"L'Étrange vie de Nobody Owens" de Neil Gaiman
L’histoire : Nobody Owens est un petit garçon parfaitement normal. Ou plutôt, il serait parfaitement normal s'il n'avait pas grandi dans un cimetière, élevé par un couple de fantômes, protégé par Silas, un être étrange ni vivant ni mort, et ami intime d'une sorcière brûlée vive autrefois. Mais quelqu'un va attirer Nobody au-delà de l'enceinte protectrice du cimetière : le meurtrier qui cherche à l'éliminer depuis qu'il est bébé. Si tu savais, Nobody, comme le monde des vivants est dangereux...
La critique de Mr K : Superbe lecture que l’ouvrage dont je vais vous parler aujourd’hui. Avec Neil Gaiman, il faut dire qu’on ne prend pas vraiment de risques et mes sept / huit lectures précédentes (liste exhaustive en fin de post) m’ont à chaque fois charmé et emporté. Dans L’Étrange vie de Nobody Owens, Neil Gaiman nous propose un très beau conte gothique à la sauce Tim Burton avec la destinée extraordinaire (et flippante) d’un jeune garçon que la vie n’a pas épargné dès le plus jeune âge. L’ouvrage n’a pas fait long feu, je l’ai littéralement dévoré.
Un soir fatal, la famille d’un petit garçon de trois ans est assassinée à l’arme blanche par le Jack, le tueur le plus célèbre de Londres. Mais le destin le sauve et le voila adopté par un couple de fantômes habitant le cimetière juste en face. Il est alors élevé comme l’un des leurs ne devant par contre sous aucun prétexte sortir de l’enceinte du parc funéraire. Les Owens veillent sur lui ainsi que Silas, son tuteur officiel, un être étrange qui semble naviguer entre deux mondes, celui des vivants et des morts. Au fil des chapitres, Gaiman nous compte les découvertes et mésaventures de Nobody Owens avec en ligne de mire le nécessaire affrontement avec le Jack qui n’en a toujours pas fini avec lui.
Le charme opère directement avec une écriture splendide, très poétique et ambivalente dans ce qu’elle véhicule. La majorité de l’ouvrage met en scène des décédés et se déroule dans un cimetière. La magie opère, nous accompagne, créant un émerveillement de tous les instants. Le parallèle avec Burton se fait naturellement mais l’ouvrage a sa propre identité, on n’est pas seulement face à un fac-similé ou une pâle imitation. L’univers en lui-même déjà est très original comme c’était déjà le cas pour Coraline. On se laisse porter par la noirceur ambiante, les mystères nébuleux qui planent entre les tombes et les ellipses scénaristiques qui maintiennent le suspens jusqu’au bout notamment sur le Jack et la confrérie secrète à laquelle il appartient. Je me suis fait totalement blouser j’avoue et j’adore ça.
Le personnage de Nobody est très attachant et cet ouvrage s’apparente clairement à un roman initiatique. Au delà du traumatisme originel, le jeune héros va vivre des aventures incroyables. Croiser des êtres inquiétants (spéciale dédicace à la vouivre), vouloir sortir des limites en grandissant, en explorant des parties du cimetière qui lui sont interdites puis le monde extérieur, se faire une amie malgré sa situation si particulière... Il va beaucoup apprendre, forger son caractère et devenir celui qu’il doit devenir. C’est très fin dans l’approche, c’est un conte mais aussi l’histoire de la vie dans un cadre mortuaire... C‘est étonnant et décalé, totalement réussi et impressionnant de maîtrise.
Les autres personnages ne sont pas en reste avec son lot de personnalités truculentes que l’on rencontre au fil des excursions dans le cimetière, j’ai notamment adoré le poète maudit qui donne de bons conseils à Nobody pour aborder une fille. La figure tutélaire de Silas touche aussi en plein cœur, empli de contradictions mais ayant un grand attachement à son protégé, il est sans conteste LE personnage le plus magnétique de l’ouvrage. On croise aussi quelques personnages peu recommandables pas piqués des vers. L’ensemble est cohérent et fournit une galerie de personnages qu’on aime suivre dans une trame variée et narrativement inventive.
Cette lecture fut vraiment envoûtante, on plonge avec délice dans les pages qui nous retiennent captifs sans que l’on puisse protester. L’étrangeté se dispute à l’émotion pure et l’on passe vraiment un moment épatant fournissant un plaisir de lire absolument incroyable. C’est un gros coup de cœur pour moi. Vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Lus et chroniqués de Neil Gaïman au Capharnaüm Éclairé :
- "De bons présages" (en collaboration avec Terry Pratchett)
- "Stardust"
- "American gods"
- "Anansi boys"
- "Coraline"
- "Neverwhere"
- "Violent cases"