"L'Antre" de Brian Evenson
L’histoire : L'antre, un lieu sous terre où il se réveille. Dehors, l'air est irrespirable. Pourtant, il va devoir sortir. Sa survie semble être à ce prix. Mais qui est-il ? Est-il aussi seul qu'il le pense ? Et d'où lui viennent les souvenirs qui le hantent ? Le terminal qu'il interroge possède peut-être quelques-unes des réponses aux questions qu'il se pose. Mais le terminal a aussi une question à lui poser : qu'entend-il par ce mot de personne ?
La critique de Mr K : Bien étrange et plaisante lecture que celle que je vais vous présenter aujourd’hui... Avec L’Antre de Brian Evenson, on se retrouve face à un véritable OLNI (Objet Livresque Non Identifié). Prenant la forme d’une novella SF de 110 pages, le récit est tour à tour énigmatique, hypnotique et métaphysique. Une expérience hors norme qui se mérite, interroge et finit par éblouir.
Un être solitaire vit terré dans l’Antre, un refuge souterrain qui le protège de l’extérieur, un environnement dont on lui a dit qu’il lui serait mortel s’il osait mettre le nez dehors de manière prolongée. Il n’a pour seule compagnie qu’un terminal sensé répondre à la moindre de ses interrogations et le temps passe inexorablement. À la faveur d’une question anodine, toutes les certitudes vont être bouleversées. Qui est-il vraiment? Humain, IA, alien ou même entité éthérée?
Rédigé sous la forme d’un rapport, l’ouvrage est vraiment nébuleux. Il faut se laisser porter et ne pas chercher à avoir toute les réponses dès le départ. D’ailleurs, même à la toute fin, certains aspects restent en suspens, à chacun de compléter les vides selon son ressenti. Rien de frustrant pour autant car ce roman s’apparente à une quête d’identité, une recherche de ce que l’on est vraiment, comment on se définit comme être humain.
Difficile d'en dire plus sans vraiment dévoiler le contenu. On passe la plupart du temps dans cette fameuse antre puis, à un moment, il y a une sortie durant laquelle le narrateur va faire une rencontre changeant sa perspective. Il va se confronter à autrui alors que lui-même semble avoir presque toujours vécu seul. Il fait référence à une mystérieuse lignée qui se transmet un flambeau, une mission dont on ne discerne pas vraiment les contours. Tout ce qu’il sait c’est que la moindre sortie pourrait lui être fatale...
Cet autre survivant va l’amener à réfléchir différemment et surtout à se considérer lui-même sous un autre angle. L’échange final dans ce domaine est assez stupéfiante (même drôle à un moment, vous comprendrez quand vous y serez), posant les bases d’une nouvelle logique, d’un changement de paradigme qu’on ne voyait pas forcément venir.
Il y a très peu de descriptions au final, notamment sur l’apocalypse et ses conséquences. Brian Evenson ne plante pas vraiment le décor, l’essentiel résidant dans les observations et questionnements intérieurs de son protagoniste principal. La dramaturgie est ici avant tout intime ce qui la rend quasi métaphysique et amène le lecteur à se poser beaucoup de questions. Le procédé est je l’avoue désarçonnant et risque d’ailleurs de se heurter à l’incompréhension de certains.
Me concernant, j’ai vraiment beaucoup aimé ce récit atypique, cette langue épurée d’une portée incroyable et cette couverture sublime. Un étrange livre au charme inouï que j’invite les plus curieux d’entre vous à se procurer et à lire. Il y a je pense ensuite matière à échanger et à s'interroger ensemble.