"Jolies ténèbres" de Fabien Vehlmann et Kerascoët
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L’histoire : Ce récit qui ressemble à un conte pour enfants met en scène le monde du petit peuple de la forêt. Mais derrière l’apparence d’un univers merveilleux se dissimulent parfois la peur et la méchanceté...
La critique de Mr K : Dur dur d’écrire une chronique sur cet ouvrage qui m’a été prêté par l’ami Franck. Non que je ne sache pas quoi en penser, vous allez voir je l’ai trouvé top, mais c’est difficile d’en parler sans vraiment déflorer le sujet et l’arc narratif. Jolies ténèbres de Fabien Vehlmann et Kerascoët ne laisse personne indifférent. Quand on parcourt le web, les avis sont tranchés. Tous reconnaissent les qualités esthétiques de cette BD hors norme, ce qui heurte est plutôt la teneur des propos. Certains adhèrent (et adorent souvent), d’autres n’ont même pas fini leur lecture, choqués par le parti-pris et l’aspect glauque de l’ouvrage.
En gros, l’action se déroule dans un petit coin de nature. On suit toute une série de petits personnages de la forêt (lilliputiens pour l’essentiel) qui se retrouvent lâchés à là suite d'un événement dramatique (je n’en dirai pas plus à son propos car il est au centre de tout le reste). Ils doivent donc se débrouiller pour se fabriquer des refuges et subvenir à leurs besoins. On suit tout particulièrement Aurore, jeune fille toujours souriante et aidante qui apporte son assistance à tout le monde. Le temps file et elle va peu à peu se rendre compte de la nature de chacun et leur propension à ne penser qu’à eux-même. Tout finira forcément mal...
Cette œuvre est vraiment ambivalente car elle mélange à la fois le conte enfantin et le récit glauque dans un parcours initiatique. Comme justement annoncé en quatrième de couverture, il y a du Lewis Carroll et du Lynch dans cet ouvrage qui vire parfois dans le macabre le plus noir, le malsain même, tant on est déstabilisé par certaines cases où le glauque et le cynisme se mêlent joyeusement. Et pourtant, la plupart du temps, on a plus affaire à un conte de fée des plus classiques. Figures tutélaires, animaux de la forêt, actes héroïques sont au rendez-vous d’un survival touchant au merveilleux.
Mais l’ouvrage n’est en fait qu’un gigantesque prétexte pour nous parler de nous les humains et plus particulièrement de nos jeunes années notamment dans notre tendance à l’individualisme et à la cruauté. On ne peut énumérer tous nos vices qui sont ici révélés par ces petits personnages d’apparence toute mignonne mais il est beaucoup question de discrimination, d’inégalité aussi avec certains personnages dont le pouvoir aveugle le bon sens et mène à des actes innommables, des réactions finalement très enfantines... Mais les enfants ne sont-ils pas cruels ? Récit très dur, il faut avoir le cœur bien accroché pour aller au bout de cette aventure qui ne ressemble à aucune autre et qui changera à jamais la douce Aurore.
Le contraste est d’autant plus fort que le dessin et les couleurs font irrémédiablement penser à un livre pour enfants, ce qu’il n’est absolument pas. Faites gaffe donc, ne déconnez pas et gardez-le bien pour vous, adultes réfléchis ! Les âmes sensibles aussi peuvent passer leur chemin... Restent des dessins vraiment magnifiques avec des explosions de couleur, un naturalisme qui prend aux tripes et des personnages remarquablement caractérisés... et des cases plus dures qui m’ont marqué à jamais. On passe finalement très facilement du rêve, de l’onirisme au cauchemar le plus profond. Cet aspect dual est redoutable et m’a littéralement hypnotisé, conquis même si Jolies ténèbres ne plaira pas à tout le monde. À chacun de décider de tenter l’expérience ou non.