"Imelda" de John Herdman
L’histoire : Qui est le père de l’enfant d’Imelda ?
Dans ce récit intense et iconoclaste, John Herdman remonte le temps dans une double narration où deux discours contradictoires se superposent et s’entrecroisent, à l’image de la folie qui tisse sa toile et emprisonne Imelda dans ses longs fils vénéneux. La grandiloquence des narrateurs est à l’image de leurs vices, dévoilant une société passéiste et mortifère, fondamentalement hypocrite.
La critique de Mr K : En 2018, je découvrais John Herdman avec la parution de La confession déjà chez Quidam. Le roman m’avait soufflé par sa puissance évocatrice, la qualité de son écriture et son récit à tiroirs. Ne voila-t-il pas que l’auteur récidive avec la parution récente d’Imelda, un roman à la couverture sublime, une œuvre tout aussi addictive que la précédente où deux points de vue vont se croiser pour lever le mystère autour d’Imelda, une jeune fille au charme fascinant qui va déchaîner les passions. Lu en un temps record, voila un roman que je ne suis pas près d’oublier !
Tout débute par une lettre envoyée par une dame au dernier membre vivant de la famille Agnew, une dynastie anglaise bien installée. Elle cherche des informations sur sa mère, la fameuse Imelda. Loin d’être envoyée paître par le major Agnew, ce dernier se révèle ouvert et soucieux de l’éclairer. Il finit par lui envoyer deux manuscrits de personnes disparues de sa famille qui ressemblent à s’y méprendre à des testaments, des récits vite échevelés mettant en scène Imelda, son arrivée chez les Agnew et les mois et années qui ont suivi. On lit alors les deux témoignages l’un après l’autre.
Le premier narrateur est vivement épris de la jeune fille, il en tombe raide dingue dès son arrivée. Cette dernière a été adoptée par leur oncle revenu de terres lointaines, Imelda a en effet perdu ses parents. Très vite on comprend qu’elle est promise au frère aîné et cela agace au plus profond de lui le narrateur qui est persuadé que l’amour de sa vie, c’est elle ! La tension ne fera que monter entre frustrations, raisons familiales, moralité. Le drame final vient nous cueillir et on se dit que c’est terminé...
C’est sans compter la malice de l’auteur qui nous propose alors le récit de l’oncle qui diverge sensiblement du premier. Ce nouveau point de vue remet en question tout ce que l’on pensait savoir sur la situation, les tenants et les aboutissants. L’effet est littéralement renversant, la double narration se révèle profondément troublante. Qui croire ? Les deux versions se contredisent sur de nombreux points et l’on se demande bien où se trouve la vérité entre les deux. Oncle trop protecteur ? Jeune homme dérangé mentalement qui imagine beaucoup de choses ? On navigue dans le flou total dans un roman où l’ambivalence est de mise et où se mêlent secrets, jalousie et espérance dans un style précieux et délicat.
La figure d’Imelda ressort du roman comme une icône inaccessible, une beauté divine en quête de liberté que les conventions maintiennent en semi-captivité du fait de son statut d’adoptée. Les passions se déchaînent, la maintiennent finalement sous cloche et bien malin qui devinera le dernier mot de cette histoire flamboyante, élégante dans sa forme et très fine dans son approche psychanalytique. L’être humain est ici exploré dans toute sa richesse, ses contradictions. Pulsions et raison s’entrechoquent pour le plus grand plaisir quelque peu sadique du lecteur.
J’ai accroché directement à ce roman à la langue si subtile, si plaisante, si hypnotisante... On se laisse emporter par cette histoire au sous-texte universel où chacun semble se débattre dans sa propre existence. On ressort heureux et un peu ébranlé de ce texte fort et puissant, émouvant et rude à la fois, un texte marquant et jubilatoire. À lire !