

La critique de Mr K : Je bascule du côté obscure aujourd’hui avec ma chronique sur le troisième volume de l’anthologie de nouvelles fantastiques initiée par Barbara Sadoul chez Librio. Les deux premiers volumes avaient été de franches réussites, j’ai laissé passé un peu de temps avant d’entamer celui-ci. On est dans la même veine et malgré des textes inégaux, on ressort content de sa lecture et les amateurs de fantastique seraient bien inspirés de se pencher sur son cas !

Barbara Sadoul nous propose à nouveau dix nouvelles du genre fantastique avec un balayage assez large en terme de nationalité et d’époque. Ainsi, se côtoient dans ce volume 3 des auteurs très classiques comme Flaubert, Hugo, Dumas et Wilde, mais aussi des plus récents comme Jodorowsky, Bradbury ou encore Brown. Les thématiques sont elles aussi assez variées avec des histoires de monstres, de Diable, d’esprit et de quotidien totalement chaviré par l’irruption d’un événement totalement imprévu. Pas de doute, on est au bon endroit si l’on aime frémir légèrement et/ou être mené par le bout du nez par des auteurs diaboliques.

Je ne reviendrai pas sur chacun des courts textes qui composent ce recueil, je vous laisse découvrir la primeur du contenu. Sachez simplement que le suspens est au rendez-vous, les situations parfois très cocasses ou totalement terrifiantes (le texte de Bradbury est énorme !). Le cahier des charges est respecté à la lettre avec tous les ingrédients qui font la force de ce genre que j’apprécie tant : une normalité exposée de manière claire, un élément déclencheur que l’on ne voit pas forcément venir, des personnages déroutés de leur trajectoire qui commencent à perdre pied et une confluence entre rêve / cauchemar / réalité qui finit par prendre à la gorge les protagonistes et même parfois le lecteur lui-même.

Certes, certains textes sont plus légers, moins percutants mais l’ensemble est cohérent, bien agencé et donne à voir de multiples facettes de ce genre si riche. De manière générale, les textes sont très accessibles (à part un ou deux à l’écriture vieillotte - ce qui ne me dérange pas d’ailleurs -) et font mouche en terme de chute finale. Décidément, cette collection vaut le coup d’œil, avis aux amateurs !

Déjà lus et chroniqués de la même série au Capharnaüm éclairé :
- La Dimension fantastique, volume 1
- La Dimension fantastique, volume 2

mardi 24 juillet 2018

Incartade recyclage !

À l'occasion d'une après-midi soldes pour occuper une journée de mauvais temps (la seule depuis des semaines, yes !), Nelfe et moi nous sommes arrêtés zieuter à la recyclerie de Lorient. L'occasion pour nous de partir en quête de verres à pied que j'ai l'indélicatesse de régulièrement casser et qu'il faut donc renouveler. Nous sommes revenus broucouille à ce niveau là... Par contre, une fois de plus, le rayon livre s'est révélé fourni et quelques titres m'ont fait tellement de charme que je n'ai pas pu résister ! Jugez plutôt...

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- Histoires d'ici et d'ailleurs de Luis Sepulveda. Il m'est tout bonnement impossible de résister à cet auteur et comme ce recueil m'avait échappé jusque là... Sepulveda nous raconte le Chili à travers 25 courts contes, celui de l'après Pinochet que l'auteur redécouvre lors de son retour d'exil. Je m'attends à une belle claque entre humanisme, dénonciation de la dictature et regard naturaliste sur le pays natal.

- Le Riz de Shahnon Ahmad. Dur dur de résister à un ouvrage de chez Babel surtout que celui-ci a très bonne réputation. Chronique familiale sur la paysannerie asiatique, ce roman à valeur presque documentaire selon l'éditeur met le riz au centre de tout et quand les nuages de mauvais augures s'amoncèlent, on fait bloc pour survivre et continuer sa culture. On nous promet un roman haletant et envoûtant, faisant la part belle au cycle de la nature. J'ai bien hâte de m'y mettre !

