mercredi 2 octobre 2019

"Bête noire" d'Anthony Neil Smith

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L’histoire : L’agent du FBI Franklin Rome a juré la perte de Billy Lafitte, ex-shérif adjoint dans le Minnesota. À n’importe quel prix. Il est vrai que, pour un homme de loi, l’existence de Billy ressemble à une insulte perpétuelle. Celui-ci a en effet à peu près tous les vices imaginables. Aussi, après quelques tracas avec sa hiérarchie, Billy a-t-il quitté les forces de l’ordre pour entrer dans un groupe de bikers, comme on entre en religion. Là, sous les ordres de l’impitoyable Steel God, il peut enfin mener une existence à peu près tranquille. Mais s’il pense avoir tiré un trait sur son passé, celui-ci le rattrape lorsque l’agent Rome décide de s’en prendre à son ex-femme et à ses enfants. Tragique erreur: il ne fait pas bon chercher Billy Lafitte. Et l’affrontement entre les deux hommes promet d’être impitoyable.

La critique de Mr K : Il y a peu, je vous parlais de ma découverte fulgurante de Lune Noire d’Anthony Neil Smith, premier volume d’une tétralogie en cours d’éditions chez Sonatine. C’est avec un plaisir non feint que j’entamai la lecture de la suite des aventures déjantées de Billy Laffite avec Bête noire tout juste sorti à l’occasion de la rentrée littéraire. Le premier tome était déjà bien barré, je peux déjà vous dire que l’auteur pousse le curseur encore plus loin avec un roman encore plus thrash entre humour féroce, humains en pleine perdition et scènes ultra-violentes saisissantes. N’ayez pas peur, ça fait un bien fou !

Billy s’est fait la malle et ça ne convient pas du tout à l’agent Rome qui ne souhaite qu’une chose : le retrouver et lui régler son compte. Manque de pot, Billy Lafitte est un malin et il a totalement disparu de la circulation en rejoignant un groupe de bikers dealers de meth en tant que bras droit du boss. Rome ne reculant devant rien décide de faire pression sur l’ex femme de Billy pour le faire sortir de son trou... Mais voila, il y a des choses auxquelles on ne doit pas toucher au risque de s’en mordre les doigts... Un duel à distance commence entre deux hommes que la rage et la colère consument, gare aux dégâts collatéraux !

Ce fut une lecture prenante à souhait. Il ne m’a pas fallu bien longtemps pour lire les 380 pages de ce recueil qui fait la part belle à la noirceur sans aucun espoir de rédemption. Au delà de la traque et des problèmes existentiels des deux ennemis, il ne se passe pas vraiment grand chose mais ce n’est pas grave. Au contraire, ce focus étouffant garde captif le lecteur, obnubilé par les destins brisés qui lui sont livrés en pâture. Perdez tout espoir en débutant ce recueil, vous croyiez que Lune noire portait bien son nom, sa suite est encore plus extrême et totalement désaxée. À commencer par deux personnages antagonistes totalement cramés de la tête (surtout l’agent Rome quand même) à qui il arrive bien des mésaventures avec notamment un Billy qui les accumule vraiment, je crois d’ailleurs que dans ce domaine il mérite une palme. Quiproquo, enchaînements de situations délirantes, incidents entraînant des réactions disproportionnées... autant d’événements qui feraient passer le plus poissard de vos potes pour quelqu’un de chanceux ! J’en rirais presque en écrivant cette chronique si au final ce Billy ne nous touchait pas tout de même profondément. Il veut maîtriser mais n’y arrive pas, il cherche la rédemption mais s’enfonce encore plus. Et dire que ce n’est que le deuxième volume et que deux autres sont à découvrir !

Dans Bête noire, on rentre un peu plus dans l’intimité de Rome que l’on adore détester. Mais derrière tout être pourri jusqu’à la moelle se cachent des fêlures que Neil Smith explore ici à vif, à commencer par ses rapports déviants entre son personnage principal et sa femme (il y a des passages totalement délirants). On navigue avec lui aux confins de la folie, lui l’agent prometteur rétrogradé suite à ses errements dans le premier volume cache son jeu à ses supérieurs mais continue d’enquêter sur Billy. Nul autre que lui ne doit le retrouver, on n’est pas loin du personnage psychopathe de la mère de Lula dans le film de Lynch (à voir absolument si ce n’est déjà fait !). Rajoutez à ce vautour un couple de jeunes flics amoureux et têtes brûlées, une prostituée très possessive et impulsive, des bouseux prêts à faire n’importe quoi pour une récompense et le binôme scrupuleux de Rome et vous obtenez une galerie de personnages bien harboiled navigant sur les eaux d’un Frank Miller des grands jours. Neil Smith d’ailleurs renvoie dos à dos femmes et hommes tout autant perchés les uns que les autres dans un récit haut en couleur qui ne décélère jamais.

