"Souvenirs de la troisième guerre mondiale" de Michaël Moorcock
Le contenu : Michael Moorcock est né à Londres en 1939. Écrivain autodidacte, il acquiert sa notoriété avec le personnage d'Elric le Nécromancien, auquel il consacre une suite romanesque prenant à contre-pied les poncifs de l'heroic-fantasy. Les trois nouvelles de Souvenirs de la troisième guerre mondiale, rassemblées ici pour la première fois en volume, sont, pour deux d'entre elles, inédites en français.
La critique de Mr K : C’est un tout petit ouvrage de 95 pages que je vous invite à découvrir aujourd’hui avec Souvenirs de la troisième guerre mondiale de Michael Moorecock, un auteur qu’on ne présente plus aux fans de fantasy. Figurez-vous qu’ici, il change de crèmerie en offrant trois courtes nouvelles aux confins de l’anticipation et de la dystopie en imaginant une terre livrée à un nouveau conflit planétaire.
Ces trois nouvelles ont pour même protagoniste principal Tim Dubrowski, espion du KGB dans trois phases de sa vie professionnelle plutôt mouvementée. Sous fond de tensions internationales qui vont se dégradant de récit en récit, on le suit tour à tour comme espion / taupe, puis comme agent et finalement combattant de terrain. Froid et efficace, on le sent parfois fébrile et pas forcément en adéquation avec les ordres qu’il peut recevoir. Tueur de sang froid, on le découvre aussi amoureux dans une seconde nouvelle plus intimiste sous fond de guerre qui se généralise.
À part dans la troisième nouvelle, l’auteur axe donc énormément ses courtes histoires sur le personnage en lui-même ce qui permet d’offrir de belles pages sur l’humanité dans toute sa complexité. Concis et économe en mots, on gagne en puissance et en évocation notamment à propos d’une certaine vacuité de l’âme. Intéressant et surprenant. L’engagement pour une cause que l’on remet en question à l’occasion, les femmes et l’amour au travers de portraits incisifs de filles de joie rencontrées dans la cadre du travail, les atermoiements des supérieurs et toute une palanquée de situations basiques donnent à lire une critique acerbe du genre humain et de sa bêtise.
Le troisième récit est moins intimiste. On est plongé en plein conflit en compagnie du héros envoyé au Cambodge dans une compagnie de cosaques. On a l’impression d’être plongé dans un film sur le Vietnam avec une opération ratée et une fuite en avant qui ne peut que mener nulle part. La guerre est évoquée frontalement, sans fioriture avec un luxe de descriptions aussi courtes que judicieuses. On ressent une tension permanente et forte, de celle qui paralyse le jeune appelé qui va au front pour la première fois. Quoi de mieux pour mieux dénoncer la guerre et son cortège d’atrocité dans une ambiance plus que pesante où la menace peut venir de n’importe où ? Dans un style différent des deux premiers récits, celui-ci fait lui aussi mouche mais dans un autre registre.
Vous l’avez compris ce petit opus est une belle réussite qui donne envie de découvrir encore plus cette façade plus branchée SF prospective d’un l’auteur dont je n’avais lu jusque là que la partie fantasy. Je vais creuser cette facette de l’œuvre de Moorcock dans les mois et années à venir !
Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Le Cycle d'Elric
- La Légende de Hawkmoon