"Les contes macabres" d'Edgar Allan Poe illustrés par Benjamin Lacombe
Le contenu : Quelque chose de profond et de miroitant comme le rêve, de mystérieux et de parfait comme le cristal ! Un vaste génie, profond comme le ciel et l'enfer !
Charles Baudelaire à propos de l'œuvre de Poe.
La critique de Mr K : Quel bel ouvrage et quelle lecture à laquelle je vous convie aujourd’hui ! Benjamin Lacombe est un dessinateur / illustrateur que Nelfe affectionne beaucoup, je lui ai offert par le passé le diptyque d’Alice de Lewis Carroll et les deux volumes de Notre Dame de Paris de Victor Hugo. Magnifiquement illustrés, bien reliés, voila des livres qui relèvent quasiment de l’œuvre d’art. C’était donc à mon tour de me frotter à la bête avec Les contes macabres d’Edgar Allan Poe, un auteur culte à mes yeux et qui m’a procuré mes premiers frissons de jeune lecteur. J’ai dévoré cette remise au goût du jour aussi sombre dans le contenu que belle par son esthétique.
Huit nouvelles du maître sont réunies dans ce volume (il existe un deuxième volet): Bérénice, Le Chat noir, L’Île de la fée, Le Cœur révélateur, La Chute de la maison Usher, Le Portrait ovale, Morella et Ligeia. L’excellente idée fut de rajouter en fin de tome l’article de Charles Baudelaire Edgar Poe, sa vie, son œuvre (rappelons que le poète a été le premier traducteur officiel de Poe avec Mallarmé, excusez du peu !) Enfin, on retrouve des notes et notices, biographies et bibliographies sur les différents auteurs avec un luxe de détails tout à l’honneur de cette édition.
Quel délice que de redécouvrir des textes qui m’ont tant séduit par le passé et ont forgé mon esprit de lecteur. Certaines histoires sont restées bien fraîches dans mon esprit comme Le Chat noir, La Chute de la maison Usher ou encore Bérénice, d’autres se sont avérées être des textes que je n’avais jamais lu. Quelle claque à chaque fois !
La mort encore et toujours hante ces pages. Obsessions, maladie mentale et esprits en perdition, figures féminines livides, souffreteuses et maladives, meurtres pulsionnels, perte de repères et de la réalité, la culpabilité qui vous ronge et la folie galopante... Un désespoir profond transpire de ces pages, une mélancolie macabre et poisseuse où tout lecteur qui passe inopinément (ou non) par là se voit happer par l’ambiance crépusculaire distillée avec un savant dosage de poésie et de préciosité, signe reconnaissable entre tous de l'écriture si particulière d'Edgar Allan Poe. Le style provoque toujours autant la curiosité pour ne pas dire la fascination, nous plongeant dans des univers fantastiques où l’inconnu se révèle au dernier moment entre gouffres psychiques et hallucinations incontrôlées. Et dire que ces textes ont déjà plus d’un siècle et demi. Des auteurs comme cela, on n’en fait pas deux !
Le gros choc est venu surtout de l’article de Baudelaire reproduit dans son intégralité en fin d‘ouvrage. Il revient sur la vie tumultueuse d’Edgar Allan Poe, c’est d’ailleurs lui qui va contribuer à le faire connaître en France auprès du public. Il y a beaucoup de points communs entre ces deux figures, poètes maudits chacun à sa manière, à la recherche de l’inspiration dans les paradis artificiels avec une propension forte à l’alcoolisme chez Poe qui finira par succomber à une crise de Delirium Tremens. L’article est passionnant, complet, remarquablement écrit (le style en prose de Baudelaire convient parfaitement à l’entreprise) et très éclairant.
Pour accompagner ce voyage crépusculaire, Benjamin Lacombe nous tient la main de fort belle manière. Son style n’est plus à présenter, les illustrations rivalisent de beauté et de poésie. Quitte à verser dans le blasphème, j’ai trouvé certaines images un peu sages par rapport aux lignes qu’elles illustrent, le côté folie profonde, possession, les pulsions de mort et de meurtre ne sont pas forcément rendues de manière bien "mad". Certes l’ouvrage s’adresse à un public élargi mais parfois j’ai trouvé que l’on versait dans une certaine mièvrerie. C’est dommage car le talent est immense mais peut-être correspond-t-il plus aux ouvrage suscités auparavant (notamment l’univers de Lewis Carroll).
Je ne boude pourtant pas mon plaisir, on passe un merveilleux moment et quand on referme l’ouvrage, on n’a qu’une envie : retourner fureter dans l’œuvre de Poe et redécouvrir d’autres textes ainsi que ceux de Charles Baudelaire. Voici mes premières résolutions littéraires pour 2021.