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Le Capharnaüm Éclairé

25 avril 2024

"Hoka hey !" de Neyef


L’histoire : Dès 1850, les jeunes amérindiens étaient internés de force dans des pensionnats catholiques pour les assimiler à la nation américaine. En 1900, la population des natifs en Amérique du Nord avait diminué de 93%. La plupart étaient morts de nouvelles maladies importées par les colons, d'exterminations subventionnés par l'état, et lors des déportations.

 

Georges est un jeune Lakota élevé par le pasteur qui administre sa réserve. Acculturé, le jeune garçon oublie peu à peu ses racines et rêve d'un futur inspiré du modèle américain, en pleine expansion.

 

Il va croiser la route de Little Knife, amérindien froid et violent à la recherche du meurtrier de sa mère. Accompagné de ses deux comparses, celui-ci arrache Georges à sa vie et l'embarque dans son périple. Au fil de leur voyage, l'homme et le garçon vont s'ouvrir l'un à l'autre et trouver ce qui leur est essentiel : l'apaisement de la colère par la transmission de sa culture pour l'un et la découverte de son identité et de ses origines pour l'autre.

 

La critique de Mr K : Nouvelle chronique aujourd’hui d’un cadeau d’anniversaire fort bien choisi. Avec Hoka hey ! de Neyef, on plonge dans l’ouest sauvage, terre acculturée par les blancs venus d’Europe pour chercher une vie meilleure et qui ont balayé (ou presque) toute forme de culture indigène. En croisant deux vies pas forcément destinées à se rencontrer, Neyef nous offre une vent d’aventure et de liberté sous fond d’injustice et d’incurie humaine. Une belle petite claque ma foi !
 


Georges est un jeune indien enlevé à sa famille et élevé dans la tradition WASP. Il a peu de souvenir de sa tribu, sert sans poser de questions son pasteur de tuteur et Jésus Christ. Son rêve ? Devenir médecin pour venir en aide aux nécessiteux. Il ne s’en rend pas compte mais il est dans le chimérique, l’irréalisable car tout cela est hors de portée d’un être issu de peuples indigènes. C’est du moins ce que pense son entourage.

 

Tout bascule quand Little Knife, un hors la loi lakota surgit un après-midi d’été et exécute le tuteur de Georges quasiment sous ses yeux. Le voila embarqué dans une course en avant en compagnie de cet amérindien taciturne et violent et ses deux comparses, un irlandais à l’hygiène plus que douteuse et une femme indienne au visage constamment masqué. Il va commencer un parcours initiatique sans le vouloir aux confins des cultures et apprendre à devenir un homme, un être maître de ses décisions et donc de sa destinée.
 


On se prend très vite d’affection pour Georges, un gamin naïf et ignorant qui va peu à peu découvrir la face cachée de son monde. L’initiation va se révéler rude avec quelques échanges bien tendus au départ entre lui et l’ombrageux indien. L’un a perdu son identité et l’autre la défend, considérant le môme comme une espèce de traite inconscient. Cependant cette lutte de tous les instants ouvre des horizons à Georges qui peu à peu prend conscience de ses racines et de l’envers du décor derrière son éducation policée. À la faveur de récits autour du feu de camp, de longues chevauchées dans de majestueux décors, lors de règlements de compte improvisés ou non, Georges va voir sa flamme de Lakota se rallumer et cela changera son existence à jamais.

 

Les trois comparses ne sont pas mal non plus avec chacun un ou des boulets qu’ils traînent et expliquent leurs motivations et leurs actes violents. Il est question de génocide bien sûr, d’acculturation, de confiscation de terres ancestrales, des réserves indiennes qui s’apparentent à des mouroirs avec des êtres sous perfusions alcoolisées mais aussi de patriarcat indigène, de violence envers les femmes et leur oppression, point commun à beaucoup de cultures humaines. On en prend plein la face, la noirceur est de mise malgré un écrin de toute beauté.
 


Cette œuvre est vraiment magnifique notamment en terme de décors. Le grand Ouest est plus vrai que nature avec un naturalisme poussé et l’impression que l’être humain n’est vraiment rien du tout face à l’immensité de la nature. Rajoutez à cela un brin de croyances animistes indiennes et vous obtenez un univers renversant et plein de poésie. Il a fallu m’habituer au départ au traitement des visages qui lorgnent parfois vers l’expressionnisme à la sauce manga, genre que je n’apprécie guère. Au bout de trente planches, on est tellement pris par le récit qu’on n’y fait plus attention.

