"La Dose" de Melvin Burgess
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L’histoire : Une nouvelle drogue vient de sortir. Le Raid. Tout le monde en parle. Prenez-la et vous vivrez la semaine de vos rêves. Mais après vous mourrez. Adam est tenté. La vie ne vaut rien. Sa copine veut le quitter, son frère est parti ; il n'a aucun avenir. Alors, qu'est-ce qu'il a à perdre ?
La critique de Mr K : C’était mon emprunt au CDI de mon établissement pour les vacances de Noël et ce fut une très bonne lecture. La Dose de Melvin Burgess, un auteur que je découvrais à l’occasion et qui m’a diablement séduit comme je vous le dirai plus loin, est un très bon roman de littérature jeunesse qui combine récit haletant, background de fin du monde saisissant, un portrait de l’adolescence juste et fort, et une écriture dynamique qui apporte un confort et un plaisir de lecture optimum. Sacrée découverte !
Dans un monde désenchanté où la colère gronde, le Raid est LA nouvelle drogue qui fait des ravages notamment chez les plus jeunes. Un cacheton d’ingéré et c’est une semaine de rêve garantie avec cependant la mort qui vous attend irrémédiablement en fin de période. Le trip ultime en quelque sorte ! Notre jeune héros, Adam, a tout pour être heureux au début du récit. Une famille aimante, une petite amie et au lycée tout va bien. Quand il va perdre son frère, mort dans des conditions tragiques, tout va être remis en cause et son histoire d’amour se fragilisant, il décide de prendre du Raid pour réaliser tous ses rêves et fantasmes durant les sept jours qui lui restent. Après tout, qu’est-ce qu’il a perdre ? Sûrement plus qu’il ne pensait.
On démarre sur les chapeaux de roue pour ne jamais ralentir durant tout le roman. Écrit comme un page-turner, alternant notamment les points de vue et les chapitres courts, chaque partie annonce la suivante, créant une addiction et une attente considérable. Le risque dans ce cas là est la frustration ou l’absence de réponse... tel n’est pas le cas ici avec une œuvre plus dense qu’il n’y paraît de prime abord, l’auteur multiplie les pistes, les personnages, distille les éléments clefs au compte-goutte dans une science de la narration millimétrée. Les coups du sort sont nombreux, les retournements de situation et les révélations aussi sans pour autant tomber dans la surenchère ou le superficiel, tout est plausible et très bien construit.
Les personnages sont très attachants voir "attachiants" comme j’aime à décrire les adolescents en général et beaucoup de ceux qui me sont confiés dans le cadre du travail. Pleins de vie, extrémistes dans leurs prises de position, jonglant avec leurs émotions contradictoires comme ils peuvent, s’y prenant mal en amour, se prenant des murs mais aussi se relevant, poussés par Eros et Thanatos mêlés. Adam et Lizzie (sa copine) sont de très beaux spécimens qui loin des clichés livrent des personnes nuancés qui se cherchent, se laissent déborder, se raccrochent aussi parfois à des espoirs, des mirages. Le sens de la vie, son but, sont les deux thématiques brillamment explorées ici avec naturel et sensibilité. Malgré des passages rudes qui prennent aux tripes, le message général est positif mais jamais niais. Idéal pour éveiller les consciences à ce qui a de l’importance dans une existence, dans les turbulences que l’on traverse quand on est adolescent.
Surtout que le background est glaçant. Le modèle capitaliste libéral a atteint ses limites, la lutte des classes est plus que jamais d’actualité et un groupuscule prône la lutte armée. Des émeutes éclatent un peu partout (l’action ici se déroule à Manchester, l’auteur est anglais), les frontières entre chaos / loi, légalité et illégalité se floutent. Un vent de révolte souffle, une quête effrénée de changement et de liberté avec à la clef la violence et peut-être un changement radical. La situation fait écho à la tempête intérieure d'Adam et les deux s’imbriquent très bien avec en parallèle la situation familiale d'Adam qui n’est pas simple à partir du moment où le frère aîné disparaît et avec lui la seule source de revenus de la famille (le père handicapé ne trouve plus de travail). L’ouvrage a donc aussi un aspect un peu Loachien mais à la portée de nos jeunes pousses de lecteurs.
La Dose est un roman engagé est très bien écrit. L’écriture est vive, incisive, franche. On ne tourne pas autour du pot, on ne contourne pas les récifs, on les affronte ici avec son lot de désolation et de risques. Le lecteur n’est jamais pris pour une buse, pour un benêt. Qu’il soit question de drogue, de sexe, de sentiments, l’auteur leur offre des mots vrais, qui résonnent et marquent durablement et sainement. L’ensemble donne un très bel ouvrage à faire absolument découvrir. Pour ma part, je vais chercher à dégoter d’autres titres de Melvin Burgess, à commencer par Junk, son roman le plus connu.