"Pourvu que mes mains s'en souviennent" de Quentin Ebrard

L’histoire : On ne sait pas bien ce qu’il se passe dans ce château cerné par des champs de tournesols, dans cette étrange colonie de vacances. Des choses mystérieuses, angoissantes. Certains enfants sont là de leur plein gré, on aurait dit depuis toujours, d’autres ont été arrachés à leur famille. Les monos rôdent dans une atmosphère inquiétante. On tâtonne un peu dans le noir aux côtés de Louise, la jeune narratrice. Ici et là, on entend parler de mauvais traitements, certains pensionnaires sont abrutis par les médicaments, d’autres disparaissent du jour au lendemain. Louise sait qu’elle a été kidnappée. Elle est perdue, elle se sent menacée et n’a qu’une obsession : sauver sa peau.

La critique de Mr K : Vous aimez prendre des claques ? Ce roman est fait pour vous ! Il m’a littéralement retourné et même si j’ai découvert le pot aux roses à mi-parcours, quelle expérience ! Dans Pourvu que mes mains s’en souviennent, Quentin Ebrard, ex journaliste et désormais influenceur littéraire, nous propose un voyage au cœur de l’intime, dans un jeu de dupes jubilatoire qui met le lecteur dans tous ses états et le cloue sur place lors d’un final d’une intensité rare. Wouah, je ne vais pas m’en remettre !

Ce soir, c’est LE soir ! Louise va s’enfuir. Partir de cette colonie de vacances horrible où elle est séquestrée. La voila à travers champ courant vers la liberté... mais Joël, le gardien-chef est un malin et lui remet vite la main dessus. De retour dans ce camp de prisonniers, elle ressasse son échec et réfléchit déjà à sa future tentative. Elle peut compter sur Simon, un camarade qui n’a d’yeux que pour elle et Juliette sa grande amie pour tenter de s’échapper de cet enfer. Mais les apparences pourraient bien être trompeuses...

Écrit à la première personne, l’immersion est vraiment immédiate. Louise nous partage toutes ses pensées et notamment la peur qui l'habite constamment. Enlevée et cloîtrée dans un lieu obscur, elle ne souhaite qu’une chose, retrouver ses parents. Ce qui lui arrive est impensable à ses yeux, jamais ses géniteurs ne l’auraient laissée tomber ou abandonnée. Toute cette souffrance explose en plein visage du lecteur. Pour autant Louise est du genre coriace, résistante et elle ne se laisse pas abattre. Caratère bien trempé, un sens du défi et beaucoup de malice font d’elle une héroïne immédiatement attachante pour qui on prend fait et cause.

Il faut dire qu’une ombre semble planer sur elle avec un gardien-chef des plus retors, une directrice froide comme une porte de prison et une privation de liberté qui obnubile et rend folle Louise. Malgré la présence d’alliés précieux, la possibilité de se confier, il lui manque la liberté, la possibilité de faire des choix et de vivre sa vie pleinement.

Puis à la moitié du récit, on commence à se poser des questions. Les frontières entre réel et imaginaire s’étiolent. Des disparitions inquiétantes, une ombre féminine qui veille sur elle ou du moins l’observe, des passages narratifs qui semblent sortis de nulle part... une étrange impression s’insinue dans l’esprit du lecteur qui se doute que Quentin Ebrard va le mener en dehors des sentiers battus. J’avoue avoir deviné le stratagème à ce moment là mais qu’importe... Lorsque la révélation arrive, on est sur les genoux, on pleure pas mal face à la vérité cristalline et l’on se dit que l’auteur est fort, très fort.

Au départ, je trouvais l’écriture un peu plate, sans relief, plutôt classique pour ne pas dire anecdotique. Mais à mesure que la trame s’enrichit, que les événements s’enchaînent et les clefs nous sont livrées, on prend la mesure de ce projet d’écriture, de cette sensibilité hors norme qui habite cet écrit et toutes ses répercussions. Je l’avoue sans rougir, j’ai été littéralement bouleversé par Louise et son parcours, c’est beau, profond et emprunt d’une humanité sans borne. Pourvu que mes mains s'en souviennent est donc un réel coup de cœur, une expérience de lecture rare et absolument désarçonnante. Vous l’avez compris, ce titre est à découvrir au plus vite !