 

Belle découverte donc qui malgré un scénario finalement classique qui ne surprend jamais vraiment offre un beau panorama sur la dure réalité de cette époque, des personnages forts et attachants et des planches à couper le souffle. Une lecture fortement mais alors très fortement recommandable !

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23 avril 2024

"Et à la fin ils meurent" de Lou Lubie

 

Le contenu : De l'Antiquité à Perrault et Grimm, Lou Lubie présente les versions authentiques et croustillantes des contes, où la fin heureuse s'arrose à la vodka et le prince n'est pas si charmant. À travers ces récits savoureux, l'autrice aborde avec humour une réflexion sur l'éthique des contes : violence, sexisme, racisme... une exploration culturelle et littéraire passionnante !

 

La critique de Mr K : Bel emprunt une fois de plus au CDI de mon établissement avec cet essai chaudement recommandé par ma collègue professeur documentaliste. Je ne connaissais pas du tout Lou Lubie avant ma lecture de Et à la fin ils meurent mais quelle découverte ! C’est frais, distrayant, thrash et bougrement érudit ! Comme beaucoup d’entre nous, l’auteure a grandi avec les contes et c’est avec un plaisir non feint qu’elle s’est amusée à essayer de les définir, de les décortiquer et d’en retirer comme disait Rabelais la substantifique moelle. J’ai adoré.

 

L’ouvrage est divisé en de nombreux chapitres avec une thématique et un conte revisité / réinterprété pas le style vif et volontiers impertinent de l'auteure. Tout à tour, Lou Lubie nous parle des origines des contes, des différentes types qui existent, de la "disneysation" des contes, de la psychanalyse des contes de fée, de la définition d’un conte, des hommes et des femmes qui peuplent leurs pages, la place de la religion, le racisme ou encore la place des contes dans nos sociétés d’aujourd’hui. C’est très dense mais cela se lit tout seul avec comme appui des contes plus ou moins connus qui peuvent diverger selon leur modèle, leur origine car c’est bien connu que plusieurs versions se sont succédées par écrit après les longues traditions d’oralisation.
 


On a donc un apport théorique assez dense et passionnant, l’auteure a le don pour présenter les choses de manière fidèle mais avec un ton furieusement décalé. J’avoue que je connaissais pas mal de choses mais j’ai été surpris par les ramifications en jeu derrière certains textes, certains parcours de conte. C’est complètement délirant, la richesse de la culture humaine est vraiment inépuisable parfois. Ainsi selon l’auteur, sa foi, ses croyances, ses pensées politiques, on a de grosses divergences sur certains personnages, certaines péripéties même. Et finalement, ce ne sont pas les dernières versions qui sont les plus extrêmes bien au contraire. Cela confirme un peu mon scepticisme sur la manière dont on traite les enfants aujourd’hui, la façon notamment de les couver à tout prix, de vouloir les préserver. On est un peu au cœur de tout cela avec les contes.
 


Les contes à la base sont beaucoup plus thrash que ceux que l’on peut nous fournir aujourd’hui. Déjà ils étaient pas forcément illustrés et clairement les personnages se livrent à des actes parfois innommables et sont profondément humains. Meurtres, mutilations barbares, viols, baisers non consentis, parties de jambes en l’air… tout y passe avec les nouveaux éclairages proposés par l’auteure qui s’est très bien documentée et propose des versions parfois bien hardcores mais totalement vérifiables. Rajoutez dessus les commentaires acerbes de la narratrice, les messages cachés envisagés, une dose de psy par dessus et vous obtenez un ouvrage absolument épatant.
 


Surtout que c’est en plus un très bel objet, très très relié, magnifiquement dessiné avec ses strips dynamiques et des infographies bien pensées elles-aussi drôlatiques à l’occasion. Les pages se tournent toutes seules et l’ensemble se déguste parfaitement sans lourdeur ni effet de répétition. On regretterait presque de ne pas en avoir un peu plus, vu que l’auteure s’est concentrée sur les contes occidentaux et slaves. Il y aurait matière à faire un second tome...