- L'Heure des fauves d'Andrew Klavan. Voici le plaisir coupable de mon craquage, un roman de la collection Terreur de chez Pocket. L'histoire est bien étrange avec une femme qui disparait du monde au sens littéral, elle existe physiquement mais plus personne ne la connaît. D'ailleurs, il semblerait qu'un double ait pris sa place... Ubiquité ? Assassin ? Victime ? C'est un sacré mystère qui semble entourer l'héroïne. Il me tarde de démêler le vrai du faux.

- Le Soleil de minuit de Pierre Benoît. Récit d'un amour perdu puis retrouvé, je ne connais pas ce court roman d'un auteur que j'ai lu il y a longtemps et que j'ai à chaque fois apprécié (notamment le toujours très bon L'Atlantide). Le héros réussira-t-il dans ce roman à résister à la passion qui l'anime quand il revoit la belle princesse Armide ? Où va-t-il laisser tout tomber (famille, travail) pour succomber à la tentation ? Wait and read.

- La Maison des hommes vivants de Claude Farrère. Auteur méconnu mais talentueux, à cheval sur deux siècles, Claude Farrère a écrit nombre de bons récits fantastiques. Celui-ci est un des plus connus, je n'ai pas raté l'occasion de m'en porter acquéreur. Le  personnage principal navigue entre rêve et réalité, suite à une randonnée en pleine landes où les éléments semblent ligués contre lui, le voila prisonnier d'une étrange demeure où il ne semble plus maître ni de sa vie ni de sa mort ! Bizarre, bizarre... Le résumé vaut la peine de se pencher sur la question, non ?

- Chopin - Valses aux éditions Choudens. Vous n'êtes pas sans savoir que ma très chère Nelfe est pianiste depuis son plus jeune âge, quel ne fut pas son bonheur de tomber sur ces partitions d'un de ses compositeur préférés ! Bon, certains morceaux font doublon avec d'autres partoches déjà en sa possession mais voici une belle édition qui va venir enrichir sa petite collection !

Petit craquage donc mais de belles promesses dans les lectures à venir. J'aime aider au recyclage et cela donne bonne conscience... du moins si on ne regarde pas trop sa PAL qui grandit inexorablement !

mercredi 23 mai 2018

Craquage chez l'abbé (part II)

Mieux vaut tard que jamais, voici enfin le billet sur la deuxième partie du craquage assez conséquent que nous avons commis à notre Emmaüs chéri en février dernier ! Place aujourd'hui à la selection de livres contemporains après les mondes imaginaires entraperçus lors du précédent post.

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(Oooooh... ils sont beaux !)

Comme vous pouvez le constater, on s'est bien lâché ! Entre découvertes aléatoires et livres recherchés, nous nous sommes gâtés avec notamment quelques pièces attendues depuis des années et qui vont rejoindre la PAL pour quelques moments d'éternité tant ils risquent de ne pas y rester très longtemps. Comme la gestion d'une PAL est une chose très compliquée et source de discorde, je ne donnerai ni de titres ni de délai pour éviter de m'enfoncer... Quoi ? Nelfe me dit que je le fais déjà tout seul... Pas faux... Allez, trêve de bavardages et passons aux choses sérieuses. Roulement de tambour, les présentations peuvent commencer !

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(À tout seigneur tout honneur, débutons par les grands formats !)

- La Variante chilienne de Pierre Raufast. Un drôle de roman que celui-ci qui m'a interpellé par sa quatrième de couverture intrigante. Un homme collectionne ses souvenirs dans des bocaux et à chaque fois qu'il en ouvre un, c'est l'occasion pour l'auteur de tisser des histoires qui s'entremêlent et se répondent entre elles. Comme j'aime beaucoup cette maison d'édition (c'est celle de Xavier Mauméjean, un auteur que je ne saurais que trop vous conseiller), je me suis jeté à l'eau. La lecture sera mon seul juge n'ayant pas cherché ici ou là à en savoir plus.

