"T" d'Haruki Murakami
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L’histoire : Lequel de mes T-shirts a le plus de prix pour moi ? Je crois que c’est le jaune, celui qui porte l’inscription Tony Takitani. Je l’ai déniché sur l’île Maui, dans une boutique de vêtements d’occasion et je l’ai payé un dollar ; après quoi, j’ai laissé vagabonder mon imagination : quel genre d’homme pouvait bien être ce Tony Takitani ? Puis j’ai écrit une nouvelle dont il était le protagoniste, nouvelle qui ensuite a même été adaptée en film.
La critique de Mr K : Une lecture farfelue aujourd’hui avec une autobiographie d’un genre un peu particulier. Avec T, Haruki Murakami (qu’on ne présente plus et que j’adore) se propose de raconter sa vie à travers sa collection de T-shirts. Si si c’est possible et c’est franchement très réussi, fun, futile et à la fois profond.
100 clichés de T-shirts regroupés par chapitres et une double interview du maître par un journaliste japonais constituent cet ouvrage sorti en novembre aux éditions Belfond. T-shirts de surf, américains, animaliers, jazzy, musicaux, promotionnels, littéraires et autres se succèdent avec un Murakami qui égraine des souvenirs, des goûts, des confidences même sur lui-même et sa façon de voir la vie. Si on pratique l’auteur depuis longtemps, on retrouve des choses récurrentes lues dans ses ouvrages et d’autres qui font écho à ses autres vies (rappelons qu’il a été professeur à l’université aux USA ou encore tenancier d’une boîte de jazz). L’ouvrage est un beau révélateur et un vrai plaisir de lecture pour les fans de l’auteur qui se livre avec facétie à ce jeu de piste décalé.
De ces objets du quotidien accumulés au fil des décennies, pour certains même jamais portés, Murakami balaie donc son existence et surtout revient sur ses passions. Le surf dans les années 80 sur la plage de Kugenuma sur le duo Michael Jackson / Paul McCartney, la vie américaine et sa "gastronomie" (aaaah les burgers !), l’amour du bon whisky et les rituels qui vont avec, le goût pour la bière, le chinage de livres et de disques qui peuvent durer des heures, les animaux kawaïs mis en scène de façon incongrues, le rock et le jazz qui accompagnent l’homme depuis tellement longtemps, les t-shirt liés à l’amour de Murakami pour la course à pied (il a participé à pas mal de compétitions et d’événements), des t-shirts universitaires... Beaucoup de variété donc et au passage de bons mots, des anecdotes croustillantes et en filigrane la philosophie de vie de Murakami que l’on retrouvait déjà dans toutes ses œuvres de manière plus ou moins prégnantes.
Ce livre est plus léger qu’à l’habitude. C’est surprenant, parfois très drôle, et l’on rentre dans l’intimité de Murakami. L’ouvrage est beau avec des clichés bien mis en page, un papier épais et des espaces pour respirer, passer du coq à l’âne le sourire aux lèvres en se demandant bien ce que l’on va découvrir au chapitre suivant. La lecture est douce, très douce, enveloppante, on est bien dans l’univers de Murakami qui se met remarquablement en scène lors des achats et acquisitions de t-shirt, les raisons qui le poussent à aimer tel modèle plutôt qu’un autre, les personnes qu’il a pu croiser à cet occasion avec son lot d’échanges de paroles, de silences... Il se permet même de nous interpeller, de nous questionner même sur tel ou tel motif ou flocage. L’effet est garanti.
Bel ouvrage donc qui séduira avant tous les amateurs de Murakami qui trouveront l’occasion de l’aborder autrement, de découvrir des facettes de ce génie de la littérature que je ne désespère pas un jour de voir décrocher le Nobel en la matière. Il le mérite amplement pour l’ensemble de son œuvre.
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- "1Q84 : Livre I, Avril-Juin"
- "1Q84 : Livre II, Juillet - Septembre"
- "1Q84 : Livre III, Octobre - Décembre"
- "Kafka sur le rivage"
- "La Ballade de l'impossible"
- "Sommeil"
- "La Course au mouton sauvage"
- "L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage"
- "Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil"
- "Le Passage de la nuit"
- "Après le tremblement de terre"
- "Danse, danse, danse"
- "Saules aveugles, femme endormie"
- "Abandonner un chat"