 


En attendant, ce volume est un pur bijou que je vous conseille très fortement,  un bonheur de lecture assuré. Courez-y si ce n'est déjà fait !

18 avril 2024

Premières acquisitions 2024

 

Il fallait bien que ça arrive... Le voici, le voila, le premier post acquisition de cette année 2024. Aujourd'hui, je vais vous parler d'une partie ce que nous avons récolté lors de nos passages dans certains dépôts vente, recycleries et autres boîtes à livre. C'est que ça commençait à s'accumuler dans mon bureau et que depuis nous sommes allés chez Emmaüs... Mais ça c'est une autre histoire que je vous conterai une autre fois...

 

 

Pas mal comme butin, non? Il y a du beau monde et des heures et des heures de bonheur de lecture à venir. Et c'est parti pour la présentation des petits nouveaux qui vont venir grossir les rangs de nos PAL qui n'en finissent pas de ne pas se vider... enfin, surtout la mienne, Nelfe étant une fois de plus beaucoup plus raisonnable que moi.

 

 

- L'Amie prodigieuse d'Elena Ferrante. Voici une tétralogie que j'ai envie de lire depuis très longtemps (il ne me reste plus que le quatrième volume à dégoter) vu son aura et les retours très positifs que j'ai pu lire ici ou là. On suit le destin de deux amies qui se sont connues dans un quartier pauvre de Naples et dont les destins vont s'entrecroiser au fil du temps et des époques. J'ai hâte de débuter cette saga qui promet beaucoup et que je me réserve pour cet été.

 

 

- Trilogie La Moïra de Henri Loevenbruck. Fantasy quand tu nous tiens ! Cette trilogie me tendait les bras et est précédée d'une flatteuse réputation. Deux héroïnes, deux parias qui pourraient sauver le monde mais attisent les convoitises. Vendue comme un roman initiatique empli d'aventure, voila typiquement le genre d'ouvrage qui pourrait être dévoré très rapidement. Et la plume de Lœvenbruck est tellement efficace !

 

- Cycle Endymion de Dan Simmons. Faisant suite à la tétralogie Hyperion que j'ai adorée en son temps (c'était avant la création de ce blog, c'est dire), j'ai enfin mis la main sur les quatre volumes d'Endymion. Nous revenons sur la planète Hypérion et suivons un tout nouveau personnage principal et recroiserons d'anciennes connaissances dans un space opera qui promet lui aussi beaucoup. J'adore Dan Simmons qui ne m'a que très rarement déçu et il me tarde de retourner dans cet univers si particulier et si séduisant.

 

 

- Outresable de Hugh Howey. J'ai beaucoup aimé Silo et l'occasion faisant le larron, Nelfe est tombée sur celui-ci. Hugh Howey nous convie cette fois-ci dans un monde où le sable a tout recouvert et où les hommes subsistent comme ils peuvent en essayant de reconstruire la civilisation. Les plongeurs sont une corporation à part, une élite qui descend toujours plus profond pour rapporter des artefact d'un monde perdu. On va suivre l'un d'eux en quête d'une cité mythique objet de tous les fantasmes. Le pitch est accrocheur et connaissant le bonhomme, on va avoir affaire à un bon thriller SF des familles.

 

- Lâchons les chiens de Brady Udall. Un recueil de nouvelles teintées d'humour noir de chez Terres d'Amérique. 11 nouvelles pour 11 personnages seuls, frustrés ou trahis par la vie qui ne trouvent pas de solution pour résoudre leurs problèmes. Vu la qualité de cette collection et mon amour pour les textes courts, je pense que je vais passer un bon moment.

 

- Sept jours pour survivre de Nathalie Bernard. Un thriller glaçant se déroulant dans le grand nord canadien avec cette histoire d'une adolescente amérindienne qui se réveille perdue dans une cabane perdue au milieu de la forêt. Que fait-elle ici ? Elle ne sait pas mais il ne lui reste que sept jours pour survivre. L'écriture et les thématiques développées par Nathalie Bernard m'avait énormément plu dans son roman Sauvages lu en mai dernier, celui-ci me parait être dans la même veine. Chouette chouette chouette !

 

Voila c'est fini comme dirait l'autre, on n'a pas fait les choses à moitié en ce premier trimestre 2024 et ceci n'est qu'un premier aperçu, la suite devrait vous être présentée d'ici peu.

