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Le Capharnaüm Éclairé
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18 mai 2023

"Tête en l'air" de Richard Gaitet

L’histoire : Il a survécu à l’aiguille du Midi par l’intervention d’une providentielle main au cul, hurlé de peur dans la vallée d’Aoste, gravi cinq fois de suite en courant les deux premiers étages de la tour Eiffel, descendu sans corde des échelles d’acier sur 250 mètres, découvert les joies de la tomme de Savoie au petit-déjeuner, relu Tolkien, Lionel Terray, Mary Shelley et les mangas d’Akira Toriyama, et surtout... appris le maniement du piolet afin d’aller danser sur des arêtes sommitales de 40 centimètres de large, avec 2 000 mètres de vide de chaque côté, par - 8 °C et le visage battu par des vents de 50 km/h...

 

Plutôt branché bouquins que bouquetins, Richard Gaitet n’avait, avant cette épopée, aucune expérience de la montagne. Novice attentif à la parole du guide le plus romanesque qui soit, René Ghilini – vainqueur de l’Annapurna et chasseur de cristaux –, il livre l’authentique et drôlissime récit d’une première ascension du mont Blanc par un blond à lunettes inexpérimenté qui, au cours de son voyage, réapprit à marcher.

 

La critique de Mr K : Un livre bien fun pour ma chronique du jour avec Tête en l’air de Richard Gaitet, récemment réédité en version poche chez Paulsen. C’est l’histoire peu commune d’un homme pas forcément destiné à réaliser un exploit sportif tel que l’ascension du Mont Blanc, sommet le plus haut d’Europe occidentale avec ses 4807 mètres d’altitude. Je me suis bien amusé en lisant cet ouvrage qui mèle habilement le récit d’initiation, d’aventure sur un ton autoparodique du plus bon effet.

 

Sur le papier, Richard n’est pas taillé pour gravir le Mont Blanc. Un physique commun, un laisser-aller au niveau hygiène de vie en terme de bouffe et de boisson, un homme gai avec quelques soucis cardiaques hérités génétiquement... Mais voila, une occasion unique se propose à lui de monter cette sommet mythique et d’écrire sa préparation et ascension. Ce qui au début ressemble furieusement à un pari quelque peu insensé, va devenir une grande aventure humaine avec son lot de désillusions, d’espoirs et de franche rigolade car le Richard c’est un marrant qui suscite la sympathie immédiatement.

 

Très attachant, il ne se prend pas au sérieux et cela donne un ton délicieusement décalé là où certains se glorifieraient dans un nombrilisme des plus déplaisants (la maladie de ce début de siècle). L’auteur nous raconte tout de A à Z avec notamment, intercalés entre différentes phases clefs, des passages de son enfance révélateurs de cette envie de grimper le Mont Blanc. On apprend ainsi qu’il réalise un peu le rêve que son père n’a jamais pu concrétiser ce qui le rendra immensément fier quand cette montée aura été réalisée. Richard n’est donc pas qu’un simple journaliste voyageur à la plume légère et fun, on ressent un profond respect pour la montagne et les gens qui l’entourent, une simplicité, une humilité de tous les instants et un sens de la dérision vraiment rafraîchissant. Ce qui tombe bien quand on évolue en haute montagne vous remarquerez.

 

Et puis, il y a toutes les étapes qu’il doit franchir avant de pouvoir ne serait-ce qu’imaginer s'attaquer au grand Blanc. Exercices de préparation physique plus ou moins adaptés dans Paris, lectures diverses avec des références scientifiques et humaines à l’appui délicatement glissées ici ou là qui nourrissent le récit et l’enrichissent. Ensuite, c’est la rencontre avec René, guide de haute montagne, véritable légende du milieu qui va l’accueillir à Chamonix et l’entraîner réellement à savoir marcher dans la neige, grimper, escalader, surmonter sa peur du vide à l’occasion (le passage avec les échelles est aussi tordant que flippant), connaître son matériel et lui rappeler l’essentiel à des moment cruciaux car comme son titre l’indique l’auteur est tête en l’air (je m’y retrouve totalement) et possède un sens de l’équilibre tout relatif depuis longtemps. René m’est apparu comme une sorte de deuxième père pour son protégé, dispensant conseils et engueulades, recevant Richard chez lui pour partager un repas, la chaleur d’un foyer et des moments d’échanges parfois hauts en couleur.

 

Quand vient l’ascension proprement dite à la fin du volume, c'est peu de pages finalement au regard du reste mais l’intérêt est ailleurs finalement, l‘auteur se fait encore plus introspectif, poétique voire psyché par moments. Les effets de l’altitude sûrement ! On réalise avec lui que cette expérience valait vraiment le coup, qu'elle l’a éprouvé et transformé. C’est beau, immaculé comme la neige des sommets et l’on redescend presque déçu des cimes car on aurait voulu profiter davantage de ses impressions au sommet, de découvrir ce à quoi il a pensé et réfléchi.

 

Bel ouvrage vraiment que cette tranche de vie extrême et douce à la fois, qui nous parle aussi de nous-même à l’occasion de certaines réflexions et rigolades. Un très bon moment de lecture que je vous invite à entreprendre à votre tour si le sujet vous intéresse. Vous ne serez pas déçus.

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