"Il faut beaucoup aimer les gens" de Solène Bakowski
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L’histoire : À quoi tient la vie ? À nos liens invisibles. Nous, inconnus, sommes raccordés sans le savoir. Nos existences se percutent en silence.
Après un séjour en prison, Eddy Alune, 31 ans, est devenu veilleur de nuit, un métier qui lui permet d'échapper aux gens et aux ennuis. Il vient de perdre son père. En vidant l'appartement de son enfance, il retrouve des effets personnels qu'il a volés, vingt ans plus tôt, à proximité d'une SDF morte dans la rue. Poussé par la culpabilité, il décide de rendre à cette femme l'histoire qui lui a été confisquée. Une enquête commence, dans laquelle Eddy se lance magnétophone à la main, pour ne rien oublier. De rencontre en rencontre surgissent plus que des souvenirs. Des liens nouveaux se tissent et la mémoire, ravivée par Eddy, va bouleverser bien des vies.
La critique de Mr K : Chronique d’un livre qui fait du bien aujourd’hui au Capharnaüm éclairé avec Il faut beaucoup aimer les gens de Solène Bakowski, une jeune auteure qui s’était faite remarquer avec son précédent ouvrage que je n’ai pas lu mais qui à mon avis ne va pas me résister longtemps. Dans la lignée d’un Gavalda ou d’un Da Costa, ce livre profondément humain nous raconte une histoire de réparation, celle qu’on doit et celle qu’on mérite. Une fois l'ouvrage débuté, il est impossible de le refermer et l’on prend un sacré plaisir de lecture au passage.
Eddy contemple sa vie plutôt qu’il ne la vit. Récemment sorti de prison après un événement qui a mal tourné, il s’est engagé corps et âme dans le métier de veilleur de nuit, l’emploi idéal pour un gars comme lui qui veut éviter les embrouilles et se retrouver seul tant il n’est pas sociable et se sent mal à l’aise avec les autres. En débarrassant l’appartement de son père qui vient de décéder, il retombe sur des effets personnels qu’il avait dérobé près d’un cadavre de SDF, une femme sans identité qui aiguise désormais sa curiosité. Qui était-elle ? Pourquoi a-t-elle fini son existence de cette manière ? Eddy va remonter le fil des quelques indices qu’il a découverts et révéler à la fois la vie de l’intéressée mais aussi d’une bande d’amis, de tout un quartier et indirectement partager cela avec le plus grand nombre via des cassettes audio qu’il enregistre au fil de ses démarches.
Car en parallèle, on est dans le studio d’enregistrement de Luciole, une animatrice radio qui présente une émission de nuit où entre deux morceaux musicaux, elle répond aux appels des auditeurs qui cherchent un peu de réconfort, un conseil ou du moins une écoute. Tout va changer pour elle quand elle va recevoir par courrier des cassettes audio enregistrées d’un homme qui enquête sur une mystérieuse SDF trouvée morte 20 ans plus tôt, bandes son qui l’intriguent, la fascinent et cachent quelque chose. Faisant fi des attentes du patron de la station, même de certains de ses auditeurs, elle décide de passer les enregistrements en direct dans son émission ce qui va révéler bien des choses et provoquer quelques micro séismes.
L’entrecroisement des deux trames est très réussi, donnant corps à un jeu de pistes très stimulant pour le lecteur qui se demande bien vers quelle vérité tendent nos deux protagonistes principaux. Ces derniers ainsi que les personnages qui gravitent autour d’eux sont caractérisés de fort belle manière, chacun traînant des boulets de la vie, des angoisses et des habitudes qu’il faudrait casser. J’ai aimé cette complexité des esprits, ses trajectoires brisées au premier rang desquelles celle de la mystérieuse morte qui va retrouver une identité, une densité, une existence à travers le travail de recherche d’Eddy. On reste vivant tant que quelqu’un garde le souvenir de nous, Eddy va opérer une véritable résurrection et lever des secrets qui pourraient bien changer la vie de certaines personnes.
Très finement écrit, dans un style alerte et accessible, on se laisse prendre au jeu immédiatement et l’on se passionne pour cet enchevêtrement narratif entre rires et larmes. Les émotions se bousculent au fil des chapitres qui s’égrainent, des révélations successives qui donnent corps à un passé pas tout à fait révolu. Beau et limpide, véritable feel good reading qui ne tombe pas pour autant dans la facilité et le candide, voila un ouvrage qui devrait être remboursé par la Sécu tant il met du baume au cœur et propose une lecture solaire pleine de résilience.