15 avril 2024

"Monstres" de Stéphane Servant et Nicolas Zouliamis

 

L’histoire : Lorsqu’un cirque itinérant débarque dans son village, le jeune Otto s’y rend, intrigué par l’annonce d’une bête terrifiante, d’un Monstre en lettres majuscules ! Mais sous le chapiteau, quand le rideau se lève enfin, c’est la surprise totale, autant pour les spectateurs que pour le lecteur…

 

La critique de Mr K : Nouvelle découverte faite au CDI de mon établissement avec cet ouvrage fortement conseillé par ma collègue professeur documentaliste. Monstres de Stéphane Servant et Nicolas Zouliamis a en effet très bonne presse et nombreux sont les retours dithyrambiques que j’ai pu lire ou voir ici ou là. J’avoue avoir été complètement charmé par la perspective de le découvrir à mon tour et je dois convenir que l’œuvre est très belle, envoûtante même, mais finalement elle se révèle plutôt convenue.

 

Un village perdu au milieu de nulle part, un jeune garçon dont on ne sait pas grand-chose si ce n’est qu’il se sent seul, à part dans la communauté et différent des garçons de son âge. En quelques pages / planches, le décor est planté. Un cirque itinérant arrive au village et une certaine animation gagne les cœurs et les esprits surtout que le Monsieur Loyal de la troupe annonce la divulgation d’une créature à nulle autre pareille, un monstre défiant toute logique et toute imagination. Les esprits s’animent, la curiosité est à son comble. Le lendemain, lors de la soirée révélation, tout va changer pour le personnage principal qui va voir tous ses principes ébranlés.

 

 

On ne va pas se mentir, très vite on pense à Tim Burton. L’aspect gothique, le noir et blanc, un être esseulé... on se retrouve plongé dans les œuvres majeures du maître. Le carcan du groupe, la méfiance, la peur de l’inconnu, l’appréhension et la fragilité du héros sont au centre de ce récit que l’on suit avec plaisir. Et même si on n’est jamais surpris (j’ai vu venir la révélation sur la nature du "monstre" très vite), on se laisse porter par le souffle et la portée du message ô combien important en ces temps troubles où la différence inspire méfiance et politiques répressives. Ode à la différence, à la tolérance, ce livre porte un message universel qui ne manquera pas de toucher le lecteur.

 

 

La forme est magnifique en terme d’illustrations. Ce noir et blanc crayonné est un écrin magistral au propos véhiculé, les détails, l’ambiance étrange qui se dégage illustre parfaitement les thématiques en jeu. L’envoûtement est total, absolu et l’on tourne les pages émerveillé et curieux de savoir où tout cela va mener. Je suis plus réservé sur la partie littéraire, le récit est bien mené mais j’ai trouvé le texte finalement très basique, pas si poétique que ça au regard des images proposées comme illustrations. On pouvait aller plus loin dans l’explicite, la poésie pure pour relever encore le niveau d’adhésion du lecteur. Après, j’ai mon âge et je pratique la lecture depuis longtemps… je pense que les lecteurs plus jeunes seront beaucoup plus séduits par la prose proposée.

 

 

Monstres reste cependant une très belle lecture qu’on ne peut que conseiller et qui plaira au plus grand nombre.

13 avril 2024

"Les filles de Salem" de Thomas Gilbert

 

L’histoire : 1692. Salem, en Nouvelle-Angleterre. Abigail, 17 ans, raconte l'histoire des sorcières de Salem dont elle fut l'une des victimes. Suspectées d'être possédées par le démon, des jeunes filles de ce village puritain dénoncent d'autres membres de la communauté de les avoir ensorcelées. La psychose s'emballe, donnant lieu à des procès en sorcellerie et à de nombreuses exécutions.

 

La critique de Mr K : Très bonne lecture que cette BD one-shot que j’ai piquée à Nelfe, elle qui l’avait emprunté pour elle à la médiathèque du coin. J’avais regardé la série américaine du même nom (qui n’a rien à voir avec le présent récit si ce n’est la thématique) et qui m’avait vraiment plu par son côté jusqu’au-boutiste et barré sur certains arcs narratifs. Thomas Gilbert nous offre avec Les filles de Salem une plongée sans concession dans l’Amérique puritaine du XVIIIème siècle mettant en lumière la bêtise humaine et sa cruauté dans une BD éprouvante pour les nerfs et notre sensibilité.

