"RIP" Intégrale de Julien Monier et Gaët's

L’histoire : Des gens meurent parfois dans l’indifférence générale. Ces gens qui n’ont pas de famille, pas d’entourage, pas d’ami. Ils vont parfois rester longtemps chez eux avant qu’on ne les découvre. Heureusement la société qui emploie Derrick et ses collègues est chargée de faire le ménage avant que toute la famille ne défile. Ce qu’ils découvrent n’est pas toujours beau à voir...

La critique de Mr K : Super série BD découverte une fois de plus grâce à l’entremise de l’ami Franck. Dans RIP de Julien Monier et Graët’s, on baigne dans le noir avec une galerie de personnages saisissants et un scénario simple sur le papier mais qui est repris tome par tome via de nouvelles perspectives livrant ainsi des ramifications insoupçonnées qui donnent un aspect jubilatoire à la lecture. Franchement, la claque !

On suit une bande d’étranges personnages dont le travail est peu ragoûtant : la société qui les emploie les envoie au domicile de personnes décédées sans que les autorités ou même la famille soient au courant. Ils sont chargés d’explorer les lieux et de rapporter tout ce qui pourrait se révéler intéressant. C’est seulement après que le décès est signalé. Lors d’une opération de routine, Derrick va s’emparer en cachette d’une bague qui l’hypnotise par la grosseur de son diamant central, une bague qui pourrait lui permettre d’enfin changer de vie. Mais tout ne va pas se passer comme prévu...

On rentre assez vite dans le vif du sujet et le premier tome plante bien le décor. C’est très sombre, les différents personnages ne sont pas des plus rassurants et les rouages du récit se mettent en place. Quand on a terminé le tome centré sur Derrick, on se dit qu’on a lu un excellent polar bien craspec où l’on cherche une once d’humanité. On est loin de se douter que les volumes suivants vont faire encore plus monter la tension, éclairer des zones d’ombre et explorer des facettes de l’histoire qui au début auraient pu paraître secondaires mais qui prennent d’un coup de l’importance. Quand à la fin toutes les pièces du puzzle sont assemblées, on se rend compte que l’écriture de cette saga est une pure merveille de finesse et de machiavélisme. J’en reviens toujours pas, il y a vraiment un côté très littéraire et recherché.

La caractérisation des personnages est un modèle du genre. On croit savoir qui tient les premiers rôles mais les volumes défilant, on se rend compte qu’il n’en est rien, que certains personnages secondaires cachent bien leur jeu. On est bien mal loti comme lecteur pour savoir qui on peut aimer ou qui nous inspire du dégoût tant les différents personnages ont des facettes multiples : Eugène le bourrin raciste, le vieux taiseux implacable, la serveuse du bar qui ne se laisse pas faire, le petit nouveau qui tient pas la barre, le jeune illuminé aux étranges obsessions, deux agents de police aux méthodes délictueuses et de nombreuses autres âmes torturées vous donnent rendez-vous dans une série qui tient en haleine du début à la fin, ne nous décevant jamais !

En plus, c’est documenté, très précis dans ce que ça décrit, en terme de données scientifiques. Je pense notamment aux étapes de la décomposition d’un corps ou l’étude des insectes qui aide beaucoup les enquêteurs dans leurs investigations. C’est très riche en apport documentaire sans en faire trop, équilibrant la lecture, qui oscille entre divertissement, stress et révélations fracassantes. On côtoie la mort, la pourriture (dans tous les sens du terme), les vicissitudes humaines dans ce qu’elles ont parfois de plus glauque (sacré Albert !). Le tout est magnifié par des dessins subtiles et dynamiques qui emportent l’adhésion dès les premières planches.

Clairement RIP est un classique dans son genre, une œuvre intelligente, fine et marquée du sceau de la plus grande noirceur. Certainement, une de mes meilleurs Lecture BD de l’année 2023.

Comments

[Zina]

J'ai très envie de la lire !