"La Confrérie des innocents" d'Henri Gougaud
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L’histoire : Au XIIIe siècle, dans la région de Toulouse en proie aux débordements sanglants de l'Inquisition, Alexis, jeune moine, se voit confier un manuscrit par Baruhel, un alchimiste, juste avant sa mort sur le bûcher. Mais ce texte, dont Alexis ignore tout, est convoité par le grand évêque inquisiteur et ses sbires, qui le pourchassent sans relâche, lui et ses amis de rencontre : Verniolle, voleur au grand cœur, évadé de la prison de Pamiers ; Jeanne, la fille de Baruhel et nièce du redoutable évêque ; Anna, sa nourrice, qui se donne du bon temps avec le valet de l'évêque ; Adam de Miraval, jeune astronome, amoureux de Jeanne, et son valet Taleb, au rôle ambigu... Mais quel est le secret de ce livre ? Pourquoi est-il si recherché ?
La critique de Mr K : La lecture de La Confrérie des innocents d’Henri Gougaud paru chez Albin Michel récemment fut bien sympathique. Roman picaresque, récit initiatique et grande Histoire se mêlent ici pour le grand plaisir du lecteur et voila un ouvrage qui n’a pas fait long feu !
Alexis, un jeune moine à la foi vacillante n’a rien d’un héros à première vue. Plutôt ordinaire, il fréquente les livres, les copie et a voué son existence à Dieu et à son prochain. L’époque est rude, la chasse aux hérétiques est monnaie courante et les bûchers se multiplient un peu partout. La joie d’habiter au Moyen-Age ! Par un concours de circonstances, le voila unique gardien d’un ouvrage qui attise la haine et les convoitises des tenants de l’ordre établi. Nobles et membres du clergé semblent craindre au plus haut point cet écrit et sont à sa recherche depuis maintenant des générations. Le fardeau vient de changer de main et au départ Alexis n’en a pas vraiment confiance. Le voyage ne fait que commencer et il promet d’être rude !
Dès le premier chapitre, l’action est lancée avec un héros qui quitte l’endroit où il a toujours vécu et où il a tout appris. L’auteur ne s’attarde pas dans des scènes d’exposition à rallonge, le jeune Alexis se retrouve très vite sur les routes, fait la connaissance de ses compagnons et doit surveiller de près le mystérieux livre qui lui a été confié. Le parcours intime d’Alexis est très bien rendu avec cet acte premier qui correspond presque à la coupure du cordon ombilical, Alexis se retrouve plonger dans le monde entre fascination, intérêt mais aussi méfiance et appréhension. Par le prisme des différentes rencontres qu’il va faire, des amitiés qu’il va nouer, il grandit peu à peu, sa vision du monde change pour l’amener vers un chapitre final qui mettra en lumière bien des choses le concernant.
Et il en fait des rencontres ! Tous le personnages sont fouillés et caractérisés avec justesse et amour par un auteur soucieux de proposer une histoire ancrée sur des protagonistes crédibles et vivants. Pas de style ampoulé ici (comme c’est parfois le cas dans le genre du roman historique) mais des hommes et des femmes aux destins chargés, qui se débattent parfois avec leurs vies et qui apprennent à se connaître et éprouvent ensemble les difficultés qu’ils rencontrent. Très fidèle à la réalité historique, on traverse les lieux, on fréquente les différentes classes sociales avec un plaisir renouvelé avec une multitudes de détails intéressants qui ne viennent pas pour autant alourdir le récit. En soi d’ailleurs, le scénario est relativement simple et court, l’intérêt vient vraiment des personnages et de leur développement qu’ils soient du bon ou du mauvais côté d’ailleurs. Tous sont nuancés et l’on ne sait jamais vraiment comment ils vont réagir.
Enfin, il y a la figure du livre. Son existence elle-même nourrit une métaphore filée, un exemple de la lutte éternelle autour de la connaissance et de l’obscurantisme, du progressisme et de la réaction ou encore des Anciens et des Modernes. La nature profonde de l’ouvrage est au cœur de l’intrigue et par petite touche, l’auteur lève le voile sur certains aspects de sa nature et de son contenu, laissant le lecteur deviner et imaginer le reste. Cela rajoute un aspect ésotérique à l’ensemble, une touche de mystère enivrante et diablement prenante.
L’immersion est totale et le plaisir de lire important avec une langue subtile et agréable, tout en accessibilité sans pour autant tomber dans la facilité. Les amoureux de la période et les novices s’y retrouveront et passeront je n’en doute pas un excellent moment. Quant à moi, c’était le premier roman de l’auteur que je lisais, j’ai consulté sa bibliographie et il y a déjà d’autres titres de lui qui me font de l’œil. Aie aie aie !