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Le Capharnaüm Éclairé
30 janvier 2021

"La Boîte à écriture" de Milorad Pavic

L’histoire : Le roman s'inspire des boîtes marines datant du 19ème siècle. Ces boîtes, que l'on trouvait sur les bateaux, servaient à conserver pistolets, objets précieux, boussoles et journal de bord. L'auteur qui à la fin du XXe siècle en achète une à un "garçon de café" de Buda au sourire énigmatique, utilise cette boîte comme un petit coffre pour y déposer ses histoires. Dans chaque tiroir se trouve un chapitre.

 

La critique de Mr K : Aujourd’hui, je vais vous parler d’une lecture à la saveur toute particulière, une expérience à part qui titille la matière grise et en même temps notre imagination à plus d’un titre. La Boîte à écriture de Milorad Pavic est plus qu’un simple ouvrage, c’est un objet-livre dont le concept étonne et détone.

 

L’auteur s’est amusé à reproduire une boîte marine sous forme de livre. Ces boîtes étaient utilisées dans le milieu marin et servaient à déposer ses effets et courriers notamment chez les marins au long cours : objets du quotidien, petites richesses intimes et courriers y trouvaient leur place et constituaient une sorte de jardin secret pour leur propriétaire. Au fil des pages de cet ouvrage, des différentes parties qui le constituent, nous allons de découvertes en découvertes en ouvrant tous les compartiments de la boîte et en prenant connaissance de leurs contenus.

 

 

Que de trésors et de secrets sont enfermés dans ce coffret ! Des objets divers comme une pipe, un couteau, une pièce de monnaie ou encore une pincée de sable, une bande magnétique, un extrait de journal, des lettres, des cartes postales, des confidences, des pages de livre arrachés sont donnés à lire au lecteur avec au départ des liens plus que ténus entre eux. On se laisse donc entraîner dans une espèce de jeu de piste orchestré de fort belle manière par un auteur espiègle grand amateur de jeux d’écriture.En effet, Milorad Pavic a déjà fait paraître des livres en forme de miroir, jeux de tarot ou encore de mots croisés. Moi qui suis adepte d’ateliers d’écriture, ce genre de démarche m’interpelle et me touche et l’on peut dire qu’avec cette boîte à écriture il a su me séduire. En effet, cet OLNI (Objet Livresque Non Identifié) est une ode à la lecture différenciée, à la curiosité et l’accroche est immédiate.

 

 

Tout commence par l’acquisition de ladite boîte avec une première description sur son aspect extérieur, ses serrures. Puis on consulte les documents avec à chaque fois en préambule une description précise du compartiment, sa taille, son aspect dans un style délicat entre préciosité et poésie. Ainsi, on passe du coq à l’âne avec un passage narratif (les cartes postales) où l’on suit deux sœurs dans un magasin de fourrure et dont les conversations s’orientent vite sur le mariage, les amants, le changement de vie. On écoute ensuite les sept mélodies d’une boîte à musique puis dans un manuscrit on suit la trajectoire d’une femme qui reprend ses études. On alterne ensuite les souvenirs d’un amateur de cuisine, les différentes leçons pour oublier une langue par un soldat repenti et d’autres récits, écrits variés qui complètent le contenu de la boîte et que vous découvrirez par vous-même. Derrière cet amas d’éléments divers, il est question une fois de plus de notre nature profonde, de nos aspirations : identité personnelle, sociale aussi, d’amour et de plaisir, de quête de soi et de bonheur.

 

 

Au fil de notre lecture, des liens se créent bien évidemment, des personnalités émergent en se moquant du format, de la temporalité aussi. La gymnastique intellectuelle qui en découle est vraiment jubilatoire, on se prend au jeu et l’ensemble prend vraiment une belle ampleur. La convergence des récits, des objets et de nos ressentis provoque une émotion étonnante, à fleur de mots. Très poétique dans son approche mais aussi parfois sa forme, l’édition est magnifique de par son parti pris qui joue le jeu de l’inventivité et de l’originalité. Couleurs, police de caractère, entremise de l’iconographie sont autant d’effet qui fonctionnent à plein et conjugue inventivité et partage.

 

 

Je n’ai jusqu’alors jamais lu un livre comme celui-ci. Sa forme, qui est loin d’être un artifice, contribue à ce voyage littéraire vraiment hors norme, délicat et profond. "La Boîte à écriture" de Milorad Pavic est un petit bijou à découvrir au plus vite !

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Commentaires
M
Savez-vous qu'il y a un nouveau Pavic dans les librairies? EXEMPLAIRE UNIQUE vient de sortir aux Editions Les Monts Métallifères. J'espère qu'il attirera votre attention. C'est un polar onirique où le diable n'est jamais loin. Voici un petit extrait: <br /> <br /> <br /> <br /> » Lorsque vous attrapez un oiseau, ce n’est pas une moitié de cet oiseau que vous attrapez, ou un quart, mais l’oiseau entier, peu importe sa taille. C’est pareil avec les rêves : je peux attraper votre rêve en entier ou pas du tout, peu importe sa longueur. Dans l’intemporel plane aussi cette partie de votre rêve, sa suite que vous ne rêverez jamais, mais qui est déjà là comme les pattes ou la queue sur l’oiseau. Un autre exemple : tout comme les cheveux et les ongles continuent de pousser après la mort, les rêves continuent après la mort, bien qu’ils n’aient pas été rêvés jusqu’au bout pendant la vie. »
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M
QUI A TUE TIMOTHEE, LE HEROS DE "LA BOITE A ECRITURE" ?<br /> <br /> Les lecteurs de Milorad Pavic qui ont entre leurs mains son dernier roman LA BOITE A ECRITURE ont remarqué qu’il y avait un petit texte, imprimé sur du papier vert, en supplément du livre. A la fin de ce petit texte, Griotte au noyau d’or, est écrit : Dans ce crime, j’ai un complice. C’est toi qui te trouves dessiné au dos de l’icône du diable. Toi, qui a déjà lu, dans La boîte à écriture, le nom interdit : - - - - - - - - - - - - - - - - - - -<br /> <br /> Pour découvrir ce nom mystérieux, je vous invite à vous rendre sur mon site :<br /> <br /> <br /> <br /> https://mariabejanovska.wordpress.com/2021/04/23/lenigme-de-la-boite-a-ecriture/
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M
Merci pour cette belle critique ! Ce livre ne serait pas accessible aux lecteurs français sans sa traduction. Je n'ai pas vu mon nom dans votre article. Cordialement, Maria Béjanovska.
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N
Absolument génial ! Il me le faut et en plus cela me donne plein d’idées :-) Aaaahhhh je vais devoir attendre mardi !
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