 

 

C’est Abigail, une jeune fille de quatorze ans au début du récit qui va nous tenir la main durant tout l’ouvrage. Fille d’une famille installée, elle a soif de vie et partage ses joies et espérances avec ses copines. La vie est rude en ces temps reculés, les colons ne sont pas installés depuis très longtemps, la "menace" indienne est dans toutes les têtes, on vit de chasse et d’agriculture, les superstitions courent et la religion est en recul au grand désespoir du révérend local. Les filles elles, vivent leur vie et rencontrent de manière impromptue puis plus régulièrement un indien au visage peint en noir qui n’a pas peur d’eux et avec qui se tisse un lien fort et dénué de toute arrière-pensée. La nature et le relâchement sont de mise, une certaine idée du bonheur.

 

 

Mais on imagine bien que cela ne va pas durer, un homme du village les surprend et va vendre la mèche à la communauté. C’est le début de l’escalade, tout ce qui est suspect prend une ampleur insoupçonnée laissant place à une paranoïa galopante sur laquelle surfent les élites et notamment le pasteur qui voit là une occasion de resserrer ses griffes autour de ses ouailles au nom de la vraie Foi. L’épuration doit débuter et en première ligne les femmes, sources du pêché depuis l’épisode de la pomme au jardin d’Eden. Les premières victimes seront une aubergiste et sa fille, coupables d’avoir des mœurs plus libérées (c’est à dire non asservies par quelque homme que ce soit) puis le vent mauvais se tournera vers Abigail et ses proches copines…

 

 

Bien que profondément pessimiste et éprouvante, cette BD se lit d’une traite, hypnotisés que nous sommes par cette œuvre au fond et à la forme qui s’épousent parfaitement. Récit dramatique au possible, les dessins illustrent parfaitement le propos, lorgnant bien souvent vers une forme d’expressionnisme avec ses personnages déformés par la colère et le ressentiment, la peur habitant les visages des bourreaux et des victimes. L’esthétique renforce vraiment l’atmosphère sombre et la personnalité atroce de certains personnages. Il y a peu d'espoir, de passages plus lumineux si ce n’est de rares incursions dans la nature environnante, le reste semble perverti déjà par l’esprit humain et la folie qui ne demande qu’à se manifester.

 

 

Les personnages sont très bien caractérisés, les débuts font craindre une certaine forme de manichéisme mais il n’en est rien et certains seconds couteaux se révèlent bien nuancés donnant une puissance renouvelée aux actes en cours. Société carcan, familles étouffantes et effet de groupe se conjuguent et prennent à la gorge le lecteur, le rendant captif à l’image d’Abigail née à la mauvaise époque. La raison n’a pas voix au chapitre ici, les manipulations mentales ont cours s'appuyant sur les croyances fallacieuses et les pulsions de mort de tout à chacun. C’est assez effrayant et malheureusement très crédible pour l’époque et même aujourd’hui quand on voit les phénomènes auxquels on peut assister sur les réseaux sociaux à l’occasion.

 

 

Super récit, magistralement retranscrit et à la contextualisation parfaite. C’est beau, fort et terrible à la fois. À découvrir et lire absolument si ce n’est déjà fait.

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11 avril 2024

"Mémoires de la forêt T1 : Les souvenirs de Ferdinand Taupe" de Mickaël Brun-Arnaud

 

L’histoire : Dans la forêt de Bellécorce, au creux du chêne où Archibald Renard tient sa librairie, chaque animal qui le souhaite peut déposer le livre qu’il a écrit et espérer qu’il soit un jour acheté. Depuis que ses souvenirs le fuient, Ferdinand Taupe cherche désespérément à retrouver l’ouvrage qu’il a écrit pour compiler ses mémoires, afin de se rappeler les choses qu’il a faites et les gens qu’il a aimés. Il en existe un seul exemplaire, déposé à la librairie il y a des années. Mais justement, un mystérieux client vient de partir avec… À l’aide de vieilles photographies, Archibald et Ferdinand se lancent sur ses traces en forêt, dans un périple à la frontière du rêve, des souvenirs et de la réalité.