- Les Échoués de Pascal Manoukian. Ouvrage sur le drame des migrants, il se déroule en 1992 bien avant le raz de marée humanitaire qui se joue encore aujourd'hui. À travers quelques personnages déracinés, l'auteur nous invite à partager ces trajectoires brisées qui se lancent à l'assaut de la forteresse Europe avec leur lot de malheurs et de désillusions. Un livre à priori poignant et qui fera sans doute douloureusement écho à notre actualité honteuse où on l'on peut par exemple en France être poursuivi pour délit de solidarité. Un livre qui je l'espère marchera sur les pas du fabuleux Eldorado de Laurent Gaudé.

- L'Esprit de l'ivresse de Loïc Merle. Un livre qui traite d'une révolte imaginaire dans les quartiers difficiles de France, sempiternels oubliés de notre République pas si égalitaire que cela (voir le sort réservé au rapport Borlo par Micron Ier). C'est une thématique - la banlieue, les cités - qui me touche particulièrement pour y avoir enseigné en début de carrière pendant de nombreuses années. Le point de vue ici est différent car tout est raconté à travers les yeux d'une seule personne qui assiste impuissante à l'inéluctable embrasement de son quotidien. L'auteur ayant été journaliste dans une première vie, je suis curieux de voir le résultat. 

- Touriste de Julien Blanc-Gras. Voici un auteur qui m'avait fait forte impression lors de ma lecture de Briser la glace. Belle plume, ton original alliant drôlerie et prise de conscience écologique, je me jetai sans réfléchir sur ce titre qui me tendait ses petites pages. Il s'agit ici d'un roman géographique où le narrateur décide de voyager un peu partout dans le monde et de raconter son parcours de touristes entre découvertes, déconvenues et parfois quelques situations hors du commun. M'est avis que ce titre ne restera pas longtemps dans ma PAL, je prévois de le lire justement quand viendront les prochaines vacances.

- Le Livre de la jongle de Stéphane de Groot. Pour terminer chez les grands, un livre détente où Stéphane De Groot en amoureux de la langue française s'amuse à revisiter dans l'esprit si drôle et absurde qui l'habite des expressions populaires. J'ai déjà feuilleté un peu l'ouvrage, ça annonce du lourd, du très très lourd même. Je suis très parti pris avec lui car je suis fan du bonhomme et j'avais déjà adoré son Voyages en absurdie. Hâte de découvrir cet ouvrage plus ancien mais qui va (j'en suis sûr) tenir toutes ses promesses.

 

Acquisitions 2
(Petits mais costauds!)

- Le Feu d'Henri Barbusse. Enfin, je l'ai trouvé. Voila un ouvrage que je recherchais depuis très longtemps en chinage et qui m'échappait jusque là. Passionné d'Histoire et aimant les romans-témoignages touchant à la Première Guerre mondiale, ce livre est considéré comme un classique. Prix Goncourt en 1916, suscitant la polémique car décrivant l'horreur à l'état pur alors que le conflit est en cours, échappant à la censure, voici un livre essentiel que je vais enfin découvrir. Là encore, il ne fera pas de vieux os dans ma PAL.

- L'Enfant de la haute mer de Jules Supervielle. Livre-poème composé de textes en prose décalés flirtant avec le conte, j'ai sauté sur l'occasion de lire du Supervielle. Auteur visionnaire à sa manière, il m'a permis d'obtenir mon concours de professeur dans la phase écrite (très beau sujet de français d'analyse de texte) et m'a ensuite ravi lorsque je découvrais d'autres oeuvres de lui au hasard de mes lectures. Ce livre semblait m'être destiné tant il était un peu à part dans son bac, me faisant de l'oeil et attirant sur lui mon regard puis mon coeur. Ce sera sans aucun doute un grand moment que de plonger dans cet univers si magique et onirique à nouveau. 