Ça triche, ça tronche, ça dessoude, ça se lance des réparties de fou et on en redemande tant le style de l’auteur fait merveille avec une écriture sans concession qui ne se contente pas d’assembler les poncifs d’un genre trop souvent caricatural... Non ici, on réinvente la noirceur, on défouraille dans la bonne humeur malgré un dégoût qui parfois monte à certaines pages. Lecture extrême qui peut rendre blême, on aime côtoyer ses âmes perdues qui pourtant nous attirent, nous hypnotisent comme une ampoule attire irrémédiablement les créatures éphémères qui finissent par consumer leurs ailes sur l’objet tant convoité. Vivement la suite !


lundi 2 septembre 2019

"Lune noire" de Anthony Neil Smith

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L’histoire : Une vision toute particulière de la justice et de la morale a valu à Billy Lafitte d’être viré de la police du Mississippi. Il végète aujourd’hui comme shérif adjoint dans les plaines sibériennes du Minnesota, avec l’alcool et les filles du coin pour lui tenir compagnie, les laboratoires clandestins de meth pour occuper ses journées. Si Billy franchit toutes les lignes, on peut néanmoins lui reconnaître une chose : il a un grand cœur. Ainsi, lorsqu’une amie lui demande de tirer d’affaire son fiancé, impliqué dans une sale affaire de drogue, c’est bien volontiers qu’il accepte. Quelques jours plus tard, Billy est arrêté par le FBI, enfermé dans une cellule au milieu de nulle part, et sommé de s’expliquer sur tous ces cadavres qui se sont soudain accumulés autour de lui.

La critique de Mr K : Un thriller mâtiné de noir profond est au programme de ma chronique du jour. Premier volume d’une tétralogie en cours d’édition en France chez Sonatine (le volume 2 sort à l’occasion de cette rentrée littéraire), j’ai mis du temps avant de découvrir cet auteur qui s’avère être une superbe découverte. Roman tout feu tout flamme, écrit dans une langue bouillonnante, il faut avoir le cœur bien accroché pour suivre les mésaventures de Billy Lafitte !

Ce dernier est un sacré personnage ! Viré de la police à cause d’une exaction de trop, Billy est en pleine traversée du désert. Sa femme et son enfant ont quitté le foyer et le voila qui part à vau-l’eau. Heureusement pour lui, son beau frère qui a gardé le contact avec lui (un peu par charité chrétienne soit dit en passant) lui a trouvé un poste d’adjoint du shérif dans le trou paumé du Minnesota dans lequel il réside. Protégé par son pygmalion, car Billy boit beaucoup et couvre certaines affaires frauduleuses, cet équilibre instable va être définitivement rompu lorsqu’une jeune amie (Drew) le contacte pour qu’il vienne en aide à son mec dans le pétrin. Commence alors à s’accumuler les cadavres (sans tête - sic -) au fil d’un récit qui n’épargne vraiment personne entre un héros déjanté complètement à côté de ses pompes, une mafia asiatique qui flirte avec le terrorisme et une violence larvée qui ne demande qu’à être libérée.

Pas de temps mort dans Lune noire qui commence dare-dare et ne s’arrête plus tout du long des 294 pages que composent l’ouvrage. Ça dépote sévère entre règlement de compte mystérieux, pression venue de tous les horizons pour le héros déboussolé (les flics et les asiatiques lui courent après), courses poursuites dantesques et pulsions de violence bien senties. Ça part dans tous les sens quitte à flirter avec le surréalisme parfois ! Une ambiance un peu "Pulp" se dégage de l’ensemble, on est pris par l’histoire malgré son côté farfelu par moments avec une brochette de personnages plus déjantés les uns que les autres. Milieu de la drogue, jeune fille innocente en perdition, flic retors à la rancune tenace, bad guys complètement déviants (mais aussi stupides dans leur genre !) peuplent ces pages hautes en couleur où l’action se dispute avec des situations bien délicates et des découvertes macabres ! En soi, le scénario n’est pas des plus original, je dirais même qu’il tient sur une feuille de papier à cigarette, cela a d’ailleurs été reproché ici ou là dans certaines chroniques. Personnellement, cela ne m’a pas tant dérangé que cela et les archétypes sont magnifiés par une caractérisation remarquable des personnages et un style incisif comme je les aime.

Billy a lui tout seul vaut son pesant d’or. Complètement borderline, croisement improbable entre un justicier, un flic et un truand, ce personnage est bien plus complexe que ce qu’il paraît de prime abord. Profondément meurtri par le passé, névrosé au dernier degré, adepte des coups d’un soir et de bonnes bouteilles, il n’est pas des plus avenants. Mais très vite, on découvre derrière ces traits grossiers (voir outranciers), un homme avec un cœur en or, un homme amoureux qui va aller au bout du bout pour essayer de protéger son amie. C’est très bien ficelé et l’effeuillage de Billy par l’auteur est méthodique. Son côté hard boiled, sa langue bien pendue (Aaah ! Les punchlines à la Lafitte détruisent tout sur leur passage !) ont achevé de me conquérir et franchement on passe un bon moment en sa compagnie.

Ce fut donc une lecture express, servie par une écriture sans concession mais non dénuée de nuances stylistiques qui donne un certain cachet à ce premier volume des aventures de Billy Lafitte. Addiction immédiate, ascenseur émotionnel varié (du sourire au dégoût), des personnages charismatiques, un univers en pleine déréliction et un plaisir de lire de tous les instants font de ce roman une petite bombe à côté de laquelle il serait dommage de passer.

Posté par Mr K à 17:45 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
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