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Le Capharnaüm Éclairé
22 avril 2021

"Blankets" de Craig Thompson

L’histoire : Craig est né dans une famille modeste. Il vit avec ses parents et son petit frère dans une petite ferme au fin fond du Wisconsin, et reçoit une éducation stricte et très religieuse, car sa famille est baptiste et très pratiquante. C'est un enfant sensible, qui n'est pas armé pour les brimades subies à l'école, l'autorité rugueuse de son père et la culpabilité entretenue par l'omniprésence de la religion au foyer. Il se réfugie dans le dessin, activité dérisoire pour ses éducateurs qui préfèreraient le voir penser à un avenir religieux. Mais lors d'une classe de neige paroissiale, la rencontre de son premier amour Raina, jeune fille à l'histoire tout aussi chargée, va marquer sa vie.

 

La critique de Mr K : Superbe lecture qui touche au sublime aujourd’hui avec ce roman graphique autobiographique de haute volée. Blankets de Craig Thompson est un ouvrage d’une grande finesse qui présente merveilleusement le parcours d’un adolescent dans sa découverte du sens de la vie, sa confrontation avec le milieu dans lequel il a grandi et la marche à franchir pour passer à l’âge adulte. Très beau esthétiquement, dynamique dans sa narration, voila un ouvrage magnétique de plus de 580 pages qui vous happe et ne vous relâche jamais.

 

Craig est un adolescent et en tant que tel, il a l’âge des questions, de la construction de sa personnalité et de l’affirmation de soi. Élevé de manière traditionnelle, il vit dans les pas du Christ et fréquente des établissements et camps chrétiens. Passionné de dessin, plutôt introverti, il a peu d’amis voire pas du tout. Régulièrement sujet aux moqueries pour son physique filiforme, ses cheveux longs et sa sensibilité, il se replie dans la foi et le dessin. Il ne remet jamais rien en question, passe beaucoup de temps avec son jeune frère avec qui il partage un lit et mène sa barque comme il peut. Pour le reste il s’en remet à Dieu.

 

C’est à la faveur d’un camp de vacances chrétien à la période de Noël qu’il va faire une rencontre qui va bouleverser son existence. Elle s’appelle Raina, elle est la plus belle femme qu’il ait pu contempler jusqu’ici et il en tombe éperdument amoureux. Marginaux parmi l’attroupement de mômes décérébrés et inconséquents, ils discutent de tout et de rien, se regroupent avec d’autres jeunes mis au ban car différents (par leur look, leur manière de penser). Entre Craig et Raina, c’est comme une évidence, tout coule de source, l’entente est parfaite, ils se plaisent et se reconnaissent. Mais tout à une fin, ils entament alors une correspondance puis vont se revoir. Mais un premier amour n’est pas fait pour durer et la vie emprunte bien souvent des chemins tortueux...

 

calin

 

Quel beau portrait de la jeunesse, de ses espoirs, ses doutes, ses illusions aussi... Je dois vous confier que je me suis pas mal retrouvé en Craig avec notamment sa sensibilité exacerbée lors de ses premiers émois amoureux. Il reste focalisé sur la belle Raina, sa manière de parler, de bouger, la chaleur qu’elle dégage. Autant de détails qui prennent une grande importance et auxquels on repense quand on revient seul à la maison et que l’être chéri vous manque. L’essence de cette fascination est remarquablement captée et retranscrite ici. Cette relation unique l’est vraiment et l’on se prend à croire qu’elle va s’enraciner, se fortifier avec le temps dans une fusion complète enrichissante. Ces aspirations, ressentis et moments d’euphorie séduisent et emportent le lecteur vers des territoires lointains, des souvenirs jusque là enfouis et qui ressurgissent à la faveur de cette très belle lecture.

 

Blankets est aussi un beau portrait familial et un beau portrait de communautés américaines des années 80. Avec tout d’abord l’omniprésence du Christ, de la religion et de la foi. Dans cet état reculé, au milieu d’un hiver qui semble ne jamais finir, chacun vit sa foi à sa manière. Pour Craig, le doute commence à s’insinuer mais il n’ose pas l’exposer à ses proches et dans les institutions chrétiennes, c’est le genre de luxe qu’on ne peut pas se payer. La tension se crée et tout en finesse, on s’interroge sur les mystères de la foi, de la nature de la croyance et des moyens mis en œuvre pour la propager et conserver les brebis dans le cénacle. Il est donc aussi question d’évangélisation, de valeurs à partager mais qui parfois écrasent aussi et marginalisent certains.

 

paria

 

J’ai beaucoup aimé aussi les flashback du narrateur sur ses jeunes années avec son frère notamment et les coups pendables qu’ils ont pu se faire. La bataille de pipi est à hurler de rire, les sales blagues et autres peurs enfantines distillées ici et là font sourire et parfois aussi frémir quand le paternel vient sévir après un délire de trop. L’éducation est rude, fondamentaliste par certains aspects mais il y a de l’amour tout de même et l’auteur décrit à merveille cette alchimie unique et complexe entre moments de joies mais aussi réticences et incompréhensions. C’est la vraie vie qui nous est décrite ici, on ne tombe jamais dans la facilité, les tabous tombent ainsi que les icônes au sens propre comme au sens figuré.

 

gosses

 

C’est avec un grand plaisir et un intérêt constant que l’on suit Craig dans son apprentissage de la maturité et sa révélation à lui-même. Le tout est magnifiquement mis en image avec des dessins à la fois beaux, précis et emprunts parfois de poésie. Le jeune homme a bien eu raison de persévérer dans cette voie, de ne pas être rentré dans les Ordres comme cela avait été plus ou moins planifié par ces éducateurs du clergé car cet ouvrage est de tout premier ordre et l’on peut définitivement le qualifier de classique tant il se révèle épatant et profond. Une sacrée découverte que je dois une fois de plus à l’ami Franck et que je vous invite à faire au plus vite à votre tour.

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Commentaires
L
Je suis allée voir mon billet sur mon blog pour me rappeler ce que j'en avais pensé... parce qu'en fait je n'en garde pas grand souvenir 5 ans après, sauf pour les dessins. Pourtant, j'avais bien aimé apparemment !
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