- Le Lion et La Rose de Java de Joseph Kessel. On ne présente plus ce monstre sacré qu'est Kessel. J'avais lu Le Lion, il y a très très longtemps lorsque j'étais en collège. Je vais le relire avec un plaisir immense et j'imagine que je vais le redécouvrir. L'autre titre m'était parfaitement inconnu mais je me suis dit que c'était l'occasion de lire autre chose du maître et de goûter à une découverte pour le coup total. Wait and read !

- Simples contes des collines de Rudyard Kipling. Encore un écrivain hors norme avec l'auteur du Livre de la jungle qui se livre parfois à l'exercice de la nouvelle comme dans ce recueil qui se propose de dresser un portrait atypique des Indes britanniques où les personnages sont partagés entre leurs aspirations, l'ordre établi et leur destinée. Je m'attends là aussi à du très bon tant Kipling a une plume singulière et envoûtante. 

- La Fille du capitaine de Pouchkine et Premier amour de Tourgueniev. De la littérature russe pour terminer enfin avec deux ouvrages de chez Librio pour deux auteurs classiques réputés que je n'ai pour l'instant jamais pratiqué. La honte va être enfin réparée avec ces histoires d'amour, d'honneur et de doute. Fervent amateur de Dostoievski, Tolstoï mais aussi des nouveaux auteurs russes émergents comme Glukhovsky, Starobinets ou encore Galina et Lipskerov ; j'ai hâte de me replonger dans cette littérature si particulière où l'on cisèle les hommes à la manière de diamants bruts.

 

Acquisitions 1
(La sélection officielle cannoise nelfesque)

- Amours de Léonor De Récondo. (Hop je prends la main rapidement pour présenter mes 2 ouvrages) Pour celui-ci, je n'ai pas lu la 4ème de couverture. J'ai une confiance aveugle en ma copinaute faurelix qui avait adoré ce roman. Elle m'avait d'ailleurs dit de ne pas lire la 4ème. Je suis sage, j'obéis ! Je sais pour le coup ça ne vous aide pas trop...

- De flammes et d'argile de Mark Spragg. Quoi !? Un Gallmeister tout seul, perdu, au milieu de livres d'occasion !? Je ne peux pas le laisser là ! Oui encore une fois, je vous aide beaucoup... (Et hop, je redonne la main à Mr K. A vous les studios !)

De biens belles acquisitions qui viennent grossir nos PAL respectives de fort belle manière. Depuis février dernier, nous n'avons pas recraqué, il faut garder la tête froide et essayer de vider nos réserves même si la tentation est forte notamment lors de vides greniers très à la mode aux beaux jours. Nous verrons combien de temps nous tiendrons (déjà 3 mois !)... En attendant, nous avons un choix certain pour nos prochaines lectures et des heures incalculables de plaisir en prévision. Chroniques à venir dans les semaines, mois et années à venir !

jeudi 23 novembre 2017

"La Morte amoureuse" de Théophile Gautier

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L’histoire : Peut-on être prêtre et amoureux ? Peut-on aimer la nuit et prêcher le jour ? Questions bien embarrassantes... Surtout quand les réponses s'avèrent positives...

Ajoutez-y une pincée de fantôme. Secouez. Et vous voici dans une mystérieuse histoire d'amour ! Mais rassurez-vous, il ne s'agit que d'un rêve... et d'ailleurs, Clarimonde, la belle courtisane, est morte depuis si longtemps...

Mais au fait, que vient-elle faire dans ce présent ? Pourquoi trouble-t-elle encore les vivants ? Prenez garde, âme pure, de ne pas succomber aux charmes de cette immortelle ! La beauté dissimule parfois de puissants venins...

