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Le Capharnaüm Éclairé
28 janvier 2023

"Anna Thalberg" d'Eduardo Sangarcia

L’histoire : Un après-midi, alors qu’elle attise le feu dans la cheminée de sa chaumière, la jeune Anna Thalberg aux yeux de miel est enlevée par des hommes brutaux et amenée à la prison de Wurtzbourg, où on l’accuse de sorcellerie. Isolée et torturée pendant des jours, elle tient tête au cruel examinateur Melchior Vogel tandis que Klaus, le mari d’Anna, et le père Friedrich, curé de son village, tentent tout ce qui est en leur pouvoir pour lui éviter les flammes du bûcher. Petit à petit, le visage du Diable se révèle être celui du Dieu des hommes, et la sorcière un nouveau Christ.

 

La critique de Mr K : L’année littéraire 2023 commence fort bien avec cet ouvrage paru aux éditions La Peuplade début janvier. Anna Thalberg d’Eduardo Sangarcia est un premier roman d’une force incroyable, un souffle porté par une écriture hors norme.

 

Anna est arrêtée chez elle sans préavis alors que son journalier de mari est aux champs. Elle est emmenée à la prison de Wurtzbourg pour y être "interrogée". Dénoncée par une voisine jalouse et superstitieuse, Anna est accusée de sorcellerie malgré sa grande piété et son caractère doux. Mais sa chevelure de feu et ses yeux couleur de miel attisent les vicissitudes d’une communauté obscurantiste prompte à désigner un bouc émissaire pour expliquer tous les malheurs qui peuvent s’abattre sur elle.

 

Seule face au terrible Vogel et son bras armé, Anna va résister autant qu’elle peut. Elle ne veut pas avouer ce qu’elle n’a jamais fait, elle ne commerce pas avec le démon, elle vit simplement sa vie de femme et cela en dérange plus d’un. Dès le départ, on sait que personne ne ressort indemne de cette tour, que la condamnation est déjà prononcée mais qu’importe, on a envie d’y croire, on accompagne Anna sur son chemin de croix (le vrai Christ c’est elle au final). On suit en parallèle son mari désespéré qui tente tout pour la sauver mais qui se heurte aux portes closes, aux mauvaises volontés et au cloisonnement de la société de l’époque. Même le bon prêtre du village, Friedrich, fera son possible pour tenter d’éviter le bûcher à la jeune femme mais malgré son statut et sa verve, rien n’y fera.

 

Car Anna est rousse, car Anna est une femme qui a perdu des bébés avant terme, parce qu’Anna est douce et aimante, parce qu’Anna est passée par ici ou a rendu tel service... Anna est une sorcière et doit mourir. Les pseudos témoignages à charge s’accumulent et je peux vous dire qu’on a les tripes qui se tordent dans tous les sens durant toute cette lecture qui est d’une rare puissance addictive. L’évocation de l’époque, de la toute puissance du clergé protestant, des injustices sociales à commencer celles faites aux femmes donnent envie de hurler. La chasse aux sorcières se répand comme un incendie que rien ne semble rassasier, on pense au feu des enfers qui finalement est sur Terre et non dans les profondeurs réservés aux pécheurs. L’Enfer c’est les autres plus que jamais dans ce roman et la pureté est ici en Anna, figure forte et fragile à la fois, profondément humaine et sans haine aucune. Par son abnégation, elle nous montre le chemin à suivre. Un sacrifice terrible mais aussi un acte de foi profond.

 

L’auteur distille tout cela avec maestria, son écriture est unique. Chaque chapitre n’est constitué que d’une phrase, de propositions qui se répondent, s’interpénètrent, avec un retour à la ligne quand on change de point de vue ou de protagoniste, des dialogues posés comme des blocs indépendants de la narration, des strophes poétiques ouvertes sur les pensées intimes des personnages, l’absence de majuscules et de point accentuant l’immersion et déroutant le lecteur pour son plus grand plaisir. Les procédés utilisés bien que nébuleux n’égarent pas le lecteur, l’emmènent exactement là où l’écrivain veut le mener, vers un final haut en couleurs et un bonheur de lecture gravé au fer rouge.

 

Quelle lecture vraiment ! Quelle expérience ! Je pourrais en parler des heures, j’aurais envie d’en parler des heures tant elle m’a happé, marqué et passionné. Vous l’avez compris c’est un grand et gros coup de cœur. À découvrir absolument !

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Commentaires
C
Très très tentant ! merci pour cette belle chronique, je note 😉
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