 

La critique de Mr K : C’est la fille de onze ans de l’ami Franck qui m’a conseillé et prêté cet ouvrage que sa professeure de français de 6ème lui a fortement recommandé. C’était assez touchant de se voir conseiller un livre par elle, grande lectrice depuis petite à qui nous avons fait lire quelques titres auparavant dont Pax, un livre marquant. C’est donc avec une grande attente que j’entamai la lecture du premier volet des Mémoires de la forêt : Les souvenirs de Ferdinand Taupe de Mickaël Brun-Arnaud, trilogie se déroulant dans la forêt Bellécorce et mettant en scène des animaux aux vies bien remplies et aux soucis bien réels. La lecture fut délicieuse, rapide et d’une grande profondeur car derrière ces aventures bucoliques se cachent des thématiques bien humaines qui sont source de réflexion et d’émotions denses.

 

L’histoire débute chez Archibald, renard libraire de la contrée qui a hérité de l’affaire de famille qui se transmet de génération en génération. Il aime rien de plus que conseiller et discuter avec ses clients, dépoussiérer ses ouvrages (il est un peu maniaque sur les bords) tout en dégustant de délicates boissons chaudes. Cette librairie est un peu particulière car chaque animal peut y déposer un ouvrage qu’il a écrit et se porter acquéreur d’un autre contre des noisettes sonnantes et trébuchantes. La vie coule doucement, lentement, paisiblement.

 

 

Tout bascule quand Ferdinand Taupe, un vieil ami à la mémoire de plus en plus défaillante, atteint de la terrible maladie de l’Oublie-tout, vient pour récupérer le livre où il a compilé tous ses souvenirs. Malheureusement pour lui, Archibald vient de le vendre la veille même ! Ferdinand est catastrophé, l’obscurité envahi sa tête petit à petit et il a peur de définitivement tout oublier. Et d’ailleurs où est passée sa chère et tendre Maude ? Devant le désarroi de son ami, le renard décide de laisser séance tenante son affaire et de partir sur les routes avec Ferdinand pour retrouver l’ouvrage et en même temps les souvenirs perdus. C’est le début d’une aventure à nulle autre pareille.

 

On se laisse embarquer immédiatement par ce conte initiatique et chaleureux où l’empathie est portée au maximum. Il y a beaucoup de bienveillance, d’écoute autour de ce pauvre Ferdinand qui passe par des moments très difficiles. Bien qu’à destination des plus jeunes, l’ouvrage est loin d’être simpliste, il propose des personnages assez finement ciselés, leur psychologie ne s’arrête pas à un trait de caractère et la nuance est de mise. Ils doutent, espèrent, se posent pas mal de questions et même si le voyage se passe globalement plutôt bien (malgré quelques révélations difficiles) et que l’on sait que la fin sera plutôt positive (quoique…), on se laisse porter par cette histoire fraîche emplie d’une candeur qui fait du bien et met du baume au cœur. Aaaah on les aime ces animaux anthropomorphes, profondément humains, attentionnés les uns envers les autres.

 

 

On aime aussi parcourir les sentiers avec Archibald et Ferdinand, observer la nature dans sa magie de tous les instants, se poser et regarder, faire des rencontres inoubliables entre salons de thé, concerts sous les frondaisons, ateliers de réparation, rencontrer les multiples personnages qui peuplent ces pages. L’aventure est belle, dépaysante et souvent bouleversante avec au centre la maladie de Ferdinand qui le dévore petit à petit, lui faisant perdre la tête et parfois paniquer quand il se réveille en pleine nuit sans savoir vraiment où il est… Le récit est très réaliste dans le traitement de cette maladie que tout le monde connaît et qui touche autant le malade que l’entourage. L’auteur s’y connaît, il a travaillé auprès de malades d’Alzheimer pendant des années.

 

Illustré de fort belle manière par Sanoe dans un esprit un peu nostalgique, ce livre est un bijou d’intelligence, de finesse et de douceur. Abordant un sujet difficile, la maladie handicapante et la fin de vie, il est écrit de manière subtile, douce et accessible sans jamais se départir d’une grande profondeur dans le propos et la manière d’aborder les relations à autrui. C’est beau, puissant et absolument génial dans son genre. À lire et faire lire au plus grand nombre !

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