La critique de Mr K : Lecture d’un classique aujourd’hui avec La Morte Amoureuse de Théophile Gautier relu et dévoré à l’occasion des vacances de la Toussaint. Amoureux du Beau et de l’Histoire, c’est un auteur que j’ai beaucoup pratiqué plus jeune et l’occasion s’est présentée de retomber sur ce volume lors d’un chinage. Que de souvenirs me sont revenus durant ce re-reading savoureux !

Romuald a consacré sa jeune vie à devenir prêtre. Le jour de son ordination, il croise le regard de Clarimonde, une courtisane au charme vénéneux qui va remettre en question sa foi et son engagement. Malgré sa mort subite, elle vient régulièrement le visiter, le tenter et l’entraîner loin du chemin qu’il s’est décidé de suivre. Réalité, fantasme et surnaturels se mêlent alors, jouant avec l’esprit de cet homme partagé entre sa vocation et ses désirs inavoués.

En 45 pages seulement, Théophile Gautier offre un merveilleux récit fantastique à l’ancienne qui s’inscrit dans la droite lignée des classiques écrits par Maupassant, Poe, Lovecraft et consorts. D’une situation quotidienne anodine, on dérive lentement vers l’étrange. Qui est cette Clarimonde que même la mort ne semble pas éteindre la passion et la vie qui l’anime ? Là où le jeune homme baisse les armes pour étreindre la passion la plus destructrice, l’auteur s’interroge. Fantôme, vampire, manifestation du Diable ? Tour à tour différentes hypothèses s’offrent à lui et le perdent au fil du récit qui se plaît à bousculer les lignes et à effacer les frontières du réel. Malgré quelques éléments et personnages attachés au monde sensible, rien ne semble pouvoir empêcher ce rapprochement contre nature.

Romuald n’est qu’un homme avant d’être un prêtre, il lutte finalement peu face à sa nature profonde, son amour pour la belle l’aveugle et l’entraîne dans une course en avant mortifère. Sa volonté annihilée, il cède à ses pulsions et n’est plus à quel Saint (sein -sic- ?) se vouer malgré les rappels successifs de son mentor qui lui enjoint de résister à la tentation. Cette lutte interne est très bien rendue par un auteur possédé par son sujet et qui multiplie les états d’âmes du prêtre en perdition. Très peu de textes peuvent se targuer de décrire aussi bien la fascination pour l’inconnu et la souffrance inhérente à toute passion qui nous consume. Éros et Thanatos se sont donnés rendez-vous dans ce court texte d’une rare efficacité qui laisse le lecteur pantois en toute fin de lecture et même si la fin peut s’avérer heureuse, l’expérience laisse des traces et nourrit la réflexion.

L’écriture est tout bonnement magique, loin des lourdeurs stylistiques qu’on peut parfois lui reprocher (la nouvelle incluse dans ce volume - Une nuit de Cléopâtre - en est un bon exemple, je la trouve prématurément vieillie), l’histoire de Romuald et Clarimonde éclaire par sa concision et sa finesse de structure. Aisée d’accès, très contemporaine par sa manière d’explorer l’esprit humain, cette nouvelle est un modèle du genre fantastique à la fois effrayante et très belle dans sa langue. On passe un délicat et très bon moment de lecture et l’on comprend pourquoi elle est toujours étudiée encore aujourd’hui dès le collège. Un monument à sa manière.

jeudi 5 octobre 2017

"Le Grand dieu Pan" d'Arthur Machen

 

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L’histoire : Belle mais démoniaque ! Entourée d'un halo d'étrangeté et de mystère... Telle est la femme qui hante les rues de Londres, mais aussi l'esprit dérangé de ceux qui l'ont rencontrée, des hommes en général fortunés. Tous ont fini leurs jours dans des circonstances ténébreuses, le visage déformé par l'épouvante et l'effroi.

Par quelle fatalité cette créature superbe sème-t-elle la mort autour d'elle ? Serait-elle maudite ? Aurait-elle pactisé avec une puissance maléfique ?

