Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Capharnaüm Éclairé
30 septembre 2021

"Persépolis" de Marjane Satrapi

9782844146762_1_75

L’histoire : Dans Persépolis, Marjane Satrapi, née en 1969, se souvient de son enfance en Iran, dans une famille intellectuelle et d'avant-garde. La petite Marjane rêve d'être prophète, se découvre une conscience de classe et lit "Le Matérialisme dialectique" en BD. Mais elle se souvient aussi de l'histoire de son pays, de la montée en puissance des islamistes et de l'année où le port du foulard est devenu obligatoire.

La critique de Mr K : C’est un grand tort que j’ai réparé en lisant cet œuvre que j’ai emprunté au CDI de mon bahut pour les vacances d'été. Je crois qu’on ne présente plus Persépolis de Marjane Satrapi, un ouvrage qui a fait le tour du monde et de la blogosphère. Jusque là, je n’avais pas eu l’occasion de me pencher sur la question et je ne voulais pas voir le long métrage qui en a été adapté avant d’avoir lu la BD originelle. C’est désormais chose faite et je suis totalement tombé sous le charme de cette bande dessinée au ton décalé entre drame et humour, où l’on suit passionné le parcours personnel d’une jeune iranienne de son époque prise dans les tourments de la révolution islamique.

Issue d’une famille bien installée et progressiste, la petite Marjane n’a pas sa langue dans sa poche. Il faut dire qu’elle parle avec Dieu tous les soirs en direct, qu’elle a un sens aigu de la justice et nourrit des rêves d’engagement (ses parents sont lettrés, éduqués et professent régulièrement des opinions libertaires) et vit une vie d’enfant insouciante ou presque. Le Moyen Orient est loin d’être la zone du globe la plus stable et elle va connaître très jeune la guerre qui oppose l’Iran et l’Irak puis la révolution islamique avec l’instauration d’une théocratie rigoriste et autoritaire. Elle sera envoyée seule à l’étranger (en Autriche pour commencer) pour continuer ses études dans un pays libre car l’Iran ne lui convient plus. Elle devra un temps se séparer de ses parents, de sa très chère grand-mère et grandir bon gré mal gré comme toute adolescente de son âge.

0

Récit très personnel, ce roman graphique revient beaucoup sur la formation de l’individu, la construction de soi. L’enfance, l’adolescence et la jeune vie d’adulte sont ici exposées dans leurs vérités et leurs contradictions. Nous sommes tous le fruit de notre éducation et du rapport à la famille. Marjane Satrapi décortique cela avec une justesse de ton délicate et non dénuée d’autodérision. À travers des chapitres plutôt courts avec une thématiques ou un événement comme fil conducteur à chaque fois, on assiste à son éveil sur des questions et problématiques qui nous ont tous touchés : sa place auprès de ses parents, ses rapports avec sa grand-mère (un de mes personnages préférés), les copains, l’amour naissant, l’école entre autres... une certaine universalité en découle avec le développement de l’individu dans ses oppositions, ses questionnements mais aussi ses rapprochements et son identification.

1

Et puis, c’est aussi un récit sur l’Iran vu par le prisme d’une petite fille qui rêve de s’émanciper d’une société aux restrictions sévères qui ne lui conviennent plus. La place de la femme avec un focus sur le voile à de nombreuses reprises, la répression à laquelle elle peut assister (arrestations arbitraires, personnes qui disparaissent, manifestations durement réprimées). Les régimes se succèdent mais les injustices perdurent et cela hérisse le poil d’une jeune Satrapi déjà éprise de liberté et qui détone en classe parfois ou lors d’échanges / soirées avec ses amis. Mais l’Iran ce sont aussi des coutumes, des légendes, une manière de voir la vie que l’auteure aborde dans certaines planches, donnant à voir un visage méconnu de ce pays trop souvent caricaturé. Car les iraniens sont aussi le produit d’une longue Histoire, de traditions plurimillénaires qui n’ont strictement rien à voir avec le régime autoritaire que l’on connaît que trop bien. Cérémonie de mariage, comportement à adopter avec des invités, références culturelles (romanciers à succès, cinéma, arts divers) et pléthore d’éléments donnent à voir un pays dans toute sa complexité. C’est très intéressant et enrichissant.

2

Quand elle devra partir à l’étranger pour aller à l’école et trouver sa voie professionnelle, le récit se fait encore plus intimiste et  Marjane Satrapi va devoir se débrouiller quasiment seule car sa famille est restée au pays. La pension, la barrière de la langue dans un premier temps, les rencontres avec des jeunes de son âge de cultures complètement différentes (j’ai beaucoup aimé son passage chez Julie quand elle y habite un moment) mais aussi les préjugés, le racisme et toutes les difficultés d’intégration auxquelles elle est confrontée. Ce passage de sa vie fait écho à la première partie et contribue à densifier un parcours de vie chaotique mais toujours tourné vers l’après, la volonté de s’en sortir malgré des moments très difficiles. Elle connaît tour à tour la rue, les petits boulots, les clashs avec une proprio acariâtre, le vide existentiel. Mais le destin finira par lui sourire et lui permettra de faire la carrière que l’on sait.

3

Le lecture de Persépolis fut vraiment réjouissante avec un dessin qui fait mouche, un rythme qui ne se dément jamais malgré des cases bien remplies et des informations qui pullulent. Alliant à merveille le récit intimiste et la narration documentaire, voici un ouvrage génial et totalement essentiel. À lire absolument !

Publicité
Publicité
Commentaires
L
J'avais vu le film et beaucoup aimé, tu me rappelles qu'il faut que je l'emprunte à la bibliothèque. <br /> <br /> A chaque fois que je vois le dessin en noir et blanc, je pense à un autre album, magnifique, "Le piano oriental" de Zeina Abirached, mais dans une tout autre thématique, même si on reste en Orient.
Répondre
Publicité
Suivez-moi
Archives
Publicité