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Le Capharnaüm Éclairé
6 avril 2023

"La ligne" de Jean-Christophe Tixier

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L’histoire : Jusqu'où peut aller la folie des hommes ?

Un matin, des villageois découvrent une ligne au sol qui sépare la localité en deux. Une partition a été décidée par l'État. "Nous avons toujours vécu en paix les uns avec les autres", clament d'abord les habitants. Mais l'émoi suscité est vif et ce trait de peinture devient l'objet de toutes les préoccupations. La ligne traverse les terres, déchire les familles et les couples. Très vite, Le climat dégénère et les premiers accrochages surviennent, puis une disparition, un mort...

La critique de Mr K : En mars 2019, je découvrais Jean-Christophe Tixier avec son magnifique roman sur l’enfance bafouée, Les Mal-aimés. J’avais beaucoup aimé sa maîtrise du récit, sa langue implacable et sa manière de nous embarquer avec lui. Aujourd’hui, je vais vous parler de son dernier né : La ligne. La quatrième de couverture accrocheuse était pleine de promesse et je n’ai pas été déçu, j’ai adoré cet ouvrage qui nous propose un roman noir d’une portée impressionnante et à la construction parfaite.

Un village français s’éveille donc un matin coupé en deux par une ligne blanche, une ligne de partition décidée par le gouvernement et qui a été tracée durant la nuit quasiment à l’insu de tous. Pourquoi ? Dans quel but ? On ne le saura jamais vraiment mais le plus important est ailleurs. Les habitants ne le savent pas encore mais cela va mettre le feu aux poudres, révéler les secrets passés, raviver et accentuer des tensions en dormance et faire exploser la pseudo unité de la communauté. Tout ceci s’étale sur une trentaine de jours et est relaté à la manière d’un compte à rebours.

L’auteur alterne durant le roman les points de vue de différents personnages d’un chapitre à un autre en se concentrant plus particulièrement sur deux familles. Les Wasner qui sont établis dans la région depuis des temps immémoriaux et les Polora plus récemment arrivés, à qui les choses ont réussi à travers la trajectoire de trois frères (un tenancier d’épicerie, l’autre proprio d’une station service, le dernier tenant le bar-auberge du village). Ces deux familles sont en fait plus liées qu’on ne le pense de prime abord. Au fil du récit, les révélations vont s’accumuler, mettre en exergue les rancœurs et finalement libérer la parole autour de rumeurs plus ou moins fondées.

L’ouvrage met en lumière l’humanité dans ce qu’elle a de plus veule par moment. Calculs politiques, manipulations et mensonges, ruses détestables, familles déchirées, violence larvée, cette ligne va mettre en lumière nos travers les plus criants avec des destins qui s'entrechoquent et une souffrance, un mal de vivre qui se révèle à l’aune des divisions. L’incompréhension des uns et des autres, les blessures et silences familiaux, le manque d’empathie et les crises existentielles, les petites vengeances stériles mais dévastatrices, l’adolescence et ses affres, les crises dans un couple, l’autorité parentale, la lutte pour le pouvoir, rivalités et jalousies, le fatum qui semble parfois s’acharner sur soi et sa lignée... autant de thématiques traitées avec finesse au fil de la trame qui se densifie de manière exponentielle pour déboucher sur un final des plus chaotiques.

On se prend au jeu immédiatement, cette radiographie d’un village s'avère réaliste et universelle. Nous n’en ressortons pas grandis. Bien au contraire, c’est une belle métaphore filée sur la nature humaine, sa propension à ne pas apprendre de ses erreurs, de toujours convoiter plus et sa facilité à basculer parfois dans l’innommable et le nombrilisme dangereux. La violence finit par exploser, parfois symbolique parfois physique, la lente déconstruction du vivre ensemble commence, elle semble inéluctable et personne ne ressort indemne dans le casting de personnages.

Le lecteur non plus d'ailleurs tant il est happé par l’histoire et par les émotions contradictoires que cette lecture lui fait éprouver. Subtilement écrit, accessible et complexe à la fois dans la toile qu’il tisse, La ligne se lit avec un plaisir sans borne malgré une appréhension qui monte inexorablement. L’expérience vaut le détour croyez-moi, si vous aimez les roman noirs de chez noir, foncez, vous ne le regretterez pas !

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