Il semble bien qu'elle ou sa mère, victime d'une expérience diabolique menée par un savant fou, ait aperçu ce qu'aucun œil humain ne peut contempler... Le dieu de l'abîme, le grand Pan, dont la vue cause une peur "panique" !

La critique de Mr K : Lors d’un craquage à la recyclerie de Lorient, j’avais jeté mon dévolu sur cet ouvrage ainsi que toute une série d’ouvrage Librio. J’aime beaucoup cette maison d’édition qui propose souvent des titres classiques à pas cher. C’est un auteur reconnu que je m’apprêtai à découvrir en ouvrant cet ouvrage, il m’avait jusque là échappé, aucun de ses livres n’ayant croisé ma route lors de nos chinages compulsifs à Nelfe et moi. Le hasard aidant, me voici maintenant en mesure de vous donner mes impressions sur ce britannique maître de l’horreur qui a officié à cheval sur le XIXème et XXème siècle.

Londres à l’époque victorienne est décidément une ville dangereuse, surtout si l’on est un riche bourgeois en goguette. Les morts étranges se succèdent chez les célibataires nantis de la capitale londonienne, les cadavres retrouvés sont marqués de l’effroi le plus profond et à chaque fois des témoignages convergent en notifiant la présence d’une jeune femme séduisante mais aux traits dérangeants. Le narrateur commence alors son enquête auprès de la bonne société, se rendant sur les lieux des drames et en interrogeant toutes les personnes qui pourraient le renseigner sur les victimes et sur cette mystérieuse femme insaisissable. Peu à peu, la lumière se fait sur le problème d’identification de la dite prédatrice mais aussi sur les origines du mal qui pourraient remonter au dieu Pan de l’Antiquité, seigneur de la fête et des abysses...

On est très vite pris par l’histoire qui est construite de manière labyrinthique : on commence par une expérience étrange puis on navigue de témoignage en témoignage sans que l’ensemble paraisse cohérent. Les faits inexpliqués s’accumulent et l’on croise nombre d’âmes égarées. Pourtant, le narrateur poursuit ses investigations avec abnégation même si ceux qui l’ont précédé ont sombré dans la folie ou ont passé l’arme à gauche. C’est l’occasion pour le lecteur de nager en plein XIXème siècle, de frayer avec la bourgeoisie et de côtoyer l’étrange. L’ésotérisme était en vogue à l’époque et ce court récit s’en fait le bel étendard.

Expérience interdite, femme-succube à la beauté fatale, divinité païenne qui rend fou sont les ingrédients surnaturels distillés au fil du récit qui par ses tours et détours se plaît à perdre le lecteur pour mieux le recapter par la suite. On retrouve à ce niveau les techniques classiques du genre qui quand elles sont bien employées frappent juste et fort. Le mélange réalité et surréel fonctionne à plein et il est si plaisant de voir la gente masculine subir les foudres d’une certaine féminité qui finalement prend sa revanche sur les sociétés patriarcales de l’époque. Mon côté sadique a été grandement satisfait dans ce domaine.

Loin de basculer dans l’horreur ou la surenchère, tout se joue sur la montée de l’angoisse, le non-dit et l’imagination du lecteur qui bat la campagne face à tant d’événements bizarres et souvent parcellaires. Nébuleuse mais pas sans fond, cette nouvelle au charme vénéneux et très anglaise dans son traitement hypnotise et captive. La langue est d’une beauté de tous les instants, jamais désuète malgré le temps qui a passé depuis l’écriture. Très facile d’accès, c’est le genre de texte qu’on peut aisément faire lire à un jeune lecteur pour lui faire découvrir le genre fantastique en parallèle d’un bon Maupassant.

Étant un grand fan du genre, Le Grand dieu Pan m’a comblé tant au niveau émotion qu’en terme de qualité littéraire. Se suçotant comme une douce sucrerie, on en redemande et m’est avis que je n’hésiterai pas une seconde si mes pas venaient à croiser à nouveau un ouvrage de cet auteur. Avis aux amateurs !

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