"La Cité des nuages et des oiseaux" d'Anthony Doerr
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L'histoire : Un manuscrit ancien traverse le temps, unissant le passé, le présent et l'avenir de l'humanité.
Et si seule la littérature pouvait nous sauver ?
La critique Nelfesque : Quel roman ! "La Cité des nuages et des oiseaux" a été une excellente surprise et un ouvrage que je ne cesserai dorénavant de conseiller autour de moi. Après le coup de coeur que fut "Toute la lumière que nous ne pouvons voir" sorti et lu en 2015, c'est 8 ans après que je décidais de découvrir le dernier né, vierge de tout le concernant. J'ai intentionnellement évité de lire toutes les critiques, j'ai fermé les yeux sur la 4ème de couverture et j'ai même attendu un an avant de le sortir de ma PAL. Comme j'ai bien fait ! Anthony Doerr m'a une nouvelle fois cueillie, émue, marquée.
"La Cité des nuages et des oiseaux" est un livre somme, un hommage à la littérature, à l'amour sous toutes ses formes, à la vie. A la fois roman historique, conte et légende, roman contemporain et ouvrage de science-fiction, entre ses pages, le lecteur voyage de la Constantinople du XVe siècle à un futur lointain au sein de l'Argos, un vaisseau où la survie de l'humanité se joue dans le vide spatial, en passant par l'Amérique des années 50 et de nos jours. Nous suivons Anna et Omeir de part et d'autre du mur en pleine prise de Constantinople, Zeno de la Corée jusqu'à aujourd'hui, Seymour de son arrivée tout jeune dans l'Idaho avec sa mère et sa solitude à son face à face avec Zeno, Konstance à 42.399 années-lumière de la Terre à bord de l'Argos lancé en direction d'une exoplanète à 7.774.958 km/h. Leurs histoires se croisent, difficile au début de les relier entre elles et c'est même assez déconcertant de changer de genre littéraire à chaque chapitre. Puis en acceptant de se laisser balader, d'être charmé par chacun d'eux, on ne peut plus lâcher l'ouvrage. 700 pages plus tard, on est changé !
Au milieu de tout ça, un livre, un codex : "La Cité des nuages et des oiseaux" d'Antoine Diogène. Une curiosité, un espoir, un guide, un compagnon, une lumière dans la vie des personnages. A différentes époques, dans différentes conditions, sous différentes formes, il voyage avec eux. Récit lui-même d'un voyage aux confins des mers, du ciel et du monde, il est porteur d'un message, d'une philosophie, d'une vision. Anna, Omeir, Zeno, Seymour, Konstance s'inscrivent dans les pas du jeune Aethon.
Anthony Doerr réalise ici un coup de maître. Je le savais déjà talentueux, je le découvre ici multiforme, crédible dans tous les styles littéraires, nous alpaguant tout autant dans ses récits oniriques que dans ses projections futuristes. Il n'y a absolument rien à jeter dans cet ouvrage et on se plaît même à apprécier ici des genres qui nous sont d'ordinaire abscons et des histoires vers lesquelles on ne serait pas allé intentionnellement. "La Cité des nuages et des oiseaux" c'est un tout, un ouvrage qui ne souffre pas de superflu, où chaque élément a sa place et son importance jusque dans les détails anodins. Avec une facilité déconcertante, une écriture simple, Anthony Doerr nous livre une histoire pourtant complexe, celle de la vie qui nous traverse tous, qui forme un tout et nous relie les uns aux autres quelle que soit la temporalité. Un grand bravo Mr Doerr et respect !
La critique de Mr K (edit du 15/01/24) : C’est à nouveau dans le cadre de notre défi interne #piochedanslautrecapharnaum, que Nelfe m'a proposé de découvrir cet ouvrage qui l’avait fortement marquée lors de sa lecture l’année dernière. Une fois de plus, le conseil a été plus que précieux car La Cité des nuages et des oiseaux d’Anthony Doerr est un bijou parmi les bijoux. Profitant d’un arrêt maladie pour cause de symptômes grippaux fort prononcés en décembre dernier, j’ai pu le lire quasiment d’une traite entre deux plongées dans le sommeil réparateur et je peux vous dire que ce roman est une véritable révélation, une sorte de Graal pour tout amateur de littérature et toute personne qui croit profondément au pouvoir de l’imagination.
Roman polyphonique, on croise plusieurs personnages que rien ne semble relier entre eux. Une jeune fille seule dans un vaisseau spatial en partance pour une nouvelle colonie humaine, un jeune paysan roumain et une jeune brodeuse de Constantinople en 1453, un vieil homme revenu de la guerre de Corée, une jeune homme instable qui s’apprête à commettre un acte irréparable... Différentes époques, des profils totalement différents si ce n’est que la vie ne leur fait pas vraiment de cadeau (comme à la plupart d’entre nous, non ?) et qu’ils vont de près ou de loin croiser le chemin d’un mystérieux ouvrage qui va d’une manière ou d’une autre bouleverser leur existence. Les destins éloignés le sont-ils autant que ça ? Au fil de la lecture, l’architecture complexe de la trame se fait jour et nous mène vers une fin absolument grandiose.
Ce roman est inclassable car il est à la croisée des genres. On passe de la SF, au conte, au roman historique, au récit intimiste, au récit initiatique à la littérature dramatique contemporaine et cela sans souci, sans rupture ou opposition. Ce melting pot pourrait faire peur et se révéler indigeste, et pourtant... tout coule naturellement, tout s’enchâsse parfaitement, l’auteur nous tend la main dès le premier chapitre et ne nous la lâchera jamais. Sa science de l’écriture, sa narration millimétrée et hypnotique, le soin qu’il apporte à la caractérisation de ses personnages, son érudition délicieusement accessible font de ce roman une merveille de tous les instants, une délicate sucrerie où l’on alterne moments de grâce et dureté de la vie, et où l’on est transpercé littéralement par des émotions durables et variées.
Je me suis attaché à tous les personnages sans exceptions tant ils m’ont parlé, chacun dans leur singularité, leur course à la vie qui prend de multiples formes. Croisant des extraits du fameux manuscrit ancien au cœur de l’histoire, les petits chapitres qui s’égrainent se complètent les uns les autres, se font échos et font remonter nombre d’expériences et réflexions personnelles. Ce roman parle de littérature, du pourvoir d’imaginer, de s’évader, de changer mais aussi de réaliser la chance que l’on a, de se contenter de l’essentiel et de profiter de la vie. Tout cela avec finesse, sans pathos, simplement en se laissant emporter loin, très loin de tout ce que l’on a l’habitude de lire.
La Cité des nuages et des oiseaux a une véritable dimension magique, un charme fou et il procure une joie de lire rare et précieuse. Il rentre immédiatement dans le haut du classement de mes lectures préférés. Il n’y a pas à dire, elle sait y faire Nelfe quand il s’agit de conseiller une lecture. Laissez-vous tenter à votre tour, vous ne